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25/02/2021 | FRANCE | N°19VE02662

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 25 février 2021, 19VE02662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté la demande d'autorisation de travail présentée en sa faveur par son employeur, la société Urban Sécurité Club SARL (Paris 10ème), pour l'exercice d'un emploi d'agent de sécurité incendie et d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer l'autorisation de travail sollicitée, d'autre part, d'annuler l'arrêté du préfet des

Hauts-de-Seine en date du 10 avril 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 19 mars 2018 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté la demande d'autorisation de travail présentée en sa faveur par son employeur, la société Urban Sécurité Club SARL (Paris 10ème), pour l'exercice d'un emploi d'agent de sécurité incendie et d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer l'autorisation de travail sollicitée, d'autre part, d'annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 10 avril 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1804943 et 1805041 du 12 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2019, M. E..., représenté par Me B... D..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer l'autorisation de travail et le titre de séjour sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E... soutient que :

1) s'agissant de l'autorisation de travail

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant l'autorisation de travail ;

- le tribunal a inversé la charge de la preuve sur la situation de l'emploi ;

2) s'agissant du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français

- le préfet n'a pas pris en compte toutes les considérations de fait et de droit ;

- le préfet devait prendre en compte les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il dispose de nombreux liens personnels en France où il a fixé le centre de ses intérêts économiques, privés et familiaux ; il justifie de motifs exceptionnels ; le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être accueilli ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me B... D... pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., ressortissant tchadien né le 12 juin 1971 à Sarh (Tchad) et entré sur le territoire français le 2 décembre 1995, a bénéficié de onze cartes de séjour temporaires portant la mention " étudiant ", valables du 8 novembre 2001 au 25 septembre 2014. Le 20 octobre 2016, M. E... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de " salarié ", en se prévalant de son recrutement par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'agent de sécurité incendie, par la société Urban Sécurité Club SARL, laquelle a pour activité la sécurité privée. Toutefois, d'une part, par une décision du 19 mars 2018, prise sur le fondement de l'article L. 5221-2 du code du travail, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté la demande d'autorisation de travail présentée par la société Urban Sécurité Club en faveur de M. E.... D'autre part, par un arrêté du 10 avril 2018, le préfet des Hauts-de-Seine, se fondant sur son précédent refus de délivrance d'une autorisation de travail au profit de M. E..., a rejeté la demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, portant la mention " salarié ", prévue au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile présentée par M. E..., a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. E... fait appel du jugement n° 1804943 et 1805041 en date du 12 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux décisions.

Sur la légalité du refus d'autorisation de travail :

2. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 5221-1 du code du travail : " Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail (...) : 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; ". Aux termes de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. ". Aux termes de son article R. 5221-15 : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Aux termes de l'article R. 5221-17 : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-20 : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par la décision litigieuse du 19 mars 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté la demande d'autorisation de travail sollicitée en faveur de M. E... aux motifs, d'une part, que son employeur ne justifiait pas des difficultés de recrutement en ne fournissant aucune offre d'emploi et qu'il n'aurait pas effectué des recherches préalables auprès des organismes concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail et, d'autre part, que le poste d'agent de sécurité incendie auquel postulait M. E... n'était pas en adéquation avec sa qualification, notamment son doctorat en histoire du monde contemporain.

5. S'agissant de la situation de l'emploi et de la zone géographique, M. E... soutient qu'il n'est pas prouvé que toutes les offres d'emploi du secteur aient été pourvues, que les demandeurs d'emploi aient adressé leur candidature à l'employeur, que les organismes concourant au service public de l'emploi aient adressé à la société les dites nombreuses demandes d'emplois et que la main d'oeuvre disponible pour exercer l'emploi d'agent de sécurité incendie n'est pas aussi abondante qu'évoquée. Toutefois, M. E... à qui il appartient d'apporter des éléments de nature à contredire les éléments circonstanciés évoqués dans la décision attaquée, n'apporte aucun élément de nature à établir ses dires. En outre, la société Urban Sécurité Club ne démontre pas avoir diffusé son offre d'emploi, ni qu'elle se serait mise en relation avec les organismes concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail comme il lui appartient de le faire en vertu des dispositions précitées.

6. S'agissant de l'inadaptation du diplôme et du poste, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet des Hauts-de-Seine a estimé que la formation de M. E..., titulaire d'un doctorat en histoire du monde contemporain, n'était pas en adéquation avec les fonctions qu'il comptait exercer. M. E... ne conteste pas que l'emploi d'agent de sécurité qu'il souhaite exercer n'est pas en adéquation avec son diplôme de doctorat en histoire mais fait valoir l'expérience, les formations, diplômes et titres qu'il a obtenus en France dans le domaine de la prévention et de la sécurité. Ces formations, titres et diplômes lui ont permis d'obtenir la carte professionnelle prévue par l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure et ainsi d'occuper, en parallèle de ses études en France, l'emploi d'agent de sécurité, à temps partiel comme l'y autorisait son titre de séjour " étudiant ". En revanche, ces formations, titres et diplômes ne peuvent être regardés comme les études suivies et diplômes obtenus en France par " un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français " au sens et pour l'application des dispositions précitées, seuls pouvant être retenus à ce titre les formations, titres et diplômes correspondant au cursus de l'étudiant concerné et non ceux accessoirement suivis et obtenus par lui en vue d'occuper un emploi en parallèle à son cursus d'études. C'est, par suite, à bon droit que le préfet n'a pas retenu les formations, titres et diplômes de l'intéressé dans le domaine de la prévention et de la sécurité, ni son expérience dans ce domaine, pour apprécier l'adéquation de la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de M. E... aux caractéristiques de l'emploi auquel il postule.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 du présent arrêt que M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer l'autorisation de travail qu'il sollicitait.

Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 313-14 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ". Il résulte de ces dispositions que l'article L. 313-14 permet la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

9. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

10. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que M. E... réside en France depuis le 2 décembre 1995 de manière continue et stable. Il s'est vu délivrer trois cartes de séjour " visiteur " et onze cartes de séjour " étudiant ". Après des études à Saint-Cyr et à l'école de la gendarmerie de Melun, il a soutenu son doctorat en histoire en 2016. En parallèle, et comme en attestent les certificats de travail non contestés par le préfet et quelques bulletins de paie produits en appel, il a exercé la profession d'agent de sécurité pour laquelle il a obtenu les certificats professionnels requis et une carte professionnelle délivrée en 2010. Il présente une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité incendie et des attestations de sa logeuse chez qui il réside depuis 2008. Dans ces conditions, eu égard à la durée et à la qualité du séjour, au fait que l'intéressé établit avoir fixé le centre de ses intérêts personnels en France, quand bien même il serait célibataire et sans enfant, et souhaiterait exercer une profession caractérisée par un nombre plus important de demandes que d'offres d'emplois, les éléments apportés par M. E... sont de nature à caractériser l'existence de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé d'annuler l'arrêté par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que M. E... se voie délivrer un titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804943 et 1805041 du 12 juin 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 10 avril 2018 et l'arrêté en date du 10 avril 2018 du préfet des Hauts-de-Seine sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. E... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

2

N° 19VE02662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02662
Date de la décision : 25/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Emploi des étrangers - Mesures individuelles - Titre de travail.


Composition du Tribunal
Président : Mme ORIO
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : KOSSI DJOHONGONA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-25;19ve02662 ?
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