La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/03/2014 | FRANCE | N°13VE03044

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 mars 2014, 13VE03044


Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2013, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE qui demande à la Cour d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1304701 en date du 7 août 2013 par lesquels le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles, d'une part, a annulé les décisions du 5 août 2013 plaçant M. B...A...en rétention administrative et ordonnant sa remise aux autorités espagnoles, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cet examen ; >
Il soutient que :

- M. A...s'étant désisté de ses conclusions diri...

Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2013, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE qui demande à la Cour d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1304701 en date du 7 août 2013 par lesquels le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles, d'une part, a annulé les décisions du 5 août 2013 plaçant M. B...A...en rétention administrative et ordonnant sa remise aux autorités espagnoles, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cet examen ;

Il soutient que :

- M. A...s'étant désisté de ses conclusions dirigées contre l'arrêté de placement en rétention du 5 août 2013, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles était incompétent pour statuer sur les conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté de réadmission à la frontière et remise aux autorités espagnoles du même jour ;

- cet arrêté de réadmission en Espagne est parfaitement motivé ;

- M. A...a été informé de la procédure de prise en charge lors de ses présentations au guichet de la préfecture les 8 février, 14 mars, 9 avril, 3 juin et 5 août 2013, ainsi que par les mentions portées sur la décision de réadmission à la frontière du 5 août 2013 ; l'intéressé, qui avait été informé qu'il pouvait se faire assister pendant le déroulement de la procédure, n'a présenté aucune observation pour s'opposer à son retour en Espagne ;

- en tout état de cause, la décision de placement en rétention respecte les exigences de motivation des actes administratifs ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil de l'Union européenne du 18 février 2003 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2014 le rapport de M. Guiard, premier conseiller ;

1. Considérant que, le 5 août 2013, le PREFET DE L'ESSONNE a refusé d'admettre au séjour au titre de l'asile M. B...A..., ressortissant congolais né le 19 avril 1980, a décidé de remettre l'intéressé aux autorités espagnoles au motif que l'Espagne était responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'a placé en rétention ; que le PREFET DE L'ESSONNE fait appel des articles 2 et 3 du jugement du 7 août 2013 par lesquels le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé ses décisions de réadmission à la frontière et de placement en rétention et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...) " ; que, selon l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - (...) si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 (...), il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. (...) III - En cas de décision de placement en rétention (...), l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 776-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : (...) 6° Les décisions de placement en rétention (...) prévues à l'article L. 551-1 (...) du même code. Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre mesure d'éloignement prévue au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des arrêtés d'expulsion, présentées dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, contrairement à ce que soutient le PREFET DE L'ESSONNE, M. A...ne s'est pas désisté de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2013 décidant son placement en rétention ; que, dès lors, et en tout état de cause, le préfet n'est pas fondé à soutenir que, pour ce motif, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles n'était pas compétent, en application des dispositions précitées des articles L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-1 du code de justice administrative, pour statuer sur les conclusions d'annulation dirigées par M. A...contre l'arrêté décidant sa remise aux autorités espagnoles ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Considérant qu'aux termes du point 4 de l'article 3 du règlement susvisé du 18 février 2003 : " Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets. " ;

6. Considérant que M. A...a soutenu en première instance que, s'il a été convoqué à cinq reprises par les services de la préfecture de l'Essonne, ceux-ci ne lui auraient donné aucune explication sur le traitement de sa demande et que " ce n'est qu'une fois en centre de rétention que l'association France Terre d'Asile lui a expliqué ce qu'était le règlement Dublin " ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, alors que M. A...a déclaré, dans ses réponses à un questionnaire remis par l'administration et rempli le 8 février 2013, que sa seconde langue maternelle est le français, que l'intéressé a reçu, à la même date, une convocation écrite visant le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, indiquant qu'elle était délivrée " dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile ", et précisant que le préfet avait " saisi les autorités espagnoles d'une demande de prise en charge " de sa demande et que " si cet Etat reconnaît sa responsabilité dans l'examen de cette demande " il ferait " l'objet d'une remise exécutoire d'office aux autorités compétentes de cet Etat, à l'occasion [d'une] prochaine présentation à la préfecture " ; que la même convocation, qui confirme que M. A...a été reçu à cinq reprises par les services préfectoraux de l'Essonne, mentionnait en outre la date de saisine des autorités espagnoles, soit le 10 avril 2013 ; que, dans ces conditions, les dispositions du 4 de l'article 3 du règlement du 18 février 2013 n'ont pas été méconnues ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur la violation de ces dispositions pour annuler la décision de réadmission à la frontière du 5 août 2013 et, par voie de conséquence, la décision de placement en rétention du même jour ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de la décision de réadmission à la frontière :

9. Considérant, en premier lieu, que Mme D...C..., directrice de l'immigration et de l'intégration au sein de la préfecture de l'Essonne, bénéficiait en vertu d'un arrêté préfectoral du 22 mai 2013 publié le lendemain aux recueils des actes administratifs, d'une délégation l'habilitant à signer la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen tiré par M. A...de ce que la décision de réadmission à la frontière prise à son encontre serait entachée d'un vice d'incompétence manque en fait ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que la décision du PREFET DE L'ESSONNE de remettre M. A...aux autorités espagnoles et le courrier explicatif qui l'accompagnait comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision ; que le PREFET DE L'ESSONNE n'était pas tenu, pour motiver sa décision, de mentionner en détail la situation familiale de M.A..., ni de préciser les raisons pour lesquelles il n'entendait pas mettre en oeuvre la clause de souveraineté prévue par le 2 de l'article 3 du règlement du 18 février 2003 ; que, dès lors, le moyen tiré par M. A...de l'insuffisante motivation de la décision attaquée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée doit être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 : " 1. Les États membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'État membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " ; que selon l'article 15 dudit règlement : " 1. Tout État membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher des membres d'une même famille, ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet État membre examine, à la demande d'un autre État membre, la demande d'asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir. (...) " ;

12. Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier que le PREFET DE L'ESSONNE se serait abstenu d'examiner la possibilité de mettre en oeuvre la clause de souveraineté prévue par les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement du 18 février 2003 ; que, d'autre part, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, et notamment de l'avis du médecin de santé publique du 6 août 2013, que la présence de M. A...auprès des membres de sa famille résidant en France, et en particulier de sa soeur, serait indispensable ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 15 du règlement du 18 février 2003 doit être écarté ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 16 du règlement du 18 février 2003 : " 1. L'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 17 à 19, le demandeur d'asile qui a introduit une demande dans un autre État membre (...) " ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que celui-ci n'a pas pour objet de déterminer les critères au regard desquels est désigné l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, lesquels sont énoncés au chapitre III dudit règlement ; qu'il suit de là que M. A...ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions pour remettre en cause la désignation des autorités espagnoles comme " Etat membre responsable " de l'examen de sa demande d'asile en vertu du 1. de l'article 10 du règlement du 18 février 2003 ;

14. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 17 du règlement du 18 février 2003 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande d'asile a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut requérir ce dernier aux fins de prise en charge dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois après l'introduction de la demande d'asile au sens de l'article 4, paragraphe 2. (...) " ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, de la convocation du 8 février 2013, que l'administration a adressé aux autorités espagnoles une demande de prise en charge en vue d'examiner la demande d'asile de M. A...le 10 avril 2013, soit plusieurs semaines avant l'expiration du délai de trois mois mentionné à l'article 17 précité du règlement du 18 février 2003, lequel avait commencé à courir, en l'espèce, à compter du 4 février 2013, date à laquelle l'intéressé avait présenté sa demande d'asile en France ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'Etat espagnol n'aurait pas été requis " dans les plus brefs délais " au sens de l'article 17 ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention :

16. Considérant, en premier lieu, que Mme D...C..., directrice de l'immigration et de l'intégration au sein de la préfecture de l'Essonne, bénéficiait en vertu de l'arrêté préfectoral du 22 mai 2013 cité au point 9 ci-dessus, d'une délégation l'habilitant à signer la décision de placement en rétention en litige ; que, par suite, le moyen tiré par M. A...de ce que la décision attaquée serait entachée d'un vice d'incompétence, manque en fait ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de placement en rétention attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, elle satisfait aux exigences de motivation posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

18. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 (...) " ; que selon l'article L. 554-1 du même code : " un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ " ;

19. Considérant que M. A...a été placé en rétention administrative sur le fondement du 1° de l'article L. 551-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin d'être remis aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'était pas titulaire de documents d'identité ou de voyage, ni d'un droit à séjourner en Espagne ; que si M. A... se prévaut d'un certificat médical pour soutenir que son état de santé ne lui permettait pas de voyager, cette affirmation est contredite par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé émis le 6 août 2013 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne présentait pas un caractère nécessaire au regard du but poursuivi par cette mesure, doit être écarté ;

20. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (...) f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours. (...) " ;

21. Considérant, d'une part, que les stipulations précitées du f) du 1. de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'opposent pas au placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement en vue d'être remis aux autorités d'un Etat membre chargé de l'examen de sa demande d'asile ; que, d'autre part, l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limite la durée de la rétention administrative au " temps strictement nécessaire [au] départ " de l'étranger ; que, dès lors, le moyen tiré par M. A...de ce que les articles L. 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs au placement en rétention seraient contraires aux stipulations précitées du 1. de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au motif qu'ils instaureraient une " quasi-automaticité " du placement en rétention et qu'ils ne prévoiraient pas " lors du placement en rétention que le but de la mesure privative de liberté, l'éloignement, pourra être atteint dans les délais ", doit être écarté ;

22. Considérant, en cinquième lieu, que l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule également que : " 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. (...) " ;

23. Considérant que les articles L. 512-1 et L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient respectivement, d'une part, que le juge administratif peut être saisi d'une demande d'annulation d'une mesure de rétention dans les quarante-huit heures et que celui-ci doit au plus tard statuer dans les soixante-douze heures, d'autre part, que le juge des libertés et de la détention peut être saisi aux fins de prolongation de la rétention après l'écoulement d'un délai de cinq jours et qu'il doit statuer dans cette hypothèse dans un délai de vingt-quatre heures ; qu'en outre, par sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, le Conseil Constitutionnel a jugé que les dispositions de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, relatives à la rétention administrative et codifiées dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'étaient pas contraires à la Constitution sous réserve qu'elles soient interprétées comme imposant, lorsque l'étranger a été placé en rétention à l'issue d'une mesure de garde à vue, que la durée de cette garde à vue soit prise en compte pour déterminer le délai avant l'expiration duquel une juridiction de l'ordre judiciaire doit intervenir et que l'étranger privé de sa liberté soit effectivement présenté à un magistrat du siège après l'expiration d'un délai de sept jours à compter du début de la garde à vue ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne garantiraient pas un droit au recours devant un tribunal " afin qu'il statue à bref délai " compatible avec les exigences des stipulations précitées du 4 de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

24. Considérant, enfin, qu'aux termes du 4 de l'article 8 de la directive 2008/115/CE susvisée du 16 décembre 2008 : " Lorsque les États membres utilisent en dernier ressort des mesures coercitives pour procéder à l'éloignement d'un ressortissant d'un pays tiers qui s'oppose à son éloignement, ces mesures sont proportionnées et ne comportent pas d'usage de la force allant au-delà du raisonnable. Ces mesures sont mises en oeuvre comme il est prévu par la législation nationale, conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de la dignité et de l'intégrité physique du ressortissant concerné d'un pays tiers " ; que selon l'article 15 de ladite directive : " 1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque: a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. 2. La rétention est ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires. (...) " ;

25. Considérant, d'une part, que l'article L. 551-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son article L. 561-2 ne s'opposent pas à ce que les étrangers susceptibles d'être placés en rétention administrative fassent l'objet d'une mesure moins contraignante telle que l'assignation à résidence permettant d'assurer le respect de la mesure d'éloignement ; que, d'autre part, ainsi qu'il a été dit, l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limite la durée de la rétention administrative au " temps strictement nécessaire [au] départ " de l'étranger ; que, dans ces conditions, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au placement en rétention ne sont pas contraires au principe de proportionnalité garanti par les stipulations précitées des articles 8 et 15 de la directive du 16 décembre 2008 ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions du 5 août 2013 plaçant M. A...en rétention administrative et ordonnant sa remise aux autorités espagnoles, et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de cet examen ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1304701 du 7 août 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation des décisions de réadmission à la frontière et de placement en rétention en date du 5 août 2013, ainsi que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte sont rejetées.

''

''

''

''

N° 13VE03044 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE03044
Date de la décision : 04/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Portée des règles du droit de l'Union européenne - Règlements.

Étrangers - Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Olivier GUIARD
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : DJUNGA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-03-04;13ve03044 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award