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30/05/2013 | FRANCE | N°12/09189

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 30 mai 2013, 12/09189


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2013



N°2013/292













Rôle N° 12/09189







ROCK DECORUM





C/



SA MARBRERIE AZUREENNE

ETABLISSEMENTS CIFFREO BONA





































Grosse délivrée

le :

à :

Me MAYNARD

SCP TOLLINCHI

Me GUEDJ








Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 18 Avril 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2011F00430.





APPELANTE



S.A.S. ROCK DECORUM,

dont le siége social est [Adresse 2]



représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Agnès ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 30 MAI 2013

N°2013/292

Rôle N° 12/09189

ROCK DECORUM

C/

SA MARBRERIE AZUREENNE

ETABLISSEMENTS CIFFREO BONA

Grosse délivrée

le :

à :

Me MAYNARD

SCP TOLLINCHI

Me GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 18 Avril 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2011F00430.

APPELANTE

S.A.S. ROCK DECORUM,

dont le siége social est [Adresse 2]

représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Agnès SANRAME ,avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES

SA MARBRERIE AZUREENNE

INTERVENANTE FORCEE SUR APPEL PROVOQUE,

dont le siége social est [Adresse 3]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ETABLISSEMENTS CIFFREO BONA

dont le siége social est [Adresse 1]

représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

constitué aux lieu et place de la SCP COHEN L ET H GUEDJ, avoués

plaidant par Me Nicolas DEUR, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Guy SCHMITT, Président, et Madame Catherine DURAND, Conseiller,

Madame Catherine DURAND, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Guy SCHMITT, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mai 2013.

Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES

La société MARBRERIE AZURÉENNE a commandé le 10 décembre 2010 à la société CIFFREO BONA, spécialisée dans le négoce de matériaux de construction, un lot de 5.000 M2 de dalles basaltes flammées de couleur gris foncé, destinées à être posées sur les trottoirs de l'avenue Jean MÉDECIN dans le cadre d'un marché public.

La société CIFFREO BONA s'est adressée à la société ROCK DECORUM et lui a passé commande le 13 décembre 2010, lui précisant que les matériaux devaient être conformes à l'échantillon remis à la mairie de [Localité 1].

La première livraison intervenue le 9 mars 2011 a fait l'objet de réserves de la part du maître d'ouvrage pour défaut de conformité la pierre présentant des traces d'oxydation.

La solution préconisée par la société ROCK DECORUM consistant à traiter la pierre avec un produit à base d'acide a été refusée par le maître d'ouvrage faute de donner satisfaction aprés essais.

La société CIFFREO BONA a alors informé la société ROCK DECORUM de ce qu'elle ne donnerait pas suite à la commande.

La société ROCK DECORUM a contesté cette position et lui a demandé le 30 mars 2011 le paiement d'une indemnité de 'dédit' de 236.370,50 euros, rejetée par la société CIFFREO BONA.

Cette dernière a assigné la société ROCK DECORUM par exploit du 27 avril 2011 devant le Tribunal de commerce de NICE aux fins de résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme et dire nulle la facture de dédit du 30 mars 2011, et demandant sa condamnation au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts

La société ROCK DECORUM a maintenu sa position et, reconventionnellement, a sollicité la condamnation de la société CIFFREO BONA au paiement de la somme de 236.370,50 euros, ainsi que celle de 33.220,61 euros au titre du matériel déjà livré et de 12.902,44 euros au titre des frais de stockage.

La société CIFFREO BONA a appelé en la cause la société MARBRERIE AZURÉENNE par exploit du 27 septembre 2011, qui tout en confirmant la non-conformité des dalles livrées à la commande, a conclu à la condamnation solidaire de la société CIFFREO BONA et de la société ROCK DECORUM au paiement de la somme de 59.740,16 euros au titre du surcoût de changement de fournisseur, celle de 81.488,96 euros au titre du retard induit par le non-respect des délais de livraison, celle de 132.095 euros correspondant à des prestations mises en oeuvre à la suite du retard de chantier et celle de 30.000 euros en réparation de son préjudice commercial.

Par jugement du 18 avril 2012 le Tribunal de commerce de NICE a :

Ordonné la jonction des différentes instances,

Dit et jugé que la société CIFFREO BONA devra s'acquitter de la facture d'un montant de 33.220,61 euros et conserver les marchandises livrées,

Dit et jugé que la facture de dédit, vu la résolution du contrat de vente entre CIFFREO BONA et ROCK DECORUM est nulle et non opposable à CIFFREO BONA,

Prononcé la résolution de la vente aux torts partagés de CIFFREO BONA et de ROCK DECORUM,

Dit qu'il n'y a pas lieu au paiement de dommages et intérêts par ROCK DECORUM à CIFFREO BONA,

Débouté la société MARBRERIE AZURÉENNE de ses demandes aprés avoir constaté qu'elle n'a pas qualité à agir et ne justifie pas avoir réglé les sommes dont elle annonce être créancière,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamné la société ROCK DECORUM à payer à la société CIFFREO BONA et à la société MARBRERIE AZURÉENNE la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le Tribunal a dit les conditions générales de vente de ROCK DECORUM opposables à CIFFREO BONA et considéré que celle-ci n'ayant pas signalé les non-conformités dans les 48 heures de la livraison, ses réclamations étaient tardives.

Il a considéré que la couleur des dalles n'était pas clairement déterminée pour un marché de cette importance, que la couleur ne pouvait faire l'objet d'une résolution de vente et que la société MARBRERIE AZURÉENNE ayant été obligée de s'adresser à une autre entreprise pour obtenir des dalles correspondant à sa demande, la résolution de la vente devait être prononcée aux torts réciproques de CIFFREO BONA et de ROCK DECORUM qui avaient toutes deux manqué de rigueur dans cette commande.

Par acte du 22 mai 2012 la société ROCK DECORUM a interjeté appel de cette décision, intimant la société CIFFREO BONA.

Celle-ci, par appel provoqué, a intimé la société MARBRERIE AZURÉENNE.

Par conclusions récapitulatives et rectificatives n° 5 déposées et notifiées le 19 mars 2013 l'appelante demande à la Cour de :

Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile,

Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture,

Accueillir les présentes écritures,

Vu les articles 1134, 1184, 1381 alinéa 5 et 1603 du code civil,

Vu le bon de commande du 13 décembre 2010,

Vu la confirmation de commande du 15 octobre 2010 portant la signature de la société CIFFREO BONA,

Vu les conditions générales acceptées de CIFFREO BONA,

Vu la lettre de résiliation unilatérale du 29 mars 2011,

Déclarer recevable et bien fondé l'appel,

A titre principal,

Rejeter la demande de CIFFREO BONA comme tardive,

Réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution aux torts partagés,

Dire et juger que le contrat a été unilatéralement résilié par CIFFREO BONA le 29 mars 2011,

Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à résolution judiciaire tenant la résiliation unilatérale prononcée par la société CIFFREO BONA, et en l'absence d'éléments d'une gravité suffisante justifiant une demande de résolution judiciaire,

Faire droit aux demandes de la société ROCK DECORUM,

Condamner la société CIFFREO BONA au paiement de la somme de 236.370,50 euros au titre de la facture de dédit, celle de 33.220,61 euros au titre du matériel déjà livré et de 55.865,14 euros au titre des frais de stockage pour 15 mois à parfaire,

Lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de faire liquider l'astreinte de 3.042,62 euros TTC par mois entamé de ces mêmes frais de stockage,

La condamner au paiement de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la résiliation du contrat et de l'atteinte à son image de marque, outre celle de 2.500 euros à laquelle elle a été abusivement condamnée par le Tribunal par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouter la société MARBRERIE AZURÉENNE de ses demandes n'ayant aucun lien contractuel avec cette société,

Condamner la société CIFFREO BONA au paiement de la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient que les conditions générales de vente signées de CIFFREO BONA, un client habituel, lui sont opposables et que faute d'avoir contesté la conformité des matériaux livrés dans les 48 H de la livraison, elle est tardive à exciper d'un défaut de conformité au soutien de ses demandes.

Elle précise que le refus de livraison opposé par la Ville de Nice est fondé sur une teinte non conforme au cahier des charges qui lui est inopposable et qu'elle a fourni les matériaux commandés, la teinte étant imprécise.

Elle indique qu'en réalité le refus provient de ce que la pierre livrée n'était pas celle prévue dans le dossier de soumission par MARBRERIE AZURÉENNE, la mairie exigeant une pierre du même fournisseur que celui de la première tranche, extraite de carrière chinoise.

Elle fait valoir que la société CIFFREO BONA a seule résilié le contrat de vente au regard du refus de livraison opposé par la Ville de Nice et qu'elle ne peut maintenant solliciter la résolution judiciaire alors que le contrat a reçu un commencement d'exécution, qu'elle ne l'a pas mise en demeure de livrer une qualité conforme à la commande, ce qui est étrange eu égard à l'enjeu, et qu'elle lui doit l'indemnité de dédit prévue aux conditions générales de vente.

Par conclusions déposées et notifiées le 8 mars 2013 la société CIFFREO BONA demande à la Cour :

Sur l'appel principal :

Statuer ce que droit sur la recevabilité de l'appel,

Le dire infondé,

Sur l'appel incident formé par CIFFREO BONA,

Réformer le jugement en ce qu'il a dit ses contestations irrecevables comme tardives et a prononcé la résolution du contrat aux torts réciproques des parties,

Statuant à nouveau,

Vu les articles 1134, 1184 et 1304 du code civil,

Dire et juger que ROCK DECORUM a manqué à son obligation de délivrance conforme en l'état du phénomène d'oxydation,

Prononcer la résolution de la vente conclue entre CIFFREO BONA et ROCK DECORUM aux torts exclusifs de ROCK DECORUM,

Dire et juger nulle et non opposable la facture du 30 mars 2011 d'un montant de 236.370,50 euros,

Dire et juger que la facture correspondant les matériaux déjà livrés n'est pas due,

Condamner la société CIFFREO BONA au paiement de la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à son image,

Débouter la société MARBRERIE AZURÉENNE de toutes ses demandes, fins et conclusions, aprés avoir constaté qu'elle n'a pas qualité à agir et ne justifie pas avoir réglé les sommes dont elle prétend être créancière,

Condamner la société ROCK DECORUM à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit de la société MARBRERIE AZURÉENNE,

Si le refus de réception était jugé illégitime,

Condamner la société MARBRERIE AZURÉENNE à relever et garantir CIFFREO BONA de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit de ROCK DECORUM,

Condamner tout succombant au paiement d'une somme de 4.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui comprendront les frais des PV d'huissier.

Elle soutient que les conditions générales ne lui sont pas opposables la confirmation de la commande ayant été signé d'un préposé qui faute d'avoir apposé la mention 'lu et approuvé' ne peut avoir accepté ces conditions.

Elle fait valoir par ailleurs que les clauses limitatives de responsabilité du vendeur professionnel sont sans valeur et lui sont inopposables.

Elle ajoute que la société ROCK DECORUM en proposant de traiter la pierre a implicitement renoncé à se prévaloir du délai de forclusion.

Elle expose qu'un échantillon a bien été remis par la société ROCK DECORUM visé par la ville de [Localité 1], peu important que le courrier de commande comporte une erreur sur les dimensions et que les dalles livrées n'étaient pas conformes, comportant des traces d'oxydation leur donnant une teinte sensiblement différente et que cette non-conformité a été reconnue par ROCK DECORUM qui a proposé un traitement

Elle précise que la société MARBRERIE AZURÉENNE qui n'a pas la qualité de mandataire du groupement constitué avec TRIVERIO pour l'exécution du marché, n'a pas qualité à agir.

Par conclusions déposées et notifiées le 7 mars 2013, la société MARBRERIE AZURÉENNE demande à la Cour de :

Infirmer le jugement attaqué,

Rejeter la fin de non-recevoir opposée par CIFFREO BONA,

Dire et juger que ROCK DECORUM a manqué à son obligation de délivrance conforme en l'état du phénomène d'oxydation et de la mauvaise couleur des dalles,

Dire et juger bien fondées les demandes de CIFFREO BONA à l'encontre de ROCK DECORUM,

Dire et juger que CIFFREO BONA avait une obligation de résultat soit celle de fournir des dalles conformes à celles commandées,

Constater qu'elle n'a pas satisfait à cette obligation,

Constater que cette mauvaise exécution lui a causé un préjudice,

Condamner solidairement les sociétés CIFFREO BONA et ROCK DECORUM au paiement des sommes de 59.740,16 euros au titre du surcoût de changement de fournisseur, celle de 81.488,96 euros au titre du retard induit par le non-respect des délais de livraison, celle de 132.095 euros que lui a réclamée son partenaire TRIVERIO CONSTRUCTION correspondant à des prestations mises en oeuvre à la suite du retard de chantier et celle de 30.000 euros en réparation de son préjudice commercial et 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Débouter CIFFREO BONA de sa demande tendant à être relevée et garantie des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de ROCK DECORUM.

Elle précise être recevable à agir pour demander la réparation de son préjudice personnel, dénie l'argumentaire développé par ROCK DECORUM sur l'existence d'un autre fournisseur prévu dans le marché et soutient que le litige est né de l'absence de conformité des matériaux livrés par ROCK DECORUM à ceux commandés selon l'échantillon fourni à la Mairie.

L'affaire a été clôturée en dernier lieu d'accord des parties le 27 mars 2013.

MOTIFS

Sur la résolution de la vente :

Attendu que la société CIFFREO BONA a commandé le 13 décembre 2010 à la société ROCK DECORUM des dalles flammées sur le dessus, cotes sciées, le bon de commande mentionnant 'CF ARCHIVE 1515905' et manuscritement la précision 'La commande doit être identique à l'échantillon (15x15) remis à la Mairie de [Localité 1] avec un coloris légèrement plus noir. Nous insistons sur une qualité exemplaire de la pierre (le calibrage, l'épaisseur, l'équerrage) et sans défaut apparent sur la face flammée, toute dalle avec des défauts sera refusée' ;

Attendu que le 15 décembre 2010 la société ROCK DECORUM a adressé à la société CIFFREO BONA une confirmation de cette commande mentionnant les prix des matériaux ;

Attendu que cette confirmation a été approuvée par un des préposés de la société CIFFREO BONA qui a apposé le timbre humide de la société, la mention 'Bon pour accord' et sa signature sur le recto du bon qui comportait en bas de page la mention lisible 'suivant conditions générales de ventes au verso' ;

Attendu que les conditions générales de vente sont ainsi opposables à la société CIFFREO BONA qui ne peut utilement invoquer la signature de la commande par son préposé, pour soutenir que les conditions générales de vente lui seraient inopposables, alors que ce dernier est son mandataire à tout le moins apparent, étant relevé que la signature figurant sur la confirmation de commande est identique à celle figurant sur la commande initiale, ce qui établit que ce préposé était compétent pour passer les commandes de cette importance ;

Attendu que ces conditions générales précisent que les conformités à la fourniture se déterminent à la livraison et que tout produit qui n'aurait pas donné lieu à une réclamation écrite dans les 48 heures serait réputé conforme, aucune réclamation ultérieure ne pouvant être acceptée ;

Mais attendu que la société ROCK DECORUM a accepté la commande passée par CIFFREO BONA stipulant précisément que le produit livré devait être identique à l'échantillon remis mais avec un coloris légèrement plus noir, insistant sur la qualité exemplaire que devait avoir la pierre, ainsi que sur l'absence de défauts apparents sur la face flammée, précisant que toute pierre avec des défauts serait refusée ; qu'elle ne peut donc opposer à sa cliente les dispositions de l'article 6 des conditions générales aux termes desquelles la pierre étant par définition un matériau naturel le client en accepte par avance toute variation des caractéristiques mécaniques et physiques, dès lors que la commande de CIFFREO BONA a posé les termes du contrat quant aux caractéristiques exigées des pierres, acceptées de ROCK DECORUM ;

Attendu que la livraison de la première partie des dalles est intervenue le 9 mars et par courrier du 15 mars la société CIFFREO BONA a fait savoir à la société ROCK DECORUM que les matériaux livrés, comportant des traces importantes d'oxydation, n'étaient pas conformes à ceux commandés et être attente de la décision de la mairie de [Localité 1] à intervenir après la réalisation des essais avec un produit LITHOFIN, proposés par la société ROCK DECORUM ;

Attendu que ce courrier établit que la société ROCK DECORUM a été avisée antérieurement au 15 mars du défaut de conformité des matériaux livrés et de ce qu'elle a proposé d'y remédier en proposant, lors de la réunion s'étant tenue le 14 mars 2011 en présence de la Mairie, la pose d'un produit, sans alors se prévaloir de l'expiration du délai de réclamation de 48 heures ;

Attendu que ce faisant, elle a reconnu l'existence du défaut de conformité invoqué et a renoncé à se prévaloir de l'absence de réclamation écrite dans le délai de 48 heures prévue dans les conditions générales de vente ;

Attendu qu'après application du produit il a été procédé, par constat d'huissier du 21 mars 2011 établi au contradictoire des parties, à la comparaison des trois planches d'essais avec l'échantillon posé sur chacune d'elle, et la Mairie de [Localité 1] a refusé la livraison des pierres non conformes à cet échantillon qu'elle avait validé ;

Attendu que par constat d'huissier du 25 mars 2011 la conformité des dalles stockées à [1] avec l'échantillon contractuel a été également vérifiée en présence de la société CIFFREO BONA, de la société ROCK DECORUM et de la société MARBRERIE AZURÉENNE ;

Attendu que les échantillons prélevés sur plusieurs palettes présentaient également des traces d'oxydation et un aspect différent de celui de l'échantillon, et ce, même aprés application du produit LITHOFIN ;

Attendu en effet qu'il résulte des photos des différents constats d'huissier qu'outre un problème d'oxydation, les pierres avaient une teinte grise plus claire que l'échantillon validé ;

Attendu qu'il ne peut être sérieusement soutenu par la société ROCK DECORUM, pour contester la non-conformité invoquée, que l'échantillon utilisé en terme de comparaison ne serait pas celui qu'elle aurait remis à la société CIFFREO BONA, étant relevé que Monsieur [C], représentant la société ROCK DECORUM, n'a pas fait noter par l'huissier de justice d'observation ou réserve sur cet échantillon, ni n'a soutenu devant lui qu'il ne s'agissait pas de celui remis par sa société, étant noté qu'à l'issue de la réunion du 21 mars ayant pour objet de vérifier la conformité des trois planches d'essais avec ledit échantillon, il a récupéré cet échantillon et ne l'a restitué au représentant de CIFFREO BONA qu'après discussion et sur l'insistance des parties a noté l'huissier présent ;

Attendu que Monsieur [C] n'a pas fait non plus noter par l'huissier de justice que le refus de la mairie de [Localité 1] d'accepter la livraison des dalles de ROCK DECORUM aurait pour cause le fait que les produits proposés par ROCK DECORUM ne correspondraient pas aux fiches techniques transmises dans le cadre du marché public émanant d'un autre fournisseur ;

Attendu que la commande passée le 10 décembre 2010 par la société MARBRERIE AZURÉENNE à la société CIFFREO BONA précise bien que la pierre livrée devait être conforme à l'échantillon 'Rock Decorum' remis à la Mairie de [Localité 1], avec une couleur légèrement plus noire ;

Attendu qu'il résulte du constat d'huissier établi les 25 et 26 janvier 2012 à la demande de la société CIFFREO BONA, que la comparaison entre l'échantillon validé en possession de cette société et celui contractuellement validé par la Mairie de [Localité 1] en possession du Directeur de la Voirie, étaient identiques quant à leurs caractéristiques ;

Attendu que les matériaux livrés par la société ROCK DECORUM, présentaient une teneur élevée de fer dans le basalte, largement supérieure à la moyenne admissible selon le spécialiste consulté par la société CIFFREO BONA, caractéristique non supprimée par la mise en oeuvre du produit préconisé par la société ROCK DECORUM, et n'étaient pas conformes à ceux commandés au regard de l'échantillon remis ;

Attendu que les allégations de l'appelante, non étayées, sur une tentative de fraude au marché public qu'aurait commise la société MARBRERIE AZURÉENNE, sont en l'espèce inopérantes, alors que la Mairie de [Localité 1] a validé, avant commande, l'échantillon remis par la société ROCK DECORUM et a accepté de procéder aux essais de traitement de la pierre livrée par la société ROCK DECORUM avec le LITHOFIN, ce qui a retardé le démarrage des travaux, et est incompréhensible si, comme le soutient la société ROCK DECORUM, les pierres devaient être, aux termes du marché public, livrées par un fournisseur autre que ROCK DECORUM ;

Attendu que la société CIFFREO BONA est par suite fondée à soutenir au regard de l'importance du défaut de conformité que la résolution de la vente doit être prononcée en application des articles 1604 et 1610 du code civil ;

Attendu que la société ROCK DECORUM ne peut utilement se prévaloir de ce que la livraison contestée est intervenue pour soutenir que le contrat ayant reçu un commencement d'exécution la résolution ne pourrait plus intervenir, celle-ci étant justement la sanction de l'absence de délivrance conforme constatée lors de la livraison litigieuse ;

Sur l'indemnité de dédit réclamée par la société ROCK DECORUM :

Attendu que la résolution judiciaire de la vente étant prononcée pour défaut de délivrance conforme de la chose, donc aux torts de la société ROCK DECORUM, celle-ci ne saurait prétendre au versement de l'indemnité de dédit prévue exclusivement en cas d'annulation de la commande par l'acheteur et non en cas de résolution de la vente pour manquement de ROCK DECORUM à ses obligations contractuelles ;

Attendu qu'elle sera également déboutée de ses demandes de paiement des pierres déjà livrées, des frais de stockage ;

Attendu que la résolution de la vente étant imputable à un défaut de conformité de la chose livrée elle ne saurait imputer à la société CIFFREO BONA un éventuel préjudice d'image ;

Attendu qu'elle sera en conséquence de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la société CIFFREO BONA ;

Sur les demandes d'indemnisation présentées par la société CIFFREO BONA :

Attendu que la société CIFFREO BONA ne démontre pas avoir supporté un préjudice du fait de la résolution du contrat de fourniture de pierres ;

Attendu qu'elle n'établit ni l'existence ni le quantum d'un préjudice 'd'image' qu'elle aurait subi du fait de la résolution pour défaut de conformité du contrat passé avec la société ROCK DECORUM ; qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande de paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts présentée de ce chef ;

Sur les demandes présentées par la société MARBRERIE AZURÉENNE :

Sur la qualité à agir :

Attendu qu'un groupement momentané d'entreprises solidaires a été créé entre la SAS TRIVERIO CONSTRUCTION et la SA MARBRERIE AZURÉENNE, avec pour mandataire la société TRIVERIO CONSTRUCTION ;

Attendu que le mandataire commun représente l'ensemble des membres du groupement vis-à -vis de la Mairie de [Localité 1] et coordonne les prestations du groupement ;

Attendu que la société MARBRERIE AZURÉENNE, qui soutient avoir supporté un préjudice personnellement du fait des travaux, est recevable à agir pour en solliciter la réparation ;

Sur les préjudices invoqués :

Attendu que le maitre d'ouvrage, la mairie de [Localité 1], aprés avoir refusé la livraison des dalles livrées par ROCK DECORUM a accordé à la société MARBRERIE AZURÉENNE une prolongation de délai d'exécution de 4 semaines ; que, ce faisant, un décalage d'autant du chantier a été accepté de la Mairie ;

Attendu que la société Marbrerie Azuréenne se plaint d'un décalage de chantier de deux mois, sans cependant démontrer que le maître d'ouvrage lui ait imposé des pénalités de retard ;

Attendu qu'elle produit aux débats des courriers du 13 octobre 2011 de la société URBATP en charge, certainement dans le cadre d'un contrat de sous traitance non versé aux débats, de l'exécution des travaux de dallages, invoquant l'existence de travaux supplémentaires, non facturés au maitre d'ouvrage, 'nécessaires et réalisés préalablement à la pose des revêtements minéraux sur les formes mises à disposition par l'entreprise TRIVERIO', dus en réalité à la mauvaise exécution de travaux de béton, sans lien avec un éventuel retard de travaux imputable au défaut de conformité des pierres livrées par la société ROCK DECORUM ;

Attendu que cette même société présente des mémoires du 7 octobre 2011 se plaignant d'avoir subi un surcoût du fait du décalage d'exécution du chantier et dont il résulte (page 2/4) que des problèmes sont également intervenus avec le second fournisseur de dalles, dont 'le nombre considérable de dalles refusées à la pose' a obligé l'entreprise de pose à procéder à un tri dalle par dalle, ce qui a induit un coût de manutention supplémentaire ainsi qu'une neutralisation du chantier et donc un retard d'exécution ;

Attendu qu'il n'est donc pas établi par les pièces d'URBATP, n'émanant que d'elle-même, non visées et acceptées du maitre d'oeuvre, que le préjudice allégué soit imputable aux problèmes de livraison des dalles par le premier fournisseur, étant rappelé que le maitre d'ouvrage avait consenti une prolongation de délai d'exécution de 4 semaines ;

Attendu que la société MARBRERIE AZURÉENNE produit par ailleurs aux débats des mémoires de la société TRIVERIO, annexés à son courrier du 28 septembre 2011, faisant état de coûts induits par la non-conformité de la première livraison de pierres, évalués par cette société à un montant 'estimatif' de 132.095 euros HT, dont le paiement lui a été demandé ;

Attendu que là encore ces seuls éléments sont insuffisants à démontrer, d'une part, l'existence des surcoûts invoqués et leur quantum, et d'autre part, leur lien de causalité avec le problème survenu lors de la première livraison, pour les motifs déjà ci-dessus exposés, étant relevé que devaient intervenir également sur le chantier divers concessionnaires et opérateurs et que les interruptions de chantiers nécessitées par ces interventions n'étaient pas incluses dans le délai d'exécution des travaux (article 3 de l'acte d'engagement) ;

Attendu par ailleurs que ces courriers ne sont pas des factures et la société MARBRERIE AZURÉENNE ne justifie pas avoir réglé les sommes ainsi réclamées ;

Attendu qu'elle sera en conséquence déboutée de sa demande de paiement des sommes de 81.488,96 euros au titre du retard induit par le non-respect des délais de livraison, celle de 132.095 euros réclamée par TRIVERIO CONSTRUCTION correspondant à des prestations mises en oeuvre à la suite du retard de chantier ;

Attendu enfin que la nouvelle commande de dalles passée à la société CIFFREO BONA à la suite du refus de celles livrées par ROCK DECORUM a généré un surcoût de 59.740,16 euros au titre du surcoût du fait du changement de fournisseur de dalles ;

Attendu que la société CIFFREO BONA, tenue d'une obligation de résultant envers la société MARBRERIE AZURÉENNE, et la société ROCK DECORUM, fournisseurs ayant failli dans son obligation de délivrance conforme à l'origine du préjudice subi par la société MARBRERIE AZURÉENNE, seront condamnées in solidum à lui payer la somme de 59.740,16 euros ;

Attendu que la société MARBRERIE AZURÉENNE ne produit aux débats aucun élément démontrant l'existence d'un préjudice d'image ou commercial à la suite des problèmes rencontrés avec la société ROCK DECORUM dans la fourniture des dalles ; qu'elle sera dès lors déboutée de ce chef de demande ;

Sur la demande de la société CIFFREO BONA en relevé et garanti par la société ROCK DECORUM :

Attendu que la société ROCK DECORUM sera condamnée à relever et garantir la société CIFFREO BONA des condamnations prononcées à son encontre ce jour au profit de la société MARBRERIE AZURÉENNE.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu que la société ROCK DECORUM sera condamnée à verser à la société CIFFREO BONA une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la société CIFFREO BONA sera condamnée à verser une indemnité de 1.000 euros à la société MARBRERIE AZURÉENNE qu'elle a appelée en la cause ;

Attendu que la société ROCK DECORUM sera condamnée aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Réforme le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

Constate que la société ROCK DECORUM a renoncé à se prévaloir du délai contractuel de dénonciation par écrit des non-conformités affectant la chose vendue,

Constate qu'elle a accepté les conditions posées par la société CIFFREO BONA dans sa commande quant aux caractéristiques exigées des dalles, à peine de refus pour défaut de conformité,

Dit que la société ROCK DECORUM n'a pas satisfait à son obligation de délivrer des dalles conformes à celles commandées,

Prononce en conséquence la résolution de la vente passée avec la société CIFFREO BONA, aux torts de la société ROCK DECORUM,

Déboute la société ROCK DECORUM de sa demande d'indemnité de dédit, du matériel déjà livré, des frais de stockage et de préjudice de perte d'image de marque,

Déboute la société CIFFREO BONA de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à son image,

Condamne la société ROCK DECORUM à verser à la société CIFFREO BONA une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare recevable la société MARBRERIE AZURÉENNE à agir en réparation de préjudices personnels qu'elle invoque,

La déboute de ses demandes en paiement des sommes de 81.488,96 euros au titre du retard induit par le non-respect des délais de livraison, celle de 132.095 euros réclamée par la société TRIVERIO CONSTRUCTION et celle de 30.000 euros en réparation de son préjudice commercial

Condamne in solidum la société CIFFREO BONA et la société ROCK DECORUM à lui payer la somme de 59.740,16 euros au titre du surcoût de changement de fournisseur,

Condamne la société CIFFREO BONA à verser à la société MARBRERIE AZURÉENNE une indemnité de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ROCK DECORUM à relever et garantir la société CIFFREO BONA de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société MARBRERIE AZURÉENNE,

Condamne la société ROCK DECORUM aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE. LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/09189
Date de la décision : 30/05/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°12/09189 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-30;12.09189 ?
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