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16/12/2021 | FRANCE | N°20VE00602

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 décembre 2021, 20VE00602


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Montlignon a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet du Val d'Oise a prononcé la carence de la commune en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation et a fixé à 200% le taux de majoration du prélèvement par logement manquant à compter du 1er janvier 2018 pour une durée de trois ans ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler l'arrêt

du 9 mars 2018 par lequel le préfet du Val d'Oise a fixé, en application de l'article L. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Montlignon a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet du Val d'Oise a prononcé la carence de la commune en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation et a fixé à 200% le taux de majoration du prélèvement par logement manquant à compter du 1er janvier 2018 pour une durée de trois ans ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2018 par lequel le préfet du Val d'Oise a fixé, en application de l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation, le montant du prélèvement hors majoration au titre de l'année 2018 à hauteur de 62 721,12 euros et a plafonné le montant de la majoration résultant de l'arrêté de carence du 19 décembre 2017 à hauteur de 72 035,58 euros, soit un montant net cumulé de 134 756,70 euros.

Par un jugement n° 1804373 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2020, la commune de Montlignon, représentée par Me Gentilhomme, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Val-d'Oise des 19 décembre 2017 et 9 mars 2018 ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux dirigé contre l'arrêté du 19 décembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Montlignon soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'être insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 19 décembre 2017 ;

- l'arrêté du 19 décembre 2017 n'est pas suffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire ni en ce qui concerne le principe de la carence ni en ce qui concerne le montant de la majoration ;

- il n'a pas été précédé d'un examen particulier du dossier ;

- l'arrêté du 19 décembre 2017 est entaché d'une erreur d'appréciation, le préfet n'ayant pas tenu compte des difficultés rencontrées par la commune alors qu'elle fait face à peu de disponibilité du foncier, qu'un promoteur a abandonné un projet de 42 logements qui était de nature à lui permettre de remplir les objectifs fixés et qu'elle justifie d'autres projets à venir ;

- le préfet a pris en compte une grille d'harmonisation qui n'est prévue par aucun texte pour fixer le coefficient de majoration sans prendre en compte la situation particulière ;

- le coefficient de majoration est disproportionné pour une commune qui a rempli 42% de ses objectifs en matière de logements sociaux.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Colrat,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Guranna, substituant Me Gentilhomme, pour la commune de Montlignon.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du 19 décembre 2017, prononcé la carence de la commune de Montlignon dans la réalisation de ses objectifs triennaux de réalisation de logements sociaux en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation et fixé à 200% le taux de majoration du prélèvement opéré annuellement, en application de l'article L. 302-7 du même code, à compter du 1er janvier 2018 pour une durée de trois ans. Par un arrêté du 9 mars 2018, le préfet du Val-d'Oise a déterminé le montant des sommes dues par la commune à ce titre. La commune de Montlignon fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Les premiers juges ont répondu de façon suffisamment circonstanciée au point 7 du jugement au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 19 décembre 2017. Par suite, ce moyen d'irrégularité doit être écarté.

Sur le fond du litige :

3. Aux termes de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui sont comprises, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 20 % des résidences principales (...) ". Aux termes de l'article L. 302-7 du même code : " A compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5 (...) ". Aux termes de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation : " Lorsque, dans les communes soumises aux obligations définies aux I et II de l'article L. 302-5, au terme de la période triennale échue, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du I de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint ou lorsque la typologie de financement définie au III du même article L. 302-8 n'a pas été respectée, le représentant de l'Etat dans le département informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. ". Aux termes de l'article 26 de la loi du 18 janvier 2013 : " III. - Pour les communes faisant l'objet de l'arrêté mentionné au I ainsi que de l'arrêté mentionné au II du présent article, le représentant de l'Etat dans le département peut, en fonction des critères mentionnés au second alinéa du même II, augmenter, après avis de la commission mentionnée au I de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation, le taux de majoration de telle sorte que le prélèvement majoré puisse atteindre jusqu'à cinq fois le montant du prélèvement mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 302-7 du même code. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune. Ce plafond est porté à 7,5 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 150 % du potentiel fiscal médian par habitant sur l'ensemble des communes soumises au prélèvement défini au même article L. 302-7".

4. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté du 19 décembre 2017 que celui-ci a été précédé d'un examen attentif de la situation particulière de la commune de Montlignon au regard de ses obligations en matière de réalisation de logements sociaux. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen manque en fait et doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise a adressé le 10 février 2017 au maire de Montlignon un courrier lui faisant part de son intention de constater la carence de la commune dans la réalisation de ses objectifs de réalisation de logements sociaux en application de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation et l'invitant à faire part de ses observations, ce que le maire de Montlignon a fait par un courrier du 16 février 2017. La commission départementale instituée par l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation s'est réunie le 9 mai 2017et le compte rendu de cette séance atteste que le maire a pu faire valoir ses observations. La loi n'a pas prévu que la fixation par le préfet du taux de majoration appliqué en cas de constatation de l'état de carence d'une commune fasse l'objet d'une procédure contradictoire distincte de celle prévue par les dispositions précitées pour la constatation de l'état de carence. La commune ne fait d'ailleurs, et en tout état de cause, état d'aucune information ou d'aucun élément qu'elle n'aurait pu exposer dans le cadre de la procédure suivie en l'espèce. Ainsi, quand bien même le coefficient de majoration retenu in fine par le préfet n'a pas été discuté préalablement à l'intervention de l'arrêté litigieux, la commune ne peut valablement soutenir que celle-ci n'aurait pas été précédée d'une procédure contradictoire.

6. En troisième lieu, la majoration du prélèvement prévu à l'article L. 302-7 du code de la construction et de l'habitation a le caractère d'une sanction et doit être motivée. En l'espèce, l'arrêté litigieux du 19 décembre 2017 vise les textes dont il fait application et précise la part des objectifs qui n'ont pas été atteints, relève que le projet de contrat de mixité sociale n'est pas abouti, que la commune n'a pas signé de contrat de veille foncière avec l'établissement public foncier d'Ile de France (EPFIF) et souligne que les règles inscrites dans le plan local d'urbanisme pour permettre la mixité sociale et la densification sont insuffisantes. Il précise ainsi les motifs de droit et de fait qui le fondent et en permet une critique utile. Par suite, il doit être regardé comme suffisamment motivé.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que les objectifs triennaux assignés à la commune de Montlignon pour la période 2014-2016 portaient sur la réalisation de 56 logements sociaux. Seuls 23 logements de ce type ont été produits pour cette période, soit 41,07% de l'objectif initial. La commune de Montlignon fait état d'un projet de 42 logements porté par l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de l'Oise et un promoteur privé finalement abandonné en raison de l'avis négatif donné par l'architecte des bâtiments de France sur le projet et du refus de permis de construire consécutif. Elle indique, en outre, que quatre projets, dont l'un est la reprise du projet abandonné et un autre porte sur une résidence réservée aux seniors, sont en cours d'étude. Toutefois, rien ne permet de considérer que ces projets puissent être considérés comme réellement avancés. Le préfet du Val-d'Oise a d'autre part considéré que la commune s'était abstenue de signer avec l'EPFIF une convention de veille foncière et que les instruments tels que la désignation d'emplacements réservés ou l'adoption de règles d'urbanisme favorisant la densification et la mixité sociale n'ont pas été mis en œuvre par la commune. Ainsi, nonobstant l'échec du projet de réalisation de 42 logements en raison d'un avis négatif de l'architecte des bâtiments de France, le préfet du Val-d'Oise ne peut être regardé comme ayant commis une erreur d'appréciation en constatant la carence de la commune de Montlignon.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté du 19 décembre 2017 que le préfet du Val-d'Oise se serait à tort cru lié par la grille d'analyse régionale élaborée par le préfet de région datée du 29 mars 2017 alors que l'arrêté prend en compte les éléments propres à la situation de la commune de Montlignon et a retenu un taux de majoration inférieur à celui donné à titre purement indicatif par la grille précitée.

9. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard du faible taux de réalisation des objectifs de la commune et de l'absence de mise en œuvre des instruments propres à réaliser ces objectifs, que le préfet aurait appliqué un taux de majoration disproportionné aux circonstances de l'espèce.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montlignon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Montlignon est rejetée.

5

N° 20VE00602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00602
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38 Logement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SELARL CABINET GENTILHOMME

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-16;20ve00602 ?
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