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12/06/2018 | FRANCE | N°15VE02298

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 12 juin 2018, 15VE02298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 24 mai 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 30 novembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail lui avait accordé l'autorisation de licencier Mme B...C...pour motif économique et a refusé d'accorder cette autorisation.

Par un jugement n° 1304629 du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de

Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 24 mai 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision du 30 novembre 2012 par laquelle l'inspecteur du travail lui avait accordé l'autorisation de licencier Mme B...C...pour motif économique et a refusé d'accorder cette autorisation.

Par un jugement n° 1304629 du 21 mai 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE, représentée par Me Mancret, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision du 24 mai 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

2° de confirmer l'autorisation de licenciement pour motif économique accordée par l'inspecteur du travail le 30 novembre 2012 ;

3° de mettre à la charge de Mme C...le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE soutient que :

- le tribunal administratif a retenu à tort que les pièces produites par la société ne permettaient pas d'établir qu'elle avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement dès lors qu'elles consistaient principalement en des courriers électroniques rédigés en des termes très généraux, car ce motif n'a jamais été relevé par le ministre dans sa décision ; ce grief n'a été soulevé par Mme C...devant le tribunal administratif que postérieurement au délai de deux mois pour contester la légalité de la décision du ministre ; la recherche de reclassement peut être effectuée par tout moyen ;

- si l'employeur doit, avant la notification du licenciement pour motif économique, inviter le salarié à faire part de son intérêt pour une expatriation professionnelle à l'issue de la dernière réunion des institutions représentatives pour un projet de licenciement collectif, il n'est pas imposé à l'employeur, lorsque le licenciement a été prononcé à la suite de deux demandes d'autorisation de licencier, de réitérer cette invitation lorsque la première demande a échoué ; le tribunal administratif a ajouté une condition au texte légal ; elle a interrogé Mme C..., préalablement à son licenciement, sur sa volonté de recevoir des offres de postes situées hors du territoire national et n'avait pas à renouveler l'envoi du questionnaire de mobilité après un premier refus de licencier dès lors que le licenciement de Mme C...procède d'une seule et même procédure de licenciement collectif pour motif économique ;

- trois offres de reclassement ont été proposées à MmeC... ; elles n'étaient pas toutes éloignées géographiquement du domicile de la salariée ; ces offres n'étaient pas imprécises, la société ayant pris le soin de détailler les éléments de rémunération ; Mme C... a refusé ces offres sans demander d'informations complémentaires ;

- elle a engagé des efforts sérieux pour reclasser MmeC... ; en raison de la grande diversité des offres d'emploi disponibles et du fait que Mme C...refusait tout reclassement à l'étranger, elle ne pouvait lui proposer que des postes que l'intéressée était susceptible de pouvoir occuper compte tenu de sa formation et de son expérience ; il ne peut être imposé à l'employeur d'assurer une formation initiale qui fait défaut au salarié pour accéder à un poste disponible mais de catégorie supérieure dans le cadre de l'obligation de reclassement qui pèse sur lui.

.............................................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lepetit-Collin,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me A...substituant Me Mancret pour la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE.

1. Considérant que, par une demande du 1er février 2011, la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE, appartenant au groupe Les Mousquetaires, a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique Mme B...C..., déléguée syndicale et déléguée du personnel ; que sa demande a été rejetée par une décision du 15 février 2011 de l'inspecteur du travail ; que la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE a présenté une nouvelle demande d'autorisation de licencier Mme C...pour motif économique le 2 octobre 2012 ; que, par une décision du 30 novembre 2012, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement ; que le ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique formé par MmeC..., a, par une décision en date du 24 mai 2013, annulé la décision du 30 novembre 2012 et refusé d'accorder l'autorisation de licenciement demandée ; que la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE a sollicité l'annulation de cette décision auprès du Tribunal administratif de Versailles qui, par jugement en date du 21 mai 2015, a rejeté sa demande ; que la société relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le tribunal administratif n'a pas entaché d'irrégularité son jugement en s'appuyant sur le moyen, opposé par Mme C...en défense de première instance, tiré de ce que les offres de reclassement faites par l'employeur n'étaient pas sérieuses ; qu'il lui appartenait en effet, dans le cadre de son office, de se saisir de ce moyen, qui, opposé en défense, n'était soumis à aucune règle de délai et alors, au surplus, que l'absence de caractère sérieux des offres de reclassement proposées était déjà opposé à la société dans la décision du ministre refusant d'accorder l'autorisation de licencier sollicitée ;

Sur le bien fondé du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-4-1 du même code dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse : " Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire, dans chacune des implantations en cause, et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. / Le salarié manifeste son accord, assorti le cas échéant des restrictions susmentionnées, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus. / Les offres de reclassement hors du territoire national, qui sont écrites et précises, ne sont adressées qu'au salarié ayant accepté d'en recevoir et compte tenu des restrictions qu'il a pu exprimer. Le salarié reste libre de refuser ces offres. Le salarié auquel aucune offre n'est adressée est informé de l'absence d'offres correspondant à celles qu'il a accepté de recevoir. " ;

4. Considérant d'une part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué syndical et délégué du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

5. Considérant d'autre part que, pour apprécier les possibilités de reclassement, l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique par une société implantée hors du territoire national ou appartenant à un groupe implanté hors du territoire national, ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société où se trouve l'emploi du salarié protégé concerné par le licenciement ; qu'elle est tenue, après avoir sollicité l'accord du salarié pour un reclassement à l'étranger, de tenir compte des restrictions éventuelles qu'il a pu exprimer à cette occasion ; que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à l'obligation de reclassement qui lui incombe avant de procéder à un licenciement économique, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier que la société a cherché à reclasser le salarié sur un autre emploi équivalent ; qu'à défaut d'emploi équivalent disponible dans l'entreprise ou, le cas échéant, le groupe, il appartient à l'employeur de rechercher à le reclasser dans un emploi d'une catégorie inférieure ; que si, pour juger de la réalité des offres de reclassement, l'inspecteur du travail peut tenir compte de la volonté exprimée par le salarié, l'expression de cette volonté, lorsqu'il s'agit d'un reclassement sur le territoire national, ne peut néanmoins être prise en compte qu'après que des propositions de reclassement concrètes, précises et personnalisées ont été effectivement formulées par l'employeur, et à condition que l'information du salarié soit complète et exacte ;

6. Considérant que le motif économique ayant justifié la décision de licencier Mme C... n'est pas contesté ; qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de la deuxième procédure de licenciement, après que Mme C...a manifesté son intérêt pour un poste au sein de la société Banque Chabrières qui, finalement, n'était pas vacant, la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE n'a proposé à sa salariée que trois postes ; qu'elle lui a ainsi soumis, les 28 août 2012 et 25 octobre 2012, deux postes de chef de publicité situés, respectivement, dans les départements de l'Ain et de l'Ille-et-Vilaine et, le 15 mai 2012, un poste d'assistante administrative et commerciale au sein de la SCA Produits d'entretien, situé certes sur le site de Bondoufle, où se situe le siège des sociétés du groupe les Mousquetaires, mais impliquant une baisse de salaire d'au moins 23% ; que si la précision de ces offres ne peut être mise en cause, il demeure que la société n'a formulé que des propositions de reclassement interne, soit éloignées géographiquement, soit comportant une rémunération très inférieure à celle dont bénéficiait Mme C...dans le cadre de son dernier poste ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'à l'exception d'un courriel en date du 2 avril 2012, la société s'est bornée à solliciter, par lettre circulaire, certaines entreprises du groupe auquel elle appartenait, afin qu'elles lui communiquent " la liste des postes disponibles au sein de votre société accompagnée de leur descriptif détaillé ", et à relancer lesdites sociétés en l'absence de réponse à cette demande, sans donner de précision sur les salariés concernés ; qu'au surplus, la société n'a pas proposé à sa salariée de poste à l'étranger sans s'assurer au préalable de ce que Mme C...entendait réitérer le refus qu'elle avait opposé à cette proposition dans le cadre de la première procédure de licenciement mise en oeuvre à son encontre ; qu'à cet égard, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du principe d'application immédiate de la loi plus douce qui ne vaut qu'en matière pénale ; que, dans ces conditions, faute d'avoir procédé à un examen spécifique suffisant des possibilités de reclassement de MmeC..., la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE ne peut être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeC..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE une somme de 2 000 euros à verser à Mme C... sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE ITM EQUIPEMENT DE LA PERSONNE versera à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 15VE02298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02298
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SELARL HOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-12;15ve02298 ?
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