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08/12/2020 | FRANCE | N°19VE03838

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 19VE03838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 avril 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n°1803556 du 23 novembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt

e enregistrée le 20 novembre 2019, Mme B... représentée par Me Launois Flacelière, avocat, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 avril 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n°1803556 du 23 novembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2019, Mme B... représentée par Me Launois Flacelière, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler l'arrêté du 3 avril 2018 ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de son dossier dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus d'admission au séjour :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 février 2017 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 février 2017 ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elle encourt de graves risques en cas de retour dans son pays d'origine.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B..., ressortissante pakistanaise née le 1er mai 1984, a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 7 décembre 2015. Cet office a rejeté sa demande par une décision du 21 avril 2016, qui a été confirmée par une décision rendue par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 13 février 2017. Elle a présenté une demande de réexamen auprès de l'OFPRA, le 19 mai 2017, que son directeur général a rejeté comme irrecevable le 26 mai suivant, décision confirmée par la CNDA le 4 octobre 2017. Par un premier arrêté du 22 mai 2017, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée, arrêté qui a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 14 septembre 2017 au motif que le préfet n'apportait pas la preuve qui lui incombe de la notification de la décision de la CNDA du 13 février 2017. En exécution de ce jugement et dans le cadre du réexamen de la situation de l'intéressée, le préfet de la Seine Saint-Denis a, par un arrêté du 3 avril 2018, à nouveau refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... fait appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 23 novembre 2018 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 avril 2018 :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment le 6° du I de son article L. 511-1, ainsi que le jugement du 14 septembre 2017 dans le cadre de l'exécution duquel le préfet a procédé au réexamen de la situation de l'intéressée, au vu des éléments recueillis auprès d'elle. Il indique notamment que la demande d'asile ainsi que la demande de réexamen de la demande d'asile de Mme B... ont toutes deux été rejetées par des décisions de l'OFPRA, confirmées par la CNDA et qu'elle ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale à laquelle l'adoption d'une mesure d'éloignement porterait une atteinte disproportionnée, eu égard à la situation irrégulière de son époux et au jeune âge de leur fille née en 2016. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas été mise à même de faire valoir des éléments de faits nouveaux ayant affecté sa situation depuis la date à laquelle avait été prise la décision initiale annulée, il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'en exécution du jugement du 14 septembre 2017, l'intéressée a été convoquée à la préfecture et s'est vue remettre une autorisation provisoire de séjour le 4 janvier 2018, et a ainsi été mise à même, à cette occasion, de présenter les éléments de sa situation avant la nouvelle décision. En tout état de cause, les éléments nouveaux dont elle se prévaut, à savoir d'une part, sa grossesse, et d'autre part, la nécessité d'un suivi médical de son état de santé, attestée par un certificat médical du 31 juillet 2018, sont postérieurs à la date de la décision attaquée. Ainsi, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit ainsi être écarté. Cette motivation révèle, en outre, que l'autorité administrative a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté attaqué: " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L.743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". L'article R. 733-32 du même code dispose : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'office. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. (...) ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 de ce code issues du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015: " (...) La date de notification de la décision de l'office (...) qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".

5. Si Mme B... se prévaut de l'absence de notification régulière de la décision de la CNDA du 13 février 2017, il ressort des pièces du dossier que le relevé des informations de la base de données " TelemOfpra " édité le 3 octobre 2018, produit par le préfet de la Seine-Saint-Denis, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire en vertu des dispositions précitées du III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait apparaître que cette décision a été notifiée à l'intéressée le 15 février 2017. Faute d'élément précis remettant en cause la date de cette notification, le moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Si Mme B..., entrée en France le 26 août 2015, se prévaut de sa situation familiale, il ressort des pièces du dossier que son époux, ressortissant pakistanais comme elle, est lui-même en situation irrégulière et que rien ne s'oppose à la reconstitution de sa cellule familiale avec ses deux enfants nés en France en 2016 et 2019, dans son pays d'origine. Si elle fait état de ce que plusieurs membres de sa famille avec lesquels elle entretient des liens étroits vivent à Strasbourg de façon régulière, elle ne l'établit pas. Elle ne conteste pas, par ailleurs, ne pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'elle n'a quitté qu'à l'âge de trente et un ans et où résident sa mère et sa soeur. Enfin, si elle fait valoir qu'elle souffre de dépression et que son état de santé nécessite un suivi régulier, elle n'a déposé aucune demande de titre de séjour pour motif médical et ne justifie pas de la gravité de sa pathologie par la seule production de prescriptions médicales et d'un certificat médical du 31 juillet 2018 d'un psychiatre attestant, sans autre précision, de l'existence d'un " suivi ambulatoire " et, par suite, de ce que son état de santé justifie la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté attaqué, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée doit également être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Si la requérante fait valoir qu'elle souffre de dépression, elle n'établit pas, par le seul certificat médical établi par un psychiatre le 31 juillet 2018 lequel est silencieux quant aux conséquences d'une éventuelle absence de soins, que son état de santé nécessitait, à la date de la décision attaquée, une prise en charge dont le défaut pouvait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité alors qu'au demeurant, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L.511-4 de ce code doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Mme B... se borne à soutenir qu'elle encourt de graves risques en cas de retour dans son pays d'origine sans toutefois se prévaloir d'aucun élément factuel permettant de considérer qu'elle serait personnellement exposée à un risque de peine ou de traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle ne produit, par ailleurs, aucun document nouveau qui n'aurait pas déjà été soumis à l'OFPRA et à la CNDA, qui ont, d'ailleurs, déjà rejeté sa demande d'asile à deux reprises. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... épouse B... est rejetée.

N° 19VE03838 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03838
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : LAUNOIS-FLACELIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-08;19ve03838 ?
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