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09/06/2020 | FRANCE | N°18VE01413

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 juin 2020, 18VE01413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décision du 26 mars 2018 par laquelle la préfète de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1802407 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrées le 23 avril 2018, Mme B... C..., représenté par Me A... demande à la Cour :

1° de l'ad

mettre à l'aide juridictionnelle ;

2° d'annuler le jugement attaqué ;

3° à titre principal, d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décision du 26 mars 2018 par laquelle la préfète de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1802407 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrées le 23 avril 2018, Mme B... C..., représenté par Me A... demande à la Cour :

1° de l'admettre à l'aide juridictionnelle ;

2° d'annuler le jugement attaqué ;

3° à titre principal, d'annuler la décision du 26 mars 2018 par laquelle la préfète de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français ; à titre subsidiaire, d'annuler les décisions du 26 mars 2018 par lesquelles la préfète de l'Essonne a refusé de lui accorder de délai de départ volontaire et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;

4° d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5° de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

6° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- le premier juge a omis de statuer sur le moyen tiré de violation des articles 20 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le premier juge a soulevé d'office le moyen de défense, qui n'est pas d'ordre public, tiré de l'absence d'attaches familiales en France ;

S'agissant du bien-fondé du jugement attaqué :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français viole son droit à un recours effectif en méconnaissance de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'un vice de procédure ;

- elle méconnaît les articles 20 et 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dès lors que son enfant, dont elle a la charge, est de nationalité portugaise ; son comportement personnel ne constitue pas une menace actuelle et suffisamment grave pour porter atteinte à un intérêt fondamental de la société française ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'ordre public et à sa situation personnelle dans la mesure où elle est présente sur le territoire français depuis 2005, elle y a travaillé et est la mère d'un enfant mineur qui y est actuellement scolarisé ;

- le refus d'accorder un délai de départ volontaire de départ est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où le risque de soustraction n'existe pas puisqu'elle vit en France depuis 2005, elle y a travaillé et est la mère d'un enfant mineur qui y est actuellement scolarisé ;

- l'interdiction de retour pendant une durée de trois ans méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa durée.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Beaujard, président,

- et les conclusions de Mme Aventino-Martin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante capverdienne née le 11 mars 1972 à Praia (Cap-Vert), fait appel du jugement du 10 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mars 2018 par lequel la préfète de l'Essonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ".

3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de Mme C..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été condamnée le 3 novembre 2017 par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis à cinq ans d'emprisonnement pour violence avec usage ou menace d'une arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner. En conséquence de son incarcération, elle a, par un jugement du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Bobigny du 28 janvier 2016, perdu la garde de son enfant né en 2011 dont elle bénéficiait par un jugement du 2 mai 2013, au profit du père de l'enfant de nationalité portugaise. Il ressort également des pièces du dossier que les deux jugements précités confient l'exercice conjoint de l'autorité parentale aux deux parents, et qu'en dépit de son incarcération, Mme C... exerce effectivement son droit de visite au parloir de l'établissement pénitentiaire de Fleury-Mérogis où elle est incarcérée, grâce au relais de sa cousine qui prend en charge l'enfant pendant les périodes fixées par le jugement du 28 janvier 2016, à savoir deux fois par mois durant la période scolaire et une fois par semaine durant les vacances scolaires. Ainsi, la décision d'éloignement, qui aura nécessairement pour effet de priver l'enfant de Mme C..., qui réside en France avec son père en exécution d'une décision de justice, de sa mère, ou, dans l'hypothèse où un nouveau jugement reconfierait la garde de l'enfant à la requérante à sa sortie de prison, de son père, méconnaît les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, et doit pour ce motif être annulée. Par voie de conséquence, doivent être annulées les décisions du 26 mars 2018 portant refus d'accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination, et portant interdiction de retour pendant une durée de trois ans.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".

8. Le présent arrêt qui annule une mesure d'éloignement implique nécessairement d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de délivrer à Mme C... une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Sous réserve de l'admission définitive de Mme C... à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me A..., avocat de Mme C..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée par le bureau d'aide juridictionnelle, ladite somme euros sera versée à Mme C.... En revanche, ne peuvent qu'être rejetées les conclusions présentées par Mme C... tendant au remboursement des dépens, faute, pour celle-ci, d'établir qu'elle en a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 10 avril 2018 et l'arrêté de la préfète de l'Essonne du 26 mars 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la Préfète de l'Essonne de délivrer à Mme C... une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Sous réserve de l'admission définitive de Mme C... à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me A..., avocat de Mme C..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée par le bureau d'aide juridictionnelle, ladite somme euros sera versée à Mme C.... En revanche, ne peuvent qu'être rejetées les conclusions présentées par Mme C... tendant au remboursement des dépens, faute, pour celle-ci, d'établir qu'elle en a exposés.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

2

N° 18VE01413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01413
Date de la décision : 09/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: Mme AVENTINO-MARTIN
Avocat(s) : DEKIMPE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-09;18ve01413 ?
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