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19/06/2014 | FRANCE | N°14VE00189

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 19 juin 2014, 14VE00189


Vu l'ordonnance en date du 6 janvier 2014, enregistrée le 20 janvier 2014 au greffe de la Cour, par laquelle la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a transmis à la Cour la requête présentée par M.B... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 6 décembre 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Ferdi-Martin, avocat ; M. B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1305297 en date du 4 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annu

lation de l'arrêté du

18 avril 2013 par lequel le préfet de la Seine-Sain...

Vu l'ordonnance en date du 6 janvier 2014, enregistrée le 20 janvier 2014 au greffe de la Cour, par laquelle la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a transmis à la Cour la requête présentée par M.B... ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris le 6 décembre 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Ferdi-Martin, avocat ; M. B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1305297 en date du 4 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

18 avril 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2° d'annuler ledit arrêté du 18 avril 2013 pour excès de pouvoir ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il réside en France de manière continue depuis 2009, pays où il est intégré et où se situe désormais le centre de ces intérêts personnels et professionnels, qu'il présente un contrat de travail simplifié, accompagné de fiches de paye en qualité de ripper, emploi qui figure sur la liste des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait lui opposer un refus de titre de séjour au seul motif qu'il ne produisait pas de visa de plus de trois mois ; ledit préfet s'est ainsi estimé en situation de compétence liée, sans faire usage de son pouvoir d'appréciation ;

- le préfet devait saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, conformément à la circulaire du 31 juillet 2009 relative à l'accord-cadre franco-tunisien ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation personnelle ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu la loi n° 2009-586 du 25 mai 2009 autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne ;

Vu le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 portant publication de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations (ensemble deux annexes) et du protocole en matière de développement solidaire (ensemble trois annexes) entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014, le rapport de

M. Luben, président-rapporteur ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né en 1981, a sollicité du préfet de la Seine-Saint-Denis, le 19 février 2013, son admission au séjour en qualité de salarié ; qu'il relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 avril 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; qu'aux termes de l'article 2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne susvisé : " (...) 2.3 : Migration pour motifs professionnels (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

3. Considérant, ainsi qu'il a été dit, que les articles 3 de l'accord franco-tunisien et 2.3.3 du protocole susvisé prévoient les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants tunisiens un titre de séjour en qualité de salarié ; que ces stipulations font dès lors obstacle à l'application aux ressortissants tunisiens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont le même objet ; qu'il suit de là que M. B...ne peut utilement se prévaloir desdites dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté litigieux ;

4. Considérant, toutefois, que les stipulations de l'accord franco-tunisien n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il appartient à cet égard au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ; qu'en l'espèce, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fondé son refus sur l'absence d'obtention d'un visa de long séjour et d'une autorisation de travail et sur le fait que l'emploi envisagé ne figurait pas dans la liste annexée au décret publiant l'accord cadre ; que, par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en rejetant la demande de M. B... pour ces motifs sans examiner, au titre de son pouvoir discrétionnaire, si ce dernier, en fonction de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, pouvait faire l'objet d'une mesure de régularisation, s'est cru à tort en situation de compétence liée et a ainsi entaché la décision litigieuse d'une erreur de droit ; qu'il s'ensuit que la décision litigieuse portant refus de titre de séjour en date du 18 avril 2013 et le jugement attaqué en date du 4 novembre 2013 du Tribunal administratif de Montreuil doivent être annulés ;

5. Considérant que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

7. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, et sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis procède au réexamen de la situation personnelle de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. B...de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 18 avril 2013 et le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 4 novembre 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 14VE00189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE00189
Date de la décision : 19/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : FERDI-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-06-19;14ve00189 ?
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