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07/11/2017 | FRANCE | N°16VE02695

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 07 novembre 2017, 16VE02695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 octobre 2015 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) a refusé de lui attribuer l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilées.

Par un jugement n° 1510292 du 24 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa

demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 octobre 2015 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) a refusé de lui attribuer l'allocation de reconnaissance instituée par l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilées.

Par un jugement n° 1510292 du 24 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2016, M.D..., représenté par Me Zago, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision attaquée ;

3° d'enjoindre à l'ONAC de lui verser l'allocation sollicitée dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

M. D...soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas répondu à son argumentation sur la charge de la preuve et la présomption attachée à la qualité de rapatrié posée par la loi ;

- si le tribunal estimait qu'il relevait des dispositions de l'article 9 de la loi du 23 février 2005, et non de l'article 6 sur lequel il avait fondé sa demande, il aurait dû motiver sa décision sur ce point, ce qu'il n'a pas fait ;

- il aurait également dû, pour respecter le principe du contradictoire, inviter les parties, dont aucune n'invoquait l'article 9 de la loi du 23 février 2005, à s'expliquer sur l'application de ces dispositions ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

- l'article 9 de la loi du 23 février 2005, que le tribunal lui a appliqué à tort, a disparu ou est devenu obsolète suite à l'arrêt du Conseil d'Etat du 6 avril 2007 n° 282390, tout comme l'obligation de justifier de la qualité de harki posée par l'article 3 du décret du 17 mai 2005 ;

- l'ONAC a fait une inexacte application de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 et de l'article 1er du décret n° 2005-477 du 17 mai 2005, qui lui sont applicables et ne renvoient pas à la qualité de rapatrié ;

- en tout état de cause, il ressort des débats parlementaires précédant l'adoption de la loi n° 61-1432 du 26 décembre 1961, notamment lors de l'examen de l'amendement n° 11 rectifié (JO Sénat 2ème séance du 24 octobre 1961 p.1248 et 1249) et des propos de M. B...A...à l'Assemblée nationale du 11 mai 1962 (JO débats 1962 p. 1073) que toute personne qui arrive sur le territoire métropolitain en provenance d'Algérie est présumée avoir la qualité de rapatrié ; aussi doit-il être présumé avoir la qualité de rapatrié au sens de l'article 1er de cette loi dès lors qu'il était harki, qu'il a été victime à ce titre de persécutions de l'Etat algérien et qu'il a profité d'une opération de recrutement de main d'oeuvre à destination de la métropole pour quitter l'Algérie ; l'ONAC ne rapporte pas la preuve contraire ;

- la décision attaquée rompt le principe d'égalité entre les citoyens devant la loi et les charges publiques et participe du fait du Prince dès lors que d'autres algériens, se trouvant dans une situation identique à la sienne, ont obtenu satisfaction.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 modifiée, relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;

- la loi n° 94-488 du 11 juin 1994, relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilées ou victimes de la captivité en Algérie ;

- la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ;

- la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;

- la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés ;

- la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ;

- les décisions du Conseil constitutionnel QPC n° 2010-93, n°2015-504/505 et n° 2015-522 ;

- le décret n° 2003-167 du 28 février 2003 pris pour l'application de l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) ;

- le décret n° 2005-477 du 17 mai 2005 pris pour l'application des articles 6, 7 et 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruno-Salel ;

- les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

- et les observations de Me Zago, pour M.D....

1. Considérant que M.D..., ressortissant algérien né le 13 octobre 1933, a combattu pour la France en tant que membre des formations supplétives durant la guerre d'Algérie ; qu'il vit en France depuis 1972 ; que, profitant des dispositions du III de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 ouvrant la possibilité de demander le bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue à l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés dans un délai d'un an suivant son entrée en vigueur, il a présenté le 16 avril 2014 une demande d'allocation de reconnaissance sur ce fondement ; que M. D...demande l'annulation du jugement du 24 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2015 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) a refusé de lui attribuer cette allocation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;

3. Considérant que si le requérant soutient que le tribunal n'a pas répondu à son argumentation sur la présomption attachée à la qualité de rapatrié posée par la loi et n'aurait pas motivé sa décision sur l'applicabilité des dispositions de l'article 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué, notamment de ses points 2 et 3, que le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments du requérant, a cité les articles 6 et 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 et l'article 3 du décret n° 2005-477 du 17 mai 2005 et en a déduit qu'ils imposaient à l'étranger qui sollicite l'allocation de reconnaissance de justifier de sa qualité de rapatrié au sens de l'article 1er de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 ; qu'il a ainsi suffisamment motivé sa décision ;

4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort du dossier de première instance que l'ONAC a invoqué la dérogation prévue par l'article 9 de la loi du 23 février 2005 dans son mémoire en défense enregistré le 20 avril 2016 et que le requérant y a d'ailleurs répondu dans son mémoire en réplique enregistré le 30 mai 2016 ; que, dès lors, le tribunal, qui ne soulevait pas d'office l'application de ces dispositions, n'était pas tenu d'inviter les parties à présenter leurs observations sur leur applicabilité à l'espèce ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 susvisée, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Une allocation de [...] F est versée, [...], aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France. [...] " ; qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 11 juin 1994 susvisée : " Une allocation forfaitaire complémentaire de [...] F est versée à chacun des bénéficiaires des dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés s'il répond, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, aux conditions posées par cet alinéa. [...] " ; qu'aux termes de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 susvisée, dans sa version résultant de l'article 67 de la loi du 30 décembre 2002 susvisée : " I. - Une allocation de reconnaissance indexée sur le taux d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages (hors tabac) non réversible, sous conditions d'âge, est instituée, à compter du 1er janvier 1999, en faveur des personnes désignées par le premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie. [...] " ; qu'aux termes de l'article 6 de la loi du

23 février 2005 susvisée : " I.- Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) peuvent opter, au choix : / - pour le maintien de l'allocation de reconnaissance dont le taux annuel est porté à 2 800 Euros à compter du 1er janvier 2005 ; / - pour le maintien de l'allocation de reconnaissance au taux en vigueur au 1er janvier 2004 et le versement d'un capital de 20 000 Euros ; / - pour le versement, en lieu et place de l'allocation de reconnaissance, d'un capital de 30 000 Euros. / En cas d'option pour le versement du capital, l'allocation de reconnaissance est servie au taux en vigueur au 1er janvier 2004 jusqu'au paiement de ce capital. A titre conservatoire, dans l'attente de l'exercice du droit d'option, l'allocation de reconnaissance est versée à ce même taux. [...] " ; qu'aux termes du III de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 visée ci-dessus : " La demande de bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue à l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est présentée dans un délai d'un an suivant l'entrée en vigueur de la présente loi. " ;

6. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées, telles qu'éclairées par les travaux parlementaires, que, pour être en droit de bénéficier de l'allocation de reconnaissance selon les conditions fixées à l'article 6 cité ci-dessus, le demandeur d'une telle aide doit pouvoir justifier de sa qualité de rapatrié ; que cette qualité ne s'attache qu'aux personnes qui, établies sur des territoires anciennement placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, ont dû ou estimé devoir quitter ces territoires pour la France par suite d'événements politiques qui sont la conséquence directe de la cessation de souveraineté, du protectorat ou de la tutelle de la France sur l'un de ces territoires ; que si le bénéfice de l'allocation en litige n'est pas subordonné à une condition de concomitance entre l'accession du territoire à l'indépendance et le retour en France du pétitionnaire, il n'en est pas moins conditionné à la justification par celui-ci, lorsque son entrée en France n'est pas concomitante à l'accession du territoire à l'indépendance, de sa qualité de rapatrié ;

7. Considérant que la directrice générale de l'ONAC a rejeté la demande de M. D... au motif que son arrivée en France, dix ans après l'indépendance de l'Algérie, sans motif politique avéré, ne permettait pas de lui reconnaître le statut de rapatrié, et par suite de lui accorder le bénéfice de l'allocation de reconnaissance ; que si M. D... soutient que sa qualité de harki est suffisante pour établir son statut de rapatrié, les dispositions précitées n'ont ni pour objet, ni pour effet, d'instituer au bénéfice des anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie une présomption de ce que leur départ pour la France aurait été motivé par des événements politiques directement causés par la cessation de la souveraineté de la France en Algérie ; que si le requérant fait en outre valoir que ses papiers ont été déchirés et brûlés en 1962 et qu'il a profité d'une opération de recrutement de main-d'oeuvre organisée en 1972 par les autorités françaises pour rejoindre la France, ces allégations, qui ne sont étayées par aucune pièce du dossier, ne permettent pas d'établir que les raisons pour lesquelles M. D... a quitté l'Algérie en 1972 seraient, comme il le prétend, en lien direct avec les événements politiques survenus dans ce pays en 1962, alors au surplus qu'il ressort de la copie de son livret de famille qu'il est retourné en Algérie en 2006 pour se marier ; que, dans ces conditions, l'intéressé ne justifie pas de sa qualité de rapatrié ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en rejetant pour ce motif sa demande d'allocation de reconnaissance, la directrice générale de l'ONAC aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 ;

8. Considérant, enfin, que si M. D...fait valoir que des algériens se trouvant dans une situation identique à la sienne ont obtenu une réponse positive à leur demande d'allocation de reconnaissance, il ne ressort pas des pièces qu'il produit que les deux personnes concernées auraient été dans la même situation ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à invoquer le principe d'égalité entre les citoyens devant la loi et les charges publiques ni, en tout état de cause, la théorie du fait du Prince ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

5

N° 16VE02695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02695
Date de la décision : 07/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

46-07-01 Outre-mer. Aides aux rapatriés d'outre-mer. Qualité de rapatrié.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : ZAGO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-11-07;16ve02695 ?
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