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07/07/2023 | FRANCE | N°21VE02285

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 07 juillet 2023, 21VE02285


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI AGAP, M. F... G..., Mme E... G... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés des 23 novembre 2016, 14 décembre 2017 et 28 juin 2019 par lesquels le maire de la commune de Sancoins a délivré à la SARL Auger un permis de construire et des permis de construire modificatifs en vue de la transformation d'un bâtiment à activités multiples situé au 42 rue Paulin Pequeux.

Par un jugement nos 1901108, 1903100 du 10 juin 2021, le tribunal administratif d'

Orléans a annulé l'arrêté du 23 novembre 2016 en tant qu'il méconnaissait les ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI AGAP, M. F... G..., Mme E... G... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés des 23 novembre 2016, 14 décembre 2017 et 28 juin 2019 par lesquels le maire de la commune de Sancoins a délivré à la SARL Auger un permis de construire et des permis de construire modificatifs en vue de la transformation d'un bâtiment à activités multiples situé au 42 rue Paulin Pequeux.

Par un jugement nos 1901108, 1903100 du 10 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 23 novembre 2016 en tant qu'il méconnaissait les articles R. 111-27 et R. 111-2 du code de l'urbanisme et les articles UB 11 et UB 12 du plan d'occupation des sols communal, l'arrêté du 14 décembre 2017 en tant qu'il méconnaissait l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article UB 11 du plan d'occupation des sols et l'arrêté du 28 juin 2019 en tant qu'il méconnaissait l'article UB 11 du plan d'occupation des sols.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 juillet 2021, 2 mars 2023 et 23 mars 2023, la société Auger, représenté par Me Tissier-Lotz, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la SCI Agap, M. et Mme G... et Mme D... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Agap, de M. et Mme G... et H... Mme D... le versement de la somme de 2 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Auger soutient que :

- les demandeurs ne justifiaient pas d'un intérêt à agir devant le tribunal administratif ;

- le gérant de la SCI Agap n'avait pas qualité pour introduire la demande au nom de cette société ;

- la demande présentée devant les premiers juges était tardive ;

- le dossier comportait toutes les informations nécessaires à l'appréciation par le maire de la conformité du projet aux documents d'urbanisme ;

- le projet ne méconnaissait pas les articles UB 11 et UB 12 du plan d'occupation des sols ;

- il ne méconnaissait pas l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet a été régularisé par l'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme intercommunal et le permis du 4 août 2020 adopté postérieurement à son entrée en vigueur ;

- les moyens soulevés par les défendeurs contre l'arrêté du 4 août 2020 sont infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 juillet 2022, 3 mars, 14 mars et 25 mai 2023, la SCI Agap, M. et Mme G... et Mme D..., représentés par Me Mandeville, avocate, concluent au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2020 du maire de la commune de Sancoins portant permis de construire modificatif et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Auger et de la commune de Sancoins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les moyens soulevés par la société Auger ne sont pas fondés ;

- l'architecte ne justifie pas d'un intérêt pour intervenir à l'instance ;

- l'arrêté du 4 août 2020 a été adopté sur la base d'un dossier de demande de permis de construire incomplet ;

- il méconnait les règles de hauteur et d'insertion urbaine prévues par le plan local d'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2023, la commune de Sancoins, représentée par Me Woloch, avocat, conclut à la réformation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 juin 2021, au rejet de la demande présentée par la SCI Agap, M. et Mme G... et Mme D... devant le tribunal administratif d'Orléans et à ce que soit mise à la charge de la SCI Agap, de M. et Mme G... et H... Mme D... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les demandeurs en première instance ne justifiaient pas d'un intérêt à agir contre les permis de construire en litige ;

- leur recours était tardif ;

- le gérant de la SCI Agap n'avait pas qualité pour introduire la demande au nom de cette société ;

- le dossier comportait toutes les informations nécessaires à l'appréciation par le maire de la conformité du projet aux documents d'urbanisme ;

- le projet ne méconnaissait pas les articles UB 11 et UB 12 du plan d'occupation des sols ;

- il ne méconnaissait pas l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet a été régularisé par l'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme intercommunal ;

- les moyens soulevés par les défendeurs contre l'arrêté du 4 août 2020 sont infondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 2 mars 2023, M. C... B..., représenté par Me Gras, avocat, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 10 juin 2021.

Il soutient que :

- son intervention est recevable ;

- les premiers juges n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction de telle sorte que le jugement est entaché d'irrégularité ;

- les demandeurs ne justifiaient pas d'un intérêt à agir devant les premiers juges ;

- leur demande était tardive.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de l'intervention de la commune de Sancoins, partie en première instance, ou, à défaut, de la tardiveté de son appel.

La commune a présenté des observations sur ce moyen par un mémoire enregistré le 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport H... Villette,

- les conclusions H... Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tissier-Lotz pour la société Auger, de Me Bordet, substituant Me Demaret, pour M. B... et de Me Wautier pour la SCI Agap, M. et Mme G... et Mme D....

Une note en délibéré, présentée pour la société Auger, a été enregistrée le 9 juin 2023.

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 12 juin 2023.

Une note en délibéré, présentée pour la SCI Agap, M. et Mme G... et Mme D..., a été enregistrée le 13 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Auger a déposé, le 8 septembre 2016, une demande de permis de construire en vue de la " transformation d'un bâtiment à activités multiples (ambulances et pompes funèbres) " situé au 42 rue Paulin Pecqueux sur le territoire de la commune de Sancoins. Par arrêté du 23 novembre 2016, le maire de la commune de Sancoins a délivré le permis de construire sollicité à la SARL Auger. Cette dernière a déposé, le 23 novembre 2017, une demande de permis de construire modificatif aux fins de modifier certaines ouvertures en façades est-ouest et nord ainsi que la forme du toit en façade est et, le 22 janvier 2019, une demande de permis de construire modificatif portant sur la suppression de l'auvent de l'entrée principale côté rue, la création d'une rampe d'accès pour les personnes à mobilité réduite, le changement de couleur des enduits de façade, la création d'un auvent en façade ouest et la création d'une réserve de 35 m². Par des arrêtés des 14 décembre 2017 et 28 juin 2019, le maire a délivré les permis de construire modificatifs demandés. Enfin, le maire de la commune de Sancoins a délivré par arrêté du 4 août 2020 à la SARL Auger, un nouveau permis de construire modifiant l'implantation de la rampe d'accès en façade principale côté est à 3,30 m de l'alignement à la voie publique, le bandeau en bac acier au-dessus du faîtage en façade ouest, la mise à l'échelle des deux châssis " oubliés ", la couleur de l'enduit, la mise en place d'une rampe d'accès à 2,50 m du mur mitoyen, la création d'une place de stationnement pour personnes à mobilité réduite et la réalisation d'un marquage au sol. La société Auger relève appel du jugement du 10 juin 2021 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi par la SCI Agap, M. et Mme G... et Mme D..., a partiellement annulé ces décisions en tant qu'elles méconnaissent les articles R. 111-27 et R. 111-2 du code de l'urbanisme et les articles UB 11 et UB 12 du plan d'occupation des sols de la commune de Sancoins. La SCI Agap, M. et Mme G... et Mme D... demandent également l'annulation du permis de construire modificatif du 4 août 2020.

Sur l'intervention de M. B... :

2. M. B..., en qualité d'architecte du projet porté par la société Auger, a intérêt à l'annulation du jugement du 10 juin 2021. Ainsi, son intervention doit être admise.

Sur l'intervention de la commune :

3. La commune de Sancoins, qui était partie à l'instance devant le tribunal administratif d'Orléans, avait qualité pour faire appel du jugement attaqué. Dès lors, son intervention n'est pas recevable. A supposer qu'elle doive être regardée comme un appel principal, celui-ci, enregistré au greffe de la cour le 1er mars 2023, soit après l'expiration du délai dont disposait la commune pour former appel, serait tardif et, par suite, irrecevable.

Sur la régularité du jugement :

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

5. M. B... reproche aux premiers juges de ne pas avoir, préalablement à l'annulation prononcée, sollicité des parties le permis de construire modificatif du 4 août 2020, le contrat de bail des époux G... et les documents établissant l'absence d'affichage du permis de construire initial. Cependant, le permis de construire modificatif du 4 août 2020 a été produit par la commune le 10 février 2021. Les époux G... avaient justifié devant les premiers juges de leur qualité d'associés de la SCI Agap, propriétaire du bien 43 rue Paulin Pequeux et leur qualité d'occupant régulier du bien situé n'était pas sérieusement contestée en défense. Enfin, alors que les demandeurs soutenaient que le permis du 23 novembre 2016 n'avait été affiché que le 26 novembre 2018 et contestaient la présence de plusieurs mentions obligatoires sur cet affichage, la SCI Auger et la commune de Sancoins n'ont produit aucun élément de nature à démontrer un affichage régulier de ce permis de construire. Par suite, le tribunal administratif pouvait, sans faire plus avant usage de ses pouvoirs d'instruction, rejeter les fins de non-recevoir présentées devant lui et statuer sur la demande de la SCI Agap, des époux G... et H... D....

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement devrait être annulé comme irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité des demandes :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 3.O.1 des statuts de la SCI Agap : " Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social ". Il résulte de ces stipulations que le gérant de cette société civile tient normalement de ses fonctions le droit d'agir en justice. Dès lors, la société Auger n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient dû rejeter les demandes présentées par la SCI Agap, représentée par sa gérante, comme irrecevable, faute pour cette dernière de justifier de sa qualité pour agir au nom de cette société.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

10. En l'espèce, la SCI Agap est propriétaire du bien immobilier situé 43 rue Paulin Pequeux, face au terrain d'assiette du projet de la société Auger, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il est régulièrement occupé par les époux G..., ne serait-ce qu'à titre intermittent. Mme D... est propriétaire du bien immobilier situé au 41 de la même rue et dispose également d'une vue sur le bâtiment autorisé par les décisions contestées. Aux termes de ces décisions, celui-ci accueillera une chambre funéraire pouvant accueillir plusieurs dizaines de personnes simultanément de telle sorte que les intimés sont fondés à soutenir que ce projet conduira à une hausse de la fréquentation de la rue Paulin Pequeux au droit de leurs habitations. En outre, le bâtiment autorisé, d'un ton rose-orange et chocolat particulièrement voyant, d'un aspect similaire aux bâtiments présents dans les zones commerciales, modifie notablement l'aspect de la rue, essentiellement pavillonnaire. Dès lors, la société Auger et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les demandeurs justifiaient de l'affectation directe par les décisions contestées des conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article R*600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R*424-15 du même code : " Mention du permis (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier. (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. ". Aux termes de l'article A. 424-17 du même code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). (...)" ".

12. La mention relative au droit de recours, qui doit figurer sur le panneau d'affichage du permis de construire en application de l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme, permet aux tiers de préserver leurs droits. Toutefois, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux exigences prévues par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme.

13. En l'espèce, d'une part, la société Auger n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à établir que le permis de construire initial en litige aurait fait l'objet d'un affichage conforme aux dispositions précitées. Mme D..., les époux G... et la SCI Agap dont ces derniers sont les associés uniques doivent être regardés comme ayant été informés de ce permis du 23 novembre 2016 au plus tard le 29 novembre 2018, date à laquelle ils ont formé un recours gracieux contre cette décision, reçu en mairie le 30 novembre 2018. Si ce recours ne comportait pas leur signature, il n'en résultait aucune imprécision sur ses expéditeurs. La notification de ce courrier indiquait également que ce recours était formé au nom de la SCI Agap. Par suite, le délai de recours contre le permis du 23 novembre 2016 expirait le 31 mars 2019. La société Auger et M. B... ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande enregistrée par les demandeurs au greffe du tribunal le 28 mars 2019 et tendant à l'annulation de cette décision.

14. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis du 14 décembre 2017 aurait fait l'objet d'un affichage sur le terrain de la société Auger. Le recours des époux G..., H... D... et de la SCI Agap ne témoigne pas d'une connaissance acquise de ce permis. Par suite, le délai de recours contre cet arrêté n'avait pas commencé à courir à l'égard des tiers. La société Auger et M. B... ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande enregistrée par les demandeurs au greffe du tribunal le 28 mars 2019 et tendant à l'annulation de cette décision.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Auger et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a regardé la demande présentée par la SCI Agap, les époux G... et Mme D... comme recevable.

En ce qui concerne les permis de construire en litige :

16. En premier lieu, si la société Auger soutient que le dossier de demande de permis de construire déposé le 8 septembre 2016 n'était pas incomplet, ce moyen n'a pas été retenu par les premiers juges pour fonder l'annulation partielle qu'elle conteste.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article UB 11 du plan d'occupation des sols : " L'implantation, l'architecture, les dimensions et l'aspect extérieurs des bâtiments ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. (...) Les toitures des constructions principales doivent être à deux versants ou plus et réalisés en ardoises ou tuiles vieilles ou en matériaux de même aspect avec une inclinaison minimale de 80% (40°) (...) Des adaptations peuvent être apportées aux dispositions de cet article s'il s'avère que des caractéristiques différentes contribuent à la qualité du projet ou répondent à une nécessité sans porter atteinte à l'environnement. ".

18. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment autorisé présentera, en façade et au niveau du faitage, des bacs acier couleur chocolat, particulièrement voyants et imposants, au sein d'un environnement pavillonnaire traditionnel. En outre, il est constant que le toit présente deux pentes à 38° d'inclinaison, lesquelles sont complètement masquées par les bacs acier qui donnent au bâtiment l'aspect d'une construction disposant d'un toit terrasse depuis la rue. Si la société Auger soutient que cette adaptation pouvait être autorisée sur le fondement du dernier alinéa de l'article UB 11 du plan local d'urbanisme communal, elle ne justifie pas des nécessités qu'elle invoque, dès lors que le bâtiment initial avant travaux comportait déjà une enseigne permettant d'identifier l'activité commerciale et artisanale de la société de telle sorte que la présence d'un bac acier sur l'ensemble des façades du bâtiment n'apparaît pas justifiée. En outre, contrairement à ce qu'elle soutient, la configuration du bâtiment ne représente pas une amélioration par rapport au bâtiment avant travaux qui présentait deux toits à double pente présentant une inclinaison de 52°.

19. D'autre part, lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l'autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l'autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d'un jugement décidant, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l'annulation de l'autorisation initiale. En revanche, la seule circonstance que le vice dont est affectée l'autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d'une règle d'urbanisme qui n'est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d'annulation, après l'expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, est insusceptible, par elle-même, d'entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande.

20. Si la société Auger soutient que le plan local d'urbanisme intercommunal ne régirait plus l'inclinaison des toitures sur le terrain d'assiette du projet, cette seule circonstance ne saurait suffire à régulariser les permis en litige en l'absence d'adoption d'une décision modificative par le maire de Sancoins. Une telle régularisation ne saurait en l'espèce résulter de l'arrêté du 4 août 2020, eu égard à son objet particulièrement limité et qui ne concernait pas les toitures. La société Auger ne saurait non plus soutenir que la pose de bacs acier couleur chocolat contrastant avec l'environnement pavillonnaire sur l'ensemble des façades aurait été régularisée par ce permis, dès lors que le plan local d'urbanisme intercommunal comporte toujours des dispositions relatives à l'harmonie des constructions avec les constructions existantes, ici méconnue, et, a fortiori, que ce permis modificatif ne concernait pas tous les bacs. En revanche, cet arrêté, postérieur à l'approbation du plan local d'urbanisme intercommunal, a de nouveau autorisé la pose d'un enduit rose brun sur les façades, lequel était autorisé par le plan local d'urbanisme intercommunal qui prévoit en zone UA l'utilisation de matériaux de type terre ou pierre. Dès lors, ce dernier vice doit être regardé comme ayant été régularisé.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Auger est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont regardé les permis des 23 novembre 2016, 14 décembre 2017 et 28 juin 2019 comme méconnaissant l'article UB 11 du plan d'occupation des sols de la commune de Sancoins à raison des coloris de l'enduit employé en façade.

22. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 12 du plan d'occupation des sols communal : " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions doit être assuré en dehors des voies publiques. Il doit être prévu : (...) - Pour les constructions à usages de bureaux y compris les bâtiments public une surface de stationnement au moins également à 50 % de la surface de plancher hors d'œuvre ; - Pour les constructions à usage commercial d'au moins 500 mètres carrés de surface de vente, une surface de stationnement au moins également à 50% de la surface de vente. / En cas d'impossibilité de pouvoir aménager le nombre d'emplacement nécessaires au stationnement sur le terrain des constructions projetées, le constructeur peut être autorisé : - Soit à reporter sur un autre terrain situé à moins de 300 mètres du premiers les ires de stationnements qui lui font défaut, à condition qu'il apporte la preuve qu'il réalise ou fait réaliser lesdits emplacement ; - Soit de s'acquitter de cette obligation par l'obtention d'une concession ou le versement d'une participation en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement. ".

23. En l'espèce, d'une part, le bâtiment autorisé, qui comprend des garages et des espaces dédiés à une chambre funéraire et à une activité de pompes funèbres, présente une surface totale de 494,73 mètres carrés qui n'a pas été augmentée par les travaux projetés. Il est constant que le projet ne comporte à l'issue des permis de construire modificatifs qu'une seule place de stationnement PMR qui ne peut être regardée comme assurant hors des voies publiques un stationnement correspondant aux besoins des activités accueillies par les bâtiments autorisés et notamment la chambre funéraire. D'autre part, ce vice n'a pas été régularisé par le permis du 4 août 2020 qui portait sur la seule création de cette place PMR et alors que le plan local d'urbanisme intercommunal prévoit toujours que " Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions doit être assuré en dehors des voies publiques ". A cet égard, si ce plan prévoit également que " les règles en matière de stationnement ne s'appliquent pas sur les axes repérés sur le document graphique du règlement ", la rue Paulin Pequeux au droit du terrain d'assiette n'apparaît pas repérée sur ce document graphique. Dès lors, la société Auger n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont regardé les permis en litige comme méconnaissant l'article UB 12 du plan d'occupation des sols de la commune de Sancoins.

24. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

25. En l'espèce, s'il est constant que le bâtiment ne comporte qu'une place de stationnement PMR, les rues avoisinantes disposent de places de stationnement et trois parkings sont situés à moins de 500 mètres du terrain d'assiette du projet. Par suite, nonobstant le stationnement des ambulances de la société Auger sur les voies publiques, celle-ci est fondée à soutenir que l'existence d'un risque pour la sécurité publique résultant du stationnement des personnes accueillies par la chambre funéraire n'est pas établi. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la violation des dispositions précitées.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société Auger est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé, sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, les arrêtés en litige en tant qu'ils méconnaissaient l'article UB 11 du plan d'occupation des sols à raison des coloris utilisés en façade et l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et à demander la réformation du jugement en ce sens.

Sur l'arrêté du 4 août 2020 :

27. En premier lieu, d'une part, le permis contesté portait notamment sur la pose d'un bac acier au-dessus du faîtage en façade Est et non Ouest nonobstant l'erreur de plume figurant dans l'arrêté en litige. Ce bac était bien représenté sur les plans du pétitionnaire. D'autre part, le pétitionnaire avait bien fait état de l'effectif susceptible d'être accueilli dans l'établissement recevant du public situé au sein du bâtiment autorisé. La seule circonstance que cet effectif ait été ramené à 38 personnes par la commission de sécurité ne saurait faire regarder la demande du pétitionnaire comme incomplète ou de nature à fausser l'appréciation de l'administration. Dès lors, les moyens tirés de l'incomplétude du dossier de permis de construire doivent être écartés.

28. En deuxième lieu, le permis de construire modificatif en litige ne modifie pas la hauteur du bâtiment autorisé par les précédents permis. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal à ce propos doit être écarté comme inopérant.

29. En troisième lieu, aux termes du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal applicable à la zone UA : " Aspect extérieur : les teintes des façades doivent être en harmonie avec celles des constructions environnantes. A cette fin, elles devront s'inscrire en cohérence avec les matériaux naturels locaux type terre ou pierre. Des teintes différentes peuvent être autorisées pour marquer des éléments ponctuels (encadrement d'ouverture, volets, menuiseries, auvent, zone d'entrée...) dès lors que la composition architecturale présente une cohérence. A l'échelle d'une construction, le respect d'une homogénéité de la couleur des menuiseries des fenêtres est toutefois imposé. Les dispositions relatives à l'aspect extérieur des constructions principales ne s'appliquent pas aux constructions présentant un bardage bois de teinte naturelle. (...) Toitures et couvertures : sur les axes reportés au document graphique du règlement, les toitures des constructions principales doivent comporter 2 pans et présenter une inclinaison s'inscrivant en cohérence avec celle des constructions adjacentes sans pouvoir être inférieure à 30° (soit 58 %). Les éléments de couvertures des constructions existantes doivent être de type tuile terre cuite et en en cohérence avec le nuancier ci-dessous. Ils peuvent également être de type ardoise ". L'ajout du bac acier autorisé par le permis de construire modificatif en litige amplifie l'impact du bâtiment autorisé sur l'environnement bâti dans lequel il se situe, le contraste avec celui-ci et ainsi sa disharmonie avec les constructions environnantes. En revanche, la pose d'un enduit brun rose de type terre ne méconnaît pas les dispositions précitées. Enfin, si les requérants de première instance font valoir que le permis méconnaît les dispositions précitées relatives aux toitures, le bâtiment autorisé ne se trouve pas sur l'un des axes reportés au document graphique du règlement sur lesquels ces dispositions sont applicables.

Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :

30. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".

31. Le vice mentionné au point 29 et relatif au bac acier présent au faitage affecte une partie identifiable de l'opération autorisée et est susceptible de régularisation. Dès lors, le permis du 4 août 2020 doit être annulé uniquement en tant qu'il méconnaît les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal relatives à l'insertion paysagère des constructions à raison de l'ajout d'un bac acier en façade.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des intimés, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Auger demande à ce titre. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Auger une somme de 1 000 euros à verser à la SCI Agap et aux époux G..., d'une part, et une somme de 1 000 euros à verser à Mme D..., d'autre part, sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le permis de construire du 23 novembre 2016 est annulé en tant que la présence de bacs acier en façade et au faitage et l'inclinaison des toitures méconnaissent les prescriptions de l'article UB 11 relatives à l'aspect extérieur des constructions et de l'article UB 12 relatives au stationnement du plan d'occupation des sols de la commune de Sancoins.

Article 2 : Le permis de construire modificatif du 14 décembre 2017 est annulé en tant que l'inclinaison des toitures méconnaît les prescriptions de l'article UB 11 relatives aux toitures et à l'aspect extérieur des constructions du plan d'occupation des sols de la commune de Sancoins.

Article 3 : Le permis de construire modificatif du 28 juin 2019 est annulé en tant que la présence de bacs acier en façade et au faitage méconnaît les prescriptions de l'article UB 11 relatives aux toitures et à l'aspect extérieur des constructions du plan d'occupation des sols de la commune de Sancoins.

Article 4 : Le jugement nos 1901108, 1903100 du 10 juin 2021 du tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le permis de construire modificatif du 4 août 2020 est annulé en tant que la présence d'un bac acier en façade et au faitage méconnaît les prescriptions de l'article UB 11 relatives à l'aspect extérieur des constructions du plan d'occupation des sols de la commune de Sancoins.

Article 6 : La société Auger versera à la SCI Agap et à M. et Mme G... une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La société Auger versera à Mme D... une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auger, à M. C... B..., à la SCI Agap, à M. F... G..., à Mme E... G..., à Mme A... D... et à la commune de Sancoins.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.

La rapporteure,

A. VILLETTELe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet du Cher en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02285


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02285
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Anne VILLETTE
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SCP CGCB ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-07-07;21ve02285 ?
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