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20/05/2022 | FRANCE | N°18/18130

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 20 mai 2022, 18/18130


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022



N° 2022/ 165













Rôle N° RG 18/18130 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLE6







[W] [T]





C/



SAS BASTIDE BONNETIERES





















Copie exécutoire délivrée

le : 20/05/2022

à :



Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-E

N-PROVENCE



Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 05 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00534.





APPELANTE



Madame [...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022

N° 2022/ 165

Rôle N° RG 18/18130 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLE6

[W] [T]

C/

SAS BASTIDE BONNETIERES

Copie exécutoire délivrée

le : 20/05/2022

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 05 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00534.

APPELANTE

Madame [W] [T], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS BASTIDE BONNETIERES, [Adresse 2]

représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Céline ORENGO, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été appelée le 1er Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Philippe SILVAN, Président, a été chargé du rapport.

La Cour était composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022,

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon contrat à durée indéterminée du 17 mai 2016, Mme [T] a été recrutée par la SAS Bastides Bonnetières en qualité de directrice. Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 11 avril 2017.

Le 27 juillet 2017, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Toulon d'une demande tendant principalement à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail, à titre de prime semestrielle pour le mois de juin 2017 et en rappel sur heures supplémentaires.

Le 30 octobre 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [T] inapte à tous les postes de travail dans l'entreprise.

Par jugement du 5 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Toulon l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer à la SAS Bastides Bonnetières la somme de 500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [T] a fait appel de ce jugement le 16 novembre 2018.

Le 21 décembre 2018, Mme [T] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Au terme de ses conclusions du 13 février 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, Mme [T] demande de':

''d'infirmer le jugement rendu le 5 novembre 2018 par le conseil de prud'hommes de Toulon en ce qu'il a':

-dit et jugé que la la SAS Bastides Bonnetières n'a commis aucun manquement grave';

-dit et jugé qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur';

-l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

-l'a condamnée au paiement de la somme de 500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Et statuant à nouveau':

''dire et juger que la SAS Bastides Bonnetières a commis des fautes graves en refusant de lui payer des primes d'astreintes, des heures supplémentaires, des primes semestrielles, en remettant en cause ses compétences professionnelles ainsi que la prise en charge de certains frais professionnels';

''dire et juger que ces faits justifient la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du 21 décembre 2018';

''dire et juger que cette résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 12'819,96'€ au titre de la prime d'astreinte';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 600'€ au titre de la prime semestrielle du mois de juin 2017';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 600'€ au titre de la prime semestrielle du mois de novembre 2017';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 300'€ au titre de la prime semestrielle du mois de juin 2018';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 600'€ au titre de la prime semestrielle du mois de juin 2018';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 2'600'€ au titre de la prime annuelle 2017';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 1'170,15'€ au titre des heures supplémentaires';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 117'€ au titre des congés payés y afférents';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 12'290,61'€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 1'229'€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 14.707,69'€ au titre de l'indemnité de licenciement';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 24'581,22'€ au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 24'581,22'€ au titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 5'000'€ au titre de dommages-intérêts';

''ordonner la remise de documents sociaux (certificat de travail, attestation Pôle emploi et bulletins de salaire) conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 100'€ par jour de retard';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières à lui payer la somme de 2'500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

''condamner la SAS Bastides Bonnetières aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen-Guedj-Montero-Daval Guedj, avocats associés près la cour d'appel d'Aix en Provence qui en ont fait l'avance.

A l'issue de ses conclusions du 7 mai 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS Bastides Bonnetières demande de':

''confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon en ce qu'il a';

- dit et jugé qu'elle n'avait commis aucun manquement grave';

- dit et jugé qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T]';

- débouté Mme [T] de ses demandes';

- condamné Mme [T] au paiement de la somme de 500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- laissé à chacune des parties la charge de leurs dépens';

en conséquence';

''dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement grave';

''dire et juger qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur';

en conséquence';

''dire et juger le bien fondé et la validité de la procédure de licenciement pour inaptitude de Mme [T]';

en conséquence';

''débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

''condamner Mme [T] au paiement de la somme de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 février 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE':

sur la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T] et les demandes indemnitaires connexes de Mme [T]':

moyens des parties':

Mme [T] soutient qu'elle est fondée à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

A l'appui de cette demande, elle invoque divers manquements de la SAS Bastides Bonnetières caractérisés par le refus de lui attribuer une prime trimestrielle prévue par un accord d'entreprise au motif qu'elle aurait dans l'entreprise une ancienneté inférieure à deux ans alors qu'elle a été recrutée par la SAS Bastides Bonnetières avec une reprise d'ancienneté à mai 2012, le non-paiement des périodes d'astreinte réalisées, le non-paiement des heures supplémentaires réalisées pour le compte de son employeur, des faits de travail dissimulé puisqu'elle a réalisé une prestation de travail pour le compte d'une résidence autonomie, exploitée par la SAS Bastides Bonnetières, sans que son contrat de travail ne mentionne ces tâches ainsi que la remise en cause de ses compétences professionnelles et des accusations de détournement de fonds portant sur le paiement de ses frais professionnelles et l'octroi, indû selon l'employeur, des primes semestrielles.

Elle expose que les critiques et reproches de son employeur ont entraîné la dégradation de son état de santé.

Elle fait valoir que, sur la base d'un salaire de 4'094,87'€ et de son ancienneté, elle est fondée à solliciter la somme de 24'581,22'€ à titre de dommages et intérêts et de 12'290,61'€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.

Enfin, elle estime son indemnité de licenciement à 16.060,62'€ et expose que, compte tenu des paiements effectués par la SAS Bastides Bonnetières, il subsiste un solde en sa faveur de 14.707,69'€.

La SAS Bastides Bonnetières conteste les griefs invoqués à son encontre par Mme [T] aux motifs que l'existence de désaccords entre l'employeur et la salariée n'est pas caractéristique d'un manquement du premier et qu'elle a échangé de manière normale avec Mme [T] afin d'identifier son évolution dans la structure, d'améliorer les conditions de travail de celle-ci, mais aussi afin de comprendre ses attentes pour sa hiérarchie, qu'elle était fondée à remettre en cause le paiement de la prime semestrielle au profit de Mme [T] puisque l'accord relatif à la mise en 'uvre de cette prime subordonnait son paiement à une ancienneté dans l'entreprise de deux ans, que l'organisation de l'entreprise ne prévoyait pas que Mme [T] devait réaliser des astreintes, que Mme [T] ne justifie pas que les heures supplémentaires qu'elle invoque ont été accomplies à la demande de l'employeur, que le foyer autonomie invoqué par son ex-salariée est rattaché à la société de sorte qu'il n'y a jamais eu de travail dissimulé, que les absences pour formation de Mme [T] ont entraîné une surcharge de travail chez son assistante de direction conduisant à son épuisement moral et intellectuel, que face à des difficultés professionnelles de Mme [T] et des souffrances exprimées par des salariées, il était légitime que l'employeur intervienne et qu'il était fondé à refuser de rembourser les frais engagés par Mme [T] entre son domicile et son lieu de travail.

Elle expose en outre que les pièces médicales produites aux débats par Mme [T] ne permettent pas d'établir un lien de causalité entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail.

La SAS Bastides Bonnetières indique que le médecin du travail a estimé que l'inaptitude de Mme [T] était d'origine non-professionnelle, que son licenciement est donc bien fondé et que la notification du licenciement de Mme [T] entraine de facto l'irrecevabilité de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur puisque la rupture de son contrat est déjà consommée.

Elle s'oppose à la demande de Mme [T] en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé aux motifs qu'elle n'a pas réalisé d'heures supplémentaires pour le compte de son employeur et que l'élément intentionnel de son employeur de se soustraire à ses obligations n'est pas établi.

Concernant les dommages et intérêts réclamés par Mme [T], elle soutient que compte tenu de sa reprise d'ancienneté, elle ne peut se prévaloir que d'une ancienneté de 5 années complètes et ne peut prétendre, en application de l'article L.'1235-3 du code du travail, qu'à une indemnité comprise entre un minimum de 3 mois et un maximum de 6 mois de salaire et que faute pour Mme [T] de justifier de son préjudice, il conviendra de la débouter de ses demandes ou, à tout le moins, de fixer son indemnisation à 3 mois de salaire.

Elle affirme que Mme [T], licenciée pour inaptitude, ne peut prétendre à un préavis ou, à tout le moins, que le montant de l'indemnité compensatrice de préavis devra être fixé à 12'290,61'€, outre 1'229'€ au titre des congés payés afférents.

Enfin, la SAS Bastides Bonnetières remet en cause le salaire de référence retenu par Mme [T] pour calculer son indemnité de licenciement et soutient que, sur la base d'un salaire de référence de 3'945,70'€, son ex-salariée pouvait prétendre à une indemnité de licenciement de 16'060,62'€, laquelle lui a déjà été versée dans le cadre de son licenciement.

Réponse de la cour':

Il est de jurisprudence constante que le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement grave de l'employeur à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il est de principe que, conformément à la règle dite rupture sur rupture ne vaut, un salarié ne peut former une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail après la rupture de ce dernier. Cependant, lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et est licencié ultérieurement, le juge, s'il estime la demande de résiliation judiciaire justifiée, fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

En conséquence, la SAS Bastides Bonnetières ne peut se prévaloir du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement prononcé à l'égard de Mme [T] le 21 décembre 2018 pour s'opposer à sa demande en résiliation judiciaire puisque la rupture du contrat de travail est postérieure à cette prétention.

Sur les primes semestrielles':

Il ressort du procès-verbal de la réunion de renégociation annuelle du 28 mai 2013 qu'il avait été convenu que la prime était acquise au bénéfice des salariés qui présentaient deux ans d'ancienneté (inscrite sur le bulletin de paie).

Mme [T] a été recrutée par la SAS Bastides Bonnetières le 17 mai 2016, il est exact que ses bulletins de paie font état d'une ancienneté au 1er mai 2012. Cependant, Il ne résulte ni de son contrat de travail ni des autres éléments de preuve produits aux débats qu'il avait été convenu, lors de son embauche le 17 mai 2016, de faire rétroagir son ancienneté à une date antérieure. En conséquence, Mme [T] ne peut se prévaloir du caractère indicatif de la mention figurant sur ses bulletins de paie pour prétendre que son ancienneté lui permettait de bénéficier de la prime d'ancienneté. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande en rappel de salaire de ce chef.

sur les astreintes':

Le salarié, tenu d'être disponible un certain nombre de jours par mois pour pouvoir être joint afin de répondre à une éventuelle demande d'intervention immédiate au service de l'entreprise, est contractuellement soumis à des astreintes.

Le contrat de travail signé par Mme [T] ne prévoit pas que celle-ci serait tenue à un service d'astreinte. Par ailleurs la circonstance que Mme [T], dans le cadre d'un contrat de travail avec une autre société appartenant au même groupe que la SAS Bastides Bonnetières, a réalisé un service d'astreinte ne suffit pas, compte tenu de l'indépendance juridique entre ces deux sociétés, à démontrer qu'elle était tenue à une telle obligation au sein de la SAS Bastides Bonnetières. Enfin, s'il ressort des témoignages versés aux débats par Mme [T] qu'elle a été amenée à intervenir à plusieurs reprises, en dehors de ses heures de travail, pour régler des difficultés techniques, des problèmes de fugue ou de décès de résidents, intervenir en raison d'un cambriolage ou d'une agression. Il n'en résulte pas qu'elle était tenue d'être disponible pour intervenir au profit de son employeur dans le cadre d'un service d'astreinte. Dès lors, Mme [T] ne peut prétendre à la condamnation de son ex employeur à lui payer un rappel au titre d'un service d'astreinte. Elle sera déboutée de sa demande en paiement de ce chef.

Sur les heures supplémentaires':

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des'heures'de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre'd'heures'de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence'd'heures'supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [T] produit au débat un tableau récapitulant, pour la période du 26 septembre 2016 au 11 avril 2017, ses heures de prise et de fin de service, précisant parfois la durée de la pause méridienne, et indiquant le nombre d'heures supplémentaires réclamées.

Ce faisant, Mme [T] présente des éléments suffisamment précis quant aux'heures'non rémunérées dont le paiement est réclamé permettant à son ex-employeur, chargé d'assurer le contrôle des'heures'de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Ce tableau est étayé par la production à l'instance des témoignages de Mmes [R], [V] et [M], respectivement ancienne ASH, médecin généraliste et agent polyvalent de restauration, et qui témoignent':

''pour la première que Mme [T] était souvent présente le matin entre 8h30 et 9h, qu'elle passait régulièrement lors de la prise des repas de midi entre 12heures et 14h et qu'elle était présente le soir vers 18 heures voire parfois plus tard,

''pour la seconde': que les réunions étaient programmées le matin à 9h, que Mme [T] était présente et à l'heure et qu'elle était toujours présente à 17h30 lorsqu'elle quittait l'établissement,

''pour la troisième': que Mme [T] était souvent présente dans son bureau entre 12 heures et 14 heures et parfois jusqu'à 19 heures.

En réponse, la SAS Bastides Bonnetières, chargée d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées par sa salariée, ne produit aux débats aucun élément de preuve suffisamment pertinent de nature à remettre en cause le tableau et les témoignages précités. Il sera par conséquent fait droit à la demande en rappel de salaire et congés payés afférents formée par Mme [T].

sur le travail dissimulé':

L'article L'8221-5 du code du travail énonce qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur':

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche';

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie';

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L'8223-1 du même code prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L'8223-1, de la volonté chez l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement.

Il n'est pas contesté que l'établissement secondaire au sein duquel Mme [T] est intervenue appartenait à la SAS Bastides Bonnetières. Dès lors, Mme [T], qui est intervenue au sein de l'entreprise, peu important que son contrat de travail n'ait pas mentionné une telle possibilité, ne peut soutenir qu'elle a été victime de faits de travail dissimulé de ce chef. Par ailleurs, le montant des heures supplémentaires précitées ne permet pas de caractériser la volonté de la SAS Bastides Bonnetières de se soustraire à ses obligations. La demande d'indemnité formée par Mme [T] à ce titre sera en conséquence rejetée.

sur le surplus des griefs':

Mme [T] produit à l'instance le témoignage de Mme [O], stagiaire assistante ressources humaines au sein de la SAS Bastides Bonnetières entre le 20 mars et le 14 avril 2017, et qui relate que le 7 avril 2017, entre 16 heures et jusqu'à 18 heures elle a entendu la directrice opérationnelle de l'entreprise reprocher à Mme [T] la démission de sa collaboratrice médecin coordinateur, L'arrêt maladie de son assistante, la trahison de toute son équipe ainsi qu'un refus de se remettre en cause concernant son management.

En réponse, la SAS Bastides Bonnetières verse aux débats le témoignage de l'ancienne assistante de direction de Mme [T] qui explique qu'en raison du manque de disponibilité de cette dernière elle a été rarement épaulée dans son travail et a dû au contraire assumer une partie des charges de Mme [T] entraînant ainsi son épuisement moral et intellectuel et un arrêt maladie. Elle produit en outre le témoignage du directeur qualité indiquant avoir été alerté en mars 2017 par la médecine coordinatrice d'établissement qui ne se sentait pas soutenue par la direction, qu'elle se trouvait dans une impasse et que d'autres membres de l'équipe rencontraient la même difficulté et que ce médecin avait présenté sa démission.

Il en ressort en conséquence que la hiérarchie de Mme [T] était fondée à évoquer ces difficultés avec cette dernière. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes du témoignage de Mme [O] que l'entretien du 7 avril 2017 s'est déroulé dans des conditions anormales. Dès lors ce grief ne peut être invoqué à l'appui de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T].

Les courriers échangés entre la SAS Bastides Bonnetières et Mme [T] le 24 mai 2017 et le 13 juillet 2017 ne permettent pas de se convaincre que l'employeur a indûment refusé de prendre en charge des frais de déplacement de nature professionnelle engagés par Mme [T] pour se rendre depuis son domicile à un rendez-vous de nature professionnelle extérieur à l'entreprise. La preuve de la réalité de ce grief n'est donc pas rapportée.

Il ressort de ce qui précède que ne peut être retenu à l'égard de la SAS Bastides Bonnetières que le non-paiement au profit de son ex salariée des heures supplémentaires réalisées pour un montant de 1'170,15'€, outre les congés payés afférents.

Mme [T] a été placée en arrêt de travail à compter du 11 avril 2017 en raison d'un état anxiodépressif lié à un conflit au travail. Cet arrêt travail a été prorogé par la suite à raison d'un burnout.

Les pièces médicales produites à l'instance ne permettent pas de se convaincre que la dégradation de l'état de santé de Mme [T] trouve sa cause dans le non-paiement des heures supplémentaires précitées. Par ailleurs, le montant des sommes en jeu ne permet pas de caractériser chez la SAS Bastides Bonnetières un manquement suffisamment grave de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [T]. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.

Sur le surplus des demandes':

Il a été partiellement fait droit aux demandes de Mme [T]. La SAS Bastides Bonnetières, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande de titre de ses frais irrépétibles, devra lui payer la somme de 1'500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DECLARE Mme [T] recevable en son appel';

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Toulon du 5 novembre 2018 en ce qu'il a débouté Mme [T] De sa demande rappel sur heures supplémentaires et congés payés afférents et l'a condamnée aux dépens';

LE CONFIRME pour le surplus';

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation et y ajoutant';

CONDAMNE la SAS Bastides Bonnetières à payer Mme [T] les sommes suivantes':

- 1'170,15'€ au titre des heures supplémentaires';

- 117'€ au titre des congés payés y afférents';

- 1'500'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

ORDONNE la remise par la SAS Bastides Bonnetières à Mme [T] des documents de fin de contrat conforme aux condamnations qui précèdent (certificat de travail, attestation Pôle emploi et bulletins de salaire) et ce dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 100'€ par jour de retard à l'expiration de ce délai';

SE RESERVE la liquidation de l'astreinte';

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes';

CONDAMNE la SAS Bastides Bonnetières aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 18/18130
Date de la décision : 20/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-20;18.18130 ?
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