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14/12/2021 | FRANCE | N°19VE00619

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 14 décembre 2021, 19VE00619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Trans JM a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été soumise pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au tit

re de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1505...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Trans JM a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été soumise pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1505216 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2019 et 15 octobre 2020, la SARL Trans JM, représentée par Me Krief, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le service a, à tort, mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à raison des prestations qu'elle a rendues à la société TTI, alors que celle-ci, compte-tenu de la modestie de sa structure, ne disposait pas d'un établissement stable en France, c'est-à-dire d'une structure permettant d'un point de vue humain et technique la réception et l'utilisation des services qui lui sont rendus pour ses besoins ; pour apprécier l'existence ou non d'un établissement stable, le service ne pouvait rattacher le même personnel à la société TTI, pour caractériser l'existence d'une " structure apte ", et aux services que recevrait cet " établissement stable " ; il n'établit l'existence ni d'une comptabilité parallèle, ni d'un circuit économique, entre elle et la société TTI, extérieur aux opérations découlant du contrat de sous-traitance, ni d'opérations économiques dissimulées ; au surplus, les services rendus à la société TTI en tant qu'entité portugaise ne conduisent pas à une situation fiscale irrationnelle, ni avec un autre État membre dès lors que la TVA est auto-liquidée par la société TTI au Portugal et que les encaissements de la société TTI sur son compte bancaire français sont comptabilisés dans son bilan au Portugal ;

- le service l'a, à tort, assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à raison, d'une part, du rejet, en tant que charges, de salaires versés à ses employés comme non engagées dans son intérêt alors que tel n'est pas le cas, et, d'autre part, de la rémunération de son gérant regardée comme excessive alors qu'elle ne présente pas un caractère anormal et qu'une telle appréciation constitue une immixtion dans sa gestion ;

- le service a, à tort, assorti les redressements de pénalités pour manœuvre frauduleuses dès lors que l'absence de rectification à l'issue d'un contrôle de facturation de 2001, alors que les relations avec la société TTI étaient portées à la connaissance du service, a conforté les dirigeants des sociétés dans l'idée que leurs relations commerciales étaient, fiscalement, régulières.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Deroc,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Trans JM, qui a pour activité le transport routier de marchandises, a fait l'objet d'une procédure de visite domiciliaire et de saisie sur son site de Saint-Germain-Lès-Arpajon, en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ainsi que d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés, à raison notamment de la reprise de charges regardées comme non déductibles, et de taxe sur la valeur ajoutée, à raison de prestations de services qu'elle a placées à tort sous le régime d'exonération du I. de l'article 262 du code général des impôts, au titre des années 2008 à 2010. La SARL Trans JM fait appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

2. Il résulte de l'instruction que, pour établir les rappels contestés, le service a regardé le contrat de sous-traitance de transport routier de marchandises du 5 janvier 1998 liant les sociétés Trans JM et Transnate Transportes Internacionales (TTI), par lequel la première met à la disposition exclusive de la seconde des véhicules avec le personnel de conduite nécessaire et fournit les moyens complémentaires et les services nécessaires à leur utilisation, comme un contrat de location par lequel la SARL Trans JM, loueur, met à disposition de la société TTI, locataire, des moyens de transport et du personnel.

3. La SARL Trans JM, qui ne conteste pas une telle lecture, fait valoir, pour remettre en cause ces rappels, que la société TTI ne saurait être regardée comme disposant d'un établissement stable en France de sorte que les prestations ne sont pas taxables en France et, qu'au demeurant, le rattachement de ces prestations au siège portugais de la société TTI ne conduit pas à une situation fiscale irrationnelle, ni à un conflit avec un autre État membre.

En ce qui concerne les années 2008 et 2009 :

4. Il résulte de l'instruction que, pour les années 2008 et 2009, l'administration fiscale a fondé les rappels litigieux de taxe sur la valeur ajoutée sur les dispositions alors en vigueur, d'une part, s'agissant de la mise à disposition de moyens de transport, de l'article 259 A du code général des impôts aux termes desquelles : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : / 1° Les locations de moyens de transport (1) : / a. Lorsque le prestataire est établi en France et le bien utilisé en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté ; / (...) " et, d'autre part, s'agissant de la mise à disposition de personnels, de l'article 259 aux termes desquelles : " Le lieu de prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu (...) " et de l'article 259 B du même code aux termes desquelles : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / (...) / 7° Mise à disposition de personnel ; / (...) / Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté ".

5. D'une part, s'agissant des prestations de location de moyens de transport, il est constant que la SARL Trans JM est établie en France et que les véhicules mis à disposition de la société TTI, locataire, ont servi à acheminer des marchandises collectées en France, à Paris et Aubervilliers, sur le site de Saint-Germain-lès-Arpajon. Le service était dès lors fondé à regarder ces prestations comme relevant de la TVA française sur le fondement de l'article 259 A du code général des impôts et la société requérante comme redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en cause en application de son article 283. Est, par suite, sans incidence, sur ces deux points, la circonstance que la société TTI, preneuse, aurait ou non disposé d'un établissement stable en France.

6. D'autre part, s'agissant de la mise à disposition de personnel et pour l'application des dispositions précitées, un établissement stable s'entend, ainsi que l'a rappelé la Cour de justice de l'Union européenne par l'arrêt Welmory sp. z o.o. du 16 octobre 2014 (C-605/12), d'une structure caractérisée par un degré suffisant de permanence, apte, en termes de moyens humains et techniques, à lui permettre de recevoir et d'utiliser les services qui lui sont fournis pour les besoins propres de cet établissement.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des opérations de visite domiciliaire et des opérations de vérification comptabilité diligentées, que la société TTI louait des locaux à usage d'entrepôt, d'une superficie d'environ 900 m², et de bureau pour 40 m², à Saint-Germain-Lès-Arpajon, en application d'un bail commercial du 15 juin 2004, locaux pour lesquels elle est titulaire d'abonnements de fourniture d'eau et d'électricité, dont l'accès se fait depuis la route grâce à un fléchage à son nom et dont l'adresse figurait sur un cachet commercial de la société, de sorte que cette dernière disposait, en France, de bureaux, d'entrepôts et de parkings, fixes et clairement identifiés. A l'occasion de la visite domiciliaire effectuée, a également été constatée la présence sur place de nombreuses factures adressées aux clients français de la société TTI, de lettres de voiture vierges ou complétées du nom de la société TTI à son adresse française, de fax relatifs à son activité, de bons d'enlèvement vierges au nom de la société TTI ou de la SARL Trans JM où la société TTI apparaît comme donneur d'ordre et spécifiant une livraison au Portugal, de sorte qu'il s'en déduit que la société TTI organisait, depuis son adresse française, son activité de transport et de gardiennage de marchandises. Il résulte en outre de l'instruction que la société TTI y exerçait également le suivi commercial de son activité ainsi qu'en attestent des commandes reçues à cette adresse et des fax de clients, y organisait les relations avec les fournisseurs et prestataires de services ainsi qu'en attestent des échanges intervenus avec la société d'entretien Norsud ou le fournisseur INFO Industries, et y assurait un suivi comptable et financier de son activité française ainsi qu'en attestent l'envoi du courrier de son établissement bancaire français à Saint-Germain-Lès-Arpajon, la réception de chèques de clients à cette adresse, la relance d'impayés clients depuis cette même adresse et l'encaissement sur le compte bancaire français des règlements de ses clients français. Le ministre fait enfin état de ce que le relevé de personnel remis au service fait apparaître sous l'intitulé " França " quatre noms, dont celui de M. A... F..., désigné comme le représentant de la société TTI en France dans les documents commerciaux de cette dernière, interlocuteur en France de certains clients avec Mme D... B..., destinataire et ayant endossé des chèques de clients. Par ailleurs, le service a relevé au cours des opérations de contrôle que le personnel employé par la SARL Trans JM, soit non seulement des chauffeurs, des manutentionnaires, mais également une secrétaire et un gardien, constitue, en fait, un personnel commun avec la société TTI, et que, selon le contrat conclu entre les deux sociétés, cette dernière est la seule organisatrice du transport, la SARL Trans JM n'intervenant qu'en tant que fournisseur des moyens, sans organiser les tournées des chauffeurs.

8. La SARL Trans TM ne conteste pas sérieusement ces constats en se bornant, d'une part, à faire valoir sans autre précision ou justification que le bail conclu le 15 juin 2004 n'avait pour but que de " permettre aux chauffeurs de la société TTI d'avoir un lieu sûr où se reposer lors de leurs passages en région parisienne " et, d'autre part, à contester la capacité de M. F... à engager la société TTI alors qu'il résulte de ce qui précède que la gestion administrative, commerciale, logistique et financière de l'activité française de la société TTI était exercée depuis Saint-Germain-Lès-Arpajon. Par ailleurs, la circonstance que la société TTI ait eu recours à un contrat de mise à disposition de moyens de transport et de personnels n'est pas, à elle-seule, de nature à établir l'absence d'établissement stable en France de la société portugaise en tant que preneur. Rien ne s'opposait, d'ailleurs, à ce que, pour caractériser l'existence d'un tel établissement, le service prenne notamment en compte ces personnels et moyens mis à disposition de la société TTI par la SARL Trans JM et ce, quand bien même ces mises à disposition sont à l'origine des rappels contestés, alors qu'en toute hypothèse, ainsi que le souligne le ministre de l'action et des comptes publics, le contrat en cause est exclusivement un contrat de transport routier de marchandises, conclu pour permettre à la société TTI de réaliser ses propres prestations et ne permettant en aucun cas de justifier que la SARL Trans JM accomplisse pour la société TTI les opérations de gestion administrative, commerciale, logistique et financière précitées. Enfin, sont inopérants les arguments avancés par la société requérante tenant à l'absence de tenue d'une comptabilité parallèle, de circuit économique extérieur aux opérations découlant du contrat de sous-traitance et d'opérations économiques dissimulées, de même que ceux tenant au fait que la SARL Trans JM ne disposait pas du pouvoir de conclure des contrats au nom de la société TTI et cette dernière ne se trouvait pas dans une situation de dépendance à l'égard de la première dès lors que le service n'a, à aucun moment, soutenu que la société requérante devrait être regardée comme l'établissement stable de la société TTI.

9. Dans ces conditions, la société TTI doit être regardée comme ayant disposé, au titre de la période en cause, d'un établissement stable au sens et pour l'application des articles 259 et 259 B en ce qui concerne la mise à disposition de personnel pour la période antérieure au 1er janvier 2010. C'est donc également à bon droit que le service a regardé ces prestations comme relevant de la TVA française sur le fondement de l'article 259 B du code général des impôts et la société requérante, prestataire établi en France, comme redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en cause en application de son article 283. La SARL Trans JM n'est pas fondée à soutenir, à titre subsidiaire, que le rattachement de la société TTI à l'établissement stable français et non au siège portugais serait, en l'espèce, irrationnel d'un point de vue fiscal dès lors qu'elle se borne, au soutien de ce moyen, à faire valoir que les encaissements sur son compte bancaire français seraient comptabilisés dans son bilan établi au Portugal et qu'elle autoliquiderait la TVA au Portugal.

En ce qui concerne l'année 2010 :

10. Il résulte de l'instruction que, pour l'année 2010, l'administration fiscale a fondé le rappel litigieux de taxe sur la valeur ajoutée sur les dispositions applicables à compter du 1er janvier 2010 de l'article 259 du code général des impôts, aux termes desquelles : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / (...) ".

11. Pour les motifs rappelés aux points 6. et 7., la société TTI doit être regardée comme ayant disposé, également au titre de cette période, d'un établissement stable au sens et pour l'application du 1° de l'article 259 du code général des impôts, auquel les prestations litigieuses ont été rendues par la SARL Trans JM et c'est de nouveau à bon droit que le service a regardé l'ensemble des prestations en cause comme relevant de la TVA française sur le fondement de l'article 259 du code général des impôts et la société requérante, prestataire établi en France, comme redevable de la taxe sur la valeur ajoutée en cause en application de son article 283.

12. Par ailleurs, et dès lors que les prestations peuvent être rattachées à un tel établissement, il n'y a pas lieu de rechercher si ce rattachement est fiscalement plus rationnel qu'un rattachement au siège de l'activité économique du prestataire. Ainsi, la SARL Trans JM ne saurait utilement faire valoir, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'existence d'un établissement stable de la société TTI serait admise, que le rattachement des prestations au siège portugais de celle-ci " ne conduirait pas à une situation fiscale irrationnelle, ni à un conflit avec un autre État membre ".

13. Dès lors, la SARL Trans JM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'action et des comptes publics a mis à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés.

Sur l'impôt sur les sociétés :

14. Aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. / (...) ". Il appartient au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

15. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause la déduction, en tant que charges, de tout ou partie de salaires versés à des employés de la SARL Trans JM. Premièrement, elle a remis en cause les rémunérations versées à deux chauffeurs, MM. De Jesus Morgado et Mendes de Oliveira, en relevant que leurs noms ne figuraient pas sur le registre unique de délivrance des livrets individuels de contrôle et des horaires de service pour les membres d'équipage des transports par route, ni sur les lettres de voiture nationale, ni sur les contrats d'assurance. Si la société requérante entend attester de la réalité des prestations réalisées par ces chauffeurs, elle se borne à faire valoir qu'il serait d'usage d'envoyer les chauffeurs par binôme afin d'éviter le vol pendant la récupération des colis, sans en justifier, alors que le service oppose le caractère invraisemblable d'une telle affirmation pour des chauffeurs percevant des rémunérations identiques. Deuxièmement, l'administration fiscale a remis en cause les rémunérations versées à deux manutentionnaires, MM. Mokrane et Da Silva, chargés du transbordement des colis récupérés auprès des clients directement dans les camions de la société TTI, activité effectuée au seul profit de cette dernière et donc dénuée d'intérêt pour la SARL Trans JM. Si cette dernière fait valoir, sur ce point, qu'il est " étonnant de considérer (...) que [ses] prestations se limitent à la seule récupération des colis ", elle n'établit pas qu'elle aurait été en charge d'une telle mission alors que le service relève que le contrat liant les deux sociétés ne prévoit pas la mise à disposition de manutentionnaires, mais seulement de véhicules et de personnels de conduite, et n'inclut pas de prestations de manutention. Troisièmement, l'administration fiscale a remis en cause la rémunération versée au gardien du site de Saint-Germain-lès-Arpajon, M. H..., en relevant que les véhicules utilisés par la SARL Trans JM étaient stationnés au domicile des chauffeurs et non sur ce site, que la société n'y disposait que d'un bureau de 40 m², qu'elle n'avait comptabilisé à son actif aucun élément (mobilier, matériel) demeurant sur ce site, alors que la société TTI disposait sur celui-ci de 900 m² de dépôt et de 40 m² de bureaux et y stationnait ses véhicules, de sorte que cette activité de gardiennage apparaissait rendue au profit de la seule société TTI. La SARL Trans JM n'apporte aucune contradiction sérieuse en se bornant à faire valoir que M. H... est le gardien du site et non du parking, ce qui n'est pas contesté, alors que le ministre de l'action et des comptes souligne que le contrat liant les sociétés Trans JM et TTI ne prévoit pas l'accomplissement de prestations de gardiennage par la première au profit de la seconde. Quatrièmement, l'administration fiscale a remis en cause 75% de la rémunération versée à la femme de ménage du site de Saint-Germain-lès-Arpajon, Mme H..., en fonction de la surface des bureaux loués par la SARL Trans JM, le reste étant admis en charge au niveau de la société TTI, ce que la société requérante ne conteste pas sérieusement en se bornant à faire valoir la modicité du salaire versé et le caractère injustifié et arbitraire d'une telle proratisation. Cinquièmement, l'administration fiscale a remis en cause une part de la rémunération versée à la secrétaire de la SARL Trans JM, Mme C... B..., en relevant que celle-ci percevait une rémunération annuelle élevée pour son poste, lequel a été assuré à compter de juillet 2010 par Mme E..., employée à temps partiel pour un salaire de 515 euros mensuels, sans que rien ne justifie un tel différentiel de rémunération. Elle a en conséquence ramené la rémunération versée, en tant que charge déductible, au montant mensuel perçu par Mme E.... La société requérante n'apporte aucune contestation sérieuse sur ce point en se bornant à faire valoir, de nouveau, le caractère injustifié et arbitraire d'une telle réduction, alors que le ministre de l'action et des comptes publics relève que Mme B... assurait les relations clients pour la société TTI et que la charge correspondant à ce travail a été prise en compte au niveau de cette dernière. Sixièmement, l'administration fiscale a remis en cause une part de la rémunération versée au gérant de la SARL Trans JM, M. F... G..., en relevant son augmentation constante en dépit d'un chiffre d'affaires stable de la société ainsi que son caractère excessif au regard de son travail effectif ne consistant qu'à mettre à disposition des véhicules avec chauffeurs, et en procédant à la reprise des rémunérations versées pour la part excédant la moyenne des rémunérations des autres membres du personnel. La SARL Trans JM ne conteste pas utilement cette reprise en se bornant à faire valoir que le service ne justifie pas du caractère excessif de la rémunération en l'absence d'éléments de comparaison et entend s'immiscer dans la gestion de la société, alors que le ministre oppose le défaut de travail effectif du gérant, lequel agissait d'ailleurs comme gérant de fait de la société TTI sur le même site, et n'a procédé qu'à une simple réduction des charges déductibles par mesure de bienveillance.

16. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause, en tout ou partie, la déductibilité des charges susmentionnées. Dès lors, la SARL Trans JM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'action et des comptes publics a mis à sa charge, en conséquences, des redressements en matière d'impôt sur les sociétés.

Sur les pénalités :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. ". Les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objectif de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

18. Pour fonder les pénalités contestées, l'administration fiscale souligne, en se référant aux éléments de fait rappelés ci-dessus, que la SARL Trans JM a elle-même servi d'écran à l'établissement stable en France de la société TTI, notamment en mettant à sa disposition son personnel au cours des années en litige et en recourant à des locaux communs, écran qui a conduit aux redressements en litige. En faisant valoir que cet écran avait permis à la SARL Trans JM de sciemment exonérer la totalité de son chiffre d'affaires annuel et minorer son résultat fiscal en rattachant à son personnel des salariés travaillant pour le compte de la société TTI, l'administration établit que la société a mis en œuvre des procédés destinés à masquer l'existence de ces infractions. La contribuable a ainsi mis en œuvre un procédé ayant pour but d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et, par suite, commis des manœuvres frauduleuses de nature à justifier, par application du c. de l'article 1729 du code général des impôts, la majoration dont ont été assortis les droits en litige, sans qu'elle puisse utilement se prévaloir du fait qu'au cours d'un " contrôle de facturation " au titre de l'année 2001, aucune rectification n'a été mise à sa charge alors même que la nature des relations entre les deux sociétés a été portée à la connaissance de l'administration fiscale, le ministre soulignant à cet égard que les circonstances de l'époque n'étaient pas identiques dans la mesure où la SARL Trans JM avait alors d'autres clients et où le bail relatif au site de Saint-Germain-lès-Arpajon n'avait pas encore été conclu.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Trans JM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Trans JM est rejetée.

2

N° 19VE00619


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00619
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-14;19ve00619 ?
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