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16/01/2014 | FRANCE | N°12/09397

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 16 janvier 2014, 12/09397


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2014



N° 2014/ 29













Rôle N° 12/09397







Société BANQUE DELUBAC ET CIE





C/



SAS DUMEZ MEDITERRANEE





















Grosse délivrée

le :

à :



SELARL BOULAN

SCP TOLLINCHI













Décision déférée à la C

our :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Mars 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011/00409.





APPELANTE



Société BANQUE DELUBAC ET CIE,

dont le siége social est [Adresse 1]



représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2014

N° 2014/ 29

Rôle N° 12/09397

Société BANQUE DELUBAC ET CIE

C/

SAS DUMEZ MEDITERRANEE

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL BOULAN

SCP TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 20 Mars 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011/00409.

APPELANTE

Société BANQUE DELUBAC ET CIE,

dont le siége social est [Adresse 1]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Thierry BISSIER, avocat au barreau de PARIS,

substitué par Me Rosemarie MEYER,avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS DUMEZ MEDITERRANEE,

dont le siége social est [Adresse 2]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Stéphane ENGELHARD de la SELARL BLUM-ENGELHARD-DE CAZALET, avocat au barreau de MARSEILLE,

substitué par Me Charlotte TASSY,avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Guy SCHMITT, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014,

Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 20 mars 2012 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ;

vu les conclusions déposées le 4 décembre 2012 par la société BANQUE DELUBAC, appelante ;

Vu les conclusions déposées le 9 octobre 2012 par la société DUMEZ MÉDITERRANÉE, intimée;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;

Attendu que la société SOFT AIR MÉDITERRANÉE a exécuté des travaux en sous-traitance pour le compte de la société DUMEZ MÉDITERRANÉE (DUMEZ) et cédé à la banque DELUBAC (la banque), d'abord la totalité des créances afférentes à trois marchés, ensuite les créances matérialisées par quatre situations afférentes à ces mêmes marchés pour lesquelles la société DUMEZ avait émis des certificats de paiement; que la société DUMEZ a accepté ces dernières cessions puis contesté être tenue à paiement; que par le jugement attaqué le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a rejeté la demande de la banque portant sur des créances d'un montant total de 133'887,98 € au motif que les actes d'acceptation des cessions y afférents étaient antérieurs aux cessions elles-mêmes, et condamné la société DUMEZ à payer la somme de 18'378,42 € avec les intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2009 ; que la banque a relevé appel le 24 mai 2012;

SUR CE,

Attendu qu'il résulte des articles L. 313 ' 24 et suivants du code monétaire et financier que la propriété de la créance cédée se trouve transférée au cessionnaire à la date que ce dernier appose sur l'acte de cession, qu'à compter de la notification de la cession le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit cessionnaire, et que le débiteur qui a accepté la cession à la demande de l'établissement de crédit ne peut opposer à ce dernier les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec les signataires du bordereau à moins que l'établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur ;

Attendu que la cession notifiée antérieurement à la date apposée par l'établissement de crédit cessionnaire sur le bordereau de cession est privée d'effet; qu'en cas de contestation de la date ou d'apposition de dates multiples sur le bordereau, il appartient à l'établissement de crédit de démontrer par tous moyens l'exactitude de celle qu'elle revendique par application des dispositions de l'article L. 313 ' 27 du code précité;

Attendu que les trois marchés auxquels se rapportent les créances litigieuses ont eux-mêmes été cédés dans leur intégralité à la banque dans des conditions de fond et de forme qui ne sont pas critiquées au regard des dispositions de l'article L. 313 ' 23 du code monétaire et financier ; qu'ils ont donné lieu à l'établissement de trois actes :

' le premier du 14 août 2008 portant une somme de 145'357,96 € à échéance future, relatif à des travaux exécutés sur le chantier ' îlot 30 logements", la notification de la cession à la société DUMEZ ayant été faite par une lettre recommandée datée du 13 août 2008 dont l'avis d'expédition et l'accusé de réception ne sont pas produits ;

' le second du 3 mars 2009 portant sur une somme de 609'960 € à échéance future, relatif à des travaux exécutés sur le chantier ' hôtel la résidence', la notification de la cession à la société DUMEZ ayant été faite par une lettre recommandée datée du même jour dont l'avis d'expédition et l'accusé de réception ne sont pas produits ;

' le troisième du 27 juillet 2009 portant sur une somme de 717'608,04 € à échéance future, relatif à un chantier ' réhabilitation de 122 logements [Localité 1] ilôt 13", la notification de la cession ayant été faite par une lettre recommandée datée du même jour dont l'avis d'expédition et l'accusé de réception ne sont pas produits ;

Attendu que sont litigieuses en l'espèce les quatre cessions suivantes.

' créance de 8081,79 € se rapportant au chantier 'réhabilitation de 122 logements [Localité 1] îlot 13", ayant fait l'objet d'un certificat de paiement de la société DUMEZ du 28 août 2009 et d'un bordereau de cession spécifique comportant comme date à la fois le 28 août et le 2 septembre 2009, la cession ayant été acceptée par la société DUMEZ le 28 août 2009, date de la lettre recommandée par laquelle elle lui a été notifiée, expédiée à une date non établie, dont elle a accusé réception le 7 septembre 2009.

' créance de 44'910,80 € se rapportant au marché 'hôtel la résidence', ayant fait l'objet d'un certificat de paiement de la société DUMEZ du 28 août 2009 et d'un bordereau de cession spécifique comportant comme dates à la fois le 31 août et le 2 septembre 2009, la cession ayant été acceptée par la société DUMEZ le 31 août 2009, date de la lettre recommandée par laquelle elle lui a été notifiée, expédiée à une date non établie, dont elle a accusé réception le 7 septembre 2009.

' créance de 80'895,89 € se rapportant au marché ' réhabilitation de 122 logements [Localité 1] îlot 13" ayant fait l'objet d'un certificat de paiement non daté de la société DUMEZ et d'un bordereau de cession spécifique comportant comme date le 25 septembre 2009, la cession ayant été acceptée par la société DUMEZ le 24 septembre 2009 alors qu'elle lui a été notifiée par une lettre recommandée datée du 28 septembre 2009 , expédiée à une date non établie, dont elle a accusé réception le 30 septembre 2009.

' créance de 18'378,42 € se rapportant au chantier 'ilôt 30 logements' ayant fait l'objet d'un certificat de paiement non daté de la société DUMEZ et d'un bordereau de cession spécifique comportant comme date le 4 septembre 2009, la cession ayant été acceptée par la société DUMEZ le 4 septembre 2009, date de la lettre recommandée par laquelle elle lui a été notifiée, expédiée à une date non établie, dont elle a accusé réception le 10 septembre 2009.

Attendu que les actes d'acceptation signés par la société DUMEZ ne font pas référence explicitement aux cessions de situations ci-dessus, ni aux cessions de marchés, mais comportent chacun la mention : ' Nous soussignés [Z]... reconnaissons avoir eu connaissance de la cession au profit de la banque DELUBAC... de la créance désignée ci-après détenue par la société SOFT AIR MÉDITERRANÉE... Nous prenons en conséquence l'engagement par le présent acte... de régler... le montant intégral de la créance à son échéance sans pouvoir élever aucune exception fondée sur nos rapports personnels avec l'entreprise cédante' ; que, les créances visées étant exclusivement celles qui ont fait l'objet de situations acceptées et de cessions spécifiques, et non celles correspondant au montant global des marchés qui ne sont en rien évoquées, la banque ne peut prétendre que les acceptations se rapportent en réalité aux cessions de marchés et qu'aucune d'entre elles n'est atteinte d'antériorité par rapport aux actes de cession; que le moyen pris de ce que les condamnations devraient subsidiairement être prononcées sur le fondement des actes de cession de marchés sera en conséquence rejeté;

Attendu que pour les actes de cession revêtus de dates multiples le seul élément extérieur permettant de juger de la prévalence de l'une des dates sur l'autre réside dans l'annotation non discutée apposée par la société SOFT AIR MÉDITERRANÉE sur les situations transmises à la banque ; qu'ainsi se trouve apposée sur la situation relative à la créance de 8'081,79 € une annotation ' facture cédée dans sa totalité à la banque DELUBAC le 1er septembre 2009" dont il faut déduire que la cession n'est intervenue que le 2 septembre 2009 et n'était pas effective le 28 août 2009, date de sa notification et de son acceptation par la banque ; qu'il en est de même de la cession portant sur 44'910,80 € pour laquelle la cédante a également mentionné comme date de cession le 1er septembre 2009 ce qui implique que la date de cession à retenir est celle du 2 septembre et que la notification et l'acceptation sont intervenues la veille; qu'il en découle que la banque n'était pas propriétaire de ces deux créances à la date des notifications et que par suite la société DUMEZ est fondée à soutenir que les notifications sont privées d'effet et les acceptations sans portée ;

Attendu, s'agissant de la cession portant sur 80'895,89 €, que la cédante a mentionné comme date de cession celle du 25 septembre 2009 figurant sur le bordereau, la notification n'étant intervenue qu'ultérieurement à une date à laquelle la banque était propriétaire de la créance, mais l'acceptation de la société DUMEZ étant antérieure ; qu'encore qu'aux termes de l'article L. 313 ' 29 du code monétaire financier l'acceptation ne puisse intervenir qu'à la demande du bénéficiaire du bordereau, il faut en déduire que la société DUMEZ, professionnelle parfaitement au fait des mécanismes de la cession, s'est engagée hors de toute sollicitation de la banque en parfaite connaissance d'une cession à intervenir; qu'en ne dénonçant pas son acceptation après la notification régulière de la cession elle a ainsi nécessairement confirmé son engagement et demeure tenue dans les termes du texte précité ; qu'en vain elle fait valoir que le marché se rapportant à la créance en cause prévoyait un paiement direct excluant qu'elle puisse être débitrice, ce paiement n'ayant, sur un total de 717'608,04 €, porté que sur 480'005,40 € HT et le règlement du surplus de 120'001,35 € HT, dont il n'est pas démontré qu'il n'englobe pas la créance cédée, lui ayant incombé ;

Attendu qu'à considérer que la société DUMEZ pourrait être tenue à paiement sur le fondement des situations acceptées et des actes d'acceptation de cession considérés de manière intrinsèque, elle serait néanmoins en droit d'opposer à la banque les exceptions tirées de ses relations avec sa sous-traitante ; qu'à cet égard elle démontre que postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de cette dernière elle a déclaré au passif dans des conditions dont la régularité n'est pas discutée trois créances se montant respectivement à 510'941,33 € TTC pour le chantier Hôtel Résidence, 288'612,4 pour le chantier îlot 30 logements, et 269'442,33 € pour le chantier îlot 13 ; qu'encore que la vérification des créances n'ait pas été effectuée les justificatifs joints, notamment des descriptifs techniques détaillés, des décomptes et des constats d'huissiers, rendent ces créances totalement crédibles ; que compte tenu de la compensation la banque ne pourrait en conséquence prétendre à paiement ;

Attendu qu'à la date à laquelle elle a accepté les cessions de créances irrégulières, la société DUMEZ ignorait nécessairement les irrégularités futures qui priveraient ses acceptations d'effet, résidant dans des notifications antérieures aux cessions; que, ces irrégularités incombant à la seule banque elle ne peut, en raison de ses acceptations hâtives, se voir imputer une faute qui l'obligerait à paiement sur le fondement des dispositions des articles L. 313 ' 23 et suivants du code monétaire et financier ni sur quelque autre fondement ;

Attendu que la cession de la créance de 18'378,42 € , sa notification et son acceptation, intervenues le même jour, sont parfaitement régulières ; que le jugement attaqué ne sera en conséquence réformé qu'en ce qu'il a rejeté la créance de 80'895,89 €; que, le jugement attaqué ayant été partiellement infirmé et tant l'argumentation de la banque que celle de la société DUMEZ ne recelant aucun abus, les demandes de dommages-intérêts respectives pour procédure abusive seront rejetées ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare les appels réguliers et recevables en la forme.

Au fond, confirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la banque tendant au paiement de la créance cédée de 80'895,89 € et, statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne la société DUMEZ à payer cette somme à la banque DELUBAC avec les intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2009.

Déboute les parties de leurs demandes de dommages-intérêts.

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les partage par moitié entre les parties.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/09397
Date de la décision : 16/01/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°12/09397 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-16;12.09397 ?
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