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29/05/2012 | FRANCE | N°10/20264

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 29 mai 2012, 10/20264


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2012

OM

N° 2012/ 226













Rôle N° 10/20264







S.C.I. [W]

[Z] [W]





C/



[G] [L] - [B]





























Grosse délivrée

le :

à : SELARL BOULAN

M° [O]

















Décision défÃ

©rée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/3155.





APPELANTS



S.C.I. [W], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]



Monsieur [Z] [W], gérant de société demeurant et domicilié

né le ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2012

OM

N° 2012/ 226

Rôle N° 10/20264

S.C.I. [W]

[Z] [W]

C/

[G] [L] - [B]

Grosse délivrée

le :

à : SELARL BOULAN

M° [O]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/3155.

APPELANTS

S.C.I. [W], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

Monsieur [Z] [W], gérant de société demeurant et domicilié

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 14] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 7]

représentés par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS

assistés de Me Michel BOURGEOIS-BAUTZ, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame [G] [L] - [B]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 15] (54), demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Jean-claude PYOT, avocat au barreau de GRASSE, constitué aux lieu et place de la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN ,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Mars 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Odile MALLET, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 MAI 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 MAI 2012,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [G] [L] [B] est propriétaire du lot n°7 d'un immeuble en copropriété cadastré commune de [Localité 9], section BM n° [Cadastre 3], situé [Adresse 8].

La SCI Benidir est propriétaire du fonds voisin cadastré section BM n°[Cadastre 4] situé [Adresse 6]. La SCI a entrepris des constructions sur son fonds.

Estimant que ces constructions violaient une servitude non altius tollendi instituée par acte du 14 janvier 1928, Madame [L] [B] a saisi le juge des référés. En cause d'appel Monsieur [C] a été désigné en qualité d'expert.

Aux termes de son rapport déposé le 23 février 2009 Monsieur [C] constate que la construction édifiée par la SCI [W] viole une servitude instituée par acte du 14 janvier 1928.

En lecture de ce rapport d'expertise Madame [L] [B] a saisi le juge du fond.

Par jugement du 20 octobre 2010 le tribunal de grande instance de Grasse a:

constaté l'existence d'une servitude non altius tollendi s'imposant au fonds servant cadastré BM [Cadastre 4] au bénéfice du fonds dominant cadastré BM [Cadastre 3],

ordonné la démolition, à la charge de Monsieur [W] et de la SCI [W] des ouvrages réalisés violant la servitude sur une hauteur de 4,65m dans les cinq mois de la signification du jugement, passé lequel délai il sera dû une astreinte de 150 € par jour de retard pendant trois mois à l'issue desquels il pourra à nouveau être statué,

condamné in solidum Monsieur [W] et la SCI [W] à payer à Madame [L] [B] une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts,

rejeté la demande d'exécution provisoire,

condamné Monsieur [W] et la SCI [W] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Appel de ce jugement a été interjeté par Monsieur [W] et la SCI [W].

Par ordonnance du 6 juin 2011 le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de complément d'expertise présentée par les appelants.

L'ordonnance de clôture est en date du 24 octobre 2011.

POSITION DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions en date du 10 octobre 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [W] et la SCI [W] demandent à la cour :

d'infirmer le jugement,

de déclarer Madame [L] [B] irrecevable, en son action pour défaut de qualité et d'intérêt à agir, et en tout cas mal fondée en ses demandes,

de condamner Madame [L] [B] à payer à chacun d'eux une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts,

de condamner Madame [L] [B] aux entiers dépens et au paiement à chacun d'eux d'une somme de 7.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures en date du 19 octobre 2011 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, Madame [L] [B] demande au contraire à la cour :

de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la démolition des ouvrages réalisés en violation de la servitude non altius tollendi et condamné Monsieur [W] et la SCI [W] à lui payer une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

de l'infirmer en ses autres dispositions,

de porter à la somme de 200.000 € le montant des dommages et intérêts qui lui seront dus in solidum par les appelants,

de porter à 500 € l'astreinte due par jour de retard dans le mois de la signification de l'arrêt,

de condamner in solidum les appelants à lui payer une somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

de condamner les appelants aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 7.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* sur l'incident de procédure

Aux termes de l'article 783 du code de procédure civile après l'ordonnance de clôture aucune pièce ne peut être produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

L'ordonnance de clôture est en date du 24 octobre 2011. En conséquence la pièce n°23 communiquée le 16 mars 2012 par Madame [L] [B] sera écartée des débats.

* sur la recevabilité de la demande

En sa qualité de propriétaire d'un lot dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, Madame [L] [B] a qualité et intérêt pour revendiquer le respect d'une servitude bénéficiant à l'immeuble. En conséquence la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir sera rejetée.

* sur l'existence d'une servitude

Selon l'article 637 du code civil une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. Une servitude se distingue d'une obligation personnelle en ce qu'elle est imposée à un fonds et non à une personne et stipulée au profit d'un autre fonds et non d'une personne. Il appartient au juge, au vu des actes et circonstances de fait et de droit, d'interpréter la volonté des parties et déterminer si l'obligation contractée présente un caractère personnel ou réel.

Dans le cas présent les propriétés des parties sont issues d'un fonds plus grand ayant appartenu à Madame [I] [D] veuve [M]. Lors de la division de ce fonds par suite de la vente de la parcelle BM [Cadastre 4] à la société Garage Christophe, il a été inséré à l'acte de vente du 14 janvier 1928 dressé par Maître [P], notaire à [Localité 9], une clause selon laquelle 'la société acquéreuse ne pourra faire édifier sur le terrain vendu que des constructions dont le faîte ne devra pas dépasser le niveau de la terrasse supérieure de la grande villa appartenant à la venderesse'.

Cet acte a été enregistré à [Localité 9] le 18 janvier 1928 sous le n°377.

L'obligation de ne pas faire prévue à cette clause n'était pas limitée dans le temps. Elle est donc perpétuelle.

Cette clause a été rappelée dans les différents actes successifs emportant transfert de propriété des parcelles BM [Cadastre 4] et BM [Cadastre 3]. Elle est notamment rappelée sous le chapitre 'rappel des servitudes' tant dans les titres de la société [W] des 29 octobre 2002 ( vente Rochet/SARL [W] de la parcelle BM [Cadastre 4]) et 28 décembre 2006 ( vente [R]/SCI [W] des lots 1 à 5 situés sur la parcelle BM [Cadastre 3]) que dans celui de Madame [L] [B] en date du 25 avril 2005. Elle est également mentionnée dans l'acte du 29 décembre 1951 emportant vente par Madame [M] à Monsieur [R] de deux appartements situés dans la copropriété du [Adresse 8], dans le règlement et l'état descriptif de cette copropriété ainsi que dans l'acte du 20 janvier 1969 emportant vente de la villa dénommée '[Adresse 11]' située [Adresse 8] par les ayants droit de Madame [M].

Cette disposition était manifestement stipulée, non pas en faveur de Madame [M] personnellement, mais de la parcelle BM [Cadastre 3] restant lui appartenir afin que ce fonds continue à jouir d'une vue panoramique et ne subisse aucune dévalorisation du fait d'éventuelles constructions. Si la clause utilise les termes 'société acquéreuse', l'interdiction d'édifier des bâtiments dépassant une certaine hauteur était faite, non pas au Garage Christophe personnellement, mais à cette société en sa qualité d'acquéreur et nouveau propriétaire de la parcelle cédée.

Le rappel de cette clause dans les titres successifs de mutation de propriété confirme la volonté des parties de conférer à la convention du 14 janvier 1928 un caractère réel. La société [W] avait d'ailleurs admis ce caractère réel de l'obligation en tentant de racheter la servitude aux termes d'un protocole d'accord du 27 mars 2006.

C'est donc à juste titre que le premier juge a constaté l'existence d'une servitude non altius tollendi grevant la parcelle BM [Cadastre 4] au bénéfice de celle cadastrée BM [Cadastre 3].

* sur l'identification du fonds dominant

Selon la convention de servitude le fonds dominant est 'la grande villa appartenant à la venderesse'.

Il ressort des investigations réalisées par l'expert, de la lecture des actes, des descriptifs qu'ils contiennent et de l'examen des plans que la vente du 14 janvier 1928 a emporté division de la parcelle alors cadastrée D2 [Cadastre 5] et que Madame [M] est demeurée propriétaire de la 'grande villa' construite le long de l'avenue [Localité 13], aujourd'hui dénommée [Adresse 8].

L'acte notarié du 29 décembre 1951 par lequel Monsieur [M], héritier de la venderesse, a vendu les biens restant appartenir à sa mère donne la définition suivante de la grande villa :

'une villa sise [Adresse 8], élevée sur rez-de-jardin d'un rez-de-chaussée et 1er étage, avec terrasse attenante au midi. Au sud garage Brossini (société St Christophe), mur de soutènement à la villa, à l'ouest propriété de Monsieur [M] dite 'le chalet'.

La description d'une villa sur trois niveaux correspond à celle de l'immeuble implanté au [Adresse 8]. En reportant sur les plans le descriptif figurant dans l'acte du 29 décembre 1951 il s'avère que la grande villa située au nord du garage Saint Christophe et à l'est du bâtiment dénommé '[Adresse 11]' correspond à l'actuel immeuble du [Adresse 8] et non au chalet du 7bis de la même avenue qui a été depuis lors démoli.

L'acte de vente Rocher/SCI La Ben Quiado du 20 janvier 1969 emportant vente de la villa dénommée '[Adresse 11]' située au [Adresse 8] mentionne expressément que le bien vendu confronte à l'est la grande villa, ce qui est conforme avec le descriptif contenu dans l'acte du 29 décembre 1951.

Au vu de l'acte du 20 janvier 1969, les appelants ne sauraient sérieusement soutenir que la grande villa aurait été acquise puis détruite en 1970 par la société La Ben Quiado alors que cette société n'en a jamais été propriétaire.

L'attestation dressée le 9 septembre 2011 par Maître [A] à la requête de la société [W] vient conforter les conclusions de l'expert en ce qu'elle situe 'le Chalet' non pas au n°7 de l'avenue du Général de Gaule mais au n° 7bis de cette avenue.

Le rapport officieux établi par Monsieur [F] n'est pas de nature à contredire les conclusions du rapport d'expertise en ce qu'il part d'une pure hypothèse consistant à considérer qu'un seul bâtiment aurait existé sur la parcelle litigieuse en 1928 et la simple note rédigée le 28 juillet 2011 par Monsieur [U] énonçant que 'l'immeuble' n'a pas été édifié avant 1930 ne saurait être retenu compte tenu de son caractère succinct et imprécis.

Il résulte des éléments concordants issus des titres, plans et investigations réalisées par l'expert judiciaire que l'immeuble dans lequel Madame [L] [B] détient un appartement est effectivement le fonds dominant.

* sur la violation de la servitude

La sanction d'un droit réel transgressé est la démolition.

Il ressort des constatations de l'expert que la construction édifiée par la SCI [W] est plus haute de 4,65m que le niveau de la terrasse actuelle située au pied de la construction du [Adresse 8], qui est celle décrite dans l'acte du 14 janvier 1928 comme la terrasse supérieure de la grande villa.

En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition des ouvrages réalisés en violation de la servitude non altius tollendi sur une hauteur de 4,65 m, sans qu'il n'y ait lieu de majorer le montant de l'astreinte parfaitement évalué par le premier juge pour assurer l'exécution de la décision, sauf à préciser que le délai de cinq mois accordé pour ce faire débutera à compter de la signification du présent arrêt.

* sur les demandes de dommages et intérêts

Les appelants qui succombent en leurs demandes ne justifient pas d'un préjudice ouvrant droit à réparation et seront donc déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

C'est par une juste appréciation que le premier juge a évalué à la somme de 15.000 € l'ensemble des préjudices subis par l'intimée.

* sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Echouant en leur recours la SCI [W] et Monsieur [W] seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et ne peuvent, de ce fait, prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. A ce titre ils seront condamnés à payer à Madame [L] [B] une somme de 2.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de Madame [G] [L] [B].

Rejette des débats la pièce n°23 communiquée le 16 mars 2012 par Madame [L] [B].

Confirme le jugement en date du 20 octobre 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le délai de cinq mois imparti à la SCI [W] et Monsieur [Z] [W] pour démolir les ouvrages violant la servitude non altius tollendi commencera à courir à compter de la signification du présent arrêt.

Y ajoutant,

Déboute la SCI [W] et Monsieur [W] de leurs demandes de dommages et intérêts.

Déboute la SCI [W] et Monsieur [W] de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la SCI [W] et Monsieur [W] à payer à Madame [L] [B] une somme de deux mille euros (2.000,00 €) au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Condamne in solidum la SCI [W] et Monsieur [W] aux dépens avec droit de recouvrement prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 10/20264
Date de la décision : 29/05/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°10/20264 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-29;10.20264 ?
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