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20/09/2022 | FRANCE | N°21VE03259

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 20 septembre 2022, 21VE03259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au président du tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 1er octobre 2020 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande d'autorisation de regroupement familial au profit de l'enfant G... D....

Par un jugement n° 2004312 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et enjoint à la préfète du Loiret d'admettre au séjour G... D... dans le cadre du regroupement familial, dans un délai de deux mois à compter de la no

tification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au président du tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 1er octobre 2020 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande d'autorisation de regroupement familial au profit de l'enfant G... D....

Par un jugement n° 2004312 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et enjoint à la préfète du Loiret d'admettre au séjour G... D... dans le cadre du regroupement familial, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2021, la préfète du Loiret demande à la cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande de Mme D....

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal a annulé sa décision au motif qu'il était porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de Mme D..., alors que les documents produits pour établir le lien de filiation de l'enfant ne sont pas probants et que le refus d'autorisation de regroupement familial sur place n'emporte pas de conséquence sur la poursuite de la vie familiale en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2022, Mme D..., représentée par Me Madrid, avocate, conclut au rejet de la requête de la préfète du Loiret et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête du préfet ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 mai 2022, l'instruction a été fixée au 17 juin 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D..., ressortissante guinéenne, titulaire d'une carte de résident, mère d'une enfant née en 2005 reconnue réfugiée le 10 octobre 2017 et de deux autres enfants nés en France en 2009 et 2013, a présenté une demande d'autorisation de regroupement familial sur place en faveur d'un enfant G... D..., né le 14 août 2007, qui l'a rejointe en France en 2013. Par une décision du 1er octobre 2020, le préfet du Loiret a classé sa demande au motif que, le regroupement familial étant destiné à permettre une entrée régulière en France avec un visa, l'enfant qui réside déjà en France ne peut bénéficier de ce dispositif, et qu'étant mineur dispensé de titre de séjour, il ne relevait pas d'une admission exceptionnelle au séjour. La préfète du Loiret relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et lui a enjoint d'autoriser le regroupement familial du jeune G... D....

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. Pour annuler la décision contestée, le tribunal a estimé que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet du Loiret ne pouvait refuser l'autorisation de séjour sollicitée par Mme D... au bénéfice de l'enfant F..., à titre dérogatoire, sans porter une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale. Toutefois, le refus d'autorisation de regroupement familial n'a pas pour objet, ni pour effet, d'éloigner l'enfant du territoire, ni de le séparer de sa famille. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que le jeune F... est scolarisé en France depuis l'année scolaire 2013/2014, reconnu handicapé par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), pris en charge en Institut médico-éducatif (IME) et couvert par l'assurance maladie de sa mère. Il est en outre compté par la Caisse d'allocation familiale au nombre des enfants entrant dans la composition du foyer. Ainsi que le fait valoir la préfète, il peut obtenir un document de circulation pour étranger mineur sans avoir à justifier d'un séjour régulier et, étant entré en France avant l'âge de 13 ans, devrait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour à sa majorité. Dans ces conditions, le refus de regroupement familial n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant et de Mme D... une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. La préfète du Loiret est par suite fondée à soutenir, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le point de savoir si la preuve du lien de filiation de l'enfant est apportée, que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision contestée au motif qu'elle méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif d'Orléans.

5. En premier lieu, par un arrêté du 10 juillet 2020, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 17 juillet 2020, M. B... E..., préfet du Loiret, a donné délégation à M. Thierry Demaret, secrétaire général de la préfecture du Loiret, à l'effet de signer notamment " tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département du Loiret ", à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas la décision contestée. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision ne peut qu'être écarté comme manque en fait.

6. En deuxième lieu, la décision contestée est suffisamment motivée alors même qu'elle ne mentionne pas la situation familiale de Mme D.... Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de cette décision, que le préfet du Loiret n'a pas procédé à un examen particulier de la demande.

7. En troisième lieu, termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint (...) et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Selon l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) / 3° Un membre de la famille résidant en France ".

8. Il résulte de ces dispositions que le préfet pouvait légalement fonder sa décision de refus d'autorisation de regroupement familial, au motif que l'enfant était déjà présent en France et qu'étant mineur, il ne relevait ni d'une autorisation de regroupement familial " sur place ", ni d'une admission exceptionnelle au séjour, sans avoir à examiner si Mme D... remplissait les conditions de logement et de ressources prévues à l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce faisant, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit, ni méconnu l'étendue de sa compétence.

9. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la décision contestée, qui n'a pas porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de Mme D..., n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale. Pour les mêmes motifs, dès lors qu'il n'a pas pour effet de renvoyer l'enfant en Guinée, ni de le séparer de Mme D..., le refus d'autorisation de regroupement familial opposé à Mme D... ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant G... D....

10. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Loiret est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision du 1er octobre 2020 rejetant la demande d'autorisation de regroupement familial présentée par Mme D... en faveur du jeune G... D....

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que Mme D... demande à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2021 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... D.... Copie en sera adressée à la préfète du Loiret.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

O. A... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

N° 21VE03259

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03259
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit au respect de la vie privée et familiale (art - 8) - Contrôle du juge.

Étrangers - Séjour des étrangers - Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SCP MADRID-CABEZO MADRID-FOUSSEREAU MADRID AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-09-20;21ve03259 ?
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