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07/02/2019 | FRANCE | N°17VE02316

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 07 février 2019, 17VE02316


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...-E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler :

- la décision en date du 28 août 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme ;

- sa notation au titre de l'année 2014 en date du 29 septembre 2014 et la décision du 31 octobre 2014 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette notation ;

- la décision en date du 10 juillet 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré son habilitation secret défense et la décisio

n du 20 décembre 2014 rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...-E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler :

- la décision en date du 28 août 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé un blâme ;

- sa notation au titre de l'année 2014 en date du 29 septembre 2014 et la décision du 31 octobre 2014 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette notation ;

- la décision en date du 10 juillet 2014 par laquelle le ministre de l'intérieur a retiré son habilitation secret défense et la décision du 20 décembre 2014 rejetant son recours gracieux contre cette décision.

Par un jugement n° 1501483-1501484-1501987 du 15 juin 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2017, un mémoire complémentaire enregistré le 12 mars 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 3 juin 2018, M. B... -E..., représenté par Me Dubreuil, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... -E... soutient que :

Sur la décision lui infligeant un blâme :

- M. B...-E... n'a été averti de la possibilité de consulter son dossier que le 23 juin 2014 alors que le délai qui lui était laissé pour le faire expirait le 26 mai précédent ;

- les faits reprochés ne sont pas établis et ne reposent que sur des allégations non vérifiées de la brigadière de police Diruit ;

- on ne peut lui reprocher de ne pas avoir averti sa hiérarchie du contrôle dont il avait fait l'objet alors qu'il a saisi l'IGPN en août 2014 ;

- cet incident a été utilisé par sa hiérarchie dans un processus de harcèlement à son encontre ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la notation au titre de 2014 :

- la fiche d'entretien d'évaluation au titre de 2014 est incomplete en ce qu'elle ne mentionne pas son implication dans son groupe de travail ni sa participation à un séminaire national sur le travail opérationnel dans les cités sensibles ni ses diplômes et ses notions de langue arabe ;

- les qualités indiscutables sur le plan opérationnel qui lui sont reconnues dans cette fiche sont en contradiction avec la rétrogradation de sa note à 5 ;

-elle est entachée d'erreur manifeste, comme en atteste sa très bonne notation pour l'année 2015 dans un autre service ;

Sur le retrait d'habilitation au secret défense :

- il n'a pas eu accès à son dossier avant le retrait de son habilitation au secret défense ;

- cette décision n'est pas motivée ;

- il conteste les points de vulnérabilité avancés par le ministre dans son mémoire en défense de première instance ;

- il a servi avec loyauté et efficacité dans toute sa carrière de policier et la décision de retrait de son habilitation est infondée et constitutive d'une discrimination à l'égard de sa religion et fait partie d'une démarche de harcèlement moral.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- le rapport de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubreuil pour M. B...-E..., et de Mme D...pour le ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

Sur la décision en date du 10 juillet 2014 par laquelle le haut-fonctionnaire de défense du ministère de l'intérieur a retiré l'habilitation de M. B...-E... à connaître des informations classifiées au titre du secret de la défense nationale :

1. Aux termes de l'article R. 2311-7 du code de la défense : " Nul n'est qualifié pour connaître des informations et supports classifiés s'il n'a fait au préalable l'objet d'une décision d'habilitation et s'il n'a besoin, selon l'appréciation de l'autorité d'emploi sous laquelle il est placé, au regard notamment du catalogue des emplois justifiant une habilitation établi par cette autorité, de les connaître pour l'exercice de sa fonction ou l'accomplissement de sa mission ". Aux termes de l'article R. 2311-8 du même code : " La décision d'habilitation précise le niveau de classification des informations et supports classifiés dont le titulaire peut connaître ainsi que le ou les emplois qu'elle concerne. Elle intervient à la suite d'une procédure définie par le Premier ministre. (...) Pour les niveaux de classification Secret-Défense et Confidentiel-Défense, la décision d'habilitation est prise par chaque ministre pour le département dont il a la charge ". Aux termes de l'article 23 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 approuvée par l'article 1er de l'arrêté du 30 novembre 2011 : " L'autorité hiérarchique doit veiller à l'habilitation du personnel placé sous sa responsabilité et, à ce titre, initier, par la constitution d'un dossier, la procédure d'habilitation au niveau requis par le catalogue des emplois. / La demande d'habilitation déclenche une procédure destinée à vérifier qu'une personne peut, sans risque pour la défense et la sécurité nationale ou pour sa propre sécurité, connaître des informations ou supports classifiés dans l'exercice de ses fonctions. La procédure comprend une enquête de sécurité permettant à l'autorité d'habilitation de prendre sa décision en toute connaissance de cause. (...) ". Aux termes du paragraphe 2. " Instruction du dossier " de l'article 24 de l'instruction générale interministérielle : " L'enquête de sécurité menée dans le cadre de la procédure d'habilitation est un enquête administrative permettant de déceler chez le candidat d'éventuelles vulnérabilités. / (...) L'enquête administrative est fondée sur des critères objectifs permettant de déterminer si l'intéressé, par son comportement ou par son environnement proche, présente une vulnérabilité, soit parce qu'il constitue lui-même une menace pour le secret, soit parce qu'il se trouve exposé à un risque de chantage ou de pressions pouvant mettre en péril les intérêts de l'Etat, chantage ou pressions exercés par un service étranger de renseignement, un groupe terroriste, une organisation ou une personne se livrant à des activités subversives ". En application de l'article 31 de cette instruction, la décision d'habilitation, qui ne confère pas à son bénéficiaire de droit acquis à son maintien, peut être retirée lorsque l'agent ne remplit plus les conditions nécessaires à sa délivrance.

2. Aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'impose que l'administration invite à prendre connaissance de son dossier l'agent auquel elle envisage de retirer son habilitation à connaître des informations classifiées au titre du secret de la défense nationale dès lors, notamment, qu'une telle décision ne constitue pas une sanction disciplinaire.

3. Il résulte des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs que les décisions qui refusent l'habilitation à connaître des informations protégées par le secret de la défense nationale sont au nombre de celles pour lesquelles la communication des motifs est de nature à porter atteinte au secret de la défense nationale. Il suit de là que la décision de retrait d'habilitation litigieuse n'avait pas à être motivée.

4. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur et notamment de la note renseignement produite en première instance que M. B...-E... a dissimulé au cours de la procédure de renouvellement de son habilitation en 2013 la mise en examen par le passé du conjoint d'une de ses belles-soeurs pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et la proximité du conjoint d'une autre de ses belles-soeurs avec les thèses d'inspiration salafiste. M.A... ait-E... n'apporte pas la preuve du caractère inexact de ces faits. Compte tenu de ces circonstances, l'administration a pu retirer l'habilitation au traitement d'informations couvertes par le secret de la défense nationale sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation. M. B...-E... n'apporte pas la preuve de ce que cette décision aurait été prise pour des motifs étrangers aux intérêts de la défense nationale ou de ce qu'elle serait constitutive d'une forme de harcèlement ou de discrimination à son égard.

Sur le blâme infligé par le ministre de l'intérieur le 28 août 2014 :

5. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 modifié relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a, par un courrier en date du 7 mai 2014, averti le requérant de la possibilité qu'une sanction disciplinaire soit prise à son encontre et l'a invité à consulter son dossier. La fiche de consultation du dossier indique que M. B...-E... a usé de cette faculté le 15 juillet 2014. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été informé en temps utile de la possibilité de procéder à cette consultation.

7. M. B...-E... soutient que la sanction ne repose que sur des faits mentionnés dans le rapport rédigé par la brigadière de police qui a procédé au contrôle lors de son infraction au code de la route mais qui ne sont pas établis. Toutefois, M. B...-E... ne conteste pas avoir emprunté sans motif à bord d'un véhicule de service un couloir d'autobus interdit à la circulation le 28 novembre 2013 à Courbevoie et avoir été interpellé à cette occasion par une patrouille de police urbaine. Il ressort des pièces du dossier que M. B...-E... s'est abstenu de rendre compte de cet incident à sa hiérarchie et n'a remis un rapport à ce sujet que le 20 janvier 2014 à la demande de ses supérieurs hiérarchiques avertis par les services de la police urbaine des Hauts-de-Seine. Ces faits dûment établis ont pu légalement être pris en compte par l'autorité disciplinaire sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la brigadière de police ayant procédé au contrôle de M. B...-E... à la suite de son infraction au code de la route aurait manifesté de l'agressivité à son encontre.

8. L'infraction commise par M. B...-E... le 28 novembre 2013 à bord d'un véhicule de service alors qu'il est légitime d'attendre un comportement exemplaire des agents de la police nationale et l'absence d'information de sa hiérarchie au sujet de cet incident avant le 20 janvier 2014, altérant ainsi le climat de confiance qui doit prévaloir dans un service de renseignement, constituent une faute susceptible de donner lieu à sanction. En infligeant à M. B... -E... un blâme, sanction du premier groupe, le ministre de l'intérieur n'a pas sanctionné les faits reprochés de façon disproportionnée.

9. Les pièces du dossier ne permettent pas de considérer que la sanction litigieuse serait revêtue d'un caractère discriminatoire ou constituerait un détournement de pouvoir.

Sur la notation de M. B...-E... au titre de 2014 :

10. M. B...-E... soutient que son entretien de notation au titre de l'année 2014 se serait déroulé au-delà de la date régulière. A l'appui de ce moyen il ne se prévaut que d'une note syndicale qui rappelle seulement la période sur laquelle porte l'évaluation. Le moyen ne peut donc qu'être rejeté.

11. M. B...-E... soutient que la fiche d'entretien d'évaluation au titre de l'année 2014 a omis de préciser qu'il était titulaire du baccalauréat et avait des notions de langue arabe. Toutefois il n'apparaît pas que M. B...-E... aurait demandé que ces éléments soient ajoutés au cours de son entretien ou après celui-ci. Au demeurant ces omissions sont sans rapport avec les éléments retenus par l'autorité hiérarchique pour baisser la note de M. B...-E.... Si celui-ci soutient en outre que son implication dans son groupe de travail et sa participation à un séminaire de la direction générale du renseignement intérieur n'auraient pas été mentionnées dans sa fiche d'évaluation, l'ensemble des activités auxquelles un agent prend part ne peut être rapporté de manière exhaustive dans cette fiche et le requérant ne démontre ni même n'allègue qu'il aurait en vain demandé à ce que ces éléments y figurent.

12. Il ressort des pièces du dossier que les qualités opérationnelles ne sont pas le seul fondement de la notation des agents affectés dans l'unité où servait M. B...-E... et que les " qualités indiscutables " relevées par le notateur de M. B...-E... sur ce point ne sont pas incompatibles avec la baisse de 6 à 5 sur 7 de sa note chiffrée alors que d'autres éléments relatifs à sa manière de servir ont été pris en compte. La notation litigieuse repose sur la circonstance que M. B...-E... a manifesté au cours de l'année en cause une mise en retrait et un moindre investissement dans son travail. La circonstance que le requérant a eu à prendre des congés pour assister son épouse enceinte est sans incidence sur cette appréciation dont il ne démontre pas qu'elle serait erronée en fait. Les bonnes notations obtenues au cours des années précédentes et les lettres de félicitations reçues par M. B...-E... de sa hiérarchie et du ministre de l'intérieur ne sont pas, par elles-mêmes, susceptibles de démontrer que la notation litigieuse au titre de l'année 2014, qui laisse M. B...-E... dans le groupe des " bons éléments ", serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, pas plus que la notation obtenue pour l'année suivante dans un autre service où il a été affecté, signe de ce que M. B...-E... a tenu compte des observations qui lui ont été faites par son autorité hiérarchique et en a tiré les conséquences.

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la notation litigieuse serait constitutive d'une discrimination du requérant à raison de sa religion ou d'une démarche de harcèlement de sa hiérarchie. M. B...-E... ne démontre pas davantage que la notation en cause serait liée à un conflit syndical qui l'aurait opposé à l'agent chargé de sa notation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... -E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... -E... est rejetée.

2

N° 17VE02316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02316
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : DUBREUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-07;17ve02316 ?
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