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17/03/2014 | FRANCE | N°13/01710

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 17 mars 2014, 13/01710


FG/ JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 101 DU DIX SEPT MARS DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 01710
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 18 novembre 2013
APPELANTE
Madame Véronique X...épouse Y...... 97170 PETIT-BOURG Comparante en personne, assistée de Me Alain SALGADO, Avocat au barreau de PARIS.

INTIMÉE
SA ORANGE CARAIBES Zac de Moudong Sud-Voie no3 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Hélène SAÏD, Avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été d...

FG/ JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 101 DU DIX SEPT MARS DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 01710
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 18 novembre 2013
APPELANTE
Madame Véronique X...épouse Y...... 97170 PETIT-BOURG Comparante en personne, assistée de Me Alain SALGADO, Avocat au barreau de PARIS.

INTIMÉE
SA ORANGE CARAIBES Zac de Moudong Sud-Voie no3 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Hélène SAÏD, Avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise GAUDIN, conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 mars 2014
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme X...Y...Véronique a été engagée par la société ORANGE CARAIBES, SA, selon contrat à durée indéterminée à compter du 12 octobre 1998, en qualité de juriste-fiscaliste, au sein du service Direction. Elle a ensuite bénéficié de plusieurs promotions et a évolué sur un poste de responsable juridique puis en dernier lieu de directrice juridique d'Orange Caraïbes à compter du 17 décembre 2002, soit un poste de niveau G, statut de cadre dirigeant et percevait, dans le dernier état, une rémunération moyenne mensuelle de 7. 215 ¿ bruts pour 28 heures par semaine.

En septembre 2012, Mme X...Y..., par l'intermédiaire du médecin du travail, a informé son directeur général de la filiale, M. A..., de ce qu'elle se disait victime de harcèlement moral. Une enquête interne a été diligentée par un service « enquête contrôle général », qui a déposé un rapport en date du 12 décembre 2012.

Après convocation à entretien préalable, Mme X...Y...a été licenciée le 5 avril 2013 pour faute « volonté réitérée de déstabiliser Christophe B..., Directeur du pôle Outre-mer au niveau du groupe-déstabilisation traduisant en réalité la remise en cause de l'organisation ¿ exécution de mauvaise foi du contrat de travail.. »

Mme X...Y...a demandé le 6 mai 2013 au conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre statuant en référé de constater que son licenciement est illicite pour être consécutif à la dénonciation des faits de harcèlement moral qu'elle a subis, en conséquence, de dire et juger son licenciement nul et de nul effet, conformément aux dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, dire et juger que sa réintégration est de droit, d'ordonner sa réintégration dans son poste de travail sous astreinte et de prononcer la condamnation de l'employeur au paiement de ses salaires et accessoires jusqu'à celle-ci, outre la publication dans la presse locale de la décision à intervenir et une somme de 8. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée a saisi parallèlement la juridiction prud'homale au fond des mêmes demandes.
Par ordonnance en date du 18 novembre 2013, la formation de référé du conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre a dit n'y avoir lieu à référé, a débouté la salariée de ses demandes et l'employeur de sa demande reconventionnelle.
Mme X...Y...a interjeté appel de ladite ordonnance le 5 décembre 2013 et reprend les mêmes demandes en appel.
Elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, de constater que son licenciement est illicite pour être consécutif à la dénonciation de faits de harcèlement moral qu'elle a subis, de dire et juger son licenciement nul et de nul effet, conformément aux dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, de dire et juger que sa réintégration est de droit, de l'ordonner sous astreinte de 500 ¿ par jour de retard et de condamner la société ORANGE CARAIBE à lui verser ses salaires et accessoires de la fin de son préavis jusqu'au jour de sa réintégration, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans la presse locale et une somme de 10. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la nullité du licenciement, résultant de la violation d'une règle d'ordre public protectrice du salarié, constitue un trouble manifestement illicite et le magistrat des référés peut ordonner la réintégration du salarié qui en est victime pour faire cesser ce trouble.
La société ORANGE CARAIBE a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée, au débouté de toutes les demandes de la salariée et a sollicité la condamnation de Mme X...Y...au paiement d'une somme de 2. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rétorque qu'aucun trouble manifestement illicite de nature à justifier une mesure de réintégration n'est caractérisé en l'espèce et que lesdites demandes se heurtent à une contestation plus que sérieuse.

MOTIFS

Attendu que les pouvoirs de la formation de référé sont définis par les articles R 1455-5 et suivants du code du travail, lesquels sont libellés comme suit :
« Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

Que l'examen du bien-fondé d'un licenciement se heurte à une contestation sérieuse, dont l'appréciation relève de l'examen du juge du fond et échappe à la compétence du magistrat des référés.
Que cependant, même en présence d'une telle contestation sérieuse, le juge des référés qui est le juge de l'évidence peut statuer si le trouble qu'on lui demande de faire cesser est manifestement illicite et que la décision de l'employeur de licencier a un caractère illégal manifeste. Attendu que la salariée fonde sa demande de réintégration sur l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens du texte susvisé, résidant dans le fait que son licenciement est la conséquence directe de la dénonciation qu'elle a faite de faits de harcèlement à son encontre, qu'il serait donc nul de plein droit en vertu de l'article L. 1152-3 du code du travail.

Que l'article L. 1152-2 du code du travail énonce « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, ¿ (..) pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »
Qu'il en résulte que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis et que le licenciement consécutif à ladite relation des agissements de harcèlement moral par la salariée est nul de plein droit, en application de l'article L. 1152-3 susvisé.
Qu'il est constant que la salariée, lors de sa visite de reprise le 17 septembre 2012 devant la médecine du travail, a fait part de sa souffrance au travail, remontant déjà à juin 2011, et que le médecin du travail a alerté le même jour le directeur de la société ORANGE en mentionnant des faits de harcèlement moral de la part de M. Christian B..., directeur juridique France, à l'encontre de Mme X...Y..., et qu'après enquête interne diligentée par le contrôle général du groupe, selon convocation du 8 février 2013 elle a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement et licenciée par lettre du 5 avril 2013.
Que la lettre de licenciement est libellée en ce sens : « Le contexte de cette procédure s'inscrit dans le cadre de l'enquête engagée à la suite de vos dernières accusations portées à l'encontre de Christophe B.... S'il apparait à l'issue de celle-ci, qu'aucun élément ne permet d'accréditer votre thèse, ces vérifications ont toutefois mis en exergue votre comportement fautif, non conforme à vos responsabilités et au poste de Directrice juridique que vous exercez.

Pour rappel les griefs reprochés constituent :- Votre volonté réitérée de déstabiliser Christophe B..., Directeur du pôle Outremer au niveau du groupe.- Pour rappel en juin 2011 vous aviez déjà écrit à ce dernier un mail qui intégrait un panel très large de qualificatifs négatifs sur les échanges que ce collaborateur vous adressait en portant vos accusations auprès de la chaine hiérarchique de ce dernier. L'enquête a révélé l'absence d'élément factuel démontrant une quelconque volonté de nuire de Monsieur B...à votre encontre et a mis en exergue le fait que votre attitude s'est révélée très destructrice pour Christophe B....- En tout état de cause, le management à la suite de cette alerte a apporté des changements à l'organisation afin que chacun ait un périmètre clair de ses fonctions et responsabilités qui se sont révélés positifs pour tous et de nombreuses actions ont été entreprises à cette fin.

Un entretien téléphonique qui s'est tenu le 19 avril 2012 entre vous-même Madame C..., Directrice Juridique d'ORANGE FRANCE et Christophe B...confirme ce retour positif. Vous avez toutefois répondu au mail de Christophe B...qui en a suivi en rappelant à ce dernier vos accusations de juin 2011 ce qui de nouveau traduit une volonté de déstabilisation. Interrogée sur les raisons de ce visa, vous avez notamment répondu à l'enquêteur qu'il il y avait encore des points non réglés dans le fonctionnement de l'organisation notamment dans le domaine marketing et la direction de la stratégie.

En tout état de cause, ces deux points ultimes ne dépendaient pas de la direction juridique ce qui avait déjà fait l'objet d'un échange avec vous.- L'enquête a révélé que ce comportement s'est poursuivi par :- la mise en cause de Christophe B...dans la gestion des dossiers du pôle ; une attitude méprisante à son égard ;- une absence de transparence dans la gestion de certains dossiers ;- voir même l'éviction de ce dernier de la chaîne d'information sur plusieurs dossiers (échanges de mails sur les dossiers Krysalid, DJ concurrence).- En septembre 2012, Christophe B...est de nouveau mis en cause par l'intermédiaire du médecin du travail en accord avec vous. Interrogée par le contrôleur général, vous avez justifié vos propos à l'encontre de Christophe B...par un mail de ce dernier du 5 septembre 2012 au terme duquel il s'indignait de votre méthode consistant à écrire à sa propre hiérarchie sur un sujet concernant le pôle tout en ignorant sa position exprimée la veille. La mise en cause de ce collaborateur s'est révélée de nouveau infondée, et a contribué une fois de plus à déstabiliser profondément ce dernier qui a dû être accompagné psychologiquement. En outre, malgré ma demande claire qu'aucun contact n'ait lieu entre vous, vous lui adressez un mail notamment le 19 novembre pour lui donner instruction de ne pas payer une facture.

- Cette déstabilisation traduit en réalité la remise en cause de l'organisation pourtant arrêtée avec le pôle Outre-mer
Outre Christophe B..., c'est tout l'environnement de travail qui a été impacté par votre comportement. Nous avions déjà constaté votre difficulté à adhérer aux démarches engagées au premier trimestre 2011 permettant de définir les compétences de chacun dans l'organisation, votre passivité et votre retard à répondre aux actions proposées qui permettaient pourtant à chacun d'être conforté dans ses responsabilités et fonctions Nous avons identifié que vous ne respectiez pas toujours les compétences de chacun (exemple objectifs métiers définis par le pôle en octobre 2011), la réciprocité des informations transmises avec les Directions nationales.

Votre comportement à l'encontre du Directeur du pôle traduit de façon ultime cette remise en cause de l'organisation plusieurs fois constatée et votre refus de toute forme de complémentarité dans le cadre de la mission du pôle Outre-Mer nécessaire dans notre politique de gestion des risques juridiques. L'ensemble de ce qui précède traduit l'exécution de mauvaise foi de votre contrat de travail et n'est pas compatible avec nos attentes.
Nous avons constaté que le comportement qui vous est reproché est intervenu :- suite à des échanges managériaux sur la question de la carrière professionnelle conformément à la politique du groupe, dans le but de vous protéger d'une éventuelle mobilité ou d'une évolution professionnelle qui aurait pu vous être proposée,- et se poursuit dans un contexte de non acceptation de l'organisation mise en ¿ uvre.. En tout état de cause, la méthode utilisée sciemment à l'encontre de Christophe B...et sa réitération en l'absence de tout élément nouveau témoigne de votre mauvaise foi certaine, déstabilise l'organisation du pôle et nuit à l'environnement de travail. Ce comportement n'est en outre pas compatible avec une collaboration sereine et constructive recherchée avec le pôle outre-mer et n'est pas conforme à mes attentes au regard de votre niveau de responsabilité et de l'importance de votre fonction.

Je suis donc contraint pour toutes ces raisons de vous notifier votre licenciement. Ces griefs fautifs justifie un licenciement pour faute au regard de la gravité de votre comportement ¿ »

Que l'employeur, aux termes de la lettre de licenciement susvisée, énonce un comportement fautif de Mme X...Y..., consistant en des accusations de harcèlement moral de sa part, portées à l'encontre d'un dirigeant de la société, de nature à déstabiliser et remettre en cause l'organisation de cette dernière et par la même, un manquement à son obligation de loyauté dans l'exécution de la relation contractuelle, en violation de l'article L. 1222-1 du code du travail.

Que l'employeur allègue la mauvaise foi de la salariée et sa volonté de porter des accusations de harcèlement moral à l'encontre de M. B..., pour déstabiliser ce dernier et remettre en cause l'organisation duale de la direction juridique de la société.
Qu'il importe peu à ce stade de savoir si les faits de harcèlement moral allégués par la salariée sont établis mais il y a lieu d'apprécier si la salarié a dénoncé ces faits de mauvaise foi ou non, car il est de jurisprudence qu'un licenciement fondé sur de telles accusations portées de mauvaise foi est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Que le trouble manifestement illicite, au sens de l'article R. 1455-6 du code du travail, n'est donc pas caractérisé en l'espèce, l'appréciation de la bonne ou mauvaise foi de Mme X...Y...lors de sa relation des faits échappant à la compétence du magistrat des référés et relevant de l'appréciation du juge du fond déjà saisi de l'affaire.
Que c'est à juste droit que l'ordonnance déférée a dit n'y avoir lieu à référé et doit être confirmée. Qu'aucune considération d'équité ou autre ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR
Par arrêt contradictoire..
Déclare l'appel recevable, mais infondé.
Confirme l'ordonnance déférée,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne l'appelante aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01710
Date de la décision : 17/03/2014
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 25 novembre 2015, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 novembre 2015, 14-17.551, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-03-17;13.01710 ?
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