La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2022 | FRANCE | N°21VE00163

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 15 décembre 2022, 21VE00163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 21 décembre 2018 par laquelle la commune de Sartrouville a exercé son droit de préemption sur la parcelle bâtie cadastrée AD 124 située 34 ter rue du Berry sur le territoire de cette commune, de condamner cette commune au paiement de la somme de 15 000 euros correspondant aux frais de gestion qu'il a dû supporter, de faire application du plan local d'urbanisme de décembre 2018 pour la finalisation de son projet immobil

ier ou, à défaut, de condamner cette commune au paiement de la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 21 décembre 2018 par laquelle la commune de Sartrouville a exercé son droit de préemption sur la parcelle bâtie cadastrée AD 124 située 34 ter rue du Berry sur le territoire de cette commune, de condamner cette commune au paiement de la somme de 15 000 euros correspondant aux frais de gestion qu'il a dû supporter, de faire application du plan local d'urbanisme de décembre 2018 pour la finalisation de son projet immobilier ou, à défaut, de condamner cette commune au paiement de la somme de 100 000 euros et de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901313 du 13 novembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2021, M. C..., représenté par Me Tabi, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sartrouville le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- il peut justifier de la qualité lui donnant intérêt à agir pour la première fois en appel ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la promesse de vente était devenue caduque antérieurement à la décision de préemption ;

- la décision de préemption a été notifiée tardivement, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2021, la commune de Sartrouville, représentée par Me Ghaye, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est tardive ;

- le requérant ne justifie pas d'une qualité lui donnant intérêt pour agir contre la décision attaquée ;

- les autres moyens de la requête et de la demande de première instance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;

- le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence sanitaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Guillou, substituant Me Ghaye, pour la commune de Sartrouville.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a, en sa qualité de gérant de la société " Les Indes Immobilier ", conclu avec M. et Mme A... un compromis de vente d'une maison à usage d'habitation située sur une parcelle cadastrée AD 124 au 34 ter rue du Berry à Sartrouville. M. C... demande l'annulation du jugement n° 1901313 du 13 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2018 par laquelle la commune de Sartrouville a exercé son droit de préemption sur ce terrain.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. L'article R. 811-2 du code de justice administrative dispose que : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. / Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue ". Aux termes de l'article R. 751-3 dudit code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. (...) ".

3. Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, il est dérogé aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux juridictions administratives dans les conditions prévues au présent titre ". Aux termes de l'article 13 de la même ordonnance : " Lorsqu'une partie est représentée par un avocat, la notification prévue à l'article R. 751-3 du code de justice administrative est valablement accomplie par l'expédition de la décision à son mandataire (...) ". Le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 a déclaré l'état d'urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020. L'article 1er de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 l'a ensuite prorogé jusqu'au 16 février 2021.

4. Selon l'article R. 751-4-1 du même code, dans sa version applicable au litige : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-6 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de la notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. / Cette notification ne fait pas obstacle au droit de la partie intéressée de demander ultérieurement la délivrance d'une expédition de la décision, en application de l'article R. 751-7 ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 à 4 que, durant la période de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020, déclaré à nouveau le 17 octobre 2020, le délai de recours contre une décision juridictionnelle courait, à l'égard d'une partie au litige représentée par un avocat, à compter de la notification régulière de la décision à cet avocat. Dans le cas où la notification à l'avocat était faite au moyen de l'application Télérecours, le délai de recours débutait à la date de première consultation de la décision par celui-ci, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai.

6. En l'espèce, le jugement attaqué a été mis à disposition de l'avocat de M. C..., par le moyen de l'application Télérecours, sur laquelle il était inscrit, le 13 novembre 2020 à 9h17 et ce dernier en a accusé réception le même jour à 23h58. Toutefois, le courrier accompagnant cette notification ne faisait aucunement mention de ce que, en raison de l'application des règles spéciales relatives à l'état d'urgence sanitaire, rappelées ci-dessus, la présentation à son avocat suffisait à faire courir les délais de recours contentieux. Dans ces conditions, le délai de recours n'a pu commencer à courir qu'à compter de la notification régulière du jugement au requérant de première instance et la commune de Sartrouville n'est pas fondée à soutenir que la requête d'appel, introduite dans le délai de deux mois à compter de la notification à M. C..., était tardive.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

7. M. C..., en sa qualité de gérant de la société " Les Indes immobilier " a bénéficié d'un compromis de vente, conclu le 22 septembre 2018 avec les vendeurs du terrain. Parmi les conditions suspensives de ce compromis de vente figurent l'obtention, par l'acquéreur, " d'un ou de plusieurs prêts du montant global nécessaire au financement de son acquisition " dans un délai de 60 jours. Le compromis de vente prévoit également qu'en cas de non-réalisation d'une seule des conditions suspensives " le présent compromis sera considéré comme nul et non avenu (...) à moins que l'acquéreur ne décide de renoncer aux conditions destinées à le protéger et de procéder en tout état de cause au transfert de propriété ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, le 23 novembre 2018, M. C... a indiqué, par courriel, avoir l'intention de poursuivre la vente quelle que soit l'issue de sa demande de prêt bancaire, dont l'instruction avait été retardée. Toutefois, M. C... n'a ensuite conclu aucun avenant au compromis de vente, alors qu'il y avait été expressément invité par sa banque compte tenu des délais d'instruction de sa demande. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que des démarches complémentaires auraient été réalisées auprès des vendeurs ou du notaire pour formaliser cette renonciation ou proroger les effets du compromis de vente. Par suite, le compromis de vente doit être regardé comme caduque à la date de la décision de préemption et le requérant ne justifie pas, par conséquent, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette décision.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sartrouville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme que la commune de Sartrouville demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Sartrouville présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la commune de Sartrouville et à M. et Mme A....

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Bruno-Salel, présidente assesseure,

Mme Houllier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

S. B...Le président,

B. EVENLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00163
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SELARL LAZARE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-12-15;21ve00163 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award