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09/11/2023 | FRANCE | N°21VE00473

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 21VE00473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B..., M. A... B..., M. G... B..., Mme E... B..., Mme H... D... et le GFA du domaine des Henrys ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 20 février 2018 par laquelle la préfète du Cher a déclaré d'utilité publique l'instauration d'un périmètre de protection autour du captage dit " I... ", à titre subsidiaire, que soit ordonnée une expertise à un hydrogéologue aux fins d'apprécier l'utilité d'instaurer un périmètre de protection incluant leurs parcelles et d

e mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'articl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B..., M. A... B..., M. G... B..., Mme E... B..., Mme H... D... et le GFA du domaine des Henrys ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 20 février 2018 par laquelle la préfète du Cher a déclaré d'utilité publique l'instauration d'un périmètre de protection autour du captage dit " I... ", à titre subsidiaire, que soit ordonnée une expertise à un hydrogéologue aux fins d'apprécier l'utilité d'instaurer un périmètre de protection incluant leurs parcelles et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802110 du 8 décembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2021, Mme F... B..., M. A... B..., M. G... B..., Mme E... B..., Mme H... D... et le GFA du domaine des Henrys, représentés par Me Poirot-Bourdain, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que les communes de La Chapelle d'Angillon et de Méry-es-Bois sont concernées par le périmètre de protection et que le dossier d'enquête publique n'a pas été transmis aux mairies de ces communes en méconnaissance de l'article R. 112-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- il n'est pas justifié de ce que l'avis d'ouverture de l'enquête publique a été publié conformément à l'article R. 112-14 du même code ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article R. 112-15 du même code en l'absence de tout affichage de l'avis d'ouverture de l'enquête publique dans les communes de La Chapelle d'Angillon et de Méry-es-Bois ;

- le rapport du commissaire enquêteur est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ajoute, dans le périmètre de protection rapprochée, une interdiction de toute suppression de l'état boisé, ce qui constitue une différence substantielle par rapport aux mesures prévues par le dossier soumis à enquête publique, sur laquelle ils n'ont pu émettre des observations alors qu'elle leur fait grief ;

- le dossier soumis à enquête a omis, dans l'estimation des dépenses, d'évaluer les indemnités à verser aux propriétaires concernés, en violation de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- les conséquences pour les exploitants agricoles de la déclaration d'utilité publique sont excessives au regard de l'utilité publique de l'objectif de qualité des eaux destinées à la consommation humaine ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation concernant l'extension du périmètre de protection à leurs terres et de l'interdiction de création de nouveaux axes de circulation au regard de la position et de l'écoulement des nappes d'eau souterraines.

Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2021, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 23 décembre 2022, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de Presly-Ennordres, représenté par Maître Silvestre, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que Mme B... et autres soient solidairement condamnés à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et déclare s'en remettre aux écritures du ministre de la santé et de la prévention ainsi qu'aux écritures du préfet en première instance.

Par une ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 octobre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Poirot-Bourdain pour les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de Presly-Ennordres (SIAEP) a déposé, le 1er février 2017, un dossier de demande d'autorisation d'utilisation d'eau destinée à la consommation humaine sur le fondement de l'article L. 1321-7 du code de la santé publique, ainsi qu'une demande de déclaration d'utilité publique des périmètres de protection du captage des " Terres de Henrys ", sur le fondement de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique. Par un arrêté du 12 avril 2017, a été prescrite l'ouverture d'une enquête publique préalable à la fixation des périmètres de protection du captage et d'une enquête parcellaire en vue de déterminer les parcelles concernées par les périmètres de protection. A l'issue de l'enquête publique, qui s'est déroulée du 11 mai au 12 juin 2017, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable le 5 juillet 2017. La préfète du Cher a, par un arrêté du 20 février 2018, déclaré d'utilité publique l'instauration des périmètres de protection du captage des " I... " situé sur le territoire de la commune de Presly et a délivré au SIAEP l'autorisation d'utiliser l'eau de ce captage en vue de la consommation humaine. Par un jugement du 8 décembre 2020, dont Mme B... et autres relèvent appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés (...) ". Aux termes de l'article L. 215-13 du code de l'environnement : " La dérivation des eaux d'un cours d'eau non domanial, d'une source ou d'eaux souterraines, entreprise dans un but d'intérêt général par une collectivité publique ou son concessionnaire, par une association syndicale ou par tout autre établissement public, est autorisée par un acte déclarant d'utilité publique les travaux. ".

3. En l'absence de dispositions spécifiques définissant la procédure qui leur est applicable, les actes portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines pris sur le fondement de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique rappelé ci-dessus sont régis par les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué.

En ce qui concerne la composition du dossier soumis à l'enquête publique :

4. Aux termes de l'article L. 1321-3 du code de la santé publique : " Les indemnités qui peuvent être dues aux propriétaires ou occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines, à la suite de mesures prises pour assurer la protection de cette eau, sont fixées selon les règles applicables en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique (...) ". Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; (...). ".

5. L'appréciation sommaire des dépenses jointe au dossier d'enquête publique a pour objet de permettre à tous les intéressés de s'assurer que les travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement estimé à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique. Toutefois, la seule circonstance que certaines dépenses auraient été omises n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure si, compte tenu de leur nature, leur montant apparaît limité au regard du coût global de l'opération et ne peut être effectivement apprécié qu'au vu d'études complémentaires postérieures, rendant ainsi incertaine leur estimation au moment de l'enquête.

6. D'une part, s'il ressort de l'article 22 de l'arrêté contesté qu'au sein du périmètre de protection rapprochée est interdite " la suppression de l'état boisé " des parcelles, cette disposition doit s'entendre comme visant le changement de destination de ces parcelles et la coupe à blanc dans le cadre de leur exploitation, dès lors que cet article précise en outre que les " interventions mécaniques sur le boisement restent possibles ", de même que " les opérations de remplissage et de vidange des réservoirs des engins à moteur thermique quelles qu'elles soient (y compris les engins nécessaires à l'exploitation forestière) ". Il n'en résulte aucune différence substantielle avec le dossier soumis à enquête lequel prévoyait au titre des prescriptions particulières pour lesdits périmètres une interdiction de la conservation des parcelles boisées en parcelles agricoles.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de l'estimation sommaire des dépenses aucune indemnisation des exploitants agricoles ou forestiers n'a été prévue, dans la mesure où les préjudices qui pouvaient résulter des contraintes imposées ne présentaient pas à cette date un caractère suffisamment certain ou significatif par rapport au coût global du projet. Il ressort en outre du dossier soumis à enquête que les prescriptions relatives aux interdictions d'épandages ou d'utilisation de produits phytosanitaires ne trouvent à s'appliquer qu'aux parcelles visées dans le périmètre de protection 1, à savoir celles qui sont boisées, dont l'exploitation reste possible ainsi que cela a été précisé au point 6. Par ailleurs, l'interdiction de créer de nouveaux axes de circulation vise non pas les chemins d'accès aux terres agricoles ou les layons, mais des voies d'une certaine importance ouvertes à la circulation publique. Enfin, les requérants ne peuvent utilement invoquer un hypothétique partage des terres agricoles, dans le cadre d'une succession, qui rendrait nécessaire la création de nouveaux accès. Par suite, le moyen tiré de la sous-estimation des dépenses figurant au dossier de la déclaration publique ne peut qu'être écarté dans ses deux branches.

En ce qui concerne l'organisation de l'enquête publique :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 112-8 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'enquête publique est ouverte, selon les règles définies aux articles R. 112-9 à R. 112-11, soit à la préfecture du département, soit à la mairie de l'une des communes où doit être réalisée l'opération en vue de laquelle l'enquête est demandée. ". Aux termes de l'article R. 112-10 du même code : " Lorsque l'opération doit être réalisée sur le territoire d'une seule commune mais que l'enquête publique n'est pas ouverte à la mairie de cette commune, un double du dossier d'enquête est transmis au maire de cette commune par les soins du préfet afin qu'il soit tenu à la disposition du public. ".

9. Les dispositions précitées de l'article R. 112-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dont Mme B... et autres invoquent la méconnaissance ne sont applicables qu'aux enquêtes portant sur une opération devant être réalisée sur le territoire d'une seule commune et dans la seule hypothèse où l'enquête publique n'y serait pas ouverte. Dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les périmètres de protection du captage situé à Presly incluent des parcelles situées notamment sur le territoire de la commune d'Ennordres, ces dispositions ne sont pas applicables au litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 112-10 doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 112-14 du même code : " Le préfet qui a pris l'arrêté prévu à l'article R. 112-12 fait procéder à la publication, en caractères apparents, d'un avis au public l'informant de l'ouverture de l'enquête dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements concernés. Cet avis est publié huit jours au moins avant le début de l'enquête. Il est ensuite rappelé dans les huit premiers jours suivant le début de celle-ci. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des reproductions des publications produites en défense, qui confirment les mentions sur ce point du rapport du commissaire enquêteur, que l'avis d'enquêtes publique et parcellaire en vue de la déclaration d'utilité publique des périmètres de protection du captage d'eau potable " des I... " situé sur le territoire de la commune de Presly et de l'autorisation de prélèvement et d'utilisation d'eau destinée à des fins de consommation humaine, a été publié dans les journaux " Le Berry républicain " et " La Voix du Sancerrois " les 21 et 19 avril 2017, soit huit jours avant le début de l'enquête publique fixée pour la période du 11 mai au 12 juin 2017. Il a été de nouveau publié dans ces mêmes journaux les 15 et 17 mai 2017, soit dans les huit jours après le début de l'enquête en application des dispositions applicables. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure sur ce point doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 112-15 du même code : " Huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, l'avis prévu à l'article R. 112-14 est, en outre, rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans au moins toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération projetée doit avoir lieu. Cette mesure de publicité peut être étendue à d'autres communes. (...) ". Aux termes de l'article R. 1321-12 du code de la santé publique : " Le préfet peut prendre, à son initiative sur proposition du directeur général de l'agence régionale de santé ou à la demande du titulaire de l'autorisation et conformément à la procédure prévue au I de l'article R. 1321-7, un arrêté modificatif de l'arrêté d'autorisation, s'il estime que le maintien de certaines dispositions n'est plus justifié ou que des prescriptions complémentaires s'imposent afin d'assurer la sécurité sanitaire de l'eau distribuée. Avant de prendre son arrêté, le préfet peut prescrire au titulaire de l'autorisation, par une décision motivée, la fourniture ou la mise à jour des éléments contenus dans le dossier de la demande d'autorisation et la production de bilans de fonctionnement supplémentaires. Ces mesures sont à la charge du titulaire de l'autorisation ". Aux termes de l'article R. 1321-13 du même code : " (...). A l'intérieur du périmètre de protection éloignée, peuvent être réglementés les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols qui, compte tenu de la nature des terrains, présentent un danger de pollution pour les eaux prélevées ou transportées, du fait de la nature et de la quantité de produits polluants liés à ces travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols ou de l'étendue des surfaces que ceux-ci occupent ".

13. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une enquête publique n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Tel est notamment le cas s'il a eu pour effet de nuire à l'information et à la participation de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération.

14. Les requérants soutiennent, sans être contredits, qu'il n'a été procédé à aucun affichage de l'avis d'ouverture de l'enquête publique dans les communes de La Chapelle d'Angillon et de Méry-es-Bois. Cependant, ainsi qu'il a été indiqué au point 11, cet avis a été publié, affiché et inséré dans deux journaux locaux diffusés dans tout le département. En outre, il ressort de l'arrêté attaqué qu'il fixe un périmètre de protection éloigné incluant les deux communes précitées et prévoit en son sein que seule " une vigilance particulière devra être portée au respect de la règlementation générale en matière de limitation des pollutions, notamment en ce qui concerne les forages ". Si les requérants font état de ce que les parcelles incluses dans le périmètre de protection éloigné pourraient pour l'avenir se voir imposer par le préfet des restrictions supplémentaires sur le fondement des dispositions de l'article R. 1321-12 du code de la santé publique, ces dispositions portent sur les seules prescriptions sanitaires qui s'imposent au titulaire de l'autorisation d'utilisation d'eau en vue de la consommation humaine. Ainsi, en l'absence de toute servitude d'utilité publique susceptible de peser notamment sur les exploitants des forages présents sur ces communes, et alors que toute nouvelle réglementation au sein de ce périmètre devra faire l'objet d'un nouvel arrêté soumis à enquête publique, l'absence d'affichage de l'avis d'enquête publique en cause n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur la bonne information des personnes susceptibles d'être intéressées par l'opération. Le moyen soulevé à ce titre doit donc être écarté.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le commissaire enquêteur (...) examine les observations recueillies et entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant, s'il en fait la demande. (...) / Le commissaire enquêteur (...) rédige un rapport énonçant ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération projetée. (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire-enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

16. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur, qui n'était pas tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, a synthétisé et analysé les six observations du public qui lui ont été soumises, dont celles exprimées par M. C... B..., sur lesquelles il a présenté sa position avant d'émettre un avis suffisamment motivé et objectif au regard des observations recueillies. Ainsi son avis satisfait aux exigences de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Sur la légalité interne :

17. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

En ce qui concerne l'utilité publique du projet :

18. Il est constant que le projet contesté porte notamment sur la création des périmètres de protection du captage dit " I... " réalisé sur la commune de Presly et répond à une finalité d'intérêt général liée à la nécessité de préserver la qualité de l'eau captée destinée à la consommation humaine.

19. Si les requérants soutiennent que les conséquences des prescriptions imposées aux exploitants des parcelles incluses dans les périmètres de protection rapprochée du captage portent une atteinte excessive à leur propriété privée au regard de l'objectif de qualité des eaux, déjà excellente, l'interdiction, invoquée par les requérants, de pratiquer des épandages et d'utiliser des produits phytosanitaires ne concerne toutefois que les parcelles incluses dans le périmètre de protection renforcée, constituées quasi exclusivement de landes et de taillis. Pour ces parcelles boisées, ainsi qu'il a déjà été dit, leur exploitation et notamment les coupes d'arbres qui y sont liées, n'est pas interdite par l'arrêté en litige. Quant à l'interdiction de créer de nouveaux axes de circulation, elle n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher l'accès des engins nécessaires à cette exploitation et partant de nuire à leur exploitation normale. Elle est en outre justifiée par la nécessité de maîtriser le risque de pollution accidentelle. Il en est de même de l'interdiction de créer des puits et forages qui ne concerne que les nouveaux puits afin de préserver tout risque d'introduction directe de pollution. Enfin, le risque invoqué d'édiction d'un arrêté complémentaire, en application de l'article R. 1321-12 du code de la santé publique, lequel ainsi qu'il a été dit au point 14 porte sur les prescriptions sanitaires qui s'imposent au titulaire de l'autorisation d'utilisation d'eau en vue de la consommation humaine, ne saurait utilement être invoqué. Il en résulte que les inconvénients du projet, notamment en ce qui concerne les atteintes à la propriété privée, n'apparaissent pas excessifs eu égard à son utilité publique.

En ce qui concerne l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre du projet :

20. Il appartient également au juge, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité des atteintes au droit de propriété, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre du projet n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

21. En premier lieu, il ressort de l'avis de l'hydrogéologue agrée de juin 2015, lequel a pris en compte l'étude environnementale préalable à la définition des périmètres de protection et mesures réalisée par le cabinet Astrée en octobre 2014, ainsi que son addendum de mai 2015, l'existence d'une incertitude sur le contour du bassin d'alimentation des nappes concernées et de la direction d'écoulement général de la nappe captée. Si cette étude indique que la vulnérabilité du bassin d'alimentation est faible à proximité du captage en raison de la captivité de la nappe des sables du Cénomanien qui alimente à 90 - 95 % les eaux captées, cet élément n'est pas de nature à écarter tout intérêt à mettre en place un périmètre de protection du bassin d'alimentation de ce captage lequel a été déterminé en fonction de différents paramètres techniques liés au sens d'écoulement des nappes, leur isochrone ainsi que la topographie des lieux. Le périmètre retenu, qui englobe ce bassin d'alimentation situé à l'Est du captage, a également été déterminé en considérant la persistance de traces de pesticides dans les eaux captées, nonobstant les travaux effectués en 2009 dont se prévalent les requérants, sans que ne puisse clairement être établie leur origine. Il ressort des différentes cartes produites que les parcelles des requérants se situent à l'Est du captage et pour partie au Sud-Est de celui-ci, au sein du bassin d'alimentation de la nappe prélevée, comme l'on mentionné à bon droit les premiers juges. Il en résulte qu'eu égard à l'enjeu de protection de la ressource en eau destinée à la consommation humaine, la préfète du Cher a pu, par l'arrêté attaqué, intégrer les parcelles des requérants, quand bien même elles n'abriteraient pas de forages profonds, dans le périmètre de protection rapprochée du captage des " I... ". Par suite, le moyen tiré de ce que l'extension du périmètre de protection rapprochée du captage aux parcelles dont les requérants sont propriétaires serait entachée d'une erreur d'appréciation des données hydrogéologiques compte tenu du sens d'écoulement des nappes pompées, de la position de leurs parcelles et de l'absence de présence de forages profonds, doit être écarté.

22. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que parmi les vulnérabilités identifiées pour l'alimentation des nappes prélevées par le captage figurent les infiltrations d'hydrocarbures liées à la présence d'axes routiers. Dès lors, c'est à bon droit que l'arrêté en litige interdit au sein du périmètre de protection rapprochée dans lequel sont incluses les parcelles des requérants, la création des axes routiers, eu égard aux risques de pollution accidentelle dont ils sont porteurs.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... et autres demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de Mme B... et autres une somme de 1 500 euros à verser au syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de Presly-Ennordres à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... B..., M. A... B..., M. G... B..., Mme E... B..., Mme H... D... et du GFA du domaine des Henrys est rejetée.

Article 2 : Mme F... B..., M. A... B..., M. G... B..., Mme E... B..., Mme H... D... et le GFA du domaine des Henrys verseront solidairement au syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de Presly-Ennordres la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B..., M. A... B..., M. G... B..., Mme E... B..., Mme H... D..., au GFA du domaine des Henrys, au ministre de la santé et de la prévention et au syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de Presly-Ennordres.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

B. AVENTINOLe président,

B. EVEN

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00473
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-03-01 Eaux. - Travaux. - Captage des eaux de source.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SILVESTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-09;21ve00473 ?
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