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21/11/2022 | FRANCE | N°19VE00293

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 21 novembre 2022, 19VE00293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et MM. et Mmes C..., E..., Jean-Hugues, Patrice, Sylvie et Régine D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er avril 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a déclaré d'utilité publique au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France l'acquisition et l'aménagement de terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation d'une zone d'activités économiques et de mettre à la charge de l'Etat une somme s'élevant

à 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et MM. et Mmes C..., E..., Jean-Hugues, Patrice, Sylvie et Régine D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er avril 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a déclaré d'utilité publique au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France l'acquisition et l'aménagement de terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation d'une zone d'activités économiques et de mettre à la charge de l'Etat une somme s'élevant à 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... D... et MM. et Mmes C..., E..., Jean-Hugues, Patrice, Sylvie et Régine D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 mai 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a déclaré cessibles au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France des terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation, notamment d'une zone d'activités économiques et de mettre à la charge de l'Etat une somme s'élevant à 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603059, 1606751 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande et a mis à la charge des requérants la somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 janvier 2019, le 1er avril 2020, le 30 avril 2021, le 9 février et le 4 mars 2022, M. A... D... et MM. et Mmes E..., Jean-Hugues, Patrice, Sylvie et Régine D..., représentés par Me Faure-Pigeyre, avocate, demandent à la cour :

1°) de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 1er avril 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a déclaré d'utilité publique au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France l'acquisition et l'aménagement de terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation d'une zone d'activités économiques et l'arrêté du 18 mai 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a déclaré cessibles au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France des terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation, notamment d'une zone d'activités économiques ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 novembre 2018 ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 1er avril 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a déclaré d'utilité publique au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France l'acquisition et l'aménagement de terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation d'une zone d'activités économiques et l'arrêté du 18 mai 2016 par lequel le préfet du Val d'Oise a déclaré cessibles au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France des terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation, notamment d'une zone d'activités économiques ;

4°) de mettre à la charge de l'autorité publique une somme de 4 000 euros à verser aux requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il n'appartient pas à l'administration de les inviter à se désister ;

- s'agissant de l'arrêté du 1er avril 2016 par lequel le préfet du Val-d'Oise a déclaré d'utilité publique au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France l'acquisition et l'aménagement de terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation d'une zone d'activités économiques :

- l'arrêté du 1er avril 2016 par lequel le préfet du Val-d'Oise a déclaré d'utilité publique au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France l'acquisition et l'aménagement de terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation d'une zone d'activités économiques est caduc ;

- l'absence de publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'arrêté de prorogation de la déclaration d'utilité publique du 19 janvier 2021 révèle une fraude ; la publicité conférée à l'arrêté est insuffisante s'agissant d'une zone d'activités économiques (zone d'activités économiques) d'intérêt communautaire, et ce alors que l'arrêté portant déclaration d'utilité publique a fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs ; l'arrêté de prorogation est un faux en écriture publique ; un affichage dans la seule commune d'Ecouen est insuffisant s'agissant d'une zone d'activités économiques d'intérêt communautaire ; le préfet aurait dû apprécier l'intérêt communautaire de la zone ;

- il est insuffisamment motivé ; la motivation exigée par l'article L. 122-1 du code de l'expropriation est incomplète ;

- les délibérations portant délégation d'aménagement du 9 décembre 2010 et celle du 19 mai 2011 du conseil de la communauté de communes Roissy Porte de France ne sont pas visées dans les documents préparatoires ; elles font état d'une surface au moins égale à 5 hectares alors que la superficie programmée était de 1,9 hectares ; le projet n'a pas d'intérêt communautaire ; il fallait une délibération de la nouvelle communauté d'agglomération Roissy Pays de France ;

- la communauté d'agglomération Roissy pays de France n'a pas délibéré dans les conditions de majorité renforcée posée par ses statuts pour voter les délibérations du 19 mai 2011 et du 23 octobre 2014 ;

- la délibération du 23 octobre 2014 ne pouvait pas être prise au visa de celle du 9 décembre 2010 qui est " postérieure " de 2 ans, ne porte pas sur un projet précis et n'a pas été votée à la majorité renforcée ;

- les dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme n'étaient pas applicables et l'arrêté a été pris au vu d'un projet inexistant car non défini ; l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir car l'assiette de la zone n'est pas délimitée et pas destinée à l'accueil, l'extension ou le maintien d'activités économiques ; la variation des surfaces invoquées démontre l'absence de définition du projet ; l'objectif du projet est de permettre l'extension de la société Vygon et il n'y a pas de réel projet d'aménagement ; la seule activité économique existante est hors zone et le plan des aménagements ne comporte que des aménagements de voirie ; le commissaire enquêteur a retenu l'incohérence du projet ;

- la commune n'a pas de document d'urbanisme, préalable nécessaire à un projet de zone d'activités économiques ; le plan d'occupation des sols de la commune d'Ecouen est caduc faute de mise en forme au plus tard le 31 décembre 2015 et de révision du plan d'occupation des sols menée à son terme avant le 26 mars 2017 ; la parcelle AD209 n'est donc pas située dans le périmètre d'un droit de préemption urbain ou d'une zone urbanisable ;

- l'enquête publique est irrégulière car la durée de 29 jours, du 14 novembre au 12 décembre 2015, est inférieure aux 30 jours minimum fixés par l'article L. 123-9 du code de l'environnement ;

- l'avis du commissaire enquêteur, qui a commenté dans son rapport une note juridique produite après la clôture de l'enquête publique, est nul ; cette prise en compte est contraire aux dispositions de l'article R. 123-18 du code de l'environnement ;

- la décision de la Direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (DRIEE) n'est pas visée par l'arrêté et la délibération du 23 octobre 2014 ; la décision de la DRIEE a été prise sur la base d'un projet d'hôtel restaurant abandonné ; l'absence d'étude d'impact vicie la procédure ;

- le dossier d'enquête est imprécis et incomplet au regard des travaux déjà réalisés à la date de l'enquête ; aucun document ne traite de l'insertion du projet dans son environnement ; la notice explicative est insuffisante et n'explicite pas les raisons et les partis envisagés pas plus que la situation du château et de l'église Saint-Acceul ;

- l'absence de consultation préalable, en méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, vicie la procédure ; l'absence de localisation des monuments historiques n'aurait pas dû leur être opposée mais révèle l'imprécision du dossier ;

- l'utilité publique n'est pas établie car l'arrêté vise à régulariser des travaux déjà réalisés ayant porté atteinte à leur droit de propriété ; il était inutile de prendre en compte la totalité de la parcelle de l'indivision et l'utilité publique n'est pas justifiée au plan économique et financier ; l'opération n'est pas nécessaire car l'implantation d'une nouvelle zone de services techniques ne requiert pas d'aménagement et celle d'un hôtel a été abandonnée ; le seul but du projet est d'avantager la société Vygon qui exerce une activité dangereuse proche du centre-ville, au détriment des seuls requérants ; le bilan coût-avantage est défavorable ;

- le principe de précaution et de préservation des deniers publics est menacé ; le projet a pour objet de justifier des acquisitions foncières importantes sans objectif d'intérêt général ;

- s'agissant de l'arrêté du 18 mai 2016 portant cessibilité du terrain de l'indivision D... :

- la procédure est irrégulière au regard de la durée de l'enquête conjointe préalable à la déclaration d'utilité publique et à la cessibilité des terrains nécessaires à l'opération projetée ; l'enquête parcellaire ne pouvait pas être réalisée conjointement à l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique faute de précision sur son périmètre exact ; la durée de 29 jours est inférieure aux 30 jours fixés par l'article L. 123-9 du code de l'environnement, lesquels s'appliquaient dès lors qu'une enquête conjointe a été réalisée ;

- l'avis du commissaire enquêteur est nul ; il a commenté dans son rapport une note juridique produite après la clôture de l'enquête publique et a méconnu le principe d'impartialité ;

- l'arrêté vise une lettre du 11 avril 2016 par laquelle la communauté d'agglomération sollicite la cessibilité des terrains mais qui n'est pas jointe ; les immeubles concernés ne sont pas précisément identifiés ; l'arrêté ne vise ni la délibération du 9 décembre 2010 ni celle du 19 mai 2011 et le préfet n'a pas pu vérifier le bien-fondé de la délégation d'aménagement ;

- l'arrêté a été pris après l'arrêté de déclaration d'utilité publique de l'opération d'aménagement, dont l'annulation est demandée pour erreur manifeste d'appréciation et détournement de pouvoir ;

- la préservation des deniers publics est menacée ; le projet a pour objet de justifier des acquisitions foncières importantes sans objectif d'intérêt général ; l'opération méconnait le principe d'égalité devant les charges publiques et le respect du droit de propriété ;

- la procédure a été initiée par une collectivité distincte et incompétente ; aucun transfert de compétence n'a été effectué entre les communautés d'agglomération.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 septembre 2019, le 28 septembre 2020 et le 23 juin 2021, la communauté d'agglomération Roissy Pays de France, représentée par Me Bluteau, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 février et le 28 décembre 2020, le 12 mai 2021 et le 28 février 2022, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut à ce qu'il soit donné acte du désistement d'action des requérants et à titre subsidiaire au rejet de la requête.

Il fait valoir que des conclusions tendant au prononcé d'un non-lieu à statuer équivalent à un désistement et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un courrier du 16 septembre 2022, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de fonder sa décision sur un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions des requérants tendant à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de " l'autorité publique " en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les termes " autorité publique " ne permettant pas d'identifier la personne publique dont la condamnation est recherchée sur ce fondement.

M. D... et autres ont formulé des observations sur ce courrier le 16 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bieder substituant Bluteau pour la communauté d'agglomération Roissy Pays de France et de Me Faure-Pigeyre pour M. D... et autres.

Une note en délibéré présentée par la communauté d'agglomération Roissy Pays de France a été enregistrée le 23 septembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 9 décembre 2010, le conseil municipal de la commune d'Ecouen (Val-d'Oise) a délégué à la communauté de communes Roissy Porte de France, devenue ensuite la communauté d'agglomération Roissy Porte de France, l'aménagement d'une zone d'activités économiques sur les zones IINA, UIB et UGc à l'exclusion des parcelles à usage d'habitation. Par une délibération du 19 mai 2011, le conseil de la communauté de communes Roissy porte de France a accepté la délégation d'aménagement. Par une délibération du 23 octobre 2014, le conseil de la communauté d'agglomération Roissy porte de France a demandé au préfet du Val-d'Oise l'ouverture des enquêtes d'utilité publique et parcellaire. Par un arrêté du 8 octobre 2015, le préfet du Val-d'Oise a prescrit sur le territoire de la commune d'Ecouen et au profit de la communauté d'agglomération Roissy Porte de France l'ouverture des enquêtes préalables à la déclaration d'utilité publique du projet de réalisation d'une zone d'activités économiques et à la déclaration de cessibilité des terrains nécessaires au projet. Après le rapport avec avis favorable du commissaire enquêteur établi le 8 janvier 2016, le préfet du Val-d'Oise a déclaré d'utilité publique, par un arrêté du 1er avril 2016 et au profit de la communauté d'agglomération Roissy Pays de France, créée le 1er janvier 2016 après fusion de la communauté d'agglomération Roissy Porte de France et de la communauté d'agglomération, l'acquisition et l'aménagement de terrains nécessaires à la réalisation d'une zone d'activités économiques sur le territoire de la commune d'Ecouen. Par un arrêté du 18 mai 2016, le même préfet a déclaré cessibles au profit de la communauté d'agglomération Roissy Pays de France des immeubles situés à Ecouen nécessaires à la réalisation de cette zone d'activités économiques. Les consorts D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler ces deux arrêtés. Par un jugement du 27 novembre 2018, dont les intéressés relèvent appel, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Sur le désistement :

2. Si le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales soutient que les conclusions des consorts D... tendant à ce que soit prononcé un non-lieu à statuer au regard de la caducité de l'arrêté du 1er avril 2016 impliquent qu'ils soient regardés comme se désistant de leur action et donc qu'il soit donné acte de leur désistement, il ne ressort pas des écritures des requérants, qui ont seulement entendu faire constater la caducité dudit arrêté, qu'ils auraient renoncé à leur action et à leurs conclusions aux fins d'annulation des arrêtés du 1er avril et du 18 mai 2016. Il n'y a donc pas lieu, dans ces conditions, de donner acte d'un désistement d'action.

Sur le non- lieu à statuer :

3. Les consorts D... demandent le prononcé d'un non-lieu à statuer au regard de la caducité de l'arrêté du 1er avril 2016 en l'absence de prorogation régulière de ce dernier dans un délai de 5 ans. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que l'a justement relevé le ministre, que l'arrêté a produit des effets, notamment au regard de la conduite de la procédure d'expropriation devant les juridictions judiciaires. Ainsi, à supposer même que les consorts D... aient entendu demander le constat d'un non-lieu à statuer et pas seulement faire constater la caducité de l'arrêté du 1er avril 2016, leurs conclusions présentées à cette fin ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes, d'une part, de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération du 23 octobre 2014 par laquelle le conseil de la communauté d'agglomération Roissy porte de France a demandé l'ouverture des enquêtes d'utilité publique et parcellaire : " I. -La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : 1° En matière de développement économique : création, aménagement, entretien et gestion de zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire qui sont d'intérêt communautaire ; actions de développement économique d'intérêt communautaire ; 2° En matière d'aménagement de l'espace communautaire : schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d'urbanisme, document d'urbanisme en tenant lieu et carte communale ; création et réalisation de zones d'aménagement concerté d'intérêt communautaire ; organisation de la mobilité au sens du titre III du livre II de la première partie du code des transports, sous réserve de l'article L. 3421-2 du même code ; (..). ".

5. Aux termes d'autre part de l'article R. 122-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : 1° Une notice explicative (...) ". Aux termes de l'article R. 112-6 du même code applicable au litige: " La notice explicative prévue aux articles R. 112-4 et R. 112-5 indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu, notamment du point de vue de son insertion dans l'environnement. ". Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat, les collectivités locales, ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes, les établissements publics mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 324-1, et les grands ports maritimes sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1. ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les personnes publiques concernées peuvent légalement acquérir des immeubles par voie d'expropriation pour constituer des réserves foncières, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique est engagée, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique fait apparaître la nature du projet envisagé, conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

6. Il ressort des pièces du dossier, et a été soutenu par la communauté d'agglomération pendant l'instance, que le conseil municipal d'Ecouen a délégué le 9 décembre 2010 l'aménagement de la zone d'activités économiques en cause à la communauté de communes de Roissy Porte de France au regard de la compétence de la communauté en matière d'aménagement de zones d'activités d'intérêt communautaire d'une surface au moins égale à 5 hectares. Il en ressort également que le conseil de la communauté de communes a accepté cette délégation le 19 mai 2011, pour le même motif, au regard de la superficie totale des trois secteurs concernés, de l'ordre de 7,5 hectares. Il ressort par ailleurs des statuts de la communauté de communes produits pendant l'instruction, dans leur version initiale comme celle modifiée par un arrêté préfectoral du 17 août 2012 dans la perspective d'une transformation en communauté d'agglomération, que la communauté avait une compétence obligatoire s'agissant des actions de développement économique, s'agissant notamment des actions intéressant les zones d'activités d'intérêt communautaire. Enfin, il ressort des dispositions précitées de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, applicables à la date à laquelle la communauté d'agglomération Roissy Pays de France a demandé au préfet d'engager la procédure aboutissant à la reconnaissance de l'utilité publique de l'aménagement de la zone d'activités économiques, que les communautés d'agglomération, en matière de développement économique, étaient compétentes pour créer et aménager des zones d'activité d'intérêt communautaire.

7. En réponse au moyen tiré de l'absence d'intérêt communautaire de la communauté d'agglomération Roissy-Porte de France à poursuivre le projet d'aménagement de la zone d'activités économiques d'Ecouen, la communauté d'agglomération fait valoir qu'elle disposait bien d'un intérêt à la réalisation de cette zone, au regard de sa superficie de 7,5 hectares, incluant l'emprise de la société Vygon. Il ressort toutefois du compte-rendu de la séance du conseil de la communauté de communes du 19 octobre 2013 qu'il fait état d'une zone d'activités économiques réduite à une superficie d'environ 2,2 hectares. La direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France (DRIEE), dans sa décision du 31 mars 2014 dispensant de la réalisation d'une étude d'impact en application de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, évoque un projet consistant en l'aménagement d'une zone mixte d'activités économiques et d'équipements sur un terrain de 1,5 hectares. En outre, la notice explicative établie pour l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique d'une zone d'activités économiques à Ecouen, dont l'objet n'est donc pas la seule délimitation des parcelles à exproprier, mentionne en sa page 6 une superficie d'environ 1,75 hectares et précise, en page 8, que le périmètre du site du projet comprend les parcelles AD110, AD209, AD210, AD378, AD380 et AD381, ce qui correspondrait à une superficie de 1,9 hectares concernés par le périmètre de la déclaration d'utilité publique. Le même document comporte aussi, en sa page 10, un plan présentant le périmètre en cause comme celui du projet de zone d'activité économique, faisant apparaitre le projet d'extension de l'entreprise Vygon comme un projet distinct de celui de la zone d'activités économiques. Le plan figurant le projet d'aménagement de la zone d'activités économiques d'Ecouen, en page 12 de la notice, est limité au même périmètre. Au regard de ces éléments, qui font d'ailleurs état de superficies différentes selon les documents et parfois même au sein d'un même document, il ne ressort pas des pièces du dossier que la superficie de la zone d'activités économiques pour laquelle la communauté d'agglomération a demandé au préfet d'engager les enquêtes préalables à la déclaration d'utilité publique de son aménagement et à la cessibilité des parcelles situées dans son périmètre aurait été, à la date de cette demande, supérieure aux 5 hectares qui ont justifié la délégation de sa réalisation à la communauté de communes par la commune d'Ecouen le 9 décembre 2010. Il suit de là que la communauté d'agglomération ne justifie pas que le projet de zone d'activités économiques qu'elle a porté, et pour lequel son président a été autorisé à acquérir à l'amiable ou par voie d'expropriation les immeubles compris dans le périmètre figurant au dossier, présentait un intérêt communautaire au moment d'engager la procédure tendant à la reconnaissance de l'utilité publique de ce projet.

8. Au surplus, à supposer même que le périmètre de la zone d'activités économiques projetée était bien de 7,5 hectares ainsi que le soutient la communauté d'agglomération dans ses écritures et qu'il intégrait les installations de la société Vygon d'une superficie d'environ 5 hectares, il ressort des pièces précitées que ni la décision du 31 mars 2014 du directeur régional et interdépartemental de l'environnement et de l'énergie, ni la notice explicative susmentionnée, ni le rapport du commissaire enquêteur n'en font état et n'ont pris en compte la présence des installations de la société Vygon dans le périmètre de la zone d'activités économiques. Ainsi, et alors que l'insertion des installations de la société Vygon dans le périmètre de cette zone ne peut pas être regardée comme accessoire au regard de leur superficie et de la nature de son activité, les consorts D... sont fondés à soutenir que le périmètre de la zone d'activités économiques n'était pas précisément défini. Il ressort en outre des pièces du dossier que si l'installation du centre technique municipal et les aménagements routiers étaient précisément identifiés au moment de l'engagement de la procédure de reconnaissance de l'utilité publique de la réalisation de la zone d'activités économiques, sur des terrains essentiellement acquis à l'amiable avant la reconnaissance de l'utilité publique du projet, aucun projet suffisamment précis d'implantation d'une activité économique n'était en revanche avancé, la notice explicative se bornant à évoquer en page 13 des activités tertiaires et artisanales. Il ressort en effet des pièces du dossier que l'installation d'un hôtel-restaurant susceptible de créer entre 20 et 40 emplois, seule activité précisément identifiée, avait été abandonnée avant même la réalisation de l'enquête publique. Le commissaire enquêteur a ainsi regretté l'absence de visibilité sur les activités prévues et l'absence de justification du nombre d'emplois escomptés, en faisant état de la formulation de la même observation par plusieurs personnes au cours de l'enquête publique. En outre, alors qu'il résulte du rapport du commissaire enquêteur que la société Vygon prévoyait la construction de nouveaux bâtiments industriels pour son extension et que le projet d'extension de la société Vygon était présenté comme implanté au sud de la zone d'activités économiques en page 10 de la notice explicative, il ressort du même rapport qu'un accord d'échange de parcelles entre la société Vygon et la communauté d'agglomération a été évoqué dans la délibération du conseil communautaire du 23 octobre 2014, impliquant manifestement la parcelle AD 110 appartenant à la société Vygon et une partie au moins des parcelles à exproprier. Si la communauté d'agglomération n'a pas apporté de réponse au commissaire enquêteur sur la persistance de cet accord, la société Vygon a en revanche évoqué avec le commissaire enquêteur un terrain d'entente possible avec la communauté d'agglomération pour l'acquisition d'une autre parcelle nécessaire à l'extension de son site industriel. Une extension de la société Vygon dans le périmètre de la zone d'activités économiques, qui n'est pas évoquée dans la notice explicative qui mentionne des activités tertiaires et artisanales, n'était donc pas exclue. M. D... et autres sont donc fondés à soutenir que le projet de zone d'activités économiques n'était pas suffisamment précis, s'agissant en particulier des activités susceptibles de s'y implanter, et que cette imprécision, qui a également été de nature à vicier l'enquête publique, ne permet pas de justifier de l'utilité publique du projet de zone d'activités économiques.

9. Il suit de là que les consorts D... sont fondés à soutenir que l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 1er avril 2016 par lequel il a déclaré d'utilité publique, au profit de la communauté d'agglomération Roissy Pays de France, l'acquisition et l'aménagement de terrains nécessaires à la réalisation d'une zone d'activités économiques et l'arrêté du 18 mai 2016, par lequel le même préfet a déclaré cessibles au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France des immeubles situés à Ecouen nécessaires à la réalisation de cette zone d'activités économiques étaient entachés d'une illégalité, le second par voie de conséquence de l'illégalité du premier. Il y a donc lieu pour la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif ainsi que, alors qu'aucune fin de non-recevoir n'a été soulevée en première instance, les deux arrêtés en litige du préfet du Val d'Oise, du 1er avril et du 18 mai 2016.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts D..., qui ne sont pas la partie perdante à l'instance, versent une quelconque somme à la communauté d'agglomération Roissy Pays de France au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

11. En demandant à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'autorité publique, alors que tant l'Etat, qui a pris les arrêtés en litige, que la communauté d'agglomération Roissy Pays de France, qui est bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique, sont défendeurs à l'instance, les consorts D... n'ont pas mis à même la cour d'identifier la partie auprès de laquelle le paiement de cette somme est recherché. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont donc irrecevables et doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés du préfet du Val-d'Oise du 1er avril 2016 déclarant d'utilité publique, au profit de la communauté d'agglomération Roissy Pays de France, l'acquisition et l'aménagement de terrains situés à Ecouen en vue de la réalisation d'une zone d'activités économiques et du 18 mai 2016 déclarant cessibles au profit de la communauté d'agglomération Roissy pays de France divers immeubles situés à Ecouen nécessaires à la réalisation d'une zone d'activités économiques, ainsi que le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 27 novembre 2018, sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. D... et autres est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Roissy Pays de France présentées au titre de l'article article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., en qualité de représentant unique des requérants, à la communauté d'agglomération Roissy Pays de France et au ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, rapporteur,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2022.

Le rapporteur,

O. B...

Le président,

P.-L. ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLANDLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 19VE00293002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00293
Date de la décision : 21/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-04-02-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Pouvoirs du juge. - Moyens. - Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : FAURE-PIGEYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-21;19ve00293 ?
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