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28/02/2020 | FRANCE | N°18VE02550

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 28 février 2020, 18VE02550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Montlignon a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices subis du fait du fonctionnement de la salle des fêtes et sa demande de faire procéder à des travaux d'insonorisation de cette salle et de condamner la commune de Montlignon à lui verser la somme de 15 000 euros augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation en réparation des préjudices subis du fait des nuisa

nces sonores liées au fonctionnement de la salle des fêtes.

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Montlignon a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices subis du fait du fonctionnement de la salle des fêtes et sa demande de faire procéder à des travaux d'insonorisation de cette salle et de condamner la commune de Montlignon à lui verser la somme de 15 000 euros augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation en réparation des préjudices subis du fait des nuisances sonores liées au fonctionnement de la salle des fêtes.

Par un jugement n° 1308565 du 17 mai 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 juillet 2018 et le 7 mars 2019, M. A..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Montlignon a refusé de l'indemniser des préjudices subis et de faire procéder à des travaux d'insonorisation de la salle des fêtes ;

3° de condamner la commune de Montlignon à lui verser la somme de 15 000 euros augmentée des intérêts au taux légal avec capitalisation ;

4° d'enjoindre au maire de Montlignon de faire procéder aux travaux d'insonorisation de la salle des fêtes préconisés par le bureau d'études Promiso Acoustique dans le délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par mois de retard ;

5° de mettre à la charge de la commune de Montlignon le versement de la somme de 2700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont regardé ses conclusions à fin d'annulation de la décision refusant de faire procéder à des travaux comme irrecevables faute de moyens alors que deux moyens avaient été expressément soulevés ;

- il est établi que la responsabilité pour faute de la commune est engagée du fait de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police et du non-respect par la commune de la réglementation applicable aux lieux musicaux ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que le préjudice n'était pas établi alors que des mesures effectuées par la société Bet Art Acousique démontrent les nuisances sonores supportées ;

- le maire a l'obligation d'assurer la tranquillité publique en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;

- la salle des fêtes n'est pas conforme aux dispositions des articles R. 571-25 et suivants du code de l'environnement.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour M. A..., et de Me B..., substituant Me D..., pour la commune de Montlignon.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Montlignon a été enregistrée le 7 février 2020.

Considérant ce qui suit :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Sur les fins de non recevoir :

1. Le moyen tiré de ce que la responsabilité pour faute de la commune en raison de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police était articulé en première instance. La circonstance qu'il ait été écarté par les premiers juges faute d'avoir été suffisamment étayé ne permet pas de le regarder comme soulevé pour la première fois en appel. Par suite l'exception d'irrecevabilité pour ce motif doit être écarté.

2. La commune ne peut utilement soutenir que le contentieux n'a pas été lié concernant la demande indemnitaire relative aux préjudices subis par le requérant au 8 bis rue des Ecoles en faisant valoir qu'à la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif, le domicile de M. A... était alors situé au n° 6 de la même rue et qu'il sollicitait la réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi dans ce logement en raison des nuisances sonores liées à l'utilisation de la salle des fêtes. Toutefois la demande indemnitaire a le même objet et la circonstance que M. A... ait subi ce dommage dans deux logements contiguës n'impliquait pas qu'il présentât une nouvelle demande préalable auprès de la commune. Par suite cette fin de non-recevoir doit être écartée.

Au fond :

Sur la responsabilité de la commune :

3. Il appartient au maire d'une commune d'éviter que le bruit engendré par les manifestations autorisées dans une salle communale ne porte une atteinte excessive à la tranquillité publique et méconnaisse les normes maximales d'émission fixées par le code de l'environnement et le code de la santé publique, en faisant notamment usage, en cas de besoin, des pouvoirs de police municipale qui lui sont confiés par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ou, le cas échéant, des pouvoirs de police spéciale dont il dispose en vertu des articles L. 1311-1 et suivants et R. 1311-1 et suivants du code de la santé publique qui renvoient au code de l'environnement. D'autre part, il appartient à la commune, propriétaire et gestionnaire d'une telle salle, de prendre, sans préjudice des mesures de police relevant de la compétence propre du maire, les mesures nécessaires pour que les nuisances résultant de son fonctionnement n'excèdent pas, par leur intensité, leur fréquence ou leur durée, les sujétions inhérentes au voisinage d'un ouvrage public, notamment en réglementant l'utilisation de la salle ou en décidant de renforcer son insonorisation.

4. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui perturbent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Il incombe au maire, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, de prendre les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants. Aux termes de l'article R. 1334-31 du code de la santé publique : " Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité ". Aux termes de l'article R. 1334-32 du même code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine (...) une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article ". Aux termes de l'article R. 1334-33 de ce code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que M. A..., propriétaire de deux maisons d'habitation situées à proximité immédiate de la salle des fêtes de Montlignon, subit depuis au moins 2007 des nuisances sonores liées à l'utilisation de cette salle notamment pour des fêtes privées au cours desquelles est diffusée de la musique amplifiée. Une étude acoustique du cabinet Promiso a conduit la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Val-d'Oise à préconiser à la commune de Montlignon d'installer un limiteur de pression acoustique pour assurer le respect des normes fixées par les articles R. 571-25 et suivants du code de la santé publique et de procéder à des travaux d'insonorisation de la salle des fêtes. Toutefois la commune a refusé implicitement, en gardant le silence sur la demande formulée par M. A... le 24 juin 2013, de réaliser ces travaux d'insonorisation alors que des activités très bruyantes se déroulaient encore à cette date dans la salle et n'a pas procédé à l'installation du limiteur de pression ni aux travaux d'insonorisation qui avaient été préconisés par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. M. A... produit devant la Cour une étude acoustique réalisée dans la nuit du 23 au 24 février 2019 faisant état d'émergences sonores de 19,5 dB(A) et 20,5 dB(A) en période diurne et en période nocturne alors que les valeurs admises par la réglementation sont de 5 dB(A) en période nocturne. Il doit ainsi être regardé comme démontrant l'absence de mesures prises par le maire et par la commune pour assurer la tranquillité du voisinage de la salle des fêtes et le respect de la réglementation susrappelée révélant une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, alors même que M. A... serait le seul à se plaindre des nuisances en cause. M. A... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la carence du maire et de la commune de Montlignon à faire respecter la tranquillité publique aux abords de la salle des fêtes.

Sur le préjudice :

6. En l'absence de précisions supplémentaires, il convient de considérer que M. A... subit des nuisances sonores à raison d'une fin de semaine sur quatre depuis l'année 2007. Il sera fait, en l'état du dossier, une juste appréciation des préjudices subis de toute nature en condamnant la commune de Montlignon à lui verser une somme de 13 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable reçue par la commune le 25 juin 2013. La capitalisation des intérêts a été demandée le 16 juillet 2018, date à laquelle il était dû plus d'une année d'intérêts. Il y a donc lieu de fixer à cette date la date de la première capitalisation et de faire droit à la demande de M. A... de capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'illégalité fautive relevée plus haut implique qu'il soit enjoint à la commune de réaliser des travaux d'insonorisation de la salle en cause. Il y a lieu, dès lors, dans les circonstances de l'espèce d'enjoindre à la commune de réaliser les travaux d'insonorisation de la salle des fêtes propres à assurer le respect des normes acoustiques fixées par les dispositions précitées du code de la santé publique.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montlignon le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1308565 du 17 mai 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La commune de Montlignon versera à M. A... la somme de 13 000 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 26 juin 2013. Ces intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à la date du 16 juillet 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Montlignon de faire procéder aux travaux d'insonorisation de la salle des fêtes dans le délai d'un an à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Montlignon versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 18VE02550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02550
Date de la décision : 28/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SANSON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-02-28;18ve02550 ?
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