La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2014 | FRANCE | N°13/16906

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 06 février 2014, 13/16906


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 06 FEVRIER 2014

jlg

N° 2014/62













Rôle N° 13/16906







[T] [I] veuve [E]

[N] [E]





C/



[V] [Y]

[D] [P] épouse [Y]





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Philippe GONI



Me Julien DUMOLIE







Décision déférée

à la Cour :



Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 23 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 51/10/3.





APPELANTS



Madame [T] [I] veuve [E]

née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Philippe GONI, avocat au barreau de PARIS

...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 06 FEVRIER 2014

jlg

N° 2014/62

Rôle N° 13/16906

[T] [I] veuve [E]

[N] [E]

C/

[V] [Y]

[D] [P] épouse [Y]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Philippe GONI

Me Julien DUMOLIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de TARASCON en date du 23 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 51/10/3.

APPELANTS

Madame [T] [I] veuve [E]

née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe GONI, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [N] [E]

né le [Date naissance 1] 1950 [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Philippe GONI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [V] [Y]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [D] [P] épouse [Y]

née le [Date naissance 3] 1944 à [Localité 1] (ESPAGNE), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Février 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Février 2014,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, prétentions et moyens des parties :

Mme [D] [P] épouse [Y] est titulaire d'un bail à ferme portant sur un domaine connu sous le nom de [Adresse 3], cadastré à [Localité 2] section NV n° [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 1], [Cadastre 7], [Cadastre 5] pour 123ha 84a 13ca, ainsi que sur la moitié indivise d'un bâtiment à usage de séchage et de stockage de riz, cadastré section NV n° [Cadastre 4] et [Cadastre 6] pour 29a 90ca.

Selon une convention du 16 septembre 1996, ce bail a été mis à la disposition de l'EARL Yves Mandrolini dont les membres sont Mme [D] [Y] ainsi que ses trois filles Mme [Z] [Y], Mme [U] [Y] et Mme [H] [Y].

Le 9 août 2007, Mme [D] [Y] ainsi que son époux M. [V] [Y] qui avait la qualité de co-preneur avant de prendre sa retraite en 1996, ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon afin qu'il autorise la cession du bail à Mme [H] [Y].

Par jugement du 23 juin 2010, le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon a :

-autorisé Mme [Y] à céder le bail à sa fille Mme [H] [Y] épouse [Q],

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné M. [N] [E] et Mme [T] [I] veuve [E], bailleurs, à payer aux consorts [Y] la somme de 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [N] [E] et Mme [T] [I] veuve [E] aux dépens.

M. [N] [E] et Mme [T] [I] veuve [E] (les consorts [E]) ont interjeté appel de ce jugement le 6 juillet 2010.

Aux termes de leurs conclusions des 26 mai 2011, 26 octobre 2011 et 20 juin 2013, auxquelles il convient de se référer et qui ne font que reprendre les prétentions qu'ils ont développées oralement, les consort [E] demandent à la cour :

-de réformer le jugement entrepris,

-de rejeter la demande de Mme [Y] tendant à être autorisée à céder le bail à Mme [H] [Y],

-de débouter Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

-de la condamner à payer à chacun d'entre eux la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Ils font valoir en substance :

-que Mme [H] [Y] n'a pas l'expérience professionnelle définie par le paragraphe 2 de l'article R. 331-1 du code rural et de la pêche maritime,

-qu'elle ne justifie pas de garanties financières suffisantes car il est permis de s'interroger sur le devenir de l'EARL qui aura pour seuls associées les trois filles des époux [Y] lorsque ces derniers ne seront plus là,

-que Mme [Y] n'est pas de bonne foi dès lors que de son propre aveu elle souhaite prendre sa retraite depuis 2005 et ne se consacre plus de façon effective et permanente à l'exploitation du domaine de Broglie,

-que Mme [H] [Y] ne dispose pas d'une autorisation d'exploiter alors que par la cession projetée elle procède à un agrandissement de son exploitation personnelle,

-que contrairement à ses obligations légales elle ne les a pas informés de l'importance des terres qu'elle exploite par ailleurs,

-qu'en outre elle est salariée et actionnaire de la société propriétaire du « silo de Tourtoulen » et qu'elle se trouve dans une situation de pluriactivité incompatible avec l'obligation d'exploiter personnellement au sein de l'EARL,

-que ni l'EARL Yves Mandrolini ni Mme [H] [Y] ne justifient d'une autorisation administrative d'exploiter.

Aux termes de leurs conclusions des 30 mai 2011, 9 juin 2011, 28 octobre 2011 et 5 décembre 2013 auxquelles il convient de se référer et qui ne font que reprendre les prétentions qu'ils ont développées oralement, Mme [Y] et M. [Y] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré.

Mme [Y] demande en outre la condamnation des consorts [E] à lui payer la somme de 80 534,84 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, ainsi que celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour justifier sa demande de dommages et intérêts Mme [Y] expose :

-que le 25 juin 2004, Mme [M] [E], depuis lors décédée, lui a délivré un congé tant sur le fondement de l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime que sur celui de l'article L. 411-64,

-qu'elle a contesté ce congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon et a formé une demande de cession du bail au profit de sa fille,

-qu'à la suite de cette demande, la bailleresse a renoncé au congé délivré sur le fondement de l'article L. 411-64, ce dont le tribunal lui a donné acte par jugement du 12 avril 2006 aux termes duquel il a toutefois considéré qu'en l'absence de lien suffisant avec la demande dont il restait saisi, la demande de cession du bail n'était pas recevable,

-qu'en définitive, la cour administrative d'appel de Marseille ayant rejeté le recours de M. [N] [E] contre la décision du préfet ne l'ayant pas autorisé à exploiter, les consorts [E] ont renoncé à se prévaloir du congé pour reprise, ce dont le tribunal paritaire des baux ruraux leur a donné acte par jugement du 6 avril 2011,

-qu'ainsi, alors qu'elle aurait pu prendre sa retraite dans l'année 2005, elle a été obligée de payer des cotisations et n'a pas perçu de retraite de 2005 à 2010.

Motifs de la décision :

Selon l'article R. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° de l'article L. 331-2 le candidat à l'installation, à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitation agricoles qui justifie, à la date de l'opération :

1° Soit de la possession d'un diplôme ou certificat d'un niveau reconnu équivalent au brevet d'études professionnelles agricoles (BEPA) ou au brevet professionnel agricole (BPA) ;

2° Soit de cinq ans minimum d'expérience professionnelle acquise sur une surface au moins égale à la moitié de l'unité de référence définie à l'article L. 312-5, en qualité d'exploitant, d'aide familial, d'associé d'exploitation, de salarié agricole ou de collaborateur d'exploitation au sens de l'article L. 321-5. La durée d'expérience doit avoir été acquise au cours des quinze années précédant la date effective de l'opération en cause.

Il résulte des pièces produites par Mme [Y], que Mme [H] [Y] a été inscrite à la MSA en qualité d'aide familiale majeure du 25 août 1985 au 31 décembre 1989 (pièce n° 5), a bénéficié du régime des salariés agricoles du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991 en tant que salariée de M. [V] [Y], et du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1995 en tant que salariée de M. [V] [Y] et simultanément de la SICA Silo de Tourtoulen (pièce n° 4), est inscrite à la MSA en tant qu'exploitante agricole membre de l'EARL Yves Mandrolini depuis le 1er janvier 1996 (pièces n° 5 et 59), et est en outre titulaire d'un brevet d'études professionnelles agricoles qu'elle a obtenu en 1986. Mme [H] [Y] satisfait donc aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° de l'article L. 331-2.

Les bailleurs n'établissent pas que Mme [Y] ait manqué à ses obligations nées du bail et le fait qu'elle ait déclaré souhaiter prendre sa retraite n'est pas de nature à la constituer de mauvaise et à la priver de la faculté de céder le bail.

Il est par ailleurs établi par la pièce n° 38 produite par Mme [Y], que l'EARL Yves Mandrolini qui exploite les parcelles litigieuses depuis 1996 et qui continuera de les exploiter si la cession projetée est autorisée, dispose de tout le matériel nécessaire, et le fait que les membres de cette EARL sont des femmes ne permet pas d'en déduire quoi que ce soit quant à son avenir. Ainsi, la cession du bail à Mme [H] [Y], qui est membre de l'EARL Yves Mandrolini, ne risque pas de nuire aux intérêts légitimes des bailleurs, sous réserve toutefois qu'elle renonce à toute activité salariée puisqu'elle reconnaît exercer actuellement une activité salariée à hauteur de 80 heures par mois au sein de la SA Silo de Touboulen dans l'attente de la cession du bail.

Mme [Y] produit une lettre en date du 19 juillet 2012 (pièce n° 58) par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a, en premier lieu, accusé réception de la demande d'autorisation d'exploiter formée par l'EARL Yves Mandrolini pour 256ha 06a 25ca comprenant les parcelles litigieuses, et en deuxième lieu, informé cette dernière, d'une part, que le dossier déposé était complet, qu'il avait été enregistré le 19 juin 2012 sous le n° 2011-46, que cette date constituait le point de départ du délai de quatre mois, susceptible d'être prolongé à six mois, dont dispose le préfet pour statuer sur sa demande, d'autre part, que si une décision ne lui avait pas été notifiée dans ce délai, elle bénéficierait alors d'une autorisation implicite conformément à l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime.

Mme [Y] expose que le préfet n'a pris aucune décision dans le délai prévu par l'article R. 336-1, et les bailleurs ne rapportent pas la preuve contraire. L'EARL Yves Mandrolini bénéficie donc d'une autorisation tacite d'exploiter.

Mme [H] [Y] étant déjà membre de l'EARL Yves Mandrolini, bénéficiaire de la mise à disposition des biens loués, la cession projetée ne constitue ni une installation, ni un agrandissement, ni une réunion d'exploitations au profit d'une exploitation dont l'un des membres, ayant la qualité d'exploitant, a atteint l'âge requis pour bénéficier d'un avantage de vieillesse agricole. Elle n'est donc pas tenue d'être personnellement titulaire d'une autorisation d'exploiter.

De surcroît, l'autorisation dont bénéficie l'EARL Yves Mandrolini dispense Mme [H] [Y] d'obtenir elle-même cette autorisation dès lors qu'elle est membre de cette EARL.

C'est donc par une exacte appréciation que le premier juge a autorisé Mme [Y] à céder son bail à sa fille Mme [H] [Y], mais cette autorisation sera subordonnée à l'abandon par cette dernière de son activité salariée.

La demande de dommages et intérêts formée par Mme [Y] constitue une demande reconventionnelle recevable devant la cour en application de l'article 567 du code de procédure civile.

La mauvaise foi ou l'intention de nuire des consorts [E] n'étant pas établies, ces derniers n'ont commis aucune faute dans l'exercice de leur droit de résister à la demande de Mme [Y] qui sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Par ces motifs :

Confirme le jugement déféré mais subordonne l'autorisation à l'abandon par Mme [H] [Y] de toute activité salariée ;

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts formée par Mme [Y] à encontre des bailleurs ;

Déboute Mme [Y] de cette demande ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [N] [E] et Mme [T] [I] veuve [E], in solidum, à payer la somme de 2 500 euros à Mme [Y];

Condamne M. [N] [E] et Mme [T] [I] veuve [E] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/16906
Date de la décision : 06/02/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°13/16906 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-06;13.16906 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award