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19/04/2024 | FRANCE | N°20/04213

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 19 avril 2024, 20/04213


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024



N° 2024/ 150













Rôle N° RG 20/04213 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFY2I







[I] [Y]





C/



S.A.R.L. PATES LANZA

























Copie exécutoire délivrée

le :19/04/2024

à :



Me Olivier LEROY, avocat au barreau de TOULON



Me Delphine

CO, avocat au barreau de MARSEILLE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 14 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/01327.





APPELANTE



Madame [I] [Y], demeurant [Adresse 2]

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 19 AVRIL 2024

N° 2024/ 150

Rôle N° RG 20/04213 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFY2I

[I] [Y]

C/

S.A.R.L. PATES LANZA

Copie exécutoire délivrée

le :19/04/2024

à :

Me Olivier LEROY, avocat au barreau de TOULON

Me Delphine CO, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 14 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 18/01327.

APPELANTE

Madame [I] [Y], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Olivier LEROY, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

S.A.R.L. PATES LANZA, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Delphine CO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Avril 2024

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

'

La société Pâtes Lanza est une entreprise spécialisée dans la fabrication et la vente de pâtes alimentaires.

'

Mme [I] [Y] a été embauchée par la société Pâtes Lanza par contrat à durée indéterminée en date du 27 juin 2016 en qualité de secrétaire, coefficient 140.

'

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des pâtes alimentaires sèches et du couscous non préparé du 3 juillet 1997.

'

Mme [Y] a été placée en arrêt de travail du 29 septembre 2017 jusqu'au 10 avril 2018.

'

Par lettre du 2 mai 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

'

Par lettre en date du 17 mai 2018, elle a été licenciée pour faute grave.

'

Mme [Y] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 13 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Toulon pour contester son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

'

Par requête réceptionnée au greffe le 19 décembre 2018, Mme [Y], contestant son coefficient d'embauche à l'éche1on 140, a saisi la formation de référé du conseil des prud'hommes pour solliciter un rappel de salaire et des dommages et intérêts pour préjudice financier.

'

Par ordonnance du 2 mai 2019, la formation de référé a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties à saisir les juges du fond pour trancher le litige.

'

Par jugement du 14 février 2020, notifié le 4 mars 2020 le conseil de prud'hommes de Toulon a ainsi statué':

'

- reconnaît le licenciement pour faute grave,

- ordonne la réévaluation à 185 du coefficient applicable de la qualité de secrétaire à Mme [Y],

- condamne la SARL Pâtes Lanza à payer Mme [Y] les sommes suivantes :

- un rappel de salaire pour la période du 27 juin 20l6 à septembre 2017 la somme de 1'019,2l euros, et 101,92 au titre de congés payés afférent au rappel de salaire,

- ordonne la remise des documents de salaires et attestation Pôle Emploi rectifiés,

- déboute Mme [Y] de ses autres demandes,

- déboute la SARL Pâtes Lanza de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Pates Lanza aux entiers dépens.

'

Par déclaration du 20 mars 2020 notifiée par voie électronique, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement.

'

PRÉTENTIONS ET MOYENS

'

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 20 décembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Mme [I] [Y], appelant, demande à la cour de :

'

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon en ce qu'il a':

- ordonné la réévaluation à 185 du coefficient applicable de la qualité de secrétaire,

- condamné la SARL Pâtes Lanza à lui verser la somme de 1'019,21euros au titre de rappel de salaire pour la période du 27 juin 2016 à septembre 2017 outre la somme de 101,92 euros au titre des congés payés y afférents,

'

en tout état de cause, infirmer le jugement sur le quantum des condamnations et statuant à nouveau :

- condamner la SARL Pâtes Lanza à lui verser la somme de 942,67 euros au titre de rappel de salaire pour la période du 27 juin 2016 à septembre 2017 outre la somme de 94,27euros au titre des congés payés y afférents,

'

pour le surplus,

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulon en ce qu'il a :

- reconnu le licenciement pour faute grave,

- l'a déboutée de ses demandes relatives au rappel de complément de salaire

- l'a débouté de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et des conséquences financières y afférentes,

'

statuant à nouveau,

- juger l'ensemble de ses demandes fondées et justifiées,

- condamner la SARL Pâtes Lanza à lui les sommes de':

- 296,51 euros à titre de rappel de compléments de salaires du 30 septembre 2017 au 10 avril 2018,

- 1'000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

- 1'556,13 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

- constater l'absence de faute grave,

- condamner la SARL Pâtes Lanza à lui verser les sommes de':

- 1'908,15 euros à titre de rappel de salaires du 11 avril 2018 au 17 mai 2018,

- 190,81euros à titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaires du 11 avril 2018 au 17 mai 2018,

- 5'446,45 euros à titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1'556,13euros à titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 155,61 euros à titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 745,64 euros à titre de l'indemnité légale de licenciement,

'

en tout état de cause,

- condamner la SARL Pâtes Lanza à lui verser la somme de 2'000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Leroy, avocat au Barreau de Toulon.

'

A l'appui de son recours, l'appelante fait valoir en substance que :

'

- elle exerçait un emploi de secrétaire et de comptable et aurait dû bénéficier d'un coefficient hiérarchique de 185 en application des dispositions de la convention collective nationale des pâtes alimentaires';

- les agissements de l'employeur lui ont causé un préjudice financier incontestable dans la mesure où elle n'a pu jouir des sommes qui lui étaient dues';

- la société a manqué à son obligation de sécurité de résultat en n'organisant pas la visite de reprise après son arrêt maladie mettant fin à la suspension du contrat de travail';

- le licenciement pour faute grave pour abandon de poste est injustifié en ce que le contrat de travail était suspendu en l'absence d'organisation d'une visite de reprise.

'

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 31 juillet 2020 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société Pâtes Lanza, relevant appel incident, demande à la cour de :

'

- l'accueillir dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

'

I. sur le rappel de salaire

à titre principal,

- constater que la classification hiérarchique au coefficient 140 correspond aux fonctions de Mme [Y],

- infirmer par conséquent le jugement intervenu en ce que le juge de première instance a requalifié le coefficient hiérarchique applicable à Mme [Y] et l'a condamnée au paiement de la somme de 1'019,21 euros au titre de rappel de salaire pour la période de juin 2016 à septembre 2017, outre les congés payés y afférents,

- débouter Mme [Y] de ses demandes de rappel de salaire à ce titre,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de céans venait à retenir l'application du coefficient 185, elle réformera le quantum des condamnations intervenues et limitera sa condamnation au montant suivant':

- 942,67 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 au 29 septembre 2017,

- outre 94,27 euros au titre des congés y afférents,

'

en tout état de cause,

- débouter Mme [Y] de sa demande de paiement au titre du complément de salaire pour la période du 30 septembre 2017 au 10 avril 2018,

'

II. sur le préjudice financier,

- constater l'absence de préjudice financier,

- débouter par conséquent Mme [Y] de ses demandes indemnitaires à ce titre,

'

III. sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de résultat,

- constater l'absence de manquement à l'obligation de sécurité de résultats,

- constater l'absence de préjudice causé à Mme [Y],

- débouter par conséquent Mme [Y] de sa demande indemnitaire à ce titre,

'

IV. sur la demande de paiement de salaire pour la période du 11 avril 2018 au 17 mai 2018,

- constater l'absence de travail fourni par Mme [Y] entre le 11 avril 2018 et le 17 mai 2018,

- constater le refus de se tenir à la disposition de l'employeur par la salariée au cours de la période du 11 avril 2018 et le 17 mai 2018,

- débouter par conséquent Mme [Y] de sa demande de paiement de salaire pour la période du 11 avril au 17 mai 2018,

'

'V. sur le licenciement de Mme [Y],

'- à titre principal': sur la légitimité du licenciement pour faute grave de Mme [Y],

- constater la gravité des griefs reprochées à Mme [Y],

- dire et juger par conséquent que le licenciement intervenu est justifié par une faute grave,

- débouter Mme [Y] de ses demandes de paiement des indemnités suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents,

- indemnité de licenciement,

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire': si par extraordinaire, la Cour de céans venait à requalifier le licenciement intervenu et écarter la faute grave, il limitera le quantum des condamnations,

- constater les manquements de Mme [Y],

- constater l'ancienneté de Mme [Y] est de 1 an et 4 mois au jour de notification de son licenciement,

- dire et juger par conséquent que le licenciement intervenu est justifié par une cause réelle et sérieuse,

- limiter toute éventuelle condamnation aux dispositions légales en vigueur,

'

VI. sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 2'000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

'

L'intimée expose en substance que :

'

- la salariée ne démontre pas qu'elle remplissait des fonctions de secrétaire comptable';

- le conseil de prud'hommes a outrepassé ses pouvoirs en la condamnant au paiement de la somme de 1'019,21 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 27 juin 2016 à septembre 2017 alors que la salariée sollicitait 942,67 euros (outre les congés y afférents) pour la période de juin 2016 à mai 2018 (soit 23 mois)';

- Mme [Y], qui ne justifie pas avoir procédé à une régularisation auprès des organismes sociaux pour faire revaloriser le montant de ses indemnités journalières, est particulièrement mal venue à solliciter un rappel de complément de salaire de la part de l'employeur';

- l'appelante ne verse aux débats aucun élément permettant de connaître ou encore de quantifier le préjudice financier dont elle entend obtenir réparation';

- s'agissant du manquement à l'obligation de sécurité, l'employeur est tenu d'organiser une visite médicale de reprise seulement si le salarié se tient effectivement à sa disposition, ce qui n'était pas le cas de Mme [Y]';

- le licenciement pour faute grave est justifié en ce que Mme [Y] ne s'est pas tenue à la disposition de l'employeur pour reprendre son poste de travail à compter du 11 avril 2018, et a cessé de justifier de ses absences';

'

Une ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2024, renvoyant la cause et les parties à l'audience des plaidoiries du 27 février suivant.

'

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

'

'

MOTIFS DE LA DECISION

'

Sur l'exécution du contrat de travail :

'

Sur le rappel de salaires de juin 2016 à mai 2018':

'

La qualification professionnelle du salarié qui doit être précisée dans le contrat de travail est déterminée en référence à la classification fixée par la convention collective applicable dans l'entreprise.

'

En cas de litige, il appartient au juge d'apprécier les fonctions réellement exercées par le salarié.

'

En cas de sous-classement, le salarié doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond. Il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel afférent à ce coefficient.

'

Au soutien de sa demande Mme [Y] fait valoir qu'elle effectuait, outre des tâches de secrétaire, des missions comptables et aurait dû bénéficier du coefficient de l'emploi de secrétaire et de comptable, soit le coefficient 185. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le coefficient 185 est le niveau minimum de la convention collective pour les emplois de secrétaire et/ou de comptable.

'

Elle produit les pièces suivantes':

'

- un courriel du 19 avril 2017 de Mme [B], co-gérante, demandant à Mme [Y] de reprendre un travail et indiquant notamment': «'L'expert comptable attend vos rectificatifs pour hier, ils n'ont pas été effectués'», «'vous êtes en retard sur des dossiers simples comme la saisie de comptabilité »';

'

- une attestation de formation du 22 mai 2017 au 19 juin 2017 effectuée par Mme [Y] pour la société Pates Lanza intitulée « EBP Comptabilité Perfectionnement » d'une durée de 14 heures';

'

- le contrat à durée indéterminée à compter du 18 avril 2018 de Mme [F] en qualité de secrétaire, coefficient 140, conclu pour «'un remplacement d'un salarié absent depuis le 29 septembre 2017'» pour effectuer notamment les tâches suivantes':'«'Répondre au téléphone, prendre les commandes, effectuer les ramasses transport et saisie compta et gestion commerciale'»';

'

- un diplôme de brevet d'études professionnelles, «'Métiers des services administratifs'», délivré le 7 juillet 2014 et un diplôme de baccalauréat professionnels, spécialité «'Gestion ' Administration'», délivré le 8 octobre 2015.

'

La société Pâtes Lanza rétorque que la salariée ne démontre pas qu'elle remplissait les fonctions afférentes au coefficient 185. Elle souligne que Mme [Y] effectuait uniquement des saisies d'informations par voie informatique et aucune tâche de traitement comptable.

'

La convention collective applicable donne des exemples de cotations de postes en fonction de différents critères (connaissances, technicité-complexité, initiative-autonomie, animation-encadrement, communication) et propose pour les postes de secrétaire de service et de comptable 1er le coefficient de 185.

'

En l'état de ces éléments, Mme [Y] justifie que ses attributions relevaient du coefficient 185 de la convention applicable.

'

Le jugement déféré est confirmé sur le principe de la reclassification mais réformé s'agissant du quantum octroyé, le conseil de prud'hommes ayant statué ultra petita.

'

La société Pâtes Lanza est en conséquence condamnée à payer à Mme [Y] la somme de 942,67 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 à mai 2018, outre 94,27 euros au titre des congés payés afférents.

'

Sur le rappel de complément de salaires pendant l'arrêt maladie':

'

En vertu de l'article 40 de la convention applicable, chaque maladie ou accident, dûment constaté par certificat médical et pris en charge par la sécurité sociale, ouvre droit à un régime complémentaire de prévoyance maladie-accident, dans les conditions définies ci-après, sous réserve des dispositions particulières prévues à l'article 4 de l'annexe III pour les cadres.

'

Il est précisé que pour une ancienneté de 1 an à 5 ans, le maintien de salaire est 100% pendant une période 60 jours et de 75% pendant une période de 120 jours et que sont déduites des indemnités complémentaires les indemnités journalières brutes de la sécurité sociale et tout autre régime complémentaire.

'

Mme [Y] a été arrêtée pour maladie du 29 septembre 2017 jusqu'au 10 avril 2018 alors qu'elle comptait plus d'un an d'ancienneté.

'

Eu égard à la reclassification au coefficient 185, elle aurait dû percevoir un maintien de salaire plus important à hauteur de 296,51 euros.

'

Par ajout au jugement déféré, le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur ce point et rejeté les «'autres demandes'» sans aucune motivation, la société Pâtes Lanza est condamnée à payer un rappel de compléments de salaire de 296,51 euros.

'

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice financier':

'

Si aux termes de l'article 1153, alinéa 4 du code civil, devenu l'article 1231-6, alinéa 3 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt moratoire, il lui appartient de rapporter la preuve d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par l'employeur et causé par la mauvaise foi de celui-ci. Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-13.766

'

Les juges du fond doivent caractériser l'existence pour le salarié d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par l'employeur et causé par sa mauvaise foi.

'

En l'espèce, Mme [Y] ne justifie d'aucun préjudice distinct qui ne serait pas déjà réparé par les intérêts moratoires accordés.

'

Il est ajouté le rejet de cette demande, le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur ce point et rejeté les «'autres demandes'» sans aucune motivation.

'

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité':

'

En application des dispositions de l'article R4624-31 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2017 au 31 mars 2022, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

'

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

'

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

'

Il est de principe que l'initiative de la visite de reprise incombe à l'employeur qui doit garantir l'effectivité de son obligation de protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

'

Néanmoins, l'employeur n'est tenu d'organiser la visite médicale de reprise que dans la mesure où le salarié a effectivement repris le travail, manifesté sa volonté de le reprendre (Soc., 4 juin 2009, nº 08-40.030) ou sollicité une telle visite (Soc., 29 septembre 2015, n° 14-19.664). De même, dans la situation où le salarié ne répond pas à la mise en demeure de l'employeur de justifier de son absence, l'employeur n'est pas tenu d'organiser l'examen de reprise (Cass. soc., 22 juin 2016, nº 14-29.720).

'

En l'espèce, Mme [Y] a été placée en arrêt maladie à compter du 29 septembre 2017.

'

La salariée a été à l'initiative d'une visite de pré-reprise auprès de la médecine du travail qui a été organisée le 20 mars 2018. Par courrier du même jour, le médecin du travail en a informé l'employeur et indiqué': «'elle devra être vue en visite de reprise à l'issue de son arrêt de travail. Une inaptitude est à envisager'».

'

Par deux courriels des 26 et 29 mars 2018, Mme [Y] a sollicité auprès de son employeur une visite de reprise.

'

Par courriel du 3 avril 2018, l'employeur a constaté l'absence de la salariée le matin même à son poste de travail et l'a invitée à justifier de son absence dans les plus brefs délais.

'

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 3 avril 2018, Mme [Y] a adressé à la société Pâtes Lanza la prolongation de son arrêt de travail du 31 mars au 10 avril 2018 et sollicité à nouveau un rendez-vous auprès de la médecine du travail en vue d'un examen de reprise.

'

Par courriel du 6 avril 2018, l'employeur a répondu à la salariée qu'elle devait d'abord reprendre son poste et dit l'attendre le 11 avril 2018 à 8h00. Par courriel du 11 avril 2018, il a dit constater son absence sans explication, désorganisant l'entreprise et lui a demandé de prendre attache avec lui et de justifier de son absence au plus vite. Il lui a ensuite adressé deux courriers les 17 et 24 avril 2018 afin de lui demander une nouvelle fois de justifier de son absence.

'

La cour constate que Mme [Y] a d'abord sollicité une visite de préreprise auprès de la médecine du travail puis a demandé à trois reprises à son employeur l'organisation d'une visite médicale de reprise dans le but de vérifier son aptitude à occuper son poste de travail et être fixée sur sa situation. La salariée se tenait donc à la disposition de la société Pâtes Lanza pour réaliser un tel examen.

'

Eu égard à la demande de la salariée, l'obligation d'organiser la visite de reprise s'imposait à l'employeur. Le manquement est en conséquence retenu.

'

La salariée justifie d'un préjudice par suite de l'absence d'examen de reprise qui est fixé à la somme de 300,00 euros.

'

Le jugement sera infirmé sur ce point.

'

Sur le rappel de salaire du 11 avril 2018 au 17 mai 2018 :

'

Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail que le salarié qui, à l'issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise, a droit au paiement de sa rémunération.

'

Le salarié qui, à l'issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise, a droit au paiement de son salaire. (Soc., 24 janvier 2024, n° 22-18.437)

'

Il résulte des développements précédents que la salariée s'est tenue à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise.

'

Après analyse des bulletins de paie et compte tenu de sa rémunération mensuelle (hors impact de la reclassification), il convient de faire droit à la demande de la salariée en paiement d'un rappel du salaire du 11 avril 2018 au 17 mai 2018 à hauteur de 1'839,44 euros, outre 183,94 euros au titre des congés payés afférents.

'

Sur la rupture du contrat de travail':

'

''''''''''' Sur le bien-fondé du licenciement':

'

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

'

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

'

En l'absence de visite médicale de reprise, le contrat de travail demeure suspendu et le salarié, qui n'a pas l'obligation de fournir sa prestation de travail, ne peut être licencié pour abandon de poste ou absences injustifiées (Soc., 16 octobre 2019, n°18-19.893).

'

En revanche, lorsque le salarié n'a pas manifesté sa volonté de se tenir à la disposition de l'employeur, pour travailler ou réaliser une visite médicale de reprise, l'employeur laissé sans nouvelles peut, après une mise en demeure restée infructueuse, licencier le salarié pour ses absences injustifiées.

'

Le courrier de licenciement pour faute grave du 17 mai 2018 est ainsi rédigé :

'

«'Mademoiselle [Y],

'

Le mercredi 11 avril 18, vous avez commis les faits suivants : vous ne vous êtes pas présentée à votre poste sans explication par quelque biais que cela soit (mail, téléphone ou courrier postal).

'

Mercredi 18 avril 18, par lettre recommandée avec accusé de réception N°1A12585178517, nous vous demandions de justifier votre absence mais n'obtenons aucune réponse.

'

Mardi 24 avril 18, par lettre recommandée avec accusé de réception N°1A12585178524, nous vous demandons à nouveau de justifier votre absence cependant vous optez pour un silence continu. Ces faits sont constitutifs d'un manquement à vos obligations.

'

Vous avez été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception N°1A12585173531 pour un entretien préalable en date du mercredi 16 mai 2016 à 14 heures, entretien pour lequel vous ne vous êtes pas présentée. Votre absence ne nous a pas permis de recueillir vos explications et nous n'avons pas modifié notre appréciation au sujet de la gravité des faits qui vous sont reprochés, lesquels rendent impossible votre maintien dans l'entreprise, y compris pendant la durée de votre préavis.

'

Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave.'»

'

En l'espèce, à défaut de visite de reprise, le contrat de travail demeurait suspendu. Mme [Y] n'était dès lors pas tenue d'exécuter sa prestation de travail avant que la visite médicale de reprise ne soit organisée par l'employeur. Or, celle-ci n'a jamais eu lieu.

'

En conséquence, la société ne pouvait pas reprocher à la salariée ses absences injustifiées à compter du 11 avril 2018.

'

Il en découle que le licenciement, fondé sur ce grief, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

'

''''''''''' Sur les conséquences pécuniaires du licenciement':

'

La salariée est en droit de prétendre aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité de licenciement), mais également à des dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

'

''''''''''''''''''''''' Sur l'indemnité compensatrice de préavis':

'

En application des articles L1234-1 2° et L1234-5 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois. L'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période.

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Par voie d'infirmation du jugement déféré, il convient de condamner la société Pâtes Lanza à payer à Mme [Y] la somme de 1'556,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 155,61 euros au titre des congés payés afférents.

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''''''''''''''''''''''' Sur l'indemnité de licenciement':

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Les parties ne s'accordent ni sur le principe de l'indemnité de licenciement ni sur son quantum, la société intimée rejetant la prise en compte des arrêts maladie dans le calcul de l'ancienneté et retenant une ancienneté de 1 an et 4 mois.

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Après vérification, l'indemnité légale de licenciement est plus favorable que l'indemnité conventionnelle telle que précisée à l'article 8 de l'annexe I Ouvriers - employés de la convention collective applicable y compris avec prise en compte des arrêts maladie dans l'ancienneté.

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Il est en conséquence octroyé à Mme [Y] la somme de 518,80 euros à titre d'indemnité de licenciement calculée sur la base d'un salaire de référence fixé à 1'556,13 euros.

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''''''''''''''''''''''' Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse':

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Compte-tenu de la date de la rupture du contrat de travail sont applicables les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable depuis le 1er avril 2018.

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Selon ces dispositions si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de 1'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

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Pour une ancienneté d'une année (ancienneté qui s'entend en années complètes) et dans une entreprise de moins de 11 salariés (10 salariés selon l'attestation pôle emploi), l'article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre 0,5 mois de salaire et 2 mois de salaire.

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Compte tenu notamment de l'effectif de la société, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Y], de son ancienneté (moins de deux ans), de son âge (21 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies (baccalauréat professionnels, spécialité «'Gestion ' Administration'»'; justification de la perception de 439 allocation journalières d'aide au retour à l'emploi au 30 septembre 2019), il convient de lui allouer la somme de 780,00 euros, sur la base d'une rémunération brute de référence de 1'556,13 euros, cette somme offrant une indemnisation adéquate du préjudice.

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Sur les demandes accessoires':

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Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit à compter du 11 février 2019, tandis que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

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Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande relative aux frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens.

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Il convient de condamner la société Pâtes Lanza, qui succombe, aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Mme [Y] la somme de 1'800,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés par lui / elle en première instance et en cause d'appel.

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La société Pâtes Lanza est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

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PAR CES MOTIFS

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Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

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INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a retenu le principe de la reclassification au coefficient 185 à compter du 27 juin 2016,

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STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

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DECLARE le licenciement de Mme [I] [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

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CONDAMNE la société Pâtes Lanza à payer à Mme [I] [Y] les sommes suivantes':

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- 942,67 euros à titre de rappel de salaire de juin 2016 à mai 2018, outre 94,27 euros au titre des congés payés afférents,

- 296,51 euros de rappel de compléments de salaire,

- 300,00 euros de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

- 1'839,44 euros de rappel de salaire du 11 avril 2018 au 17 mai 2018, outre 183,94 euros au titre des congés payés afférents,

- 1'556,13 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 155,61 euros au titre des congés payés afférents,

- 518,80 euros d'indemnité de licenciement,

- 780,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

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RAPPELLE que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019 et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

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CONDAMNE la société Pâtes Lanza aux dépens de première instance et d'appel,

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CONDAMNE la société Pâtes Lanza à payer à Mme [I] [Y] la somme de 1'800,00 euros au titre des frais irrépétibles,

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DEBOUTE la société Pâtes Lanza de sa demande au titre des frais irrépétibles.

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Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 20/04213
Date de la décision : 19/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-19;20.04213 ?
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