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10/12/2020 | FRANCE | N°18VE00030

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 18VE00030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cora a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 22 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de délivrer l'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de Mme B... C..., ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1500469 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée

le 4 janvier 2018, la société Cora, représentée par Me Skander, avocat, demande à la Cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Cora a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 22 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de délivrer l'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire de Mme B... C..., ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1500469 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2018, la société Cora, représentée par Me Skander, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision de l'inspectrice du travail ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de l'inspectrice du travail est entachée d'un vice d'incompétence ;

- elle est entachée d'un vice de forme résultant de son défaut de motivation ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait, dès lors que c'est à tort que l'inspectrice du travail a considéré que les faits reprochés à Mme C... n'étaient pas établis ;

- elle est entachée d'une erreur de qualification juridique, dès lors que les faits reprochés sont constitutifs d'une faute grave de nature à justifier son licenciement.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour Mme C....

Une note en délibéré, présentée pour Mme C..., a été enregistrée le 3 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., employée en contrat à durée indéterminée par la société Cora en qualité d'hôtesse de caisse depuis le 1er août 1991, détenait au moment des faits litigieux le mandat de délégué du personnel suppléant. Par un courrier du 19 novembre 2014, la société Cora l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 27 novembre 2014 et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire. A la suite de la consultation du comité d'entreprise sur la mesure envisagée, la société Cora a, par un courrier du 28 novembre 2014, demandé l'autorisation de licencier Mme C... pour motif disciplinaire. Par une décision du 22 décembre 2014, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Val-d'Oise a refusé d'autoriser le licenciement. La société Cora a saisi le ministre chargé du travail d'un recours hiérarchique contre cette décision. La société Cora demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 7 novembre 2017 rejetant sa demande d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 22 décembre 2014 et de la décision implicite par laquelle le ministre a rejeté son recours hiérarchique.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. En premier lieu, en application des articles L. 2411-5 et L. 2411-13 du code du travail, le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 2421-1 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. ". Il résulte de ces dernières dispositions qu'aucune délégation de signature du directeur régional des entreprises, de la concurrence de la consommation, du travail et de l'emploi n'est nécessaire et que l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où le salarié est affecté ou rattaché. A défaut, l'inspecteur du travail compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège social de l'entreprise qui emploie le salarié protégé, même lorsque cette entreprise appartient à un groupe. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'établissement Cora de Garges-lès-Gonesse a mené l'intégralité de la procédure de licenciement de Mme C... et dispose ainsi d'une autonomie de gestion complète, d'autre part, que Mme E..., inspectrice du travail signataire de la décision attaquée, était en outre territorialement compétente pour la section 2-1 dans laquelle se situe Garges-lès-Gonesse en vertu des décisions du 24 septembre 2014 et du 1er octobre 2014 relatives tant à la localisation et à la délimitation des unités de contrôle et des sections d'inspection du travail de l'unité territoriale du Val-d'Oise qu'à l'organisation de l'inspection du travail dans le département du Val-d'Oise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence territoriale de l'auteur de l'acte attaqué ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ". En l'espèce, la décision de l'inspectrice du travail contestée mentionne les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement et en particulier expose les raisons pour lesquelles les faits ne peuvent être considérés comme établis et, par voie de conséquence, écarte la faute. Si la société requérante soutient que la motivation de la décision contestée est erronée, cette circonstance est sans incidence dès lors que le caractère suffisant de la motivation d'une décision administrative s'apprécie indépendamment du bien-fondé de ses motifs. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.

5. En troisième lieu, la société Cora soutient que l'inspectrice du travail a considéré à tort que les faits reprochés à Mme C... n'étaient pas établis et ne pouvaient ainsi constituer une faute de nature à justifier son licenciement. En particulier, la société fait valoir, qu'outre le constat d'huissier du 4 août 2014, la vidéosurveillance et des tickets de caisse, les faits de vol justifiant la demande de licenciement ressortent, tant du procès-verbal d'audition de la salariée en date du 18 novembre 2014, que du rappel à la loi délivré le même jour par un officier de police judiciaire en application des articles 40 et suivants du code de procédure pénale. Il ressort toutefois du procès-verbal du 18 novembre 2014, que Mme C... a seulement admis avoir, entre le 11 et le 12 novembre, récupéré deux bons d'achat sur les tickets de caisse des clients mais n'a pas admis les avoir utilisés et que le 14 novembre, elle a admis avoir récupéré un bon de 5,73 euros et s'en être servie pour payer ses achats. Par ailleurs, ni le constat d'huissier, ni les images de vidéosurveillance, ni les tickets de caisse produits par la société ni le rappel à la loi, ne permettent de démontrer que Mme C... aurait dérobé d'autres bons à des clients précisément identifiés et les aurait utilisés pour régler ses achats. Dès lors, c'est à bon droit que l'inspectrice du travail a considéré que les faits de vol reprochés n'étaient pas suffisamment établis et par suite, a constaté l'absence de faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cora n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision contestée du 22 décembre 2014 par laquelle l'inspectrice du travail lui a refusé l'autorisation de licencier Mme C... ensemble de la décision implicite de rejet du ministre chargé du travail. Par suite, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu en revanche de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros à verser à Mme C... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Cora est rejetée.

Article 2 : La société Cora versera la somme de 1 000 euros à Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE00030 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00030
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SKANDER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-10;18ve00030 ?
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