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05/06/2020 | FRANCE | N°18VE04279

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 05 juin 2020, 18VE04279


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 août 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 eu

ros par jour de retard, et subsidiairement, de réexaminer sa situation.

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 août 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et subsidiairement, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1809008 du 22 novembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2018, M. E..., représenté par Me C..., avocat, demande à la Cour :

1° de lui accorder à titre provisoire le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2° d'annuler le jugement attaqué et l'arrêté du 23 août 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui remettre une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de cent euros par jour de retard dans l'attente de la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de Me C..., d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi

n° 91-647 du 10 juillet 1991.

M. E... soutient que :

S'agissant du jugement attaqué :

- il est insuffisamment motivé et entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen personnalisé pour ne pas préciser qu'il vit avec ses enfants et leur mère ;

S'agissant de la légalité de l'arrêté attaqué :

* la décision refusant de lui accorder un titre de séjour :

- est insuffisamment motivée ;

- est entachée d'incompétence ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

* la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :

- est entachée d'un défaut de motivation ; méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* la décision fixant le pays de destination :

- est entachée d'une incompétence de son auteur ;

- est entachée d'un défaut de motivation ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- contrevient aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

* la décision accordant un départ volontaire de trente jours :

- est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de la décision d'éloignement.

............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant nigérian né 15 septembre 1980, a sollicité le 16 mai 2017 son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 août 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter sous trente jours le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 1809008 du 22 novembre 2018, dont M. E... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision en date du 24 septembre 2019 le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Versailles a rejeté la demande de M. E... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par conséquent, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de l'intéressé tendant à bénéficier de ce dispositif à titre provisoire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Si M. E... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé pour ne pas préciser qu'il vit avec ses enfants et leur mère, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien des moyens de la demande, a statué, par une appréciation motivée, notamment sur la situation familiale de l'intéressé dans son point 5, sur l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre des décisions en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté contesté du 23 août 2018 :

4. En premier lieu, M. E... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que l'arrêté attaqué portant refus de délivrance de titre de séjour et faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivé et de ce qu'en tant qu'il porte refus de délivrance de titre de séjour et fixe le pays de destination il est entaché d'une incompétence de son auteur. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal administratif de Montreuil.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent./ A cet effet, doivent être mentionnées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". La décision par laquelle le préfet fixe le pays vers lequel sera reconduit l'étranger si celui-ci ne satisfait pas à l'obligation de quitter le territoire français, constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. La motivation de cette décision ne se confond pas nécessairement avec celle de la décision obligeant l'étranger à quitter le territoire dont elle est distincte. Ainsi, l'administration demeure tenue de rappeler les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire d'une décision fixant le pays de destination.

6. En l'espèce, l'arrêté contesté vise les articles L. 513-1 à L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de fonder en droit une décision fixant le pays de destination, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mentionne la situation personnelle et familiale de M. E..., au regard notamment des attaches que celui-ci conserve dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi du requérant est suffisamment motivée en droit, comme en fait.

7. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

8. M. E... soutient qu'il justifie d'une vie commune avec sa concubine qui aurait obtenu le statut de réfugié, et leurs deux enfants nés en 2008 et 2010 et scolarisés en France. Il produit un courrier de Mme D... daté du 21 décembre 2018 attestant de ce qu'il participe pleinement à l'éducation de leurs enfants, sans préciser pour autant qu'ils résident ensemble, ainsi qu'une attestation de la directrice de l'école élémentaire datée du 20 décembre 2018 indiquant que M. E... accompagne chaque jour ses enfants à l'école et une attestation non datée d'un pasteur faisant état de ce qu'il se rend à l'église évangélique avec eux. Il produit en outre une facture de restauration scolaire datée du 4 mai 2018 adressée par la commune de Saint-Ouen au nom de M. E... et de Mme D... à une adresse à Saint-Ouen, des factures d'achat de vêtements pour enfant, sans mention toutefois de l'identité du client, ainsi qu'un certificat d'hébergement de l'association France terre d'asile du 13 mars 2017 faisant état de l'hébergement à une même adresse de l'intéressé, de sa conjointe et de leurs enfants à Saint-Ouen. Il ressort toutefois des pièces du dossier que dans sa requête enregistrée au Tribunal administratif le 21 septembre 2018, M. E... a mentionné une autre adresse, située à Montfermeil chez Mme A..., qui correspond également aux coordonnées connues de l'OFII le concernant. En outre, il a produit devant les premiers juges un avenant au contrat d'hébergement et d'insertion avec l'association France terre d'asile, daté du 26 février 2018 et donc postérieur au certificat d'hébergement dont il se prévaut, mentionnant que le ménage de Mme D... n'était composé que d'elle-même et de trois enfants. Ainsi, il ne peut pas être regardé comme justifiant résider avec ses enfants et avec la mère de ceux-ci. Par ailleurs, l'intéressé, qui ne justifie pas être entré en France avant l'année 2016, ne se prévaut d'aucune activité professionnelle et ne conteste pas les mentions de l'arrêté attaqué faisant état de ce que sa mère ainsi que ses cinq frères et soeurs résident au Nigéria. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué refusant à M. E... un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi serait contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation, ni qu'il révèlerait un défaut d'examen personnalisé de celle-ci.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. Si M. E... emmène régulièrement ses enfants à l'école et à un lieu de culte, alors qu'il ne réside pas avec eux et ne justifie pas contribuer à leur éducation et à leur entretien, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d'établir que l'arrêté attaqué en tant qu'il fixe le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations rappelées au point précédent.

11. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui précède, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en tant qu'il lui accorde un délai de départ volontaire serait illégal par la voie de l'exception d'illégalité de la décision d'éloignement le concernant.

12. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 août 2018. Il en résulte également que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées, ainsi que celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

N° 18VE04279 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04279
Date de la décision : 05/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : LEFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-05;18ve04279 ?
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