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30/04/2012 | FRANCE | N°09/00877

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 30 avril 2012, 09/00877


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 170 DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 09/ 00877
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de FORT DE FRANCE du 4 mai 2006.
APPELANTE
SAS SUPERMARCHES MATCH MARTINIQUE Zone Industrielle de Places d'Armes 97232 LE LAMENTIN (MARTINIQUE) Représentée par Me BALADDA substituant la SCP PAYEN-PRADINES (TOQUE 74) avocats au barreau de GUADELOUPE)

INTIMÉ

Monsieur Henri X...... 33270 FLOIRAC Représenté par Me WERTER-FILLOIS substituant Me Jean MACCHI avocat au barreau d

e FORT DE FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'arti...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 170 DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 09/ 00877
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de FORT DE FRANCE du 4 mai 2006.
APPELANTE
SAS SUPERMARCHES MATCH MARTINIQUE Zone Industrielle de Places d'Armes 97232 LE LAMENTIN (MARTINIQUE) Représentée par Me BALADDA substituant la SCP PAYEN-PRADINES (TOQUE 74) avocats au barreau de GUADELOUPE)

INTIMÉ

Monsieur Henri X...... 33270 FLOIRAC Représenté par Me WERTER-FILLOIS substituant Me Jean MACCHI avocat au barreau de FORT DE FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jacques FOUASSE, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 avril 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Maryse PLOMQUITTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette Y..., Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats les éléments suivants.
À compter du 27 août 1985, M. Henry X... était engagé par la Société Reynoird dont le siège social était situé 161 rue de Courcelles, Paris- 17e, mais immatriculée au registre du commerce de Fort-de-France sous le numéro 74 B 174, en qualité de chef de groupe. Ayant le statut de cadre il exerçait des fonctions de directeur adjoint de la Société Reynoird, à l'établissement de Jambette en Martinique, comme le montre l'attestation en date du 17 décembre 1985 de l'employeur ainsi que l'organigramme de la Société Reynoird (pièces 4 et 6 de l'intimé).
À compter de 1989, il était procédé à une restructuration du secteur achat de la Société Reynoird, avec un directeur des achats sous l'autorité duquel étaient regroupés les acheteurs basés au siège parisien, et les acheteurs basés aux Antilles-Guyane ; pour cette région il était prévu un acheteur par département. (Pièce 7 de l'intimé). Ainsi M. X... exerçait les fonctions d'acheteur pour la Martinique, sous l'autorité du directeur des achats basé à Paris.
En 1997 il était procédé à la régionalisation de l'activité des grandes surfaces de la Société Reynoird. Trois sociétés Reynoird régionales, filiales, étaient créées et devenaient opérationnelles, à savoir : Primistères Reynoird Guadeloupe, Primistères Reynoird Martinique et Primistères Reynoird Guyane.
En février 1998 M. X... était nommé au poste de responsable du service merchandising Antilles-Guyane, M. Patrice B... occupant le poste de responsable du service merchandising Guadeloupe et un homologue devant être désigné également pour la Guyane, M. X... coordonnant les travaux d'analyse et d'application pour chacune des régions (pièce 16 de l'intimé).
Lors des réunions du comité interentreprises des différentes sociétés du groupe Reynoird qui se sont tenues en 1998, il était constaté des résultats déficitaires pour l'ensemble de l'activité de ces sociétés en 1997 à hauteur de 20 000 000 de francs de pertes, celles-ci s'élevant déjà à 32 000 000 de francs en 1996 pour les structures régionales équivalentes de l'époque.
Lors de la réunion du comité interentreprises du 9 avril 1999 il était relevées que le résultat consolidé de l'exercice 1998 se traduisait par une perte de 23, 4 millions de francs. Au cours de la réunion du comité interentreprises du 29 février 2000, il était fait état d'un chiffre d'affaires des supermarchés qui s'étaient fortement détériorés en 1999, une restructuration accompagnée d'un plan social touchant 102 postes était initiée au sein de la société martiniquaise.
Un an plus tard, le 5 janvier 2001 il était remis à M. X... une proposition de poste d'acheteur bazar et textile, basé en Guadeloupe nécessitant des déplacements en Martinique et en Guyane. Selon cette proposition il aurait été notamment confié à M. X... la tâche de négocier des accords fournisseurs et de contractualiser ces accords, de négocier les actions promotionnelles émises par les enseignes Match et Cora et rechercher des nouveaux développements. Un salaire de 28 000 francs bruts mensuels sur 13 mois était proposé avec une prime à hauteur maximale d'un mois de salaire selon réalisation des objectifs.
Dans un courrier du 9 janvier 2001 adressé à sa hiérarchie, M. X... constatait " une modification substantielle du lieu de travail ", ce qui aurait impliqué pour lui une double installation en Martinique et en Guadeloupe compte tenu de sa situation familiale. Il exposait qu'il constatait une diminution de sa rémunération dans la mesure où il percevait jusqu'alors un salaire brut mensuel de 27 500 francs sur 13 mois, que sa prime sur objectif pouvait atteindre 3 mois de salaire, et qu'il disposait jusque là d'un véhicule de fonction dont il évaluait l'avantage à 4000 francs par mois ainsi que d'une carte essence. Il faisait état de dépenses supplémentaires à sa charge entraînées par des frais de logement en Guadeloupe à raison de 4000 francs par mois et des frais d'avion Pointe-à-Pitre-Fort-de-France à hauteur de 4000 francs par mois. Il en déduisait que son salaire net mensuel serait diminué de 55 %.
Il faisait savoir qu'il réitérait son intérêt pour le poste et les missions proposées, et que pour cette raison il souhaitait vivement que son employeur reconsidère l'aspect financier du dossier afin qu'un niveau équivalent de rémunération soit maintenu.
Le 15 janvier 2001 M. X... recevait une nouvelle proposition dans laquelle il était envisagé les mêmes missions, la même rémunération, mais la prise en charge de son déménagement par l'entreprise, la prise en charge de 2 mois d'hébergement pour lui permettre de trouver un logement pour sa famille, et la pris en charge d'un aller-retour par semaine (Guadeloupe/ Martinique) durant 2 mois.
Par courrier du 22 janvier 2000, il était rappelé à M. X... que, compte tenu de la suppression de son poste actuel et de l'intérêt qu'il portait à la fonction d'acheteur, une prise de position rapide apparaissait nécessaire.
Dans un courrier recommandé avec avis de réception en date du 7 février 2001, M. X... soulignant que son contrat de travail ne contenait pas de clause de mobilité, et constatant que les conditions financières étaient moins avantageuses que celles dont il bénéficiait jusqu'alors, faisait savoir à son employeur que le poste proposé et les conditions qui l'accompagnaient constituaient une modification substantielle de son contrat de travail qu'il ne lui était pas possible d'accepter.
Un échange de courriers s'ensuivait entre les parties, et par lettre du 27 mars 2001 M. X... était convoqué à un entretien préalable fixé au 4 avril 2001, en vue d'un éventuel licenciement.
Par courrier du 27 avril 2001, M. X... se voyait notifier son licenciement pour motif économique, et se voyait rappeler qu'il avait la possibilité d'adhérer à une convention de conversion et qu'il disposait d'un délai de 21 jours à compter du 25 avril 2001 pour exprimer son choix.
Par courrier du 14 mai 2001 M. X... faisait part de son acceptation de la convention de conversion, puis par courrier recommandé avec avis de réception, M. X... faisait savoir que sa situation ne lui permettait pas d'adhérer à la convention de conversion et demandait l'annulation de la procédure d'adhésion.
Le 27 novembre 2001 M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France aux fins de contester le caractère économique de son licenciement et obtenir réparation du préjudice subi, réclamant en outre une prime d'objectif.
Par jugement du 4 mai 2006 la juridiction prud'homale condamnait la Société Primistères Reynoird à payer à M. X... la somme de 65 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle réelle et sérieuse et celle de 1220 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire du jugement était ordonnée et M. X... était débouté du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 30 juin 2006, la Société Supermarchés Match Martinique, anciennement dénommé Société Primistères Reynoird Martinique, interjetait appel de ce jugement.
Par arrêt du 29 novembre 2007, la Cour d'appel de Fort-de-France infirmait le jugement attaqué en toutes ses dispositions et jugeait que le licenciement était fondé sur un motif économique légitime, M. X... étant condamné aux dépens
Par arrêt du 13 mars 2009, la Cour de Cassation cassait et annulait en toutes ses dispositions l'arrêt du 29 novembre 2007 de la Cour d'Appel de Fort-de-France et renvoyait la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Basse-Terre, la Société Supermarchés Match Martinique étant condamnée aux dépens et à payer à M. X... la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 8 juillet 2009, la Société Supermarchés Mach Martinique saisissait la Cour d'Appel de Basse-Terre afin qu'il soit statué sur l'appel interjeté.
****
Par conclusions du 6 mai 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société Supermarchés Match Martinique sollicite l'infirmation de la décision du Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France en ce qu'elle l'a condamnée à payer à M. X... la somme de 65 000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse outre celle de 1220 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle entend voir juger que le licenciement de M. X... est fondé sur un motif économique. Elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes de ce dernier et réclame paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait état des difficultés économiques subies au cours des années 1998, 1999 et 2000 en invoquant les déficits enregistrés au cours de ces années. Elle rappelle qu'un plan social qui concernait 103 salariée a été mise en oeuvre, et que dans la mesure où la mise en place de ce plan social n'a pas permis d'améliorer la situation de la société, elle a décidé d'optimiser son organisation et de supprimer les postes et fonctions non indispensables au bon fonctionnement de chaque unité, la suppression du poste de responsable merchandising Antilles-Guyane occupé par M. X... étant décidée dans ce cadre.
Elle explique que le poste de ce dernier ayant été supprimé et non remplacé, et l'intéressé ayant refusé l'emploi qui lui était proposé à titre de reclassement, son licenciement est intervenu pour motif économique, affirmant que le fait de ne proposer qu'un seul poste disponible à titre de reclassement, même s'il emporte modification du contrat de travail, ne caractérise pas un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement. Elle fait valoir que la procédure de licenciement n'a nullement été entourée de circonstances vexatoires.

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Par conclusions du 15 novembre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a jugé sans cause réelle et sérieuse son licenciement économique. Il entend voir réformer ledit jugement quant au quantum des condamnations qu'il a prononcées et entend voir allouer les sommes suivantes :-147 600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-125 618, 99 euros à titre de dommages intérêts pour circonstances vexatoire et préjudice moral,-60 000 euros pour non-respect de l'ordre des licenciements,-3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutient que la démonstration n'est pas faite que le groupe Primistères Reynoird connaissait des difficultés économiques au sens de l'article L321-1 du code du travail, faisant valoir qu'il s'agit d'un groupe d'envergure internationale, qui gère les enseignes Cora, Match et Ecomax, le groupe Cora-Match étant classée 13e sur la liste des 30 principales entreprises et employeur publiques, la Société Primistères Reynoird achetée par Cora France en mars 2000 étant en excellente santé et ne cessant de s'étendre, comme en témoigne les recrutements effectués au sein du groupe, lequel a poursuivi, postérieurement au licenciement de l'appelant, sa politique de promotion et d'embauche commencée fin 2000.

Il fait valoir que la preuve du lien de causalité entre les difficultés déclarées et la nécessité de supprimer son poste, n'est pas apportée. Par ailleurs rappelant qu'il appartient à l'employeur de chercher à reclasser le salarié au sein du groupe dont relève l'entreprise, il affirme qu'aucune proposition de reclassement préalable dans le groupe ne lui a été faite, et que la seule proposition de mutation dans la filiale de Guadeloupe ne peut suffire à satisfaire cette obligation, eu égard à l'étendue du groupe auquel appartenait la Société Reynoird appelante, reprochant en outre à la société appelante de ne pas démontrer que d'autres propositions étaient possibles dans le groupe.
Il conteste par ailleurs la réalité de la suppression de son poste de travail et fait valoir qu'il apparaît qu'aucun ordre de licenciement n'a été respecté au mépris des dispositions légales en vigueur.
Il justifie le montant de ses demandes d'indemnisation en qualifiant de vexatoires les conditions dans lesquelles la rupture du contrat de travail est abusivement intervenue et en exposant que c'est seulement 4 ans après son licenciement qu'il a pu retrouver un travail avec un salaire bien inférieur.

Motifs de la décision :

Selon les dispositions de l'ancien article L321- 1du code du travail, qui ont été reprises par l'article L 1233-3 actuel, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
La lettre de licenciement adressée le 27 avril 2001 à M. X... est rédigé dans les termes suivants :
… nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour le motif économique suivant :- depuis plus de 3 années, la société confrontée à de sérieuses difficultés est amenée à prendre des mesures pour maintenir son activité et baisser ses charges à savoir :

1- en Guadeloupe :- fermeture du magasin du Raizet en 99 avec reclassement du personnel dans les autres supermarchés de la région-signature d'un accord défensif en mai 2000 sur l'aménagement, l'organisation et la réduction collective du temps de travail afin de sauvegarder 42 emplois-signature d'une convention FNE fin 2000 pour un départ anticipé de 43 salariés.

2- en Martinique :- plan social qui a concerné 103 salariés avec signature d'une convention FNE, primes de départ volontaire et reclassement de certains collaborateurs sur d'autres sites-fermeture de deux magasins : celui de Lamartine et de la Trinité avec reclassement d'une partie du personnel

3- en Guyane-2 plans sociaux : l'un en 99, l'autre en 2000- fermeture du magasin « Rocade »

La situation ne s'était pas améliorée fin 2000 (138 millons de pertes), la direction a décidé de continuer à réduire ou supprimer des postes, d'optimiser son organisation afin de concentrer ses forces et limiter au maximum les coûts de structure.
C'est pourquoi, en fonction d'une réflexion globale au niveau des différentes sociétés du groupe, les postes et fonctions nécessaires au bon fonctionnement de chaque unité ont été inventoriés et les missions redéfinies au sein de chaque service.
Dans ce cadre, il a été décidé de supprimer votre poste de Responsable Merchandising basé en Martinique, cette mission étant redistribuée aux directeurs des ventes et directeurs de magasins chargés du merchandising au niveau de chaque site.
Tout en tenant compte de votre profil et votre intérêt pour les achats, nous avons recherché toutes les solutions possibles pour vous maintenir dans nos effectifs en tant que cadre.
M. D..., Directeur des achats et de la logistique, chargé de restructurer son service en Guadeloupe en concertation avec les différents Directeurs Généraux du Groupe, vous a rencontré en fin d'année 2000 pour évaluer vos compétences professionnelles et vous a proposé le 5 janvier un poste d'acheteur bazar et textile pour les produits ASP et les fournitures pour les enseignes CORA et MATCH.
Nouveau poste pour lequel vous manifestez votre intérêt mais que vous refusez considérant les conditions financières insuffisantes.
Après réflexion, M. D... accepte de sortir exceptionnellement du cadre de ce qui était prévu et vous communique une deuxième proposition le 22 janvier 2001.

Considérant l'offre de l'entreprise encore insuffisante, vous refusez celle-ci une première fois le 7 février 2001 et malgré notre insistance, une seconde fois après avoir utilisé votre délai de réflexion d'un mois suite à notre courrier du 20 février 2001.

N'ayant pas d'autres postes de cadre de ce niveau à vous proposer, nous avons été contraints d'engager une procédure de licenciement individuel pour motif économique.
L'employeur poursuit la lettre en faisant état de la possibilité d'adhérer à une convention de conversion, et de la priorité de réembauchage.
L'examen des comptes sociaux de la Société Primistères Reynoird Martinique, montre qu'à l'issue de l'exercice 1997, le compte de résultat enregistrait une perte de 9 587 732 francs et que le résultat courant avant impôts faisait ressortir une perte de 11 016 082 francs. L'exercice clôturé le 31 décembre 1998 faisait ressortir une perte de 23 430 218 francs pour le résultat d'exploitation, et une perte de 25 109 126 francs pour le résultat courant avant impôts. À la fin de l'exercice 1999, le résultat d'exploitation faisait à apparaître une perte de 39 091 523 francs, et le résultat courant avant impôts une perte de 41 874 094 francs. L'exercice clos le 31 décembre 2000, qui reflète la situation économique et financière de l'entreprise à l'époque du licenciement de M. X..., fait ressortir des pertes encore aggravées, à hauteur de 52 270 559 euros au titre du résultat d'exploitation, et de 50 123 923 francs au titre du résultat courant avant impôts.
Il est bien certain que devant l'accumulation de tels déficits successifs, la direction de l'entreprise se devait de réagir en prenant des mesures tant sur le plan de la politique commerciale, que sur l'organisation de la structure de la société.
Les difficultés économiques de la Société Reynoird au moment du licenciement de M. X... sont donc bien établies. Peu importe la plus ou moins bonne santé économique et financière du groupe auquel appartient la société qui emploie le salaire concerné, puisqu'il ne serait pas juridiquement ni économiquement justifié pour le groupe, de soutenir une de ses filiales en constant déficit, et qu'il appartient dès lors à la direction de prendre des mesures adaptées de restructuration propres à rétablir l'équilibre économique et financier de l'activité de ladite filiale.
C'est ainsi que la direction de la société a pu légitimement envisager la suppression du poste de responsable du service merchandising qu'occupait Monsieur X..., dans le cadre de la restructuration de l'organisation commerciale de l'entreprise, répartissant les tâches que comporte ce poste entre les directeurs de ventes et les directeurs de magasins.
M. X... invoque une politique d'embauche du groupe, mais cette politique dans la mesure où elle n'affecte pas la filiale martiniquaise, n'a aucune incidence sur la légitimité de la suppression du poste de M. X..., puisque c'est la structure de cette filiale en particulier qui doit être adaptée pour faire face au déséquilibre financier constaté.
Plus précisément M. X... fait état d'une politique de promotion et d'embauche commencée par le Groupe fin 2000 au niveau Antilles-Guyane. À ce titre il cite la nomination, le 1er novembre 2000, de M. Francis E... au poste de directeur des opérations logistiques pour l'ensemble
des dépôts Antilles-Guyane, celle de M. Frank F... en tant que directeur des études logistiques et des approvisionnements Antilles-Guyane, celle de M. Lucien G... en décembre 2000 sur les entrepôts de la Guyane, celle de M. Grégory H... à Saint-Martin, celle de M. Auguste I... au sein de l'équipe de direction de la société en qualité de directeur des ressources humaines, celle d'un directeur de point de vente fin 2000 à Sainte-Marie, celle de M. Christophe J..., en août 2001, en tant que directeur des ventes Match Martinique, et celle de M. Gilles K..., le 1er mars 2002 en qualité de manageur de département sur Cora-Antilles.
La Société Supermarchés Match Martinique répond que ces nominations correspondent à des mutations internes et à des détachements de cadres de Match France, précisant que pour l'extension des fonctions de M. E..., celui-ci était déjà salarié, sans augmentation de sa rémunération, que M. F... était salarié du pôle informatique de Match Guadeloupe, il en est de même pour M. G..., M. I..., quant à lui, était directeur des ressources humaines de Match France, détaché à la Martinique, pour aider la Société Supermarchés Match Martinique dans le cadre de ses difficultés, ce détachement étant déjà arrivé à son terme puisque retourné à Match France, tout comme Messieurs J... et K.... Elle ajoute que pour M. M..., il s'agit encore d'un mouvement interne lié à la restructuration, puisqu'il était directeur de Match Guyane après avoir été directeur à Match Sainte-Marie, de sorte que son retour à la Martinique ne constitue pas un recrutement mais une simple mutation interne.
En tout état de cause il n'apparaît pas que l'un de ces cadres, ait succédé à M. X... dans son poste et ait exercé ses fonctions de responsable du service merchandising.
Il y a lieu par ailleurs d'observer que si un dénommé Bazin a été recruté par la suite, pour à la fois mettre en place une nouvelle politique d'implantation de magasins et pour s'occuper également du merchandising, ce recrutement n'est intervenu que plusieurs années après le licenciement de M. X..., la situation et les conditions économiques de la société ayant alors nécessairement évolué.
Il y a lieu par ailleurs de constater, qu'une offre de reclassement a été proposée à M. X..., dans le cadre du projet de suppression de son poste, puisqu'il lui a été offert le poste de directeur des achats en Guadeloupe, lequel apparaît de même catégorie que le précédent, s'agissant d'un poste de cadre comportant une rémunération sensiblement équivalente, même si la prime potentielle d'objectif avait un maximum moins élevé, et si l'avantage lié à une voiture de fonction n'était pas reconduit, le salaire brut mensuel étant porté de 27 500 francs à 28 000 francs sur 13 mois. Par cette proposition présentant un caractère sérieux, l'employeur a satisfait à son obligation de rechercher le reclassement de M. X....
Il est inopérant de reprocher à la Société Supermarchés Match Martinique de ne pas avoir recherché le reclassement de M. X... sur un poste au sein du Groupe, puisque précisément le poste de directeur des achats devait être occupé au sein de la filiale guadeloupéenne du Groupe.
Par ailleurs il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir respecté les dispositions concernant l'ordre des licenciements telles que le prévoyait à l'époque l'article L 321-1-1 du code du travail, puisque M. X... a été licencié parce qu'il n'acceptait pas la modification du lieu de travail et
des fonctions qu'il exerçait, étant relevé qu'il avait déjà exercé jusqu'en 1998 un poste d'acheteur, identique à celui qui lui était proposé, et étant rappelé qu'il appartient à l'employeur seul de décider des modalités de la restructuration de son entreprise, nécessitée par des difficultés économiques, et du choix du ou des postes à supprimer soit en raison de l'abandon d'un secteur d'activité, soit pour alléger les charges de l'entreprise.
Enfin il y a lieu de constater qu'aucune circonstance de nature vexatoire ne caractérise la rupture du contrat de travail, l'employeur ayant proposé un poste de catégorie équivalente à M. X..., et ayant proposé une aide financière pour son installation en Guadeloupe.
Au regard des constatations qui précèdent, il y a lieu de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes.
L'équité n'impose pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à M. X... la somme de 65 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et celle de 1220 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la Société Supermarchés Match Martinique,
Statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,
Déboute M. X... de ses demandes de paiement d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamnation de la Société Supermarchés Match Martinique à supporter les dépens,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute M. X... de ses demandes de paiement de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires et préjudice moral, et d'indemnité pour non respect de l'ordre des licenciements,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens, tant de première instance que d'appel, sont à la charge de M. X....

Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/00877
Date de la décision : 30/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 07 mai 2014, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 mai 2014, 13-13.658, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-04-30;09.00877 ?
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