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18/03/2021 | FRANCE | N°19VE03560

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 18 mars 2021, 19VE03560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux an

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux ans en le signalant aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, d'autre part, l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois.

Par un jugement n° 1911130 du 26 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire à fin de communication de pièces enregistrés le 25 octobre 2019 et le 6 janvier 2020, M. B... D..., représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui restituer son passeport ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... soutient que :

- en considérant qu'il n'avait fait aucune demande de régularisation, le préfet de la Savoie a commis une erreur de fait ; c'est à tort que le tribunal a repris cette erreur de fait lui reprochant l'absence de récépissé d'attestation et il est constant que toutes ses tentatives pour prendre rendez-vous, sur internet, se sont soldées par un échec ;

- il est fondé à obtenir la régularisation de son séjour ; la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devrait être saisie ; il est éligible à une régularisation sur le fondement de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- l'interdiction de retour prononcée par le préfet de la Savoie est disproportionnée, au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce préfet a aussi commis une erreur manifeste d'appréciation et un détournement de pouvoir, en lui refusant le délai de départ volontaire ;

- l'arrêté du préfet du Val-d'Oise est entaché d'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- cet arrêté du préfet du Val-d'Oise doit aussi être annulé en conséquence de l'illégalité de l'arrêté attaqué du préfet de la Savoie.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me C... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant tunisien, a fait l'objet, d'une part, d'un arrêté du préfet de la Savoie en date du 2 septembre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de deux années en le signalant aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et, d'autre part, d'un arrêté du même jour du préfet du

Val-d'Oise l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours. Il fait régulièrement appel du jugement en date du 26 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.

Sur les moyens dirigés contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

2. M. D... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire attaquée est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle se fonderait sur la circonstance qu'il n'aurait pas sollicité la régularisation de sa situation. Il produit à l'appui de ce moyen la copie d'une confirmation informatique de rendez-vous le 27 mai 2019 à la sous-préfecture de Sarcelles et des copies d'écran attestant de l'impossibilité d'obtenir des rendez-vous à la sous-préfecture datées du 4 septembre 2019 et du 23 octobre 2019. Toutefois, en l'absence de récépissé d'attestation d'enregistrement d'une demande de réexamen de sa situation, cet élément est insuffisant pour établir que M. D... aurait effectivement sollicité la régularisation administrative de sa situation, quand bien même il aurait tenté par la suite de renouveler sans succès des demandes de rendez-vous le 4 septembre 2019 et le 23 octobre 2019, dès lors que ces pièces ne permettent pas d'établir que M. D... aurait été empêché de solliciter une régularisation de sa situation entre le 9 mars 2017 date du dernier refus de séjour qui lui a été opposé et les captures d'écran datées de mai 2019. Dans ces conditions, M. D... n'ayant pas demandé la régularisation de sa situation, le préfet de la Savoie était fondé à prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

3. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être invoqué utilement contre une décision portant obligation de quitter le territoire français et doit, par suite, être écarté comme inopérant.

4. Le moyen tiré de la méconnaissance des termes de la circulaire du 28 novembre 2012, qui énonce des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation, ne peut utilement être soulevé, ainsi que l'a retenu le magistrat désigné au point 5. de son jugement. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur le moyen dirigé contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

5. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".

6. M. D... reprend en appel, à l'identique et sans élément nouveau, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et entaché sa décision de détournement de pouvoir en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. Toutefois, en retenant que M. D... n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et ne justifiait d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français, le préfet de la Savoie n'a ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire ni entaché sa décision d'un détournement de pouvoir.

Sur le moyen dirigé contre la décision l'interdisant de retour sur le territoire :

7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

8. Comme en première instance, M. D... se prévaut en appel de l'ancienneté de sa présence en France ainsi que de celle de son activité professionnelle. Toutefois, le requérant ne démontre pas par les pièces qu'il produit qu'il séjournerait de manière habituelle en France depuis 2010 ni qu'il serait intégré socialement et professionnellement à la société française depuis cette date. En outre, sa fiancée résiderait en Italie et il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 24 ans. Enfin, contrairement à ce que soutient l'intéressé et eu égard aux éléments rappelés au point 2, M. D... n'établit pas avoir sollicité la régularisation de sa situation, préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision l'interdisant de retour sur le territoire porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur le moyen dirigé contre la décision l'assignant à résidence :

9. L'arrêté contesté a été signé par Mme E... F..., chef de section Eloignement à la préfecture du Val-d'Oise, qui bénéficiait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté n° 19-08 du 17 juin 2019, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté.

10. M. D... n'établissant pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour est entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que l'arrêté du préfet du Val-d'Oise doit être annulé en conséquence de l'illégalité de l'arrêté du préfet de Savoie ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

2

N° 19VE03560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03560
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SCP LOUKIL RENARD ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-18;19ve03560 ?
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