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22/09/2015 | FRANCE | N°15VE00884

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 22 septembre 2015, 15VE00884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 13 février 2014 par lequel LE PREFET DE L'ESSONNE lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1401300 du 10 mars 2015, le Tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés le 24...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 13 février 2014 par lequel LE PREFET DE L'ESSONNE lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1401300 du 10 mars 2015, le Tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M.A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés le 24 mars 2015, le 10 avril 2015, le

15 juin 2015 et le 22 juin 2015, LE PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Versailles du 10 mars 2015 ;

2° de condamner M. A...au paiement de la somme de 1 000 euros représentant les frais payés par l'Etat en première instance.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé, d'une part, que l'épouse de l'intéressé disposait d'une carte de résident et, d'autre part, que la décision d'éloignement méconnaissait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- rien ne s'oppose à la reconstitution de la vie privée et familiale en Turquie ;

- l'arrêté a été compétemment signé et est suffisamment motivé ;

- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas méconnu.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Orio, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant M.A... ;

1. Considérant que par un arrêté en date 13 février 2014,

LE PREFET DE L'ESSONNE, après avoir constaté le rejet de la demande de réexamen présentée par M. A...devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 juillet 2012, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 juillet 2013, a rejeté la demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par M.A..., ressortissant turc né en 1982 et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, par un jugement en date du 10 mars 2015, le Tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui serait entré en France en 2009, s'est maintenu sur le territoire après une première obligation de quitter le territoire français en date du 17 octobre 2011 faisant suite au rejet de sa première demande d'asile par l'OFPRA le 11 mai 2010 puis la CNDA le 19 juillet 2011 ; que s'il est établi que de nombreux membres de la famille de l'intéressé résident en France en situation régulière, et, en particulier, ses parents, son épouse, avec qui il a eu deux enfants nés en 2010 et 2012 sur le territoire français, dont un n'est scolarisé qu'en maternelle, s'est vu refuser son admission au statut de réfugiée par décision de l'OFPRA du 31 mai 2013, refus confirmé par la CNDA le

5 février 2014 ; que, par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé, dont rien ne s'oppose à ce qu'il reconstitue sa vie privée et familiale dans son pays d'origine qu'il n'a quitté qu'à l'âge de 27 ans et qui est également celui de son épouse,

C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le Tribunal administratif de Versailles a estimé que son arrêté du 13 février 2014 portait une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M.A... ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel de Versailles saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Versailles et la cour ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : [...] 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné " ;

6. Considérant, ainsi que dit au point 1., que M.A..., s'est vu refuser la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que, par suite, LE PREFET DE L'ESSONNE était tenu de lui refuser le titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les moyens tirés de ce que l'auteur de l'acte serait incompétent, que la décision portant refus de séjour serait insuffisamment motivée et méconnaitrait les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-10 et

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés comme inopérants ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et, en particulier de termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'aurait pas examiné la situation particulière de l'intéressé ou aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Au sens de la présente Convention, un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ", et qu'en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que si M. A...fait valoir que sa fille aînée est scolarisée en moyenne section de maternelle en France, ces seules considérations ne sont pas, compte tenu de son âge, de la durée de séjour en France et de l'absence de toute circonstance faisant obstacle à la poursuite de leur vie familiale et de la scolarisation en Turquie, de nature à établir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;

10. Considérant que la décision du 13 février 2014, par laquelle LE PREFET DE L'ESSONNE a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M.A..., mentionne le rejet de sa demande par l'OFPRA et la CNDA, rappelle la présence de sa famille en France et de sa fille et indique qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale ; qu'en outre, la décision l'obligeant à quitter le territoire mentionne le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si l'autorité administrative est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'OFPRA et la CNDA saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié, l'examen et l'appréciation par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut et des craintes qu'il énonce ne lient pas l'autorité administrative et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant que l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE du 13 février 2014 se borne à rappeler les refus opposés à M. A...devant l'OFPRA et la CNDA et ne comporte aucun examen propre aux effets de cette décision particulière, notamment au regard des critères fixés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui n'est pas visée ; que, dès lors, elle ne peut être regardée comme énonçant les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde et méconnaît les dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que LE PREFET DE L'ESSONNE est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 13 février 2014, en tant qu'il refuse un titre de séjour à M A...et l'oblige à quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que LE PREFET DE L'ESSONNE réexamine la situation de M. A...au regard du pays à destination duquel il pourra être renvoyé ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au PREFET DE L'ESSONNE, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sur ce point la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que

LE PREFET DE L'ESSONNE demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du PREFET DE L'ESSONNE une somme de 500 euros à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1401300 du 10 mars 2015 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il porte sur la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français du 13 février 2014 et enjoint au préfet de délivrer une carte de séjour à M. A....

Article 2 : Il est enjoint au PREFET DE L'ESSONNE de réexaminer la situation de M. A...au regard du pays à destination duquel il pourra être reconduit dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : LE PREFET DE L'ESSONNE versera la somme de 500 euros à M.A....

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 15VE00884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00884
Date de la décision : 22/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : AKAGUNDUZ

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-09-22;15ve00884 ?
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