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30/03/2023 | FRANCE | N°22VE02623

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 30 mars 2023, 22VE02623


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté 8 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays d'origine comme pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut,

de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté 8 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé son pays d'origine comme pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022, Mme E... représentée par Me Bulajic, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe l'Angola comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en application des articles L. 911-1 et -3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travailler, et d'ordonner le réexamen de sa situation administrative dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ; elle remplit les critères pour bénéficier d'un titre en qualité de parent d'un enfant de nationalité française ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, en l'absence d'information quant aux pièces manquantes dans son dossier ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a contesté la participation à l'entretien de l'enfant par son père mais pas la participation de sa mère ; le père a accompli les démarches pour la reconnaître et la faire venir sur le territoire et elle justifie de sa participation à son entretien ; elle justifie des règlements effectués pour sa scolarité ;

- la décision méconnait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et les dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante congolaise née le 6 juin 1978, est entrée régulièrement en France le 10 janvier 2022. Elle a sollicité le 28 mars 2022 son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 8 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 20 octobre 2022, dont Mme E... relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) ".

3. Ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, il ne ressort ni des mentions contenues dans l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet du Val-d'Oise se serait fondé sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction de la demande de Mme E..., exigés par les textes législatifs et réglementaires en vigueur, pour refuser de l'admettre au séjour en France. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, faute pour le préfet de l'avoir invitée à produire les pièces manquantes en lui fixant un délai, ne peut donc qu'être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Selon l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur du titre de séjour " vie privée et familiale " se prévalant de la qualité de parent d'un enfant français est tenu, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, de justifier que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C..., ressortissant français qui a déclaré à Brazzaville le 28 janvier 2013 la naissance de la fille de Mme E... le 11 janvier 2013 et l'a reconnue, n'était pas marié avec Mme E.... En l'absence de présomption de paternité prévue aux articles 312 à 315 du code civil, et s'agissant donc d'un établissement de la filiation en application de l'article 316 du même code, le préfet était fondé, en vertu des dispositions précitées, à attendre de Mme E... qu'il soit justifié que M. C... contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de cette enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Si Mme E... soutient que M. C... lui a régulièrement envoyé de l'argent depuis la France, pendant qu'elle vivait avec sa fille au Congo, avant l'entrée de cette dernière sur le territoire en 2021, les virements apparaissant sur un relevé de la société Moneygram, soit deux en 2016, un en 2017, trois en 2018, un en 2019, deux en 2020 et enfin un en 2021, ainsi que sur des relevés d'opération de la société Yvalanda des 15 juin et 10 septembre 2015, ne sont pas suffisants, ainsi que l'a jugé le tribunal, pour justifier de l'effectivité de la contribution de M. C... à l'entretien de sa fille à la date de l'arrêté en litige, et ce alors que ces virements sont au surplus d'un montant réduit. Si la requérante soutient que les autres mandats auraient été adressés aux neveux de M. C... aux fins de reversement des sommes en cause à Mme E..., les pièces produites, y compris en appel, ne l'établissent pas. En outre, la requérante ne peut pas utilement se prévaloir des documents établis postérieurement à la date de l'arrêté en litige, tels des copies de chèques, une attestation d'ouverture de compte à la BNP d'août 2022, sur laquelle M. C... apparaît encore domicilié à Epinay-sur-Seine, des factures de cantines et un virement du 15 septembre 2022. Enfin, s'il est constant que M. C... a accompli les démarches pour l'obtention d'un passeport pour sa fille et son arrivée en France en 2021, les pièces produites n'expliquent pas la résidence séparée de M. C..., à Epinay-sur-Seine, et de sa fille, confiée à son arrivée à sa tante maternelle résidant à Vauréal. Si M. C... apparaît ensuite domicilié à la même adresse que sa fille, tout d'abord à Montmorency, chez son cousin, puis à Creil, cette circonstance est postérieure à la décision en litige. Il suit de là que Mme E... n'établit pas que M. C... contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille à la date de l'arrêté en litige. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été édicté en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. Si Mme E... se prévaut en appel de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et des dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que l'enfant, à la date de la décision en litige, était confiée à sa tante maternelle, sans qu'il soit soutenu que Mme E... résidait à la même adresse après son entrée sur le territoire. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l'intéressée aurait reconstitué une cellule familiale avec M. C... et sa fille depuis son entrée sur le territoire le 10 janvier 2022. La requérante ne justifie donc pas de la persistance et de l'intensité des liens entretenus avec sa fille à la date de la décision en litige, et ne justifie donc pas non plus d'une méconnaissance des stipulations et dispositions mentionnées plus haut.

7. Enfin, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ; / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ".

8. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour l'obtention d'un titre de séjour de plein droit en application des dispositions de ce code, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour. Mme E... ne remplissant pas les conditions pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 8 avril 2022. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions aux fins d'annulation dudit jugement et de cet arrêté, ainsi que celles présentées aux fins d'injonction et d'astreinte et sur le fondement de l'article article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Marie-Tifenne E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

Le rapporteur,

O. A...Le président,

P.-L. ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE02623002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02623
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : BULAJIC

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-03-30;22ve02623 ?
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