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16/11/2023 | FRANCE | N°21VE01911

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 novembre 2023, 21VE01911


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Bois d'Arcy a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt, d'enjoindre, à titre principal, à la garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à c

ompter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Bois d'Arcy a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt, d'enjoindre, à titre principal, à la garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou d'enjoindre, à titre subsidiaire, à la garde des sceaux, ministre de la justice d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G..., ont présenté un mémoire en intervention au soutien de la demande de la commune de Bois d'Arcy concluant à l'annulation de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, portant rejet de la demande du maire de la commune de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à leur verser à chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1905100 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 juin 2021 et le 15 mars 2023, la commune de Bois d'Arcy, représentée par Me Julienne, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder à la réalisation d'une nouvelle aire de stationnement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Bois d'Arcy soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas pris en compte ses observations relatives à son intérêt à agir produites à la suite de la communication par le tribunal administratif d'un moyen d'ordre public ;

- elle dispose d'un intérêt à agir dès lors que les difficultés de stationnement engendrées par la fermeture du parking ont une incidence sur les intérêts dont elle a la charge et ses pouvoirs de police ; elle est lésée par l'Etat dans le cadre de la convention du 5 décembre 1979 ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la dégradation de la situation du stationnement aux abords du centre pénitentiaire liée à la fermeture du parking aux visiteurs.

Par des mémoires enregistrés le 17 novembre 2022 et le 8 août 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que la commune ne dispose pas d'un intérêt à agir et que les moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Samandjeu représentant la commune de Bois d'Arcy.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de Bois d'Arcy a, par un courrier reçu le 21 mars 2019, demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir aux familles et visiteurs des détenus le parking du centre pénitentiaire situé dans cette commune, afin de faire cesser la situation aux abords de l'établissement provoquée par l'insuffisance des possibilités de stationnement. La commune de Bois d'Arcy fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 4 mai 2021 rejetant ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de la garde des sceaux, ministre de la justice de sa demande, aux fins d'injonction, à titre principal, de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la commune de Bois d'Arcy se prévaut des troubles de voisinage existant aux abords de l'établissement pénitentiaire en raison des problèmes liés au stationnement des visiteurs et de l'atteinte aux droits des détenus résultant de la fermeture du parking au public, elle fait également état de ce que ces difficultés portent atteinte à ses intérêts propres, en particulier ses pouvoirs de police du stationnement, lesquels ne permettent pas selon elle, compte tenu de la gravité de la situation, d'assurer la sécurité et la salubrité aux abords de cet établissement.

3. Par suite, la commune de Bois d'Arcy est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable faute pour elle de justifier d'un intérêt à agir contre la décision implicite de rejet de sa demande par la garde des sceaux, ministre de la justice, aux fins d'injonction, à titre principal, de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte. Ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité, ce jugement du tribunal administratif de Versailles du 4 mai 2021 doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Bois d'Arcy devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur l'intervention en première instance de M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... :

5. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. (...) ".

6. M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... ont intérêt à l'annulation de la décision attaquée. Par suite, leur intervention au soutien de la demande de première instance de la commune, qui tend aux mêmes fins par les mêmes moyens, présentée par mémoire distinct, est recevable.

Sur la légalité de la décision contestée :

7. Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête tendant à l'annulation du refus opposé par l'administration à une demande tendant à ce qu'elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale lui incombant, il lui appartient, dans les limites de sa compétence, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité et, si tel est le cas, d'enjoindre à l'administration de prendre la ou les mesures nécessaires. Cependant, et en toute hypothèse, il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire.

8. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que des difficultés de stationnement existent aux abords du centre pénitentiaire de Bois d'Arcy au moment des jours de visite aux personnes détenues, de nombreux véhicules stationnant de façon anarchique dans les rues de la zone pavillonnaire située alentour, occasionnant des troubles du voisinage. Si cette situation parait exister de longue date, comme en atteste un courrier du député des Yvelines daté du 16 janvier 1990 figurant au dossier, la commune de Bois d'Arcy soutient qu'elle s'est aggravée depuis la fermeture récente au public de l'aire de stationnement existante au sein de l'enceinte, qui est réservée au personnel de la prison et aux auxiliaires de justice, comme le mentionne le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté de juillet 2010 rédigé à la suite d'une visite des lieux.

9. Cependant, aucune obligation législative ou réglementaire ne s'impose à l'Etat, en tant que gestionnaire du domaine public accueillant un centre pénitentiaire, pour garantir et organiser le stationnement des véhicules des visiteurs de cette prison, et notamment aménager une aire de stationnement spécifique à leur usage.

10. En outre, si la commune de Bois d'Arcy fait état de ce qu'elle a déployé en vain d'importants moyens dans le cadre de ses pouvoirs de police de la circulation routière, elle n'établit pas, par la seule production d'une attestation du maire de la commune non circonstanciée, une mobilisation particulière des agents municipaux les jours de visite, ni qu'elle aurait assumé des coûts supplémentaires en équipement ou en personnel, alors en outre qu'un des courriers des riverains fait état de ce que la police municipale est parfois sollicitée en vain. Par ailleurs, la commune n'établit pas davantage ni même n'allègue avoir mis en place des mesures d'interdiction de stationnement aux non riverains dans les rues concernées, afin d'inciter ces derniers à se rendre sur les aires de stationnement publiques situées à proximité, ni avoir renforcé la verbalisation des contrevenants.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la dégradation de la situation du stationnement aux abords du centre pénitentiaire liée à la fermeture du parking aux visiteurs doit être écarté. Il en est de même du moyen tiré de la rupture du principe d'égalité entre les collectivités territoriales compte tenu de la charge supplémentaire et anormale que cette situation fait peser sur la commune. Par suite, la commune de Bois d'Arcy n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1905100 du 4 mai 2021 est annulé.

Article 2 : L'intervention de M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... est admise en première instance.

Article 3 : La demande présentée par la commune de Bois d'Arcy devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Versailles sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bois d'Arcy, au garde des sceaux, ministre de la justice, et à M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G....

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

La rapporteure,

B. AVENTINOLe président,

B. EVEN

La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE01911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01911
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-02 Domaine. - Domaine public. - Régime.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : JULIENNE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-11-16;21ve01911 ?
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