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21/04/2023 | FRANCE | N°21VE00261

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 21 avril 2023, 21VE00261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Grigny, la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart et la commune de Ris-Orangis ont, par trois requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 1803885, 1803904 et 1803871, demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté préfectoral n° 2018.PREF/DCPPAT/BUPPE/041 du 4 avril 2018 portant approbation du plan de prévention des risques technologiques (PPRT) autour du dépôt d'hydrocarbures de la Compagnie Industrielle Maritime à Grigny, et du d

pôt de gaz liquéfié de la société Antargaz à Ris-Orangis, et de mettre à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Grigny, la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart et la commune de Ris-Orangis ont, par trois requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 1803885, 1803904 et 1803871, demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté préfectoral n° 2018.PREF/DCPPAT/BUPPE/041 du 4 avril 2018 portant approbation du plan de prévention des risques technologiques (PPRT) autour du dépôt d'hydrocarbures de la Compagnie Industrielle Maritime à Grigny, et du dépôt de gaz liquéfié de la société Antargaz à Ris-Orangis, et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par trois jugements distincts n° 1803885, n° 1803904 et n° 1803871 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a admis l'intervention de la société Antargaz, puis rejeté les requêtes des requérantes, ainsi que les conclusions de la société Antargaz tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 21VE00261, les 28 janvier 2021, 30 mars 2022 et 3 mars 2023, la commune de Grigny, représentée par Me Ghaye, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803885 ;

2°) d'annuler cet arrêté, ou à titre subsidiaire, de l'abroger ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen opérant tenant à l'illégalité de la dispense d'évaluation environnementale ;

- il est également irrégulier en ce qu'il est entaché d'une contradiction de motifs tenant, d'une part, à ce que les établissements publics SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau " ne font pas partie des exploitants des installations à l'origine du risque et ne sont pas davantage des communes sur le territoire desquelles le plan de prévention des risques technologiques doit s'appliquer ", mais que, d'autre part, " en tout état de cause, [...]des représentants de la SNCF ont toutefois participé à la réunion du 23 juin 2017 " ;

- il est également irrégulier en l'absence d'une motivation suffisante du jugement en tant qu'il écarte le moyen tiré de la violation de l'article R. 122-18 du code de l'environnement ;

- la dispense d'évaluation environnementale est irrégulière ;

- la liste des personnes et organismes qui ont été associés à l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques prévus par l'article L. 515-22 du code de l'environnement est irrégulière, car incomplète, en raison de l'absence de la SNCF, de la SNCF Mobilités et la SNCF Réseau ;

- les dispositions de l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 7 avril 2015 n'ont pas été respectées en ce que le compte-rendu de la réunion des personnes et organismes associés organisée le 22 juin 2017 ne lui a pas été transmis, avant la tenue de la troisième réunion du 6 juillet suivant ;

- ce n'est que le 28 août 2017 que le compte-rendu provisoire de la troisième réunion du 6 juillet précédent a été transmis ;

- l'Etat n'a jamais joint les diaporamas PowerPoint présentés lors des réunions, qui n'ont pas été joints au dossier de concertation avec le public, ni au dossier d'enquête publique ;

- la phase d'association avec les personnes et organismes associés est factice, dès lors que la question de la délocalisation des sociétés CIM et Antargaz n'a pas été intégrée à la réflexion sur le plan de prévention des risques technologiques ;

- à l'amorce de la concertation, l'Etat avait déjà établi et validé un document complet similaire à un plan de prévention des risques technologiques, comprenant à la fois un zonage, un règlement et un cahier de recommandations, ces documents n'ayant pas varié depuis la première réunion d'information organisée le 27 février 2017 ;

- la mise en œuvre de la concertation a été tardive ;

- les documents d'élaboration du plan de prévention des risques technologiques n'ont pas été tenus à la disposition du public et n'ont pas été rendus accessibles sur le site internet de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie, de sorte que les modalités de concertation fixées par l'arrêté du 7 avril 2015 n'ont pas été respectées ;

- il n'y a eu aucune concertation avec la population, ce qui méconnait l'article L. 103-1 du code de l'urbanisme ;

- la censure doit donc être prononcée pour violation des dispositions de l'article L. 515-22 du code de l'environnement ;

- l'enquête publique est entachée d'une irrégularité tenant à la composition du dossier de l'enquête publique en ce qu'il n'apparaît pas que le bilan de la concertation ait été annexé au dossier d'enquête publique ;

- l'enquête publique est entachée d'une irrégularité tenant à l'insuffisance manifeste du rapport du commissaire enquêteur, qui assimile la concertation et l'enquête publique ce qui constitue une erreur de droit, qui n'a pas présenté d'opinion personnelle et indépendante, et qui n'a pas répondu à certaines observations pourtant essentielles ;

- les usagers du RER D sont exposés à un risque non pris en compte par le PPRT ;

- la circulaire du 30 mars 2012 n'obligeait pas le préfet à prévoir la mise en place de mesures organisationnelles en renvoyant au plan particulier d'intervention des sociétés CIM et Antargaz ;

- le plan de prévention des risques technologiques doit prendre en compte un périmètre d'exposition aux risques tenant compte de l'ensemble des éléments relatifs à la nature et à l'intensité des risques technologiques identifiés ;

- les risques mortels étant quasi immédiats, aucune mesure organisationnelle de type plan particulier d'intervention n'est en mesure de protéger les usagers du RER D ;

- le recours à un plan particulier d'intervention ne vient qu'en appui des protections structurelles à protection partielle ;

- au regard du phénomène de cinétique rapide qui frapperait les installations d'Antargaz, les solutions préconisées d'une simple utilisation du plan particulier d'intervention sont insuffisantes ;

- l'absence de gestion du risque généré par les deux sociétés CIM et Antargaz constitue une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'option de l'expropriation de la société Antargaz aurait dû être préférée, ce que démontre le bilan coûts-avantages de cette solution ;

- l'arrêté d'approbation du plan de prévention des risques technologiques du 4 avril 2018 est devenu illégal en raison des nombreux changements de circonstances de fait et de droit intervenus depuis le 4 avril 2018.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en intervention enregistré le 20 décembre 2021, la société Antargaz, représentée par Me Hercé, conclut à titre principal au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 191-1 du code de l'environnement en vue d'une régularisation et de mettre à la charge de la commune de Grigny la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 21VE00262, le 29 janvier 2021 et le 18 février 2022, la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart, représentée par Me Sagalovitsch, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803904 ;

2°) d'annuler cet arrêté, ou à titre subsidiaire, de l'abroger ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient d'office écarter l'application de l'article R. 122-18 du code de l'environnement portant sur la réalisation au cas par cas des évaluations environnementales, dont la violation était invoquée par la requérante, alors que le préfet n'avait nullement, dans sa défense, excipé de l'illégalité dudit article, ce qui impose l'annulation du jugement attaqué ;

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation car les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet ;

- la motivation des premiers juges, qui font valoir qu'il ne résulte de l'arrêté préfectoral aucun formalisme et pas davantage d'échéances calendaires s'agissant de la communication de l'étude de délocalisation de la société Antargaz, ne répond pas ainsi au moyen y afférent soulevé en première instance ;

- les premiers juges se sont abstenus de répondre aux moyens relatifs à l'irrégularité de l'enquête publique au motif qu'elle avait été confiée à un seul commissaire enquêteur, alors qu'elle aurait dû l'être à une commission d'enquête ;

- les premiers juges auraient dû répondre au moyen tiré de l'exception d'illégalité de la circulaire du 30 mars 2012 ;

- les premiers juges se sont bornés à reprendre les dispositions de l'article L. 515-22 du code de l'environnement, en entachant son interprétation d'une erreur de droit ;

- l'arrêté préfectoral du 7 avril 2015 portant prescription du PPRT est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il ne désigne pas la SNCF comme personne publique associée ;

- c'est en vain que les premiers juges ont souligné que la SNCF aurait été associée à l'élaboration du plan dans la mesure où des représentants de la SNCF étaient bien présents à la réunion du 23 juin 2017 qui portait sur le sujet du RER D ;

- si le compte-rendu du 22 juin 2017 avait été adressé en temps utile, les différentes parties auraient alors pu présenter, lors de la réunion du 6 juillet 2017, leurs observations sur ce compte-rendu provisoire ;

- l'auteur du PPRT, à son article 3.1, ne s'est pas contenté de procéder à la délimitation de secteur d'expropriation mais a défini des zones dans lesquelles les mesures d'expropriation pour cause d'utilité publique devront être obligatoirement prises, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 515-16-4 du code de l'environnement ;

- l'arrêté du 8 avril 2018 est illégal en tant qu'il n'offre pas une protection suffisante aux usagers du RER D ;

- les premiers juges auraient dû tirer toutes les conséquences de l'étude INERIS sur la vulnérabilité de la ligne du RER D qui présentait, pour chacun de ses scénarios, les mesures organisationnelles comme complémentaires à la réalisation d'un ouvrage de protection ;

- les premiers juges ne pouvaient justifier l'exclusion du recours à des mesures structurelles par la seule prise en considération des coûts, qu'ils ont faussement appréciés ;

- les mesures organisationnelles sont manifestement insuffisantes, contrairement à l'appréciation erronée des premiers juges ;

- en réalité, le préfet s'est refusé à envisager des mesures structurelles, car pour obtenir une dispense d'évaluation environnementale, il avait pris l'engagement que le PPRT ne prescrirait pas des travaux d'aménagement de la voirie ou des réseaux ;

- les premiers juges ne pouvaient utilement se référer au dispositif issu de la circulaire du 30 mars 2012 sans répondre préalablement aux moyens soulevés par la communauté d'agglomération en première instance, à l'encontre de ladite circulaire, dans le cadre d'une exception d'illégalité ;

- la déclaration du ministre en date du 29 septembre 2019 au sujet de l'incendie de Lubrizol caractérise un changement de circonstance de droit qui affecte d'illégalité le PPRT attaqué, des lors que les deux usines sont implantées dans un milieu urbain et que la présence de lignes ferroviaires jouxtant un site accroît le risque d'un accident majeur ou d'effet domino ;

- le juge administratif pourrait dégager un nouveau principe général du droit, selon lequel des installations de type SEVESO de seuil haut ne peuvent plus justifier d'une présence régulière dans un milieu urbain ;

- le changement de circonstance tient également à ce que le préfet a pris le 7 mai 2020 un arrêté de suspension des activités de stockage dans le réservoir de propane 4 de la société Antargaz.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en intervention enregistré le 20 décembre 2021, la société Antargaz, représentée par Me Hercé, conclut à titre principal au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 191-1 du code de l'environnement en vue de permettre une régularisation et de mettre à la charge de la Communauté d'Agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

III. Par une requête enregistrée, sous le n° 21VE00285, le 29 janvier 2021, la commune de Ris-Orangis, représentée par Me Sabattier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803871 ;

2°) d'annuler cet arrêté, ou à titre subsidiaire, de l'abroger ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Antargaz la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les motifs par lesquels le tribunal administratif de Versailles a écarté, au point 7, le moyen tiré de la violation du principe d'indépendance entre l'autorité décisionnelle et l'autorité environnementale, sont insuffisants ;

- l'article 31 II de la loi du 8 novembre 2019 est inconventionnel en tant qu'il nie les effets de la directive du 27 juin 2001 telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a procédé à une inversion de la charge de la preuve en ne vérifiant pas le caractère complet du dossier soumis à l'autorité environnementale ;

- la décision de dispense d'évaluation environnementale a méconnu les critères de l'annexe II de la directive du 27 juin 2001 à laquelle l'article R. 122-18 du code de l'environnement renvoie ;

- la procédure de concertation est entachée d'irrégularité en ce que les modalités de concertation ne prévoyaient aucune réunion publique organisée par l'Etat ;

- l'absence de production des registres de concertation par l'Etat constitue un vice de procédure démontrant l'absence de réalisation de la concertation en conformité avec l'arrêté du 7 avril 2015 ;

- le commissaire-enquêteur a insuffisamment motivé son rapport ;

- les prescriptions du plan de prévention des risques technologiques et le zonage qu'il a établi présentent un caractère inadapté et inopportun, en raison de la présence en zone rouge de ce plan d'un tronçon de 400 mètres de la ligne du RER D, le plan particulier d'intervention ne pouvant se substituer au plan de prévention des risques technologiques ;

- la décision d'exproprier trois entreprises pour en préserver deux procède d'une appréciation manifestement erronée de la situation ;

- le plan porte atteinte à l'intérêt du site en empêchant la réalisation des projets évoqués par elle, ainsi que par la commune de Grigny et la communauté d'agglomération du Grand Paris Seine Essonne au sein de leurs délibérations respectives et du courrier daté du 21 novembre 2017 adressé au ministre de la transition écologique ;

- le plan entre en contradiction avec le schéma directeur de la région Île-de-France, les plans locaux d'urbanisme de Ris-Orangis et de Grigny et le schéma régional de cohérence écologique dès lors que la réalisation des trames vertes et bleues prévues se trouve compromise ;

- l'arrêté d'approbation du PPRT est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en intervention enregistré le 20 décembre 2021, la société Antargaz, représentée par Me Hercé, conclut à titre principal au rejet de la requête, ou à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 191-1 du code de l'environnement en vue de permettre une régularisation et de mettre à la charge de la commune de Ris-Orangis la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;

- le décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la circulaire du 30 mars 2012 relative à la prévention des conséquences d'accidents industriels sur les voyageurs circulant sur les infrastructures du réseau ferré national situées à proximité des sites soumis à autorisation avec servitudes ;

- l'arrêt du Conseil d'Etat n° 439213 du 22 juillet 2020 portant rejet de la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- les observations Me Hauville, substituant Me Ghaye, pour la commune de Grigny, de Me Sagalovitsch pour la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart, de Me Corlouer, substituant Me Sabattier, pour la commune de Ris-Orangis, et de Me Otal, substituant Me Hercé, pour la société Antargaz.

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de l'Essonne a approuvé le 4 avril 2018 un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) concernant la zone située autour du dépôt d'hydrocarbures de la compagnie industrielle maritime (CIM) à Grigny et du dépôt de gaz liquéfié de la société Antargaz à Ris-Orangis. Ces deux communes, ainsi que la communauté d'agglomération de Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart, dont elles sont membres, font respectivement appel des jugements n 1803885, n° 1803904 et n° 1803871 du 30 novembre 2020 par lesquels le tribunal administratif de Versailles a admis l'intervention de la société Antargaz et rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ce plan.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées, n° 21VE00261, n° 21VE00262 et n° 21VE00285, se rapportent à la même décision administrative, soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements attaqués :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés ". Si les premiers juges doivent se prononcer de façon suffisamment précise et circonstanciée sur toutes les conclusions et sur tous les moyens opérants soulevés devant eux, ils ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties.

En ce qui concerne le jugement n° 1803871 :

4. En premier lieu, il ressort du point 7 du jugement n° 1803871 que, contrairement à ce que soutient la commune de Ris-Orangis, le tribunal administratif de Versailles n'a pas omis de répondre au moyen tiré de la violation du principe d'indépendance entre l'autorité décisionnelle et l'autorité environnementale.

5. En second lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Versailles aurait procédé à une inversion de la charge de la preuve en ne vérifiant pas le caractère complet du dossier soumis à l'autorité environnementale concerne son bien-fondé et non sa régularité. Il ne peut donc qu'être rejeté à ce titre.

En ce qui concerne le jugement n° 1803885 :

6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la commune de Grigny, les premiers juges ont expressément répondu au moyen de procédure, qui est opérant, tiré de l'illégalité de la dispense d'évaluation environnementale en jugeant qu'il résulte du V de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige, que les plans de prévention des risques naturels prévisibles mentionnés à l'article L. 562-1 du code de l'environnement n'entrent pas dans le champ d'application de cette procédure d'évaluation environnementale, et que les faits constitutifs de l'illégalité de la dispense accordée sur ce point, tenant en particulier à la présence d'un glacis protecteur autour de la société Antargaz, ne sont pas établis.

7. En deuxième lieu, contrairement à ce qu'affirme la commune de Grigny, le tribunal administratif a suffisamment motivé, aux points 12 et 13 du jugement n° 1803885, sa réponse au moyen afférent à l'évaluation environnementale tiré de la violation de l'article R. 122-18 du code de l'environnement portant sur l'examen au cas par cas de certains plans et programmes ayant une incidence notable sur l'environnement.

8. Enfin, le moyen de la commune de Grigny tiré de ce que le jugement n° 1803885 serait entaché d'une irrégularité dès lors qu'il affirme, d'une part, que les établissements publics SNCF, SNCF Mobilités et SNCF Réseau " ne font pas partie des exploitants des installations à l'origine du risque et ne sont pas davantage des communes sur le territoire desquelles le plan de prévention des risques technologiques doit s'appliquer ", et que d'autre part, " en tout état de cause, [...]des représentants de la SNCF ont toutefois participé à la réunion du 23 juin 2017 ", ne peut qu'être écarté dès lors qu'une contradiction de motifs n'affecte que le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité.

En ce qui concerne le jugement n° 1803904 :

9. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération, le tribunal administratif de Versailles a expressément répondu, aux points 12, 13 et 15 de son jugement n° 1803904, aux moyens tirés de l'existence de vices de procédure liées à la transmission tardive de l'étude de délocalisation de la société Antargaz, au fait que l'enquête publique a été confiée à un seul commissaire enquêteur alors qu'elle aurait dû l'être à une commission d'enquête et à ce que le préfet aurait commis une erreur de droit à ce sujet.

10. En second lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges ne pouvaient d'office écarter l'application de l'article R. 122-18 du code de l'environnement portant sur la réalisation au cas par cas des évaluations environnementales, alors que le préfet n'avait nullement, dans sa défense, excipé de l'illégalité dudit article, n'affectant pas la régularité du jugement, il ne peut qu'être écarté.

11. Enfin, si la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart soutient que les premiers juges auraient dû répondre au moyen tiré de l'exception d'illégalité de la circulaire du 30 mars 2012, il ressort des pièces du dossier que le préfet n'étant pas tenu de suivre cette circulaire, celle-ci ne constituait pas la base légale de l'arrêté du 4 avril 2018 portant approbation du plan de prévention des risques technologiques, qui n'a pas non plus été adopté pour l'application de cette circulaire. Par suite, le moyen était inopérant, de sorte que le tribunal administratif de Versailles n'avait pas à y répondre.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 avril 2018 :

12. Aux termes de l'article L 515-15 du code de l'environnement : " L'Etat élabore et met en œuvre des plans de prévention des risques technologiques qui ont pour objet de délimiter les effets d'accidents susceptibles de survenir dans les installations figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-36 et qui y figuraient au 31 juillet 2003, et pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques directement ou par pollution du milieu. L'Etat peut élaborer et mettre en œuvre de tels plans pour les installations mises en service avant le 31 juillet 2003 et ajoutées à la liste prévue à l'article L. 515-36 postérieurement à cette date. Ces plans délimitent un périmètre d'exposition aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité des risques technologiques décrits dans les études de dangers et des mesures de prévention mises en œuvre ".

En ce qui concerne la légalité externe :

S'agissant des moyens invoqués par voie d'exception dirigés contre la dispense d'évaluation environnementale accordée par le préfet le 12 mars 2015 :

13. Si la décision imposant la réalisation d'une évaluation environnementale est, en vertu du IV de l'article R. 122-18 du code de l'environnement, un acte faisant grief susceptible d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir après exercice d'un recours administratif préalable, tel n'est pas le cas de l'acte par lequel l'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement décide de dispenser d'évaluation environnementale un plan, schéma, programme ou autre document de planification mentionné à l'article L. 122-4 du code de l'environnement. Un tel acte a le caractère d'une mesure préparatoire à l'élaboration de ce plan, schéma, programme ou document, insusceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir, eu égard tant à son objet qu'aux règles particulières prévues au IV de l'article R. 122-18 du code de l'environnement pour la décision imposant la réalisation d'une évaluation environnementale. La décision de dispense d'évaluation environnementale peut, en revanche, être contestée à l'occasion de l'exercice d'un recours contre la décision approuvant le plan, schéma, programme ou document.

14. En premier lieu, la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement dont l'objet défini par son article premier est " d'assurer un niveau élevé de protection de l'environnement, et de contribuer à l'intégration de considérations environnementales dans l'élaboration et l'adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement soient soumis à une évaluation environnementale " précise au paragraphe 8 de son article 3 que : " Les plans et programmes suivants ne sont pas couverts par la présente directive : - les plans et programmes destinés uniquement à des fins de défense nationale et de protection civile... ". Aux termes de l'article 31 II de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat : " II. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les arrêtés portant prescription ou approbation des plans de prévention des risques technologiques mentionnés à l'article L. 515-15 du code de l'environnement en tant qu'ils sont ou seraient contestés par un moyen tiré de ce que le service de l'Etat qui a pris, en application du décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l'environnement, la décision de ne pas soumettre le plan à une évaluation environnementale ne disposait pas d'une autonomie suffisante par rapport à l'autorité compétente de l'Etat pour approuver ce plan ".

15. Il résulte clairement des dispositions du paragraphe 8 de l'article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, que les plans ou programmes, dont la finalité est d'assurer la protection des populations contre les risques technologiques, n'entrent pas dans le champ d'application de la procédure d'évaluation environnementale prévue au paragraphe 1 de ce même article, alors même qu'ils seraient par ailleurs susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. Par suite, les plans de prévention des risques technologiques mentionnés à l'article L. 515-15 du code de l'environnement, qui ont pour finalité d'assurer la protection civile des populations contre les risques technologiques, ne sont pas soumis à cette procédure en application de cette directive. Le moyen tiré de l'inconventionnalité de l'article 31 II précité de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat au regard de cette directive du 27 juin 2001, qui n'a au demeurant pas été pris pour assurer la transposition de cette directive, doit en tout état de cause être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, dans sa version applicable du 6 août 2016 au 25 novembre 2018 lorsque l'arrêté préfectoral contesté du 4 avril 2018 a été édicté : " V. - Les plans et programmes établis uniquement à des fins de défense nationale ou de protection civile ainsi que les plans et programmes financiers ou budgétaires ne sont pas soumis à l'obligation de réaliser une évaluation environnementale. L'autorité responsable de l'élaboration du plan ou du programme indique à l'autorité environnementale lors de l'examen au cas par cas, et à l'autorité compétente s'agissant de la demande d'avis sur le rapport sur les incidences environnementales, les informations dont elle estime que leur divulgation serait de nature à porter atteinte aux intérêts mentionnés au I de l'article L. 124-4 et au II de l'article L. 124-5. (...) ". Cette disposition législative excluant les plans de protection civile, au nombre desquels figurent les plans de prévention des risques technologiques, de l'obligation d'évaluation environnementale n'était pas encore entrée en vigueur au moment où a été édicté le décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l'environnement qui avait prévu que, notamment les PPRT prévus par l'article L. 515-15 du code de l'environnement, étaient " susceptibles de faire l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas ", en application duquel le préfet a accordé une dispense expresse d'évaluation environnementale le 12 mars 2015. Le moyen tiré de ce que cette loi a été méconnue ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 122-18 du code de l'environnement précisant les modalités de l'examen au cas par cas, dans sa rédaction applicable issue du décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 en vigueur du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016 : " I. - Pour les plans, schémas, programmes ou documents de planification faisant l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas en application du II, du second alinéa du IV ainsi que du V de l'article R. 122-17, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement détermine, au regard des informations fournies par la personne publique responsable et des critères de l'annexe II de la directive n° 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, si une évaluation environnementale doit être réalisée. Dès qu'elles sont disponibles et, en tout état de cause, à un stade précoce dans l'élaboration du plan, schéma, programme ou document de planification, la personne publique responsable transmet à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement les informations suivantes : - une description des caractéristiques principales du plan, schéma, programme ou document de planification, en particulier la mesure dans laquelle il définit un cadre pour d'autres projets ou activités ; - une description des caractéristiques principales, de la valeur et de la vulnérabilité de la zone susceptible d'être touchée par la mise en œuvre du plan, schéma, programme ou document de planification ; - une description des principales incidences sur l'environnement et la santé humaine de la mise en œuvre du plan, schéma, programme ou document de planification. ".

18. Il ressort des pièces du dossier que toutes les informations exigées par cet article R. 122-18 du code de l'environnement ont été communiquées à l'autorité environnementale. En outre, il ressort de la décision de dispense environnementale du 12 mars 2015 que si le périmètre de la zone d'étude du plan de prévention des risques technologiques s'étend sur une zone de 80 hectares relevant du territoire de trois communes qui est pour l'essentiel urbanisé et recouvre en partie une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type 2 " Vallée de Seine de Saint-Fargeau à Villeneuve-Saint-Georges ", ainsi que le site classé " Rive de Seine " par un arrêté du 19 août 1976, les mesures prescrites par ce plan qui n'intègrent pas des travaux d'aménagement de la voirie ou des réseaux et dont l'article IV.2.6 du règlement du plan de prévention des risques technologiques, qui ne peut être interprété comme empêchant le développement des modes de transport doux, ne sont pas de nature à affecter les milieux naturels ou les enjeux paysagers. Ainsi, ce plan n'a pas d'incidence sur l'environnement. Par suite, les moyens y afférents invoqués par les communes de Grigny et de Ris-Orangis pour soutenir que la décision de dispense d'évaluation environnementale qui est intervenue serait illégale doivent être écartés, de même que celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 103-1 du code de l'urbanisme qui ne s'applique qu'à des décisions des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement.

S'agissant de la phase de concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques technologiques :

19. Aux termes de l'article L. 515-22 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de la concertation qui a été réalisée : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques technologiques dans les conditions prévues à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme. / Sont notamment associés à l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques les exploitants des installations à l'origine du risque, les communes sur le territoire desquelles le plan doit s'appliquer, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme et dont le périmètre d'intervention est couvert en tout ou partie par le plan ainsi que la commission de suivi de site créée en application de l'article L. 125-2-1. / Le préfet recueille leur avis sur le projet de plan, qui est ensuite soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier. / Le plan de prévention des risques technologiques est approuvé par arrêté préfectoral. / Il est révisé selon les mêmes dispositions ". Aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme : " (...) II. - Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont fixés par : / 1° Le préfet lorsque la révision du document d'urbanisme ou l'opération sont à l'initiative de l'Etat (...). Ces modalités doivent, pendant une durée suffisante au regard de l'importance du projet, permettre au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente. (...) / III. - A l'issue de la concertation, l'autorité mentionnée au II en arrête le bilan. / Lorsque le projet fait l'objet d'une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le bilan de la concertation est joint au dossier de l'enquête. / IV. - Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux I et II ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées. (...) ". Aux termes de l'article R. 515-40 II du même code : " L'élaboration d'un plan de prévention des risques technologiques est prescrite par un arrêté du préfet (...) II. L'arrêté fixe également les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes intéressées (...). Le bilan de la concertation est communiqué aux personnes associées et rendu public dans des conditions que l'arrêté détermine. ".

Quant au champ d'application de cette concertation :

20. Ni l'article L. 515-22 du code de l'environnement, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose que les propriétaires riverains d'une installation pour laquelle un PPRT doit être adopté soient, à peine d'irrégularité, associés à la procédure de concertation organisée pour l'élaboration de ce projet de plan. Par suite, la commune de Grigny et la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance que l'article 5 de l'arrêté prescrivant le plan de prévention des risques technologiques n'a pas inclus les établissements publics à caractère industriel et commercial SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités, propriétaires de la voie ferrée située à proximité des sites des sociétés CIM et Antargaz concernés par le PPRT litigieux, lesquels ont été simplement informés de l'élaboration de ce plan lors d'une réunion organisée le 23 juin 2017, dans la liste des institutions concernées par la procédure de concertation.

Quant à la concertation proprement dite :

21. L'article L. 515-22 du code de l'environnement renvoie la détermination des modalités de la concertation relative à l'élaboration des projets de plan de prévention des risques technologiques, à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans son ensemble, y compris le IV de cet article, devenu l'article L. 600-11 du même code. Il suit de là que l'auteur d'un recours tendant à l'annulation de la décision préfectorale approuvant un plan de prévention des risques technologiques peut utilement invoquer l'irrégularité de procédure résultant de la méconnaissance des modalités de concertation définies le préfet, mais ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet a fixé ces modalités.

Quant à la légalité de la décision par laquelle le préfet a fixé les modalités de la concertation :

22. Les moyens tirés de ce que la procédure de concertation définie par l'arrêté préfectoral du 7 avril 2015 prescrivant l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques litigieux est illégale dès lors que les modalités de cette concertation n'ont pas été suffisamment définies pour permettre une participation effective du public, et ne prévoyaient aucune réunion publique organisée par l'Etat sont inopérants.

Quant au moment effectif de la concertation :

23. La concertation prévue par les dispositions précitées doit se dérouler avant que le projet soit arrêté dans sa nature et ses options essentielles et que soient pris les actes conduisant à la réalisation effective de l'opération, au nombre desquels figurent notamment les décisions arrêtant le dossier définitif du projet.

24. En premier lieu, si la commune de Grigny soutient qu'à l'amorce de la concertation, l'Etat avait déjà établi et validé un document complet similaire à un plan de prévention des risques technologiques comprenant à la fois un zonage, un règlement et un cahier de recommandations, ce documents n'ayant pas varié depuis la première réunion d'information organisée le 27 février 2017, ceci n'est pas établi, aucun élément ne permettant de mesurer l'état d'avancement du projet de plan à cette époque et d'affirmer que ses options essentielles avaient été arrêtées. Par suite, le moyen tiré de ce que la concertation se serait déroulée après que le PPRT ait été arrêté dans sa nature et ses options essentielles, ne peut qu'être écarté.

25. En second lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que cette phase de concertation aurait dû débuter en même temps que la réflexion menée au sujet de la définition de la stratégie d'élaboration du plan de prévention des risques technologiques en 2010. En outre, il n'est pas établi que cette concertation n'aurait pas eu lieu pendant l'élaboration de ce projet de plan finalisé en 2018. Par suite, le moyen invoqué par la commune de Grigny, tiré de ce que la procédure de concertation serait illégale car elle aurait démarré tardivement, le 8 juin 2017, lors de la dernière phase de huit années de procédure, ce qui est inexact, ne peut qu'être écarté.

Quant à l'irrégularité de la procédure résultant de la méconnaissance des modalités de concertation définies :

26. En premier lieu, il ressort de l'article 6 intitulé " Modalités de concertation " de l'arrêté préfectoral de prescription du plan de prévention des risques technologiques du 7 avril 2015 que : " Les documents d'élaboration du projet de PPRT sont tenus à la disposition du public en mairies de Grigny, Ris-Orangis et Draveil. Ils sont également accessibles sur le site internet de la DRIEE ". La commune de Grigny soutient que ces modalités ont été méconnues dès lors que les documents d'élaboration du plan de prévention des risques technologiques n'ont pas été tenus à la disposition du public. Il est constant que la phase de concertation a débuté le 8 juin 2017 et a été clôturée le 3 novembre 2017. Il ressort des pièces du dossier que les documents d'élaboration étaient consultables sur la page internet dédiée du plan de prévention des risques technologiques et régulièrement communiqués aux communes intéressées afin qu'elles les mettent à disposition du public. La circonstance que seules 21 observations ont été recensées au cours de la concertation parmi les habitants de la commune de Grigny ne permet pas d'infirmer ce fait. Le bilan de concertation a été publié dans le journal municipal des communes intéressées le 30 novembre 2017, les services de l'Etat précisant à cette occasion que ce bilan " doit être mis à la disposition du public dans les mairies de Grigny, Ris-Orangis et Draveil. Il doit également être publié dans le journal municipal de chacune des communes concernées ". Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que la concertation se serait déroulée selon des modalités qui n'auraient pas permis l'information et la participation du public dans de bonnes conditions.

27. En deuxième lieu, si les personnes et organismes associés ont rendu leur avis avant que le bilan de la concertation avec le public leur ait été communiqué, ceci est sans incidence sur l'information du public, au demeurant éclairé par les positions des personnes publiques.

28. En troisième lieu, si l'arrêté précité du 7 avril 2015 prévoyait en son article 5 que " la DRIEE [direction régionale et interdépartementale de l'Environnement et de l'Énergie] assure l'organisation de ces réunions et la diffusion des comptes - rendus ", que ces " comptes - rendus de réunions d'association sont adressés pour observation, aux personnes et organismes associées qui disposent de 30 jours suivant la réception pour faire valoir leur observations ", il ne mentionnait aucune date pour la transmission desdits comptes rendus, et il n'est pas contesté que ces comptes rendus ont été transmis à la commune de Grigny ainsi qu'à la communauté d'agglomération. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ces comptes rendus auraient été transmis de manière tardive en méconnaissance des modalités d'association.

29. En quatrième lieu, l'article 6 de l'arrêté du 7 avril 2015 fixant les modalités de concertation dispose que " les observations des habitants, associations et personnes intéressées sont recueillies sur un registre prévu à cet effet en mairies de Grigny, Ris-Orangis et Draveil ". La commune de Ris-Orangis ne peut utilement reprocher à l'Etat de ne pas avoir produit ce registre qu'il lui incombait de tenir, alors qu'il est constant qu'elle ne l'a pas transmis au préfet de l'Essonne, malgré une demande expresse qui lui a été adressée à ce sujet par un courriel daté du 16 novembre 2016.

30. Enfin, si la commune de Grigny soutient que la phase de concertation avec les personnes et organismes associés a été factice, dès lors qu'elle n'a pas permis d'intégrer la question de la délocalisation des sociétés CIM et Antargaz lors de la réflexion portant sur le plan de prévention des risques technologiques, cette hypothèse de la délocalisation de ces sites industriels aurait pour conséquence de vider de sa substance le plan de prévention des risques technologiques qui est l'objet même de la concertation, de sorte que les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de ce moyen. Au demeurant, il résulte des comptes rendus des réunions organisées avec les personnes et organismes associés, les 4 avril et 22 juin 2017, que les représentants des collectivités locales concernées ont pu, au cours de ces réunions, débattre de la possibilité de prescrire des mesures alternatives à l'établissement d'un plan de prévention des risques technologiques.

S'agissant de l'enquête publique et des conclusions du commissaire enquêteur :

31. En premier lieu, aux termes de l'article R. 515-44 du code de l'environnement : " I -Le projet de plan, éventuellement modifié pour tenir compte des résultats de la concertation et des avis émis par les personnes et organismes associés, est soumis à une enquête publique organisée dans les formes prévues par la section 2 du chapitre III du titre II du livre Ier. Le dossier de l'enquête comprend les documents et informations mentionnés à l'article R. 515-41, les documents établis à l'issue de la concertation et les avis émis en application du II de l'article R. 515-43 ". Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport du commissaire enquêteur, au point 1.9., que le bilan de la concertation a été joint au dossier d'enquête publique et mis à la disposition du public durant cette enquête. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier soumis à enquête publique doit être écarté comme manquant en fait.

32. En second lieu, aux termes de l'article L. 123-15 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête ". Aux termes de l'article R. 123-19 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. ". Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

33. Il ressort de son rapport que le commissaire enquêteur, qui n'a pas assimilé la concertation et l'enquête publique, a présenté les différentes observations émises lors de l'enquête publique, qu'il a regroupées de manière thématique, ainsi que les réponses de la préfète de l'Essonne. Il a ensuite donné son avis détaillé sur les observations concernant, notamment, la période choisie pour l'enquête publique, l'installation des deux sites industriels concernés en zone inondable et les possibilités de délocalisation des sociétés à l'origine du risque. Par les précisions qu'il a ainsi apportées, le commissaire enquêteur doit être regardé comme ayant suffisamment motivé l'avis qu'il a émis sur le projet. Par suite, les moyens invoqués par les communes de Grigny et de Ris-Orangis tirés de la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doivent être écartés.

Sur la légalité interne de l'arrêté du 4 avril 2018 :

34. En premier lieu, aux termes de l'article L. 515-15 du code de l'environnement : " L'Etat élabore et met en œuvre des plans de prévention des risques technologiques qui ont pour objet de délimiter les effets d'accidents susceptibles de survenir dans les installations figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-36 et qui y figuraient au 31 juillet 2003, et pouvant entraîner des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques directement ou par pollution du milieu. [...] Ces plans délimitent un périmètre d'exposition aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité des risques technologiques décrits dans les études de dangers et des mesures de prévention mises en œuvre ". Aux termes de l'article L. 515-16 du même code : " A l'intérieur du périmètre d'exposition aux risques, les plans de prévention des risques technologiques peuvent, en fonction du type de risques, de leur gravité, de leur probabilité et de leur cinétique, délimiter : 1° Des zones dites de maîtrise de l'urbanisation future, soumises aux dispositions de l'article L. 515-16-1 ; 2° Des zones dites de prescription, relatives à l'urbanisation existante, soumises aux dispositions de l'article L. 515-16-2, à l'intérieur desquelles les plans peuvent délimiter : a) Des secteurs dits de délaissement, soumis aux dispositions des articles L. 515-16-3 et L. 515-16-5 à L. 515-16-7 en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger grave pour la vie humaine ; b) Des secteurs dits d'expropriation, soumis aux dispositions des articles L. 515-16-3 à L. 515-16-7 en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine. Au sein d'une même zone ou d'un même secteur, les mesures prises en application des articles L. 515-16-1 à L. 515-16-4 peuvent différer en fonction des critères mentionnés au premier alinéa ". Aux termes de l'article L. 515-16-2 : " I.-Dans les zones de prescription mentionnées à l'article L. 515-16, les plans de prévention des risques technologiques peuvent prescrire des mesures de protection des populations contre les risques encourus, relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des installations et des voies de communication existant à la date d'approbation du plan, qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants et utilisateurs dans les délais que le plan détermine. / Ces mesures peuvent notamment être relatives aux mouvements et au stationnement des véhicules de transport de matières dangereuses et, pour les seuls logements, porter sur la réalisation de travaux de protection. Les prescriptions portant sur la réalisation de travaux peuvent être formulées sous forme d'objectifs de performance. Les travaux de protection prescrits pour les logements sont réalisés dans un délai de huit ans à compter de l'approbation du plan, ou avant le 1er janvier 2024 si le plan a été approuvé avant le 1er janvier 2016. / Pour les biens autres que les logements, l'autorité administrative compétente informe leurs propriétaires ou gestionnaires, ainsi que les responsables des activités qui y sont implantées, du type de risques auxquels leur bien ou activité est soumis, ainsi que de la gravité, de la probabilité et de la cinétique de ces risques, afin que ceux-ci, chacun en ce qui le concerne, mettent en œuvre leurs obligations en matière de sécurité des personnes, dans le cadre des réglementations qui leur sont applicables. Ces mesures peuvent consister en des mesures de protection, de réduction de la vulnérabilité ou d'organisation de l'activité. / Les plans ou consignes de sécurité en vigueur au sein de ces biens prennent en compte les mesures de protection définies par les plans particuliers d'intervention mentionnés à l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure, y compris celles incombant à l'exploitant des installations à l'origine du risque ".

35. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que les installations de raffinage de produits pétroliers CIM et Antargaz, situées sur le territoire des communes de Ris-Orangis, Grigny et Draveil, figurent sur la liste, prévue à l'article L. 515-36 du code de l'environnement, des installations dans lesquelles des substances, préparations ou mélanges dangereux sont présents dans des quantités telles qu'ils engendrent des dangers particulièrement importants pour la sécurité et la santé des populations avoisinantes et pour l'environnement, nécessitant ainsi l'élaboration d'un plan de prévention des risques technologiques.

En ce qui concerne les moyens inopérants :

36. Aux termes de l'article L. 515-23 du code de l'environnement : " Le plan de prévention des risques technologiques approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est porté à la connaissance des maires des communes situées dans le périmètre du plan en application de l'article L. 132-2 du code de l'urbanisme. Il est annexé aux plans locaux d'urbanisme, conformément à l'article L. 153-60 du même code ". Aux termes de l'article L. 123-2 alinéa premier du code de l'urbanisme : " Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France respecte les règles générales d'aménagement et d'urbanisme à caractère obligatoire prévues au présent livre, les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation des sols et les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de projets d'intérêt général relevant de l'Etat et d'opérations d'intérêt national ". Aux termes de l'article L. 371-3, III, alinéa huit du code de l'environnement : " Les schémas de cohérence territoriale et, en leur absence, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales, sont compatibles avec les schémas régionaux de cohérence écologique dans les conditions fixées aux articles L. 131-1 et L. 131-6 du code de l'urbanisme, et précisent les mesures permettant d'éviter, de réduire et, le cas échéant, de compenser les atteintes aux continuités écologiques que la mise en œuvre de ces documents de planification sont susceptibles d'entraîner ". Il résulte de ces dispositions que ni le schéma directeur de la région d'Ile-de-France, ni les schémas régionaux de cohérence écologique ne sont opposables au plan de prévention des risques technologiques, qui est annexé aux plans locaux d'urbanismes des territoires sur lesquels il se situe. Par suite, les moyens de la commune de Ris-Orangis tirés de ce que le plan de prévention des risques technologiques serait contraire au schéma directeur de la région Île-de-France, aux plans locaux d'urbanisme de Ris-Orangis et de Grigny et au schéma régional de cohérence écologique, s'agissant en particulier de la réalisation des trames vertes et bleues doivent être écartés comme inopérants. De même, le moyen tiré de ce que ce PPRT porterait atteinte à l'intérêt d'un site classé, en empêchant la réalisation des projets des requérantes, doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les moyens opérants :

37. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un entier contrôle des mesures prescrites par un plan de prévention des risques technologiques, tandis qu'il exerce un contrôle restreint sur le périmètre et la délimitation des zones d'un plan de prévention des risques technologiques.

S'agissant du périmètre de délimitation des zones du plan de prévention des risques technologiques :

38. En premier lieu, aux termes de l'article L. 515-15 du code de l'environnement les plans de prévention des risques technologiques " ont pour objet de délimiter les effets d'accidents susceptibles de survenir " dans certaines installations qui " délimitent un périmètre d'exposition aux risques en tenant compte de la nature et de l'intensité des risques technologiques décrits dans les études de dangers et des mesures de prévention mises en œuvre. " La circonstance qu'un tronçon de 400 mètres de la ligne du RER D est pris en compte dans le cadre de ce périmètre, en zone rouge, n'a pas pour effet de le rendre illégal.

39. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 515-16 du code de l'environnement : " A l'intérieur du périmètre d'exposition aux risques, les plans de prévention des risques technologiques peuvent, en fonction du type de risques, de leur gravité, de leur probabilité et de leur cinétique, délimiter : (...) 2° Des zones dites de prescription, relatives à l'urbanisation existante, soumises aux dispositions de l'article L. 515-16-2, à l'intérieur desquelles les plans peuvent délimiter : (...) b) Des secteurs dits d'expropriation, soumis aux dispositions des articles L. 515-16-3 à L. 515-16-7 en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine. (...) ". Aux termes de l'article L. 515-16-4 du code de l'environnement : " I. - Dans les secteurs d'expropriation mentionnés à l'article L. 515-16, l'Etat peut déclarer d'utilité publique l'expropriation des immeubles et droits réels immobiliers au profit des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ".

40. Si le PPRT contesté a, par son article 3.1, ainsi délimité des secteurs dans lesquels l'expropriation de riverains des installations à risque est possible en application des conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, il ne pouvait par lui-même imposer l'adoption de mesures d'expropriation pour cause d'utilité publique, ni a fortiori prononcer lui-même de telles mesures. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû dans le cadre du plan de prévention des risques technologiques procéder à l'expropriation pour cause d'utilité publique de la société Antargaz, qui au surplus n'est pas un riverain, ni mis en balance les avantages et inconvénients d'une telle procédure, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté d'approbation du plan de prévention des risques technologiques autour des sites des sociétés CIM et Antargaz. Par suite, le moyen de la communauté d'agglomération tiré de la méconnaissance par le plan des dispositions de l'article L. 515-16-4 du code de l'environnement doit être également écarté.

41. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 515-17 du code de l'environnement : " Outre les obligations mises à la charge de l'exploitant par l'autorité administrative compétente en application des articles L. 512-1 à L. 512-5 et de l'article L. 512-7, les plans de prévention des risques technologiques peuvent également prévoir des mesures supplémentaires de prévention des risques permettant de réduire le périmètre des zones et secteurs mentionnés à l'article L. 515-16, et bénéficiant des conditions de financement précisées à l'article L. 515-19-3, lorsque le coût de ces mesures supplémentaires est inférieur à celui des mesures prévues aux articles L. 515-16-3 et L. 515-16-4 qu'elles permettent d'éviter. Ces mesures supplémentaires font l'objet d'une convention prévue à l'article L. 515-19-3 avant l'approbation des plans et sont prescrites par un arrêté préfectoral complémentaire prévu à l'article L. 512-3. Lorsque ces mesures supplémentaires portent sur le transfert de tout ou partie des installations à l'origine du risque vers un autre emplacement, l'autorisation de les exploiter mentionnée à l'article L. 512-1 expire à l'échéance arrêtée pour le transfert, sans que l'exploitant ne puisse prétendre à indemnisation de ce seul fait, et sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 512-6-1. Toutefois, lorsque le transfert n'a pu être réalisé à l'échéance prévue pour un motif sérieux indépendant de la volonté de l'exploitant, l'autorité administrative compétente peut autoriser, pour une durée maximale de deux ans, la poursuite du fonctionnement de cette installation. ". A supposer que les communes de Grigny et de Ris-Orangis soient regardées comme soutenant que le préfet aurait dû imposer à la société Antargaz de transférer son dépôt de gaz sur un autre site, ce qui a été expressément refusé par cette société dans le cadre d'un courrier du 6 avril 2016, une telle mesure n'aurait pu être prescrite que sur la base d'une convention prévue à l'article L. 515-19-3 avant l'approbation du plan par un arrêté préfectoral complémentaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 515-17 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté.

S'agissant des mesures prescrites par le plan de prévention des risques technologiques :

42. Aux termes de l'article L. 515-16-2 du code de l'environnement dans sa rédaction initiale applicable issue de l'ordonnance n° 2015-1324 du 22 octobre 2015 en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020 : " I.- Dans les zones de prescription mentionnées à l'article L. 515-16, les plans de prévention des risques technologiques peuvent prescrire des mesures de protection des populations contre les risques encourus, relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des installations et des voies de communication existant à la date d'approbation du plan, qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants et utilisateurs dans les délais que le plan détermine. Ces mesures peuvent notamment être relatives aux mouvements et au stationnement des véhicules de transport de matières dangereuses et, pour les seuls logements, porter sur la réalisation de travaux de protection. Les prescriptions portant sur la réalisation de travaux peuvent être formulées sous forme d'objectifs de performance. Les travaux de protection prescrits pour les logements sont réalisés dans un délai de huit ans à compter de l'approbation du plan, ou avant le 1er janvier 2021 si le plan a été approuvé avant le 1er janvier 2013. Pour les biens autres que les logements, l'autorité administrative compétente informe leurs propriétaires ou gestionnaires, ainsi que les responsables des activités qui y sont implantées, du type de risques auxquels leur bien ou activité est soumis, ainsi que de la gravité, de la probabilité et de la cinétique de ces risques, afin que ceux-ci, chacun en ce qui le concerne, mettent en œuvre leurs obligations en matière de sécurité des personnes, dans le cadre des réglementations qui leur sont applicables. Ces mesures peuvent consister en des mesures de protection, de réduction de la vulnérabilité ou d'organisation de l'activité. Les plans ou consignes de sécurité en vigueur au sein de ces biens prennent en compte les mesures de protection définies par les plans particuliers d'intervention mentionnés à l'article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure, y compris celles incombant à l'exploitant des installations à l'origine du risque. II. - Lorsque le coût des travaux de protection d'un logement prescrits en application du I excède un pourcentage, fixé par décret en Conseil d'Etat, de la valeur vénale du bien ou 20 000 €, l'obligation de réalisation des travaux est limitée au plus petit de ces montants. Pour satisfaire à ses obligations dans une telle hypothèse, le propriétaire définit les travaux à réaliser en priorité. Pour ce faire, il peut se fonder sur l'usage actuel ou prévu du bien, la recherche d'une protection à un niveau d'aléa moindre ou les synergies avec d'autres objectifs d'amélioration de l'habitat. "

43. Si les requérantes affirment d'une manière générale que les mesures organisationnelles énoncées par le plan de prévention des risques technologiques litigieux, qui ont vocation à appréhender toutes les situations à risque et pas exclusivement les accidents majeurs susceptibles d'entrainer un risque mortel immédiat, sont manifestement insuffisantes, et que ce plan apporterait une protection insuffisante et inadaptée notamment aux usagers du RER, ces moyens qui ne sont pas suffisamment étayés pour permettre d'en établir la portée et le bien fondé, ne permettent pas de relever une erreur de droit, une erreur de fait, ou une erreur d'appréciation.

S'agissant des mesures plus précisément omises :

44. En premier lieu, le PPRT contesté ne porte atteinte à aucune disposition, ni aucun principe général du droit qui interdirait le maintien d'installations de type SEVESO de seuil haut près d'un milieu urbain. Si les requérantes affirment que le PPRT est inadapté dès lors qu'il n'envisage pas l'hypothèse de la fermeture pure et simple du dépôt d'hydrocarbures de la Compagnie Industrielle Maritime à Grigny, et du dépôt de gaz liquéfié de la société Antargaz à Ris-Orangis, une telle solution ne peut pas être prise dans le cadre d'un PPRT mais uniquement en application de la législation distincte des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) suivant les conditions strictes définies par l'article L. 514-7 du code de l'environnement.

45. En second lieu, il est constant qu'un tronçon du RER D est situé dans le périmètre d'exposition aux risques défini par le plan de prévention des risques technologiques contesté. Il ressort également d'une étude spécifique réalisée par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) sollicitée par le préfet, finalisée le 30 juillet 2011 (étude INERIS DRA-10-114053-10270D du 30 juillet 2011), que les usagers de cette voie ferrée sont exposés à des aléas dont la nature et l'intensité sont précisées par cette étude, qui suggère la réalisation d'un ouvrage de protection et des mesures techniques et organisationnelles présentées comme complémentaires destinées à les protéger. Les requérantes affirment que l'arrêté du 8 avril 2018 est illégal dès lors qu'il ne prévoit pas la réalisation de cet ouvrage, dans la mesure où les risques mortels étant quasi immédiats en cas d'accident, aucune mesure organisationnelle de type plan particulier d'intervention (PPI) n'offre une protection suffisante aux usagers de ce RER. Elles ajoutent que la seule prise en considération des coûts ne peut justifier l'exclusion du recours à des mesures structurelles d'aménagement de la voirie ou des réseaux.

46. Un plan de prévention des risques technologiques peut prescrire des mesures d'organisation de l'activité à risque, et des mesures de réduction de la vulnérabilité ou de protection. En revanche, il résulte expressément de l'article L. 515-16-2 du code de l'environnement, dans sa version applicable issue de l'ordonnance n° 2015-1324 du 22 octobre 2015 relative aux plans de prévention des risques technologiques, que les possibilités pour un plan de prévention des risques technologiques de prescrire la réalisation de travaux de protection sont désormais limitées aux seuls logements. Ainsi, s'agissant des biens qui ne sont pas assimilables à des logements, un PPRT ne saurait prescrire la réalisation de travaux de renforcement en particulier sur le domaine public. La réalisation de tels travaux réalisés sur des biens publics, tels que ceux portant sur les infrastructures de la SNCF, et leur charge, incombent aux seuls propriétaires et gestionnaires de ces biens, qui doivent, après que le préfet les ait informés du type de risques auxquels leur bien ou activité est soumis, ainsi que de la gravité, de la probabilité et de la cinétique de ces risques, mettre en œuvre leurs obligations en matière de sécurité des personnes. Par suite, le moyen tiré de ce que le PPRT n'a pas intégré la réalisation de l'ouvrage de protection préconisé par l'étude de l'INERIS ne peut qu'être écarté.

S'agissant de l'articulation entre le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) et le plan particulier d'intervention (PPI) :

47. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit de compléter le plan de prévention des risques technologiques par un plan particulier d'intervention (PPI) établi en application du décret n° 2005-1158 du 13 septembre 2005 modifié en vue de la protection des populations, des biens et de l'environnement, pour faire face aux risques particuliers liés à l'existence ou au fonctionnement d'ouvrages ou d'installations dont l'emprise est localisée et fixe, qui mettent en œuvre les orientations de la politique de sécurité civile en matière de mobilisation de moyens, d'information et d'alerte, d'exercice et d'entraînement, lequel constitue un volet des dispositions spécifiques du plan ORSEC départemental. Ce PPI complète mais n'a pas en revanche vocation à se substituer au PPRT, dont l'objet est différent, pour pallier ses carences. En l'espèce, il ne ressort pas du PPRT litigieux qu'il aurait entendu combler ses lacunes en matière notamment organisationnelle par une simple référence au PPI.

48. En deuxième lieu, le règlement du plan de prévention des risques technologiques prévoit la mise en place, au sein du plan particulier d'intervention, dans un délai de deux ans à compter de la date d'approbation dudit plan, d'une procédure organisationnelle visant " à interrompre dans les meilleurs délais de trafic ferroviaire dès le déclenchement du Plan d'opération interne des établissements CIM et ANTARGAZ de sorte que les voyageurs ne soient exposés aux effets d'un phénomène dangereux " et " à empêcher l'arrêt des trains dans les zones rouge foncé et rouge clair ". Cette mesure organisationnelle permet de prévenir au maximum, dans la limite des dispositions précitées, les conséquences d'accidents industriels sur les voyageurs circulant sur les infrastructures du réseau ferré. Les moyens des requérantes tirés de ce que le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en prescrivant de telles mesures organisationnelles pour les transports ferroviaires ne peuvent qu'être écartés. En outre, la circonstance que lesdites mesures n'auraient pas été mises en place et qu'un arrêté du préfet de l'Essonne du 7 mai 2020 a suspendu des activités de stockage dans le réservoir de propane P4, postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, sont sans incidence sur sa légalité.

49. En troisième lieu, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de l'illégalité ou de la méconnaissance de la circulaire du 30 mars 2012 relative à la prévention des conséquences d'accidents industriels sur les voyageurs circulant sur les infrastructures du réseau ferré national situées à proximité des sites soumis à autorisation avec servitudes qui ne s'applique qu'à l'égard du PPI et est dépourvue de portée juridique à l'encontre de l'arrêté du 4 avril 2018 relatif au PPRT.

50. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

Sur les conclusions à fin d'abrogation présentées à titre subsidiaire :

51. Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte à la date de son édiction. S'il le juge illégal, il en prononce l'annulation. Ainsi saisi de conclusions à fin d'annulation recevables, le juge peut également l'être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu'il prononce l'abrogation du même acte au motif d'une illégalité résultant d'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu'un acte règlementaire est susceptible de porter à l'ordre juridique. Il statue alors prioritairement sur les conclusions à fin d'annulation. Dans l'hypothèse où il ne ferait pas droit aux conclusions à fin d'annulation et où l'acte n'aurait pas été abrogé par l'autorité compétente depuis l'introduction de la requête, il appartient au juge, dès lors que l'acte continue de produire des effets, de se prononcer sur les conclusions subsidiaires. Le juge statue alors au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision. S'il constate, au vu des échanges entre les parties, un changement de circonstances tel que l'acte est devenu illégal, le juge en prononce l'abrogation. Il peut, eu égard à l'objet de l'acte et à sa portée, aux conditions de son élaboration ainsi qu'aux intérêts en présence, prévoir dans sa décision que l'abrogation ne prend effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

52. La commune de Grigny et la communauté d'agglomération du Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart soutiennent que l'absence de mise en place par la société Antargaz du plan particulier d'intervention, dans le délai de deux ans prescrit par le plan de prévention des risques technologiques, constitue un changement dans les circonstances de fait tel que l'arrêté préfectoral contesté est devenu illégal et doit être abrogé. Toutefois une telle absence ne saurait avoir d'une incidence sur la légalité de cet arrêté qui ne concerne que le PPRT. D'autre part, si les incidents intervenus les 23 juillet 2019 et 4 avril 2020 sur la bride du réservoir de propane P4, qui ont engendré une fuite de gaz, ont entraîné la suspension partielle de l'activité de l'un des réservoirs de la société Antargaz par un arrêté préfectoral du 7 mai 2020, ces évènements ne sont pas de nature à établir que les prescriptions prises en amont caractérisent une insuffisance à même d'entacher le plan de prévention des risques technologiques d'illégalité. Enfin, la déclaration du ministre de la transition écologique du 29 septembre 2019 consécutive à l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen ne caractérise pas un changement de circonstance de droit affectant la légalité du PPRT contesté propre à Grigny et Ris-Orangis, alors même qu'il concerne deux usines implantées près d'un milieu urbain et de lignes ferroviaires.

53. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a approuvé le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) autour du dépôt d'hydrocarbures de la Compagnie Industrielle Maritime à Grigny et du dépôt de gaz liquéfié de la société Antargaz à Ris-Orangis, et leurs conclusions à fin d'annulation et d'abrogation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de justice :

54. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Grigny, de la communauté d'agglomération du Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart et de la commune de Ris-Orangis le versement de la somme sollicitée par la société Antargaz au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes des communes de Grigny et de Ris-Orangis, et de la communauté d'agglomération du Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la société Antargaz présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grigny, à la commune de Ris-Orangis, à la communauté d'agglomération du Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart, à la société Antargaz, à la compagnie industrielle maritime (CIM) et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre

Mme Bonfils, première conseillère.

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2023.

Le président-rapporteur,

B. A...L'assesseure la plus ancienne,

M-G. BONFILSLa greffière,

C. RICHARD

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00261...


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