La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2013 | FRANCE | N°12VE03181

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 17 septembre 2013, 12VE03181


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août 2012 et 29 avril 2013, présentés pour M. C... A..., demeurant..., par Me Montagnier, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1204354 du 13 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2012 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé de le placer en rétention et a fixé le pays de destination de sa reconduite ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enj

oindre au préfet de l'Essonne de procéder à un réexamen de sa situation en vue de sa régularisa...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août 2012 et 29 avril 2013, présentés pour M. C... A..., demeurant..., par Me Montagnier, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1204354 du 13 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2012 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé de le placer en rétention et a fixé le pays de destination de sa reconduite ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de procéder à un réexamen de sa situation en vue de sa régularisation au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

M. A...soutient :

- que l'arrêté a été signé par une autorité incompétente et que la délégation de signature n'est ni exhaustive ni précise ;

- qu'il n'est pas suffisamment motivé et se borne à mentionner sa situation administrative ;

- que, lors de la procédure administrative, M. A...n'a pas eu d'interprète ; que le magistrat d'Evry, dans son jugement du 14 juillet 2012, a relevé que l'intéressé ne maîtrisait pas suffisamment la langue française pour se voir notifier un acte sans interprète ; qu'en revanche, l'arrêté du préfet de l'Essonne du 12 juillet 2012 ne le mentionne pas et que, de ce fait, la procédure est nulle ;

- que l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'il possède une promesse d'embauche et peut se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que la directive retour CE 2008/115 n'a pas été correctement appliquée ; qu'elle impose une gradation des mesures d'éloignement, ce qui a été confirmé par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne Achughbabian ; que le placement en rétention est la dernière mesure à envisager car c'est la plus coercitive ;

- que s'agissant de la décision fixant le pays de retour, le préfet de l'Essonne l'a entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

..........................................................................................................

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 30 août 2013, le rapport de Mme Belle, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant bangladais, relève appel du jugement du 13 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2012 par lequel le préfet de l'Essonne l'a placé en rétention administrative, en conséquence de l'interdiction du territoire français prononcée par le juge judiciaire le 21 avril 2010 pour une durée de cinq ans, à la suite de sa nouvelle incarcération intervenue le 20 avril 2012, l'intéressé ayant été libéré le 10 juillet 2012, et l'a reconduit à destination de son pays d'origine ;

Sur la légalité externe des décisions attaquées :

2. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 31 août 2011 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de l'Essonne, le préfet de l'Essonne a accordé à Mme D...B..., directrice de l'immigration et de l'intégration, délégation de signature pour signer toute décision relative à ses attributions, sous réserve de certaines exceptions dont les arrêtés de placement en rétention ne font pas partie ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence alléguée du signataire de l'acte doit être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, que, la décision de placement en rétention mentionne l'état-civil de M. A...et sa nationalité et les circonstances essentielles de sa situation, soit le fait que la mesure découle d'une interdiction du territoire d'une durée de cinq ans, adoptée le 21 avril 2010 et que la mesure d'éloignement ne peut être immédiatement exécutée ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée en fait ;

Sur la légalité interne de la décision de placement en rétention administrative :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal " ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement. L'étranger est informé dans une langue qu'il comprend et dans les meilleurs délais qu'à compter de son arrivée au lieu de rétention, il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin. Il est également informé qu'il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix. (...) Lorsque l'étranger ne parle pas le français, il est fait application des dispositions de l'article L. 111-7. " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 111-7 dudit code : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente ou de placement en rétention et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien ou de placement. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., lors de ses auditions par les services de police, a indiqué qu'il comprenait le français et s'est exprimé en français ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et n'est du reste pas contesté, qu'il a été donné lecture au requérant de ses droits en rétention ; qu'il ressort des mentions du registre de rétention prévu à l'article L 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du 10 juillet 2012 que lecture en a été faite par l'officier de police judiciaire à 10 heures 46 et que l'intéressé a déclaré comprendre le français ; qu'ainsi, la circonstance que le juge judiciaire saisi par le préfet de l'Essonne d'une demande de prolongation de rétention au-delà de cinq jours ait jugé le 14 juillet 2012 que cette rétention ne saurait être prolongée, motif pris de ce que l'intéressé aurait indiqué de ne pas comprendre le français, ni la complexité de le procédure et n'aurait pas pu obtenir la présence d'un interprète, est sans incidence sur la décision de rétention adoptée le 10 juillet 2012 et ne saurait entacher d'irrégularité la procédure ayant conduit à son adoption ;

6. Considérant, d'autre part, que M. A... qui avait déclaré être sans domicile fixe lors de son entrée en détention le 29 avril 2012, n'établit pas qu'il aurait justifié le 10 juillet 2012 de garanties de représentation suffisantes ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait dû, à sa sortie de détention, faire l'objet d'une assignation à résidence ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que M. A... n'établit pas la réalité de sa présence habituelle en France depuis 2008, ni l'intensité de sa vie familiale sur le territoire national ; que la seule production d'une promesse d'embauche n'implique pas que ces stipulations auraient été méconnues ni davantage la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, ces dernières dispositions ne permettant pas l'attribution d'un titre de plein droit et M. A...n'en ayant pas demandé le bénéfice, la circonstance alléguée qu'il remplirait les conditions pour en bénéficier, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté de rétention attaqué qui, au surplus, découle de l'interdiction du territoire dont il a fait l'objet ;

8. Considérant enfin qu'aux termes de l'article 8 de la directive européenne susvisée du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " (...) 4. Lorsque les États membres utilisent-en dernier ressort-des mesures coercitives pour procéder à l'éloignement d'un ressortissant d'un pays tiers qui s'oppose à son éloignement, ces mesures sont proportionnées et ne comportent pas d'usage de la force allant au-delà du raisonnable. Ces mesures sont mises en oeuvre comme il est prévu par la législation nationale, conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de la dignité et de l'intégrité physique du ressortissant concerné d'un pays tiers " ; qu'aux termes de son article 15 : " 1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque: / a) il existe un risque de fuite, ou / b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d 'éloignement. Toute rétention est aussi brève que possible et n' est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. / 2. La rétention est ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires. La rétention est ordonnée par écrit, en indiquant les motifs de fait et de droit. Si la rétention a été ordonnée par des autorités administratives, les États membres: / a) soit prévoient qu'un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention, / b) soit accordent au ressortissant concerné d'un pays tiers le droit d'engager une procédure par laquelle la légalité de la rétention fait l'objet d'un contrôle juridictionnel accéléré qui doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du lancement de la procédure en question. Dans ce cas, les États membres informent immédiatement le ressortissant concerné d'un pays tiers de la possibilité d'engager cette procédure. Le ressortissant concerné d'un pays tiers est immédiatement remis en liberté si la rétention n'est pas légale. / 3. Dans chaque cas, la rétention fait l'objet d'un réexamen à intervalles raisonnables soit à la demande du ressortissant concerné d'un pays tiers, soit d'office. En cas de périodes de rétention prolongées, les réexamens font l'objet d'un contrôle par une autorité judiciaire. / 4. Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d 'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté. / 5. La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu'il est nécessaire de garantir que l'éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois. / 6. Les États membres ne peuvent pas prolonger la période visée au paragraphe 5, sauf pour une période déterminée n'excédant pas douze mois supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs efforts raisonnables, il est probable que l'opération d'éloignement dure plus longtemps en raison: / a) du manque de coopération du ressortissant concerné d'un pays tiers, ou / b) des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires. " ;

9. Considérant que, si le requérant soutient que les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui ont été appliquées ne seraient pas conformes aux dispositions de la directive communautaire précités, les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contrairement à ce que soutient M.A..., ne permettent pas à l'autorité administrative de recourir, sans appréciation des faits de l'espèce, à une mesure de rétention administrative, en cas de mise à exécution d'une mesure d'éloignement en exécution d'une interdiction judiciaire du territoire, mais encadrent précisément les hypothèses dans lesquelles une telle mesure peut être prise par l'autorité administrative ; que M. A...n'est donc pas fondé à exciper de l'inconventionnalité des dispositions qui lui ont été appliquées ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. A...au seul motif que l'intéressé n'aurait, selon ses dires, plus aucune attache dans son pays d'origine dès lors qu'il ne se prévaut d'aucune circonstance qui ferait obstacle à son retour dans son pays d'origine ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction ensemble ses conclusions tendant au versement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées, par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

''

''

''

''

N° 12VE03181 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03181
Date de la décision : 17/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : MONTAGNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-09-17;12ve03181 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award