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29/03/2022 | FRANCE | N°21VE00333

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 mars 2022, 21VE00333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 13 juin 2020 par laquelle le préfet de l'Essonne a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2006344 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, M. B..., représenté par Me Saligari, avocat, demande à la

cour :

1° de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2° d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 13 juin 2020 par laquelle le préfet de l'Essonne a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2006344 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, M. B..., représenté par Me Saligari, avocat, demande à la cour :

1° de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2° d'annuler le jugement attaqué ;

3° d'annuler la décision contestée ;

4° d'enjoindre au préfet de l'Essonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

5° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal a rejeté à tort sa requête comme irrecevable ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2021, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés

Par une ordonnance du 4 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2021.

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu:

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant nigérien né le 12 mars 1985, entré en France le 19 février 2012 avec un visa Schengen. Le 27 mars 2013, il a déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé auprès de la préfecture de Seine-Saint-Denis. Le 9 mai 2019, il a déposé une autre demande de titre de séjour pour raisons de santé auprès de la préfecture de l'Essonne. Le 7 octobre 2019, lors de son rendez-vous à la préfecture pour le dépôt de son dossier, M. B... s'est vu refusé l'enregistrement de sa demande pour défaut de production de certaines pièces. Ce même jour, il a été interpellé par les services de police de Palaiseau pour menaces de mort réitérées à l'encontre d'une personne chargée d'une mission de service public et placé en garde à vue. Le 8 octobre 2019, il a reçu notification par voie administrative d'un arrêté du préfet de l'Essonne portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi. Il a également été placé au centre de rétention administrative de Vincennes, puis remis en liberté par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 10 octobre 2019. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du préfet de l'Essonne pour défaut de saisine du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration avant édiction de l'obligation de quitter le territoire français et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B.... Une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 14 avril 2020 a été délivrée par le préfet à M. B.... Le 12 juin 2020, M. B... a été interpellé par les services de police de Palaiseau pour outrage et violence volontaire sur personne chargée d'une mission de service public et placé en garde en vue. Le 13 juin 2020, M. B... s'est vu notifier, par voie administrative, un arrêté du préfet de l'Essonne portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 5 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français au motif qu'elle était tardive et par suite irrecevable.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2021. Sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle étant ainsi devenue sans objet, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, dans sa version applicable au litige : " Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ".

4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " Pour rendre opposable le délai de recours contentieux, conformément à ce que prévoit l'article R. 421-5 du code de justice administrative, l'administration est tenue de faire figurer dans la notification de ses décisions la mention des délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais des recours administratifs préalables obligatoires. Elle n'est pas tenue d'ajouter d'autres indications, comme notamment les délais de distance, la possibilité de former des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs ou la possibilité de former une demande d'aide juridictionnelle. Si des indications supplémentaires sont toutefois ajoutées, ces dernières ne doivent pas faire naître d'ambiguïtés de nature à induire en erreur les destinataires des décisions dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours effectif.

5. Il ressort des pièces du dossier que la notification de l'arrêté adressée à M. B... mentionne le délai de recours contentieux applicable à la seule décision d'obligation de quitter le territoire français. Elle ne précise pas, qu'en application de l'article R.776-2 du code de justice administrative, la notification de l'obligation de quitter le territoire français fait également courir le même délai de recours contentieux applicable aux autres décisions notifiées simultanément et notamment à la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Cette ambiguïté était de nature à induire en erreur M. B... sur les conditions de délai dans lesquelles il pouvait exercer un recours contentieux contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux de quarante-huit heures applicable à ladite décision n'étant pas opposable à l'intéressé faute d'avoir été clairement mentionné, aucun délai de recours n'a couru à l'encontre de cette décision. Il s'ensuit que sa demande enregistrée au greffe du tribunal le 30 septembre 2020 n'était pas tardive. C'est par suite à tort que le tribunal administratif de Versailles l'a rejetée pour irrecevabilité.

6. Il en résulte que M. B... est fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 janvier 2021 est irrégulier, et à en demander l'annulation. Il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet en première instance

7. Ainsi qu'il a été dit, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête présentée par M. B..., soulevée par le préfet devant le tribunal administratif de Versailles, doit être écartée.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. En l'espèce, le préfet de l'Essonne a fondé sa décision d'interdiction de retour sur le comportement de l'intéressé qui a fait l'objet, en 2019, de deux interpellations pour violence et menaces de mort par les services de police de Palaiseau et par le passé de six signalements pour des faits relatifs à des troubles à l'ordre public. Il mentionne en outre que M. B... séjourne de manière irrégulière sur le territoire français, qu'il n'a pas de liens familiaux en France et qu'il n'entre dans aucun des cas de délivrance de plein droit d'un titre de séjour prévus aux articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'arrêté ne fait pas explicitement mention de l'état de santé de l'intéressé, cette circonstance n'implique pas, par elle-même, une insuffisance de motivation ni un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.

10. Il résulte également des dispositions citées au point 8 que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, le préfet assortit sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. En l'espèce, si M. B... invoque son état de santé et le suivi psychiatrique dont il fait l'objet, il ne justifie pas avoir entrepris les diligences qui lui incombaient pour présenter une demande de titre de séjour pour motif médical, alors qu'il a été mis en possession d'un récépissé à cette fin, ni d'aucunes circonstances humanitaires de nature à justifier son retour sur le territoire français dès lors qu'il est célibataire sans attaches en France. Par suite, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. B..., le préfet de l'Essonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. B... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel doivent être rejetés, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991et L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 5 janvier 2021 est annulé.

Article 3 : La demande de M. B... et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

La rapporteure,

O. DORIONLe président,

P. BEAUJARDLa greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

2

N° 21VE00333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00333
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-29;21ve00333 ?
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