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04/12/2019 | FRANCE | N°19VE01919-19VE01920

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 décembre 2019, 19VE01919-19VE01920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 20 novembre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1811730 du 19 avril 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a fait

droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. D.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 20 novembre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1811730 du 19 avril 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. D... un titre de séjour mention " vie privée et familiale ".

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête N° 19VE01919, enregistrée le 23 mai 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de première instance de M. D....

Il soutient que :

- l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... ;

- les autres moyens de première instance tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, de l'insuffisance de motivation et de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 3 de l'accord franco-marocain, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation ne sont pas fondés ; l'intéressé s'étant déjà soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement du 23 mars 2016, la décision d'interdiction de retour pour une durée de deux ans a été prononcée à bon droit sur le fondement de l'article L. 511-1 III° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

.....................................................................................................................

II. Par une requête, N° 19VE01920, enregistrée le 23 mai 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement contesté du Tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... ; les conséquences de l'exécution du jugement attaqué seraient difficilement réparables ; le sursis à exécution du jugement s'impose en application des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me B... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions de la requête n° 19VE01919 tendant à l'annulation du jugement du 19 avril 2019 et de l'arrêté du 20 novembre 2018 :

2. M. D..., ressortissant marocain né le 16 août 1985, a sollicité une admission exceptionnelle au séjour sur le double fondement de sa vie familiale et de son activité salariée. Par arrêté du 20 novembre 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 19 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

4. L'arrêté attaqué pour refuser le séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est fondé sur ce que l'intéressé père d'un enfant mineur né en France de ses relations avec une compatriote ne justifie pas d'une communauté de vie stable et durable en France avec sa concubine, ni d'une insertion suffisamment forte dans la société française et conserve des attaches familiales dans son pays d'origine où résident toujours ses parents.

5. Toutefois, si le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient que l'intéressé ne séjourne en France que depuis le second semestre de l'année 2015, il ressort des pièces du dossier, notamment des demandes d'autorisation de travail de décembre 2011, novembre 2013 et janvier 2015, des courriers de l'administration fiscale de 2012, du récépissé de demande de carte de séjour délivré le 4 mai 2015 par la préfecture du Val-d'Oise et des copies de chèques de salaires versés en 2013 et 2014, que M. D..., entré en France en avril 2011 sous couvert d'un visa de court séjour, y réside habituellement depuis cette date. Si le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient que la vie maritale récente depuis janvier 2016 peut se reconstituer au Maroc, il ressort des pièces du dossier, que M. D... vit en concubinage depuis le début de l'année 2016 avec une compatriote née en 1988, titulaire, en sa qualité de mère d'une enfant française née le 20 avril 2010, d'une carte de résident valable du 28 septembre 2014 au 27 septembre 2024. Le juge aux affaires familiales a, par un jugement du 30 mai 2018, fixé la résidence habituelle de l'enfant française au domicile de sa mère et constaté que l'autorité parentale est exercée conjointement avec le père de l'enfant française. La compagne de M. D... a donné naissance le 9 juin 2017 à un enfant dont il n'est pas contesté qu'il est élevé par le couple avec sa soeur de nationalité française. Enfin même si M. D... à la suite d'un licenciement de l'emploi qu'il occupait à temps plein en qualité d'ouvrier plombier depuis le début de l'année 2017 a dû saisir le conseil des prud'hommes en mai 2018 et s'est trouvé sans emploi jusqu'au 10 décembre 2018, date à laquelle il a repris un emploi de plombier à temps plein, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'apporte pas de précisions ni d'éléments suffisants de nature à remettre en cause l'insertion notamment professionnelle de l'intéressé dans la société française. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'arrêté en litige avait porté une atteinte excessive au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale et, ainsi, méconnu les dispositions et stipulations précitées.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 20 novembre 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur les conclusions de la requête n° 19VE01920 à fin de sursis à exécution du jugement contesté :

7. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement sont donc devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Il résulte de l'instruction que M. D... s'est vu délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler valable jusqu'au 12 septembre 2020 en exécution de l'injonction prononcée par le tribunal. La présente requête qui rejette l'appel du préfet de la Seine-Saint-Denis n'implique donc pas de nouvelle mesure d'exécution.

Sur les conclusions en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à M. D... en application de ces dispositions au titre des deux requêtes.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 19VE01919 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19VE01920.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Nos 19VE01919... 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01919-19VE01920
Date de la décision : 04/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SUDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-04;19ve01919.19ve01920 ?
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