La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2013 | FRANCE | N°12/01466

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 23 septembre 2013, 12/01466


BR-VR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 329 DU VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 12/ 01466
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 juin 2012- Section activités diverses.
APPELANT
Monsieur Rudy X...... 97118 SAINT FRANCOIS Représenté par Maître Jan-marc FERLY (Toque 26) substitué par Maître BARAKOVA, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SARL SPORT ANTILLES 621 Ciboneye 97110 POINTE A PITRE Représentée par Maître Jérôme NIBERON (Toque 104) s

ubstitué par Maître MALOUCHE, avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En app...

BR-VR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 329 DU VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 12/ 01466
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 juin 2012- Section activités diverses.
APPELANT
Monsieur Rudy X...... 97118 SAINT FRANCOIS Représenté par Maître Jan-marc FERLY (Toque 26) substitué par Maître BARAKOVA, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SARL SPORT ANTILLES 621 Ciboneye 97110 POINTE A PITRE Représentée par Maître Jérôme NIBERON (Toque 104) substitué par Maître MALOUCHE, avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 juin 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 23 septembre 2013
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 janvier 2009, M. Rudy X...a été embauché par la Société SPORT ANTILLES en qualité d'agent polyvalent pour exercer essentiellement une activité de barman.
Le 17 mai 2010, M. X...invoquant une prise d'acte de rupture du contrat de travail imputable à l'employeur, saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre, pour réclamer indemnisation pour licenciement abusif ainsi que des indemnités et les documents de fin de contrat.
Par jugement du 20 juin 2012, la juridiction prud'homale déboutait M. X...de l'intégralité de ses demandes.
Par déclaration adressée le 28 juillet 2012, M. X...interjetait appel de cette décision.
****
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 18 février 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X..., reprenant son argumentation sur la prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur, sollicite la condamnation de la Société SPORT ANTILLES à lui payer les sommes suivantes :-11 839, 36 euros pour le préjudice subi du fait du licenciement abusif,-4 439, 76 euros d'indemnité de préavis,-443, 97 euros à titre de congés payés sur l'indemnité de préavis,-295, 98 d'indemnité légale de licenciement,-4 000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. X...demande également la remise sous astreinte, par la Société SPORT ANTILLES, des documents sociaux, à savoir l'attestation destinée à Pôle Emploi, le certificat travail et le solde de tout compte.

À l'appui de ses demandes M. X...explique qu'il recevait ses salaires et bulletins de salaires jusqu'au 31 décembre 2009 avec quelques difficultés. Il précise qu'en juin 2009 il a reçu un chèque qui lui est revenu impayé et qui a été soldé par le gérant de la Société SPORT ANTILLES en juillet. Puis l'employeur a payé les salaires avec du retard, souvent un mois, ceux d'août et de septembre n'ayant été payés qu'en octobre. En novembre 2009 il constatait de nouveaux incidents de paiement de ses salaires et en alertait l'employeur par lettre recommandée en date du 4 décembre 2009.
Il explique qu'en décembre 2009 il a pris ses congés annuels, autorisés par l'employeur, pendant la période du 20 décembre 2009 au 3 janvier 2010 inclus. À son retour de congés il constatait la fermeture de l'établissement sans qu'il n'ait jamais été prévenu, lui ou ses collègues, de cette fermeture.
Il expose qu'au mois de janvier 2010 il a rencontré des soucis de santé et a dû s'absenter de son poste suivant un arrêt de travail pour maladie qui était prolongé jusqu'au 11 mars 2010 inclus. En se présentant à son poste, au retour de son arrêt maladie, il a eu la surprise de constater que l'entreprise était toujours fermée, c'est ainsi qu'il a saisi le Conseil de Prud'hommes.
Il soutient que la lettre de démission versée aux débats par l'employeur est un faux, et qu'en trouvant porte close lors de son retour de congés, il a été privé de toute possibilité de travailler.
****
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 23 avril 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société SPORT ANTILLES sollicite le rejet de l'intégralité des demandes de M. X...et entend se voir donner acte de la remise des documents de fin de contrat au salarié. Elle réclame paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société SPORT ANTILLES soutient que M. X...a pris l'initiative de la rupture de son contrat de travail et l'a formulée de façon claire et non équivoque en établissant une lettre de démission. Elle précise que cette lettre a été remise en main propre à l'employeur et envoyée en lettre recommandée avec avis de réception, et que depuis le 10 décembre 2009 M. X...n'a plus exécuté de prestation de travail et n'a donc plus été rémunéré.
****

Motifs de la décision :

Sur la rupture du contrat de travail :
M. X...verse aux débats copie d'une lettre datée du 4 décembre 2009 dans laquelle il fait savoir à son employeur qu'il a constaté plusieurs incidents dans le paiement de ses salaires et que le 6 novembre 2009, ce dernier lui a fait part de sa volonté de procéder à son licenciement, sans qu'aucun document attestant une telle procédure ne lui ait été adressé.
Dans cette lettre M. X...ajoute qu'il n'a toujours pas reçu son salaire du mois de novembre, ce qui l'amène à constater que l'employeur confirme ainsi sa volonté de ne plus rémunérer le poste qu'il occupe.
Dans cette même lettre M. X...demande à son employeur de bien vouloir l'informer de ses démarches concernant " cette situation " qui le place dans de graves difficultés.
Il est également versé aux débats, joint à la copie de la lettre sus-citée, le récépissé, en date du 8 décembre 2009, du dépôt de la lettre recommandée numéro 1A 030 721 4322 4, ainsi que l'enveloppe du courrier lui-même, sur laquelle est resté collé l'avis de réception portant le même numéro, ladite enveloppe n'ayant pas été ouverte, le courrier ayant été retourné à M. X..., car n'ayant pas été remis à son destinataire.
La Société SPORT ANTILLES pour sa part verse aux débats un courrier daté du 9 décembre 2009 par lequel M. X...aurait fait savoir à son employeur que pour des raisons de santé (opérations à un genou), il était dans l'obligation de démissionner de son poste d'employé polyvalent.
Ce courrier porte la mention : « LETTRE recommandée no 1A 030 721 4322 4 ». Il y est joint copie du même récépissé de dépôt de lettre recommandée en date du 8 décembre 2009, que celui versé aux débats par M. X..., ainsi que copie de l'avis de l'avis de réception portant le même numéro.
Manifestement la lettre du 9 décembre 2009 portant soi-disant démission de M. X...est un faux pour les raisons suivantes :
- l'employeur produit avec cette lettre de démission en date du 9 décembre 2009 qui porte le numéro 1A 030 721 4322 4, un récépissé de dépôt de lettre recommandée datée du 8 décembre 2009 portant le même numéro ; il est bien certain que si le courrier recommandé envoyé par M. X..., a été déposée le 8 décembre 2009 au service de la poste, il ne peut contenir une lettre datée du 9 décembre 2009 portant le numéro du récépissé de dépôt,
- l'employeur, s'il avait reçu effectivement une lettre de démission en date du 9 décembre 2009 par courrier recommandé, il ne pouvait être en possession de l'avis de réception qui a été retourné à l'expéditeur, M. X..., le 26 décembre 2009 par les services de la poste ; il s'en déduit que l'employeur a utilisé frauduleusement, à l'appui de son stratagème, la copie du récépissé de dépôt et de l'avis de réception que lui a communiqués M. X....
- en outre la signature de la lettre du 4 décembre 2009 invoquée par M. X..., dans laquelle celui-ci se plaint des retards de paiement de ses salaires et fait état de la volonté de son employeur de le licencier, est parfaitement identique à la signature que le salarié a apposée au bas de son contrat de travail, alors que la signature portée au bas de la lettre de démission du 9 décembre produite par l'employeur est notablement différente, et caractérise, par le griffonnage qu'elle présente, une maladroite imitation de la signature de M. X...,
- enfin et surtout l'enveloppe du courrier recommandé numéro 1A 030 721 4322 4, qui n'avait pas été remise à son destinataire, l'employeur de M. X..., a été ouverte à l'audience publique du 24 juin 2013 en présence des parties, et il a été constaté, comme noté par la greffière au rôle de la cour, la présence de la lettre originale en date du 4 décembre 2009 par laquelle M. X...faisait état des manquements de son employeur.
En conséquence, il ne peut être retenu de démission du salarié, puisqu'il vient d'être démontré que la lettre de démission versée aux débats est un faux.
Les griefs de M. X..., exprimés dans son courrier du 4 décembre, relatifs aux retards de paiement récurrents de son salaire, ainsi que l'interrogation de l'employeur sur son projet de licenciement, restée sans réponse, caractérise un litige entre les parties qui était de nature à justifier la saisine du Conseil de Prud'hommes, et ce d'autant plus que le salarié n'a plus été en mesure d'exécuter son travail, son employeur ne lui en fournissant plus la possibilité, étant souligné qu'il résulte du courrier en date du 19 juillet 2010 des services de la Direction Départementale du Travail, que ceux-ci, après enquête, ont appris par le gérant de la Société SPORT ANTILLES lui-même, que l'établissement que celle-ci exploitait, était fermé " pour cessation d'activité depuis le 2 janvier 2010 ".
Il y a lieu de constater que la Société SPORT ANTILLES bien que n'utilisant plus les services de M. X..., s'est abstenue de formaliser une procédure de licenciement à l'égard de celui-ci, et si des documents de fin de contrat datés du 31 décembre 2009 sont produits aux débats par l'employeur, il n'est nullement établi qu'ils aient été présentés ou remis à M. X..., le reçu pour solde de tout compte n'étant d'ailleurs pas signé par le salarié.
Ainsi le comportement de l'employeur justifie que la responsabilité de la rupture du contrat de travail lui soit imputée, compte tenu des carences dont il a fait preuve dans l'exécution des ses obligations.
Sur les demandes pécuniaires de M. X...:
La rupture du contrat de travail étant imputable à l'employeur, elle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence M. X...a droit, en application des dispositions de l'article L 1234-1 du code du travail à une indemnité compensatrice de préavis qui sera fixée à un mois de salaire, soit la somme de 1337, 72 euros, laquelle correspond au montant qu'aurait perçu le salarié s'il avait exécuté son préavis.
M. X...ne peut prétendre à 3 mois de préavis dans la mesure où l'activité d'exploitation de bar n'entre pas dans le champ d'application de la convention collective du commerce et des services de la Guadeloupe en date du 25 mai 1982, laquelle consacre dans son article 37 et son annexe 1, l'usage, dans le ressort du Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre, selon lequel après un an d'ancienneté, le préavis est de trois mois.
Par ailleurs il est dû à M. X...une indemnité de congés payés sur préavis d'un montant de 133, 77 euros.
L'indemnité légale de licenciement sera fixée à la somme de 267, 54 euros en application des dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail.
M. X...ayant moins de deux ans d'ancienneté, ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, prévoyant une indemnité minimale de 6 mois de salaires en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant compte tenu de la perte d'un emploi stable et de ses revenus professionnels, et également de l'impossibilité pour M. X...d'avoir pu bénéficier de l'assurance chômage à la suite de la cessation de son contrat de travail, le préjudice qu'il a subi sera indemnisé par l'octroi de la somme de 10 000 euros.
Dans la mesure où l'employeur ne justifie pas de la remise effective d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi, il sera condamné à procéder à leur remise sous astreinte.
Le reçu pour solde de tout compte ne pouvant être remis qu'après paiement de la totalité des sommes dues au salarié telles que fixées dans le présent arrêt, il n'y a pas lieu d'ordonner la remise du reçu pour solde de tout compte sous astreinte, étant rappelé qu'en tout état de cause, les sommes allouées à M. X...produisent intérêts de retard au taux légal à compter de la notification du présent arrêt.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X...les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 4 000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sur la base de la facture d'honoraires produites aux débats.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat de travail est imputable à la Société SPORT ANTILLES, et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la Société SPORT ANTILLES à payer à M. X...les sommes suivantes :
-1337, 72 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
-133, 77 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,
-267, 54 euros d'indemnité légale de licenciement,
-10 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-4000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à la Société SPORT ANTILLES de remettre à M. X..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, son certificat travail et l'attestation destinée à Pôle Emploi, et dit que passé ce délai d'un mois, chaque jour de retard sera assorti d'une astreinte de 20 euros,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société SPORT ANTILLES,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01466
Date de la décision : 23/09/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-09-23;12.01466 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award