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22/09/2020 | FRANCE | N°19VE01358

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 22 septembre 2020, 19VE01358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 9 octobre 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte

de 100 euros par jour

de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours su...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté en date du 9 octobre 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte

de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1811701 du 26 mars 2019, le Tribunal administratif

de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 9 octobre 2018, enjoint au préfet du Val-d'Oise, ou au préfet compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé, de saisir la commission du titre de séjour pour avis avant de statuer à nouveau sur la demande de M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, en munissant l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2019, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que l'intéressé n'apporte pas d'éléments suffisants pour établir sa présence habituelle en France durant plus de dix ans, notamment au titre des années antérieures à 2013, du second semestre de l'année 2014 et de l'année 2015.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 21 août 1981 à Médenine (Tunisie), entré en France de manière irrégulière en janvier 2008 selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. Par un arrêté

du 9 octobre 2018, le PREFET DU VAL-D'OISE a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Le PREFET DU VAL-D'OISE fait appel du jugement du 26 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 9 octobre 2018.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

3. Pour justifier de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige, M. A... se borne à produire, au titre de l'année 2008 une carte d'accès à la permanence d'accès aux soins de santé datée du 13 mai 2008 et deux ordonnances des

16 septembre et 22 décembre 2008 et au titre de l'année 2009, deux comptes rendus d'analyse médicale des mois de février et novembre, ainsi qu'une ordonnance établie au mois de juillet. Au vu de leur faible nombre et de leur caractère peu diversifié, ces seuls documents ne sont pas suffisants pour établir la résidence habituelle en France de l'intéressé au titre des années 2008 et 2009. Par suite, à la date du 9 octobre 2018, M. A... n'établissait pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans et, par suite, le PREFET DU VAL-D'OISE n'avait pas l'obligation de saisir la commission du titre de séjour.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a annulé, pour violation des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité, l'arrêté du 9 octobre 2018 du PREFET DU VAL-D'OISE.

5. Toutefois, il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant la Cour que devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

6. Par un arrêté n° 18-023 du 23 mars 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise, le PREFET DU VAL-D'OISE a donné délégation de signature à M. F... C..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment la délivrance des titres de séjour, toute obligation de quitter le territoire français avec fixation d'un délai de départ volontaire et toute décision fixant le pays de destination, et à Mme B... G..., adjointe au directeur, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci. En cas d'absence ou d'empêchement de M. C... et de Mme G..., délégation a, par le même arrêté, été donnée à Mme H... I..., chef du bureau du contentieux des étrangers, signataire de l'arrêté en litige. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... et Mme G... n'auraient pas été effectivement absents ou empêchés à la date de la signature de l'arrêté litigieux. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

Quant à la légalité externe :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code précise que la motivation des actes administratifs " doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

8. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé, le PREFET DU VAL-D'OISE s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne remplissait pas les conditions requises par cet article, notamment l'absence de visa de long séjour en qualité de salarié et l'absence de contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail. En outre, l'autorité préfectorale a examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a motivé son refus de l'admettre à titre exceptionnel sur le territoire français sur la circonstance qu'il ne justifiait pas de façon probante résider habituellement en France depuis plus de dix ans, en particulier pour les années antérieures à 2013, le second semestre 2014 et l'année 2015. Enfin, l'arrêté attaqué précise également que M. A... ne peut se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il est célibataire, sans charge de famille et qu'il ne justifie pas être démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et sa fratrie. Ainsi, cet arrêté, dont la motivation n'est pas stéréotypée, est suffisamment motivé en fait et en droit, contrairement à ce que soutient M. A....

Quant à la légalité interne :

9. En premier lieu, si M. A... produit des bulletins de paie à compter de juillet 2016 ainsi qu'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein depuis le 1er juin 2017, il ne justifie pas disposer d'un logement stable ni d'une insertion particulière dans la société française. Ainsi, et comme il a été dit précédemment, en l'absence d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, en refusant de faire bénéficier l'intéressé de l'admission exceptionnelle au séjour, le PREFET DU VAL-D'OISE n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. M. A..., qui est célibataire sans enfant et ne fait valoir aucun élément d'intégration particulière en France, a vécu dans son pays d'origine, où réside l'ensemble des membres de sa famille, au moins jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Par suite, outre les motifs de fait précédemment exposés au point 9., la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'une illégalité. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision.

13. Enfin, pour les motifs de fait exposées au point 11., la décision faisant à M. A... obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de M. A... en annulant son arrêté du 9 octobre 2018. Par suite, les conclusions de ce dernier présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 26 mars 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 19VE01358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01358
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP KERDREBEZ-GAMBULI et BATI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-22;19ve01358 ?
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