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09/12/2021 | FRANCE | N°19VE02132

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 09 décembre 2021, 19VE02132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2017 par lequel le président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pendant deux ans et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°

1701094 du 15 avril 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2017 par lequel le président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pendant deux ans et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701094 du 15 avril 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et a rejeté les conclusions de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de Saint-Quentin-en-Yvelines présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2019, Mme D..., représentée par Me Mandicas, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles ;

2°) d'annuler l'arrêté du président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines ;

3°) de mettre à la charge de l'EPCI de Saint-Quentin-en-Yvelines le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure, en raison de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

- l'enquête administrative est irrégulière en ce qu'elle a été effectuée par Mme B..., psychologue, clinicienne extérieure à l'administration qui, dépourvue de délégation, n'avait pas qualité pour procéder à l'audition des agents ;

- cette enquête est irrégulière, dès lors qu'elle a été partiale ;

- l'arrêté est entaché d'erreur d'appréciation et de violation de la loi.

................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fremont,

- et les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée par la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (CASQY) le 1er mars 2006, puis titularisée au grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe le 1er novembre 2008, Mme D... a été nommée au poste de chef d'équipe du service propreté et ménage le 18 avril 2011. Suite à diverses plaintes parmi les dix-sept agents du service, le président de la CASQY a confié à Mme B..., psychologue clinicienne, une mission d'enquête administrative le 22 janvier 2013, qui a abouti au changement d'affectation de Mme D..., puis à l'élaboration d'un rapport d'enquête du 22 mars 2013 relevant certaines pratiques managériales des trois membres du personnel encadrant. Suite à un avis du 30 septembre 2013 du conseil de discipline, le président de la CASQY a décidé d'infliger la sanction d'exclusion temporaire de fonctions à Mme D... pour une durée de deux ans, par un arrêté du 7 octobre 2013. Toutefois, à la suite d'un recours en annulation, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté par jugement du 24 juin 2016 n° 1307534, en raison d'un vice de procédure. Suite à la reprise de la procédure disciplinaire, Mme D... a été de nouveau convoquée devant le conseil de discipline le 17 octobre 2016, lequel rendait le 18 novembre 2016 un avis favorable à une sanction de révocation. Par arrêté du 20 janvier 2017, le président de l'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines (SQY), venue aux droits de la CASQY, a décidé de reprendre la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de deux ans, à compter du 1er mars 2017. Mme D... a formé un recours en annulation devant le tribunal administratif de Versailles aux termes duquel elle demandait d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2017 et de mettre à la charge de la CASQY le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme D... relève appel du jugement n° 1701094 du 15 avril 2019, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ". Aux termes de l'article 90 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " (...) Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité territoriale. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés ".

3. Mme D... soutient que les griefs tirés de ce qu'elle aurait directement participé à l'isolement de certains agents par la pratique de petits déjeuners et aurait été à l'initiative d'une pétition contre un agent qui aurait eu des répercussions sévères sur l'état de santé de ce dernier, constitueraient des éléments nouveaux qui n'auraient pas été soumis à la procédure contradictoire, en méconnaissance de son droit à la défense. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a été convoquée par courrier du 6 octobre 2016 en vue de la reprise de la procédure disciplinaire pour des faits tenant à " des abus de pouvoir à l'égard de ses collaborateurs ayant eu pour conséquence une dégradation des conditions de travail et de la santé de certains d'entre eux, non-respect des règles de gestion du temps de travail ". Il ressort tant des termes de l'avis du conseil de discipline que de la décision attaquée, que les faits évoqués par l'appelante cités ci-avant, se rattachent aux faits d'abus de pouvoir, ayant des conséquences sur le service et sur les agents, qui lui ont été initialement reprochés. Au surplus, ces faits étaient déjà mentionnés dans le rapport d'enquête figurant dans le dossier administratif de Mme D..., qu'elle était à même de consulter les 6 et 17 octobre 2016 et dont elle avait effectivement pris connaissance le 23 mai 2013. Par suite le moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, Mme D... conteste la régularité de l'enquête administrative en raison de l'absence d'habilitation de Mme B..., psychologue clinicienne, recrutée pour mener cette enquête et de son incompétence professionnelle dans le domaine administratif. Toutefois, les circonstances que le président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines ne justifierait ni des conditions de recrutement de Mme B..., ni d'une délégation de compétence ou de signature à cette dernière sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'elle n'est pas intervenue dans le processus d'élaboration de la décision en litige et qu'elle a été recrutée à l'extérieur de l'administration par un ordre de mission du 22 janvier 2013. En outre, la circonstance à la supposer établie, que Mme B... ne disposerait pas des compétences professionnelles pour mener l'enquête n'a pas davantage d'incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il appartient à l'administration, puis au juge administratif de l'excès de pouvoir, d'apprécier la valeur de ce rapport d'enquête. En tout état de cause, si le rapport du conseil de discipline fait grief au rapport établi par Mme B... de comporter quelques maladresses de présentation et de méthodologie, ce document, qui apparaît suffisamment circonstancié et pertinent, repose sur un diagnostic fondé sur les témoignages des agents du service et même d'anciens agents, qui ont pu être auditionnés dans des conditions de confidentialité. Par suite ces moyens doivent être écartés.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes du rapport qui, ainsi qu'il a été précédemment exposé, repose en particulier sur le témoignage de l'ensemble des agents du service propreté et ménage, ainsi que sur celui d'anciens agents de ce service, que Mme B... aurait mené son enquête de manière partiale. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes :Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport circonstancié d'enquête préalable et de l'avis du conseil de discipline, que bien qu'étant agent de catégorie C, Mme D... occupait les fonctions de chef d'équipe depuis 2011, en secondant le chef de service, ce qui comportait une mission d'encadrement d'agents du service propreté et ménage. Dans l'exercice de ses fonctions, Mme D... a activement participé depuis 2012, certes dans une moindre mesure que M. C..., responsable de service sous la direction duquel elle était placée et que Mme A..., également chef de service, tous deux licenciés par la communauté, au climat délétère et anxiogène régnant au sein du service, en faisant notamment usage de mesures de surveillance abusives et de pressions répétées à l'égard de certains agents. En outre, l'appelante a adopté des pratiques managériales discriminatoires à son bénéfice ou à celui de certains agents, en particulier s'agissant des horaires de travail et de l'octroi de jours de congés. Il ressort également des pièces du dossier que Mme D... a mis en place des manœuvres destinées à diviser, telles que la propagation de rumeurs par le biais, notamment, de pétitions à l'encontre de certains agents ou encore des mesures dont l'objectif était de les isoler, telles que des petits-déjeuners, d'une durée parfois supérieure à deux heures, dans le cadre desquels des agents du service étaient mis à l'écart. Il en résulte que les agissements auxquels Mme D... a participé, qui excèdent l'exercice des missions de gestion du personnel dévolues à l'intéressée dans ses fonctions de chef d'équipe, ont eu un impact notable sur le fonctionnement du service et sur l'état psychologique d'une partie des agents. Par suite, Mme D... a commis des fautes présentant un caractère disciplinaire et de nature à justifier une sanction.

8. Eu égard aux caractères grave et répété sur une longue période, depuis 2012, des fautes commises par Mme D..., de leur incidence tant sur le fonctionnement du service que sur l'état psychologique des agents et compte tenu de la nature des missions d'encadrement occupées par l'intéressée, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision du président de la communauté d'agglomération Saint-Quentin-en-Yvelines décidant de lui infliger la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, soit une sanction du troisième groupe, serait entachée d'erreur d'appréciation et de violation de la loi. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2017 par lequel le président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines lui a infligé la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pendant deux ans. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. L'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de Saint-Quentin-en-Yvelines n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par Mme D... tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... le versement d'une somme de 500 euros à l'EPCI de Saint-Quentin-en-Yvelines en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à l'EPCI de Saint-Quentin-en-Yvelines la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 19VE02132 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02132
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Marc FREMONT
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : MANDICAS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-09;19ve02132 ?
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