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03/11/2020 | FRANCE | N°19VE00438

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 03 novembre 2020, 19VE00438


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 17008131-9 du 7 février 2019, la présidente de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a transmis la requête de la COMMUNE D'ARPAJON à la Cour administrative d'appel de Versailles, afin qu'elle y statue en premier et dernier ressort, en application des articles R. 351-3 du code de justice administrative et L. 600-10 du code de l'urbanisme.

Par une requête et des mémoires en production de pièces enregistrés au greffe du Tribunal administratif de Versailles le 20 novembre 2017 et le 20 juin 2018, puis un m

moire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 20 janvier 202...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 17008131-9 du 7 février 2019, la présidente de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a transmis la requête de la COMMUNE D'ARPAJON à la Cour administrative d'appel de Versailles, afin qu'elle y statue en premier et dernier ressort, en application des articles R. 351-3 du code de justice administrative et L. 600-10 du code de l'urbanisme.

Par une requête et des mémoires en production de pièces enregistrés au greffe du Tribunal administratif de Versailles le 20 novembre 2017 et le 20 juin 2018, puis un mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 20 janvier 2020, la COMMUNE D'ARPAJON, représentée par Me Sabattier, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler l'arrêté du maire d'Avrainville en date du 26 septembre 2017 portant délivrance à la société SCI GFDI 103 d'un permis de construire, en vue de la construction d'un magasin d'alimentation de proximité sous l'enseigne " Grand Frais ", sur un terrain situé rue Louise de Vilmorin dans la zone d'activité des Marsandes, à Avrainville ;

2° de mettre à la charge de la commune d'Avrainville une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir en vertu de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet porte atteinte à ses intérêts propres, à savoir, premièrement, l'attractivité de ses commerces de proximité et de son marché couvert, en raison de la captation de clientèle, deuxièmement, la préservation de la qualité esthétique et paysagère de son entrée de ville, située à moins d'un kilomètre, et enfin en raison de l'augmentation du trafic routier et des nuisances associées ;

- elle a notifié son recours au maire d'Avrainville et à la SCI GFDI 103 conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- la demande de permis de construire a été notifiée au président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en violation de l'article L. 752-4 du code de commerce et en particulier du délai de huit jours qu'il prévoit ;

- le dossier de demande de permis méconnaît le b) de l'article R. 431-7 et le d) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne permet pas de rendre compte de l'insertion du projet dans son environnement, faute de faire figurer sur le même document la construction projetée et son environnement proche ou lointain ;

- le formulaire Cerfa de demande de permis comporte des insuffisances, liées à l'omission de la " coque vide " de 243,6 mètres carrés destinée à un aménagement commercial, ce qui est de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur les caractéristiques du projet ;

- aucune autorisation d'exploitation commerciale n'a été délivrée, en méconnaissance de l'article L. 752-1 du code de commerce alors que la surface de vente totale du magasin faisant l'objet du permis de construire est supérieure à 1 000 mètres carrés, calculée en additionnant la surface de 991 mètres carrés à la surface de vente additionnelle de 50 mètres carrés prévue dans la " coque vide " de 243,6 mètres carrés qui apparaît dans le dossier de demande de permis ;

- l'arrêté ne mentionne pas qu'une autorisation complémentaire au titre des établissements recevant du public (ERP) sera requise pour l'ouverture au public de cette " coque vide " de 243,6 mètres carrés, en méconnaissance de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme et de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me A..., pour la commune d'Avrainville.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 26 septembre 2017, le maire de la commune d'Avrainville a délivré à la société SCI GFDI 103 un permis de construire en vue de la construction d'un magasin d'alimentation de proximité sous l'enseigne " Grand Frais " sur un terrain situé rue Louise de Vilmorin à Avrainville, dans la zone d'activité des Marsandes. La COMMUNE D'ARPAJON demande à la Cour d'annuler cet arrêté. La commune d'Avrainville a délivré un permis de construire modificatif daté du 7 janvier 2019 à la SCI GFDI 103.

Sur la compétence de la Cour administrative d'appel de Versailles :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 351-6 du même code : " Lorsque le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif, auquel un dossier a été transmis en application du premier alinéa ou de la seconde phrase du second alinéa de l'article R. 351-3, estime que cette juridiction n'est pas compétente, il transmet le dossier, dans le délai de trois mois suivant la réception de celui-ci, au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l'affaire à la juridiction qu'il déclare compétente ". Enfin, son article R. 351-9 dispose : " Lorsqu'une juridiction à laquelle une affaire a été transmise en application du premier alinéa de l'article R. 351-3 n'a pas eu recours aux dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 351-6 ou lorsqu'elle a été déclarée compétente par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sa compétence ne peut plus être remise en cause ni par elle-même, ni par les parties, ni d'office par le juge d'appel ou de cassation, sauf à soulever l'incompétence de la juridiction administrative ".

3. Il résulte des articles L. 752-1 du code de commerce et L. 425-4 et L. 600-10 du code de l'urbanisme que les cours administratives d'appel ne sont, par exception, compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un permis de construire, aussi bien en tant qu'il vaut autorisation de construire qu'en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que si ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Toutefois, sur le fondement de ces dispositions, le Tribunal administratif de Versailles a transmis la présente affaire, par ordonnance du 7 février 2019, à la Cour administrative d'appel de Versailles, qui n'a pas fait usage de la procédure de transmission du dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, ouverte par l'article R. 351-6 du code de justice administrative pour le règlement d'une question de compétence. Dans ces conditions, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 351-9 du code de justice administrative que sa compétence ne peut plus être remise en cause, contrairement à ce que soutiennent la commune d'Avrainville et la SCI GFDI 103.

Sur les fins de non-recevoir :

4. En premier lieu, selon l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à la commune qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir, tendant à l'annulation d'un permis de construire, de préciser l'atteinte qu'elle invoque en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les intérêts dont elle a la charge.

5. L'arrêté contesté autorise la construction d'un magasin d'alimentation de proximité à l'enseigne " Grand Frais " d'une surface totale de 2 033 mètres carrés, avec un parking de 140 places, à moins d'un kilomètre de l'entrée Sud de la commune requérante. La COMMUNE D'ARPAJON, qui fait état de l'atteinte qui lui serait portée par ce projet en raison de l'augmentation du trafic routier à proximité immédiate de son entrée de ville et, surtout, de la captation de la clientèle de son marché couvert et des commerces d'alimentation de proximité situés dans son centre-ville, doit être regardée comme se prévalant de l'atteinte portée à sa situation et aux intérêts dont elle a la charge, en particulier sa politique de revitalisation du centre-ville, où sont implantés, notamment, 270 enseignes sédentaires et un marché sous la grande halle, qui se tient les vendredis et dimanches. La commune publie ainsi, sur son site internet, son adhésion en 2016 à l'association " Centre-ville en mouvement ", les travaux de la mission de programmation du coeur de ville, projet-phare du mandat 2014-2020 par lequel la municipalité a mis " le cap sur le réaménagement des espaces publics au service des habitants et du commerce ", la décision du 27 mars 2018 du ministre de la cohésion des territoires la retenant parmi les 222 villes de France bénéficiaires du plan national " Action coeur de ville ", ainsi que des photographies, plans et délibérations liés à cette politique de revalorisation du centre-ville et aux projets relatifs à sa mise en oeuvre, comme le projet Mutabilis, débuté en 2018, pour lequel la première réunion publique de concertation avait eu lieu le 14 avril 2016, et enfin fait état de l'inauguration de la Maison du commerce et de l'artisanat, le 28 avril 2018. Il suit de là que le projet de construction en litige est susceptible de porter une atteinte importante aux intérêts de la COMMUNE D'ARPAJON, très engagée depuis de nombreuses années dans la revitalisation de son centre-ville, laquelle est indissociable de la défense des intérêts économiques des commerces alimentaires de proximité qui y sont implantés et de l'attractivité de son marché couvert. Enfin, la COMMUNE D'ARPAJON conserve un intérêt à agir en la matière, alors même qu'elle aurait transféré ses compétences en matière d'urbanisme à l'établissement public de coopération intercommunale " Coeur d'Essonne Agglomération ". Il suit de ce qui précède que la COMMUNE D'ARPAJON, en se prévalant de l'incidence de la construction projetée sur les intérêts dont elle a la charge, invoque une circonstance lui conférant par elle-même intérêt à agir pour demander l'annulation du permis de construire en litige.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la COMMUNE D'ARPAJON a notifié sa demande introductive d'instance, enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Versailles en date du 20 novembre 2017, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'attention du pétitionnaire et de la commune d'Avrainville. Cette notification est intervenue à l'égard de l'un et l'autre par lettre recommandée datée du 29 novembre 2017. Si les formulaires d'accusés de réception ne comportent pas de date lisible, aucun des deux destinataires ne conteste avoir reçu ce courrier dans le délai imparti à cet effet par le deuxième alinéa des dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête n'aurait pas été présentée conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2017 portant délivrance du permis de construire :

En ce qui concerne la légalité externe du permis de construire attaqué :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-4 du code de commerce : " I. - Dans les communes de moins de 20 000 habitants, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme peut, lorsqu'il est saisi d'une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, proposer au conseil municipal ou à l'organe délibérant de cet établissement de saisir la commission départementale d'aménagement commercial afin qu'elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. / Dans ces communes, lorsque le maire (...) est saisi d'une demande de permis de construire un équipement commercial visé à l'alinéa précédent, il notifie cette demande dans les huit jours au président de l'établissement public prévu à l'article L. 143-16 du code de l'urbanisme sur le territoire duquel est projetée l'implantation. Celui-ci peut proposer à l'organe délibérant de saisir la commission départementale d'aménagement commercial afin qu'elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le maire d'Avrainville a notifié la demande de permis de construire, déposée le 13 avril 2017 par la société GFDI 103, au président de l'établissement public de coopération intercommunale " Coeur d'Essonne Agglomération " par un courrier du 9 mai 2017, soit deux semaines et demi après l'expiration du délai de huit jours prévu par les dispositions précitées. Toutefois, cette méconnaissance dudit délai, mineure et au surplus survenue en tout début d'instruction de la demande de permis de construire et alors que cet établissement public de coopération intercommunale a pu rendre son avis le 24 mai 2017, soit bien antérieurement à la date du 26 septembre 2017 à laquelle l'arrêté portant permis de construire a été pris, n'a pas privé les intéressés d'une garantie, ni n'a exercé d'influence sur le sens de la décision finalement prise. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure, en méconnaissance du délai prévu par les dispositions précitées de l'alinéa 2 de l'article L. 752-4 du code de commerce, doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Sont joints à la demande de permis de construire : (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12 ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

11. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire accordé que dans le cas où lesdites omissions, inexactitudes ou insuffisances auraient été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

12. Il ressort des pièces du dossier, que le dossier de demande de permis de construire contient des photographies, cotées PC 06-02 et PC 07-08, ainsi qu'une notice paysagère cotée PC-04, qui montrent l'insertion du projet dans son environnement proche, constitué de la zone d'activité des Marsandes en bordure de la D 19, ainsi que de son environnement lointain, en faisant apparaître les constructions et les zones agricoles situées aux alentours de la zone d'activité et notamment de la N 20. Ces documents permettent ainsi, contrairement à ce que soutient la commune requérante, d'apprécier, sur le même document, la construction projetée et son environnement proche ou lointain. Par suite, l'autorité administrative a été mise en mesure de porter une appréciation non faussée sur l'insertion du projet dans son environnement. Le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire au sens des dispositions précitées des articles R. 431-7 et R. 431-10 du code de l'urbanisme manque en fait et doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne du permis de construire litigieux :

13. En premier lieu, la COMMUNE D'ARPAJON soutient que le formulaire Cerfa de demande de permis comporterait des insuffisances de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur les caractéristiques du projet, liées à l'omission de la " coque vide " de 243,6 mètres carrés et de son aménagement intérieur, qui, selon elle, comprendrait une surface commerciale de 50 mètres carrés. Il ressort toutefois de l'examen du formulaire Cerfa, dans sa version mise-à-jour et datée du 13 juillet 2017, qu'il détaille la destination de l'intégralité de la surface totale du projet de 2 033 mètres carrés, à savoir 991 mètres carrés de commerces, 226 mètres carrés de bureaux et 816 mètres carrés de stockages. Ce document a été transmis le 18 juillet 2017 à la commune d'Avrainville, pour compléter le dossier de demande de permis de construire, ce qui fait l'objet d'une mention aux visas de l'arrêté litigieux, à savoir le troisième visa ainsi que le dernier. Par suite, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que ce formulaire comporterait des informations insuffisantes qui auraient été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur sur le projet.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " I.- Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant (...) ".

15. Un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournis par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans pourraient ne pas être respectés ou que ces immeubles risqueraient d'être ultérieurement transformés et affectés à un usage non conforme au plan d'occupation des sols, n'est pas par elle-même, sauf le cas d'une fraude, de nature à affecter la légalité du permis.

16. Il est constant que le projet autorisé par le permis de construire litigieux, qui porte sur une surface de vente de 991 mètres carrés, n'entre pas dans le champ d'application du 1° de l'article L. 752-1 du code de commerce, précité. Il ne devait pas, par suite, être soumis à l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. Si les documents annexés au projet mentionnent une surface commerciale " en attente de commercialisation de 243,6 mètres carrés limitée à une surface de vente inférieure à 50 mètres carrés dont l'aménagement fera l'objet d'une demande ultérieure par leur preneur ", cette zone apparaissant, en particulier, sur le plan-masse coté PC 39, il ressort des pièces du dossier que la destination de ce local nu n'était pas connue à la date de dépôt de la demande de permis et a fortiori, il n'est pas davantage établi que celui-ci intégrerait dans l'avenir une surface de vente. D'ailleurs, il ressort de l'examen des éléments du dossier de permis de construire, et en particulier du plan-masse PC 39, que la " coque vide " possède deux larges ouvertures sur l'extérieur et qu'elle est totalement séparée du reste du bâtiment par des murs de type " CF 3H ", correspondant à des murs de béton cellulaire coupe-feu d'une épaisseur de 20 centimètres, qui ne sont percés d'aucune porte. Dès lors, cette surface, ainsi conçue pour être indépendante du reste du bâtiment, ne peut pas être regardée comme un élément qui aurait dû être pris en compte par le service instructeur avant l'édiction de l'arrêté portant permis de construire. Il suit de là que la demande de permis de construire n'avait pas à être soumise, y compris en ce qui concerne cette surface, à une autorisation de la commission départementale d'aménagement commercial. Au surplus, la seule circonstance que la surface de vente annoncée dans le permis de construire serait proche du seuil de 1 000 mètres carrés et que, selon la commune requérante, il serait " probable que le local vide contiendra une surface de vente ", n'est pas davantage de nature à établir une intention de fraude du pétitionnaire.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente (...). Toutefois, lorsque l'aménagement intérieur d'un établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connu lors du dépôt d'une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public ". Selon l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent. Toutefois, lorsque l'aménagement intérieur d'un établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connu lors du dépôt d'une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public. ".

18. Lorsque, comme en l'espèce, l'aménagement intérieur de locaux constitutifs d'un établissement recevant du public, qui nécessite une autorisation spécifique au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation relatif à l'accès des personnes handicapées ou à mobilité réduite, n'est pas connu lors du dépôt de la demande de permis de construire, l'autorité compétente ne peut légalement délivrer le permis sans mentionner expressément dans sa décision, l'obligation de demander et d'obtenir une autorisation complémentaire en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant l'ouverture au public. Cette règle s'applique alors même que le contenu du dossier de demande de permis de construire témoignerait de la connaissance de cette obligation par le pétitionnaire.

19. Il ressort des pièces constitutives du dossier de demande de permis de construire que l'aménagement intérieur du local nu d'une surface de 243,6 mètres carrés constitutif d'un établissement recevant du public, même partiellement, n'était pas connu au moment de la délivrance du permis de construire et nécessitera la délivrance ultérieure d'une autorisation spécifique au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation. En revanche, il est constant que ni l'arrêté attaqué portant permis de construire initial, pris le 26 septembre 2017, ni l'arrêté portant permis de construire modificatif du 7 janvier 2019, ne comportent la mention expresse, exigée par les deux textes précités et relative à l'obligation, pour le pétitionnaire, de demander et d'obtenir ladite autorisation complémentaire spécifique à ce local avant son ouverture au public. Par suite, la commune requérante est fondée à soutenir que l'arrêté contesté, qui n'a pas été régularisé sur ce point par le permis de construire modificatif du 7 janvier 2019, méconnaît les dispositions de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme et de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation.

Sur le caractère régularisable de l'illégalité partielle du permis de construire :

20. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " (...) le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. (...) ".

21. Lorsque les éléments d'un projet de construction ou d'aménagement auraient pu faire l'objet d'autorisations distinctes, le juge de l'excès de pouvoir peut prononcer l'annulation partielle de l'arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux. Les dispositions précitées de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme lui permettent en outre de procéder à l'annulation partielle d'une autorisation d'urbanisme qui n'aurait pas cette caractéristique, dans le cas où l'illégalité affectant une partie identifiable d'un projet de construction ou d'aménagement est susceptible d'être régularisée par un permis modificatif. Il en résulte que si l'application de ces dispositions n'est pas subordonnée à la condition que la partie du projet affectée par ce vice soit matériellement détachable du reste de ce projet, elle n'est possible que si la régularisation porte sur des éléments du projet pouvant faire l'objet d'un permis modificatif. Un tel permis ne peut être délivré, en particulier, que si les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d'illégalité ne peuvent pas être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale.

22. En l'espèce, le vice constaté au point 19. du présent arrêt, relatif à la méconnaissance de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme et de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, n'entache d'illégalité qu'une partie identifiable du projet et cette illégalité est susceptible d'être régularisée par l'édiction d'un arrêté du maire de la commune d'Avrainville portant permis modificatif sans que la conception générale du projet initial ne soit remise en cause. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le permis de construire en litige seulement en tant qu'il concerne cet aspect du projet et d'impartir au titulaire de l'autorisation, à savoir la SCI GFDI 103, pétitionnaire, un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, pour en demander la régularisation.

23. Il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'ARPAJON est seulement fondée à demander l'annulation du permis de construire litigieux en tant qu'il ne mentionne pas l'obligation du pétitionnaire de demander et d'obtenir une autorisation spécifique au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, au titre de la " coque vide " d'une surface de 243,6 mètres carrés avant son ouverture, même partiellement, au public.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de l'annulation très partielle prononcée, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune d'Avrainville ou de la SCI GFDI 103 le versement à la COMMUNE D'ARPAJON des sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE D'ARPAJON, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la commune d'Avrainville ou à la SCI GFDI 103 les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 26 septembre 2017 du maire de la commune d'Avrainville est annulé en tant seulement qu'il ne mentionne pas l'obligation du pétitionnaire de demander et d'obtenir une autorisation spécifique au sens des articles L. 425-3 du code de l'urbanisme et L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, avant l'ouverture au public du local d'une surface de 243,6 mètres carrés dont l'aménagement intérieur n'est pas connu.

Article 2 : La SCI GFDI 103 dispose d'un délai de deux mois, à compter de la notification du présent arrêt, pour demander la régularisation de l'arrêté du 26 septembre 2017 à la commune d'Avrainville.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE D'ARPAJON, de la SCI GFDI 103 et de la commune d'Avrainville est rejeté.

N° 19VE00438 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00438
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Instruction de la demande.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : CABINET PEYRICAL et SABATTIER ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-03;19ve00438 ?
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