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30/04/2012 | FRANCE | N°10/01983

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 30 avril 2012, 10/01983


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 172 DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 01983
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 30 septembre 2010.
APPELANTE
MULTI SERVICES IMMOBILIERS 6 résidence Notre Dame 97139 LES ABYMES Représentée par Me DIALLLO substituant Me Frederic FANFANT de la SELARL EXCELEGIS (TOQUE 67) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE

Madame Marie-Louise Y... ... 97139 LES ABYMES Représentée par Me TACITA substituant Me Marie-Claude COLOMBO (TOQUE 32) avo

cat au barreau de GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 172 DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE DOUZE

AFFAIRE No : 10/ 01983
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 30 septembre 2010.
APPELANTE
MULTI SERVICES IMMOBILIERS 6 résidence Notre Dame 97139 LES ABYMES Représentée par Me DIALLLO substituant Me Frederic FANFANT de la SELARL EXCELEGIS (TOQUE 67) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE

Madame Marie-Louise Y... ... 97139 LES ABYMES Représentée par Me TACITA substituant Me Marie-Claude COLOMBO (TOQUE 32) avocat au barreau de GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 00408 du 01/ 03/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jacques FOUASSE, conseiller, rapporteur, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 avril 2012 puis le délibéré a été prorogé au 30 avril 2012
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame Y... a été embauchée par l'entreprise AGENCE NEGOCIABLE, le 6 juin 2005 en qualité d'agent de propreté, suivant contrat à durée déterminée de trois mois.

Le contrat à durée déterminée de Madame Y... a été renouvelé pour une nouvelle durée de trois mois à compter du 6 septembre 2005.
A l'issue de son contrat à durée déterminée, soit le 7 décembre 2005, Madame Y... a été engagée à temps partiel suivant Contrat Nouvelle Embauche (CNE).
Le 1er mars 2006, l'AGENCE NEGOCIABLE fusionnait avec la société MULTI SERVICES IMMOBILIERS (MSI).
Par courrier du 1er mars 2006, la société MSI informait Madame Y... du transfert de son contrat de travail et des sites sur lesquels elle devait intervenir à savoir GIE GAN et IPM, ainsi que des horaires.
Suite à divers courriers entre les parties, il apparaît qu'à partir d'octobre 2006, aucune indication d'horaires de travail n'ait été présentée à la salariée qui, de son côté, adressait deux courriers à son employeur, sollicitant une mesure de licenciement compte tenu de l'absence de proposition de reprise de travail.
Par requête déposée le 14 novembre 2007, Mme Y... Marie-louise saisissait la juridiction prud'homale.
Par jugement du 30 septembre 2010, le Conseil de prud'hommes de POINTE à PITRE :
Ordonne la requalification du contrat de travail à durée indéterminée " Nouvelles Embauches " à temps partiel de Madame Y... Marie-Louise en un contrat de travail à durée indéterminée,
Dit et juge que le licenciement de Madame Y... Marie-Louise est irrégulier en la forme et au fond,
Par conséquent,
Condamne la SARL MULTI SERVICES IMMOBILIERS en la personne de son représentant légal à payer à Madame Y... Marie-Louise les sommes suivantes :
-674, 52 € à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée indéterminée " Nouvelles Embauches " à temps partiel en un contrat de travail à durée indéterminée,
-674, 52 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement
-4 047, 12 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi,
-674, 52 € à titre de salaire du mois d'octobre 2006,
-1 349, 04 € à titre d'indemnité de deux mois de préavis,
-171, 00 € à titre d'indemnité de précarité

A lui remettre son certificat de travail son bulletin de paie du mois d'Octobre 2006 ainsi que son attestation Assedic, le tout sous astreinte de 20, 00 € par jour de retard à compter de la notification de ce jugement,

Déboute la demanderesse du surplus de sa requête,
Prononce l'exécution provisoire de cette décision conformément aux dispositions de l'article R 1454-28 du Code du Travail.
Condamne l'employeur aux éventuels dépens de l'instance.
Par déclaration déposée au greffe le 8 novembre 2010, la Société Multi Services Immobiliers a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et DEMANDES des PARTIES :

Par conclusions déposées le 3 décembre 2010 et reprises oralement à l'audience, l'appelante fait valoir au soutien de son appel que :
- le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre a requalifié le CDD du 6 juin 2005 de Madame Y... en CDI au motif qu'une période d'essai de 2 ans n'était pas raisonnable. Cependant, le CDD du 6 juin 2005 prévoit une période d'essai « d'un mois » et non de deux ans ; en effet la période d'essai de deux ans est celle prévue dans le contrat CNE de Madame Y... qui est lui un contrat à durée indéterminée.
- le contrat de travail de Madame Y... ayant été rompu à son initiative en octobre 2006 soit près de deux ans avant la promulgation de la loi d'abrogation, il ne pouvait être requalifié en CDI de droit commun. Même à appliquer l'article 9 de la loi du 25 juin 2008, le Conseil de prud'hommes ne pouvait que constater que depuis le 7 décembre 2005 Madame Y... étant engagée en CDI, elle ne pouvait prétendre à aucune requalification de son contrat de travail.
- Madame Y... n'a jamais été licenciée par la société MSI ; bien au contraire, c'est face au refus de la société MSI de la licencier que Madame Y... a décidé de ne plus se présenter sur son lieu de travail et de saisir le Conseil de Prud'hommes. Madame Y... a sollicité la société MSI à deux reprises afin qu'elle prononce son licenciement. Cependant, la société MSI n'a pas fait droit à ses demandes et lui a même enjoint de reprendre son travail par courrier recommandé du 26 octobre 2006.
- par courrier du 16 octobre 2006, de nouvelles missions ont été confiées à Madame Y.... Cependant cette dernière ne s'est jamais présentée sur son lieu de travail. Les diverses demandes de reprises de travail de la société MSI adressées à Madame Y... sont toutes restées infructueuses. Il apparaît donc qu'à compter du 16 octobre 2006 Madame Y... était absente de manière injustifiée de son emploi et l'absence d'un salarié justifie le non paiement du salaire pour les journées en cause. De surcroît le salaire est quérable et non portable et ainsi le salaire du 01 au 15 octobre 2006 a toujours été à la disposition de cette dernière au siège social de son employeur.
- Madame Y... n'ayant pas été licenciée, elle ne peut prétendre à un quelconque droit à préavis.

- aucune indemnité de précarité ne peut être due à Madame Y... au regard des dispositions de l'article L 1243-8 du Code du travail.

- Madame Y... a volontairement quitté son employeur sans respecter aucun préavis de départ, qu'à ce titre elle devra être condamnée à payer à la société MSI la somme de 674, 52 € correspondant à un mois de salaire.
- Madame Y... a volontairement trompé la religion du Conseil de Prud'hommes en affirmant avoir été licenciée abusivement alors même qu'aucun licenciement n'a été prononcé à son égard ; il conviendra donc de la condamner à payer à la société MSI la somme de 1. 500 € à titre de procédure abusive.

La SARL MULTI SERVICES IMMOBILIERS demande à la Cour de :

- INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à Pitre.
- CONSTATER que Madame Y... n'a fait l'objet d'aucun licenciement.
- CONSTATER que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Madame Y... étant injustifiée doit s'analyser en une démission.
EN CONSEQUENCE :
- CONDAMNER Madame Y... à payer à la société MSI la somme de 674, 52 Euros pour rupture du contrat de travail sans préavis.

Mme Y... s'oppose à ces demandes et, par conclusions déposées le 12 septembre 2011 et reprises oralement à l'audience, expose que :

- c'est à bon droit que le Conseil de Prud'hommes a prononcé la requalification du contrat " Nouvelles Embauches " en contrat à durée indéterminée de droit commun.
- sur la violation par l'employeur des dispositions fixées par l'article L3123-14 du code du travail : l'article précité dispose que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit sur lequel doivent figurer des mentions obligatoires et notamment la durée hebdomadaire ou le cas échéant mensuelle du salarié. Or, en l'espèce le contrat de madame Y... ne mentionne pas la durée du travail à effectuer. En l'absence de fixation des heures à effectuer par la salariée ce contrat devra être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
- durant l'exécution de son contrat de travail, Madame Y... n'a jamais eu de fiches de postes ; celles-ci sont apparues au cours de la procédure prud'homale et ont manifestement été rédigées pour les besoins de la cause.
Mme Y... demande à la Cour de :
- Débouter la société MULTI SERVICES IMMOBILIERS de ses demandes :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 30 septembre 2010.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 6 février 2012.

MOTIFS de la DECISION :

- sur le contrat nouvelle embauche :
Durant une période de deux années, le " Contrat Nouvelles Embauches " dit " CNE " prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement, le ramenant à une situation où la charge de la preuve de l'abus de la rupture du contrat de travail lui incombe.
Le contrôle de proportionnalité ne permet pas de considérer que le délai de 2 années institué par l'ordonnance du 2 août 2005 soit raisonnable au regard de la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail, étant rappelé que cette convention ratifiée par la France est entrée en vigueur le 16 mars 1990 et a plein effet en droit interne ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt de la chambre sociale du 29 mars 2006.
Il sera également rappelé que dans sa décision : « Chambre sociale, M. B... c. Mme C..., du 1er juillet 2008, no de rôle F 07-44. 124 « sur le fondement des articles 4, 7 et 9 de la Convention no 158 de l'OIT, la Cour de cassation a écarté les dispositions du texte national déclaré contraire à la norme internationale, a dit que la rupture du contrat était soumise aux règles d'ordre public prévues par le code du travail et que le licenciement non motivé de la travailleuse était sans cause réelle et sérieuse. L'employeur a donc été condamné au paiement des indemnités prévues en matière de licenciement abusif.
En conséquence, le contrat dénommé " CNE " s'analyse comme un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun soumis aux dispositions du code du travail et l'ensemble de ces règles doivent être retenues au regard du contrat de Mme Y....

- sur la requalification : le contrat dit " CNE " est un contrat à durée indéterminée mais s'il y a lieu de le requalifier en contrat CDI de droit commun, cela n'entraîne aucune indemnité particulière de requalification.

Ainsi la décision du premier juge d'accorder la somme de 674, 52 € à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée indéterminée " Nouvelles Embauches " à temps partiel en un contrat de travail à durée indéterminée n'est pas justifiée puisque le CNE était déjà un contrat à durée indéterminée.
- sur l'indemnité de précarité :
L'indemnité de précarité prévue à l'article L 1243-8 du Code du travail ne peut être retenue lorsqu'à l'issue du contrat à durée déterminée les relations contractuelles de travail se poursuivent par un contrat à durée indéterminée, ce qui est le cas en l'espèce puisque, comme mentionné ci-dessus, un contrat " nouvelles embauches " est un contrat à durée indéterminée.
Mme Y... sera donc déboutée de ce chef de demande.
- sur la rupture du contrat de travail :
Lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la

justifiaient, soit, dans le cas contraire d'une démission. Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur.

Mme Y... a alerté son employeur en vain, par lettres du 20/ 10/ 2006 et du 14/ 11/ 2006, prenant ainsi acte du non respect par l'employeur de ses obligations. Cette prise d'acte de la rupture du contrat doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse puisque l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce qu'il a utilement informé son employée de ses lieux et horaires de travail et ne lui a donc pas permis d'exécuter son contrat. Ce défaut de fourniture de travail s'analyse comme un manquement à un élément essentiel des obligations de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.
Ainsi il y a lieu, en confirmation du jugement dont appel, de condamner la SARL MULTI SERVICES IMMOBILIERS à payer à Madame Y... Marie-Louise la somme de 4 047, 12 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- sur les salaires et le préavis :

Les éléments versés aux débats rapportent la preuve de ce que Mme Y... n'a pas perçu le salaire d'octobre 2006, alors qu'elle était à la disposition de son employeur durant cette période. Il convient de faire droit à la demande de la salariée sur ce chef de demande, soit la somme de 674, 52 €.
Par ailleurs, la salariée a droit au paiement des deux mois de préavis soit la somme de 1 349, 04 €.
- sur les indemnités pour non respect de la procédure de licenciement :
Madame Y... a pris acte de la rupture de son contrat de travail qui s'analyse en l'espèce comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais n'a pas pour conséquence de retenir, à la charge de l'employeur, le non respect de la procédure de licenciement. La demande sur ce point sera rejetée en infirmation du jugement.

- sur les frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais engagés par elle en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,
Confirme le jugement, sauf en ce qui concerne les sommes allouées au titre de la requalification du contrat " nouvelles embauches " en contrat à durée indéterminée, au titre de l'indemnité de précarité et du non respect de la procédure de licenciement,
Statuant à nouveau sur ces trois points,
Déboute Mme Y... de ses demandes,
Y ajoutant,
Condamne la SARL MULTI SERVICES IMMOBILIERS à payer à Madame Y... Marie – Louise la somme de 850 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01983
Date de la décision : 30/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2012-04-30;10.01983 ?
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