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09/02/2007 | FRANCE | N°06/01208

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale, 09 février 2007, 06/01208


AFFAIRE : N RG 06 / 01208 Code Aff. : ARRET N C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 27 Mars 2006

COUR D'APPEL DE CAEN TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 09 FEVRIER 2007

APPELANT :
Monsieur Kamel X.........

Représenté par Me DE MEZERAC, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
SARL LE COSTA 13, rue Guilbert 14000 CAEN

Représentée par Me Nadine LE MASLE, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur DEROYER, Président, Monsieur COLLAS, Conseill

er, rédacteur Mme GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 04 Décembre 2006

GR...

AFFAIRE : N RG 06 / 01208 Code Aff. : ARRET N C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 27 Mars 2006

COUR D'APPEL DE CAEN TROISIEME CHAMBRE-SECTION SOCIALE 2 ARRET DU 09 FEVRIER 2007

APPELANT :
Monsieur Kamel X.........

Représenté par Me DE MEZERAC, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
SARL LE COSTA 13, rue Guilbert 14000 CAEN

Représentée par Me Nadine LE MASLE, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur DEROYER, Président, Monsieur COLLAS, Conseiller, rédacteur Mme GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 04 Décembre 2006

GREFFIER : Mademoiselle GOULARD

ARRET prononcé publiquement le 09 Février 2007 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier

Faits-Procédure :

Monsieur Kamel X...a, par contrat à durée indéterminée, été engagé le 1er juillet 1999 en qualité de chef de rang par Madame Martine Y..., alors gérante de la SARL LE CARLOTTA exploitant un établissement de restauration sis ...à CAEN.

Sans avoir jamais expressément démissionné de son emploi et sans en avoir non plus été licencié, Monsieur X...a été embauché le 4 octobre 2000, en la même qualité de chef de rang, par la SARL LE COSTA exploitant, un établissement de même nature situé ... à CAEN et dont Madame Martine Y...est également la gérante.
Par lettre remise en main propre le 17 décembre 2003 à Madame Y...son employeur, lettre reformulée à l'identique et adressée à celle-ci le même jour par la voie postale, Monsieur X...lui a présenté sa démission pour convenance personnelle, l'informant par ailleurs qu'il quitterait définitivement l'entreprise au terme de son préavis d'une durée de 1 mois, soit le 17 janvier 2004.
Par lettre du 18 décembre 2003, son employeur a accusé réception du courrier de Monsieur X...l'informant de sa démission et l'a informé lui-même qu'il tiendrait à sa disposition le 17 janvier 2004 ses documents de fin de contrat dont celui-ci reconnaît qu'il lui ont été effectivement remis, avec son solde de tout compte, à cette date.
Par lettre du 16 février 2004 adressée à Madame Y..., Monsieur X...a dénoncé son solde de tout compte et mis en cause celle-ci dans sa démission exprimée deux mois auparavant, soutenant avoir été contraint à celle-ci par les conditions de travail qui étaient les siennes.
Le 5 octobre 2004, Monsieur Kamel X...a saisi le Conseil de prud'hommes de CAEN d'une demande de requalification de sa démission en rupture abusive de son contrat aux torts de son employeur, avec toutes conséquences indemnitaires de droit, ainsi que d'une demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires qu'il soutient avoir effectuées sans en avoir été rémunéré, lesquelles heures ouvrent droit pour lui à repos compensateur dont il demande à être indemnisé.
Par jugement rendu le 27 mars 2006, ledit Conseil de prud'hommes a débouté Monsieur X...de ses demandes fondées sur la rupture de son contrat et, sans se prononcer sur l'éventuel bien fondé de celui-ci en sa demande au titre des heures supplémentaires, a renvoyé les parties à prendre contact entre elles pour calculer les heures supplémentaires par lui effectuées.
Vu ledit jugement dont les deux parties ont interjeté appel, Monsieur X...le 19 avril 2006 et la SARL LE COSTA le 20 avril 2006.
Vu les conclusions déposées le 29 août 2006 et à nouveau à l'audience par Monsieur Kamel X....
Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience par la SARL LE COSTA.

MOTIFS

La prise d'acte de la rupture n'a pas à être motivée et le juge saisi d'une demande tendant à faire imputer cette rupture à l'employeur est tenu d'examiner les griefs du salarié même invoqués postérieurement à sa prise d'acte. Les griefs de Monsieur X...doivent donc être examinés quand bien même ce dernier a écrit qu'il démissionnait pour convenances personnelles, motif au demeurant vague et peu explicite.

Dans sa lettre du 16 février 2004 qu'il a adressé à Madame Y...son employeur, Monsieur X...soutient avoir été contraint de démissionner par les conditions de travail, qu'il y qualifie d'intenables, que celle-ci lui imposait, lesquelles étaient notamment caractérisées, y est-il encore précisé, par le nombre considérable d'heures de travail auxquelles il était astreint et qui ne lui étaient pas rémunérées.

Il précise, dans ses écrits de procédure, en quoi ses conditions de travail ont pu le contraindre à la démission.
Outre le grief, qu'il maintient et développe, portant sur le nombre important d'heures supplémentaires auxquelles il était astreint et dont il n'était pas payé, il y dit avoir été victime, à partir du moment où il a annoncé au cours de l'hiver 2002 à Madame Y...qu'il envisageait de se marier, de diverses pressions, sarcasmes, réflexions, réprimandes et emportements injustifiés de la part de celle-ci qui ont rendu particulièrement insupportable la poursuite de leurs relations contractuelles.
Madame Y...conteste, dans les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience au soutien des intérêts de la SARL LE COSTA dont elle est la gérante, la réalité de ces griefs que lui impute son ancien chef de rang.
Le seul fait de la nature de ceux que Monsieur X...dénonce dans ses écritures dont il justifie, grâce au témoignage de Monsieur Quentin Z..., qu'il avait une certaine consistance concerne une remarque que lui aurait faite son employeur en novembre 2003 à propos d'un cendrier qui n'avait pas été changé.
A cette date, Monsieur X...travaillait au service de Madame Y..., si l'on tient compte de ses contrats successifs au CARLOTTA puis au COSTA, depuis quatre ans et demi et l'un et l'autre reconnaissent dans leurs écritures respectives avoir, au cours de ces années, entretenu des relations amicales.
Compte tenu de la quasi insignifiance du fait reproché à Monsieur X..., de surcroît unique, qui lui aurait valu cette remarque de son employeur, sa réalité serait elle établie qu'il ne peut être la cause d'une dégradation des conditions de travail contraignant le salarié ne supportant plus celles-ci à la démission.
La présentation que fait Monsieur X...dans ses écritures du contexte, notamment chronologique, dans lequel serait née cette prétendue dégradation de ses conditions de travail apparaît par ailleurs sujette à caution.
Il situe en effet au cours de l'hiver 2002 le début de cette dégradation et l'annonce faite à Madame Y...de son projet de mariage comme étant la cause de celle-ci.
Or, il est justifié qu'il s'est marié le 2 novembre 2002, mariage auquel il a d'ailleurs invité Madame Y....
Par définition son projet de mariage était donc antérieur à cette date.
La réalité d'une dégradation des conditions de travail de Monsieur X..., hormis la question de sa durée qui va être examinée ci-après, imputable au comportement ou à l'attitude de son employeur n'apparaissant nullement établie, la requalification de sa démission en rupture du contrat aux torts de l'employeur ne saurait donc être fondée sur elle.
Le second grief qu'il invoque au soutien de sa demande porte sur l'exécution de nombreuses heures supplémentaires dont il n'aurait jamais été payé et il formule du reste à ce titre une demande de rappel de salaire à compter du 4 octobre 2000, date de son embauche par la SARL LE COSTA.
Son contrat de travail stipule que sa durée hebdomadaire de travail sera de 43 heures et sera effectuée selon les horaires en vigueur dans l'entreprise.
Celui-ci est régi, ainsi qu'il y est mentionné, par la convention collective des cafés, hôtels, restaurants.
Il est expressément reconnu par chacune des parties que, compte tenu du régime des heures d'équivalence propre à ce secteur d'activité, la durée légale hebdomadaire de travail applicable au personnel de l'entreprise ici en cause, qui comptait moins de 20 salariés, était de :-43 heures jusqu'au 31 décembre 2001 ;-41 heures du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;-39 heures depuis le 1er janvier 2004.

Il ressort des bulletins de paye de Monsieur X..., tous versés aux débats, qu'il a toujours été payé sur la base de ces durées et jamais au-delà.
La SARL LE COSTA soutient pour sa part que Monsieur X..., dont les fonctions et attributions se limitaient à celles de chef de rang, travaillait conformément aux horaires habituels pratiqués dans l'entreprise, soit, du lundi au vendredi de 10 heures 30 à 15 heures et de 18 heures 30 à 23 heures 30 et le samedi de 18 heures 30 à 24 heures, soit une amplitude hebdomadaire théorique de travail de 53 heures dont il y a lieu de déduire, pour Monsieur X..., les temps de pause du déjeuner et du dîner dont les durées étaient respectivement de trois quart d'heure et d'une demie heure et le service du mardi soir, Monsieur X...étant de repos le mardi après midi, ainsi, comme tout le personnel, que le samedi matin et le dimanche toute la journée, le restaurant étant fermé le samedi midi et le dimanche.
Par rapport à cette durée hebdomadaire théorique de travail, il y a donc lieu de déduire 11 heures 75, soit une durée réelle de travail de Monsieur X...de 41 heures 25.
Ce dernier soutient quant à lui qu'il travaillait invariablement chaque semaine 62 heures.
Il explicite comme suit son décompte.
Il travaillait, du lundi au vendredi, à l'exception du mardi, de 10 heures à 16 heures, puis de 18 heures à 1 heure, soit une amplitude quotidienne, pour ces quatre jours, de 13 heures dont il déduit 1 heure pour les deux pauses repas, soit 1 / 2 heure par pause, soit un travail effectif quotidien de 12 heures.
Il assurait par ailleurs le mardi le service du seul déjeuner, soit de 10 heures à 16 heures également dont il y a pareillement lieu de déduire le temps de pause du déjeuner, soit 1 / 2 heure, soit, ce jour-là, une durée effective de travail de 5 heures 30.
Enfin, le samedi, il prenait son service à 17 heures pour le terminer à 2 heures, soit une durée de travail ce jour-là, déduction faite de la pause dîner d'une demi-heure, de 8 heures 30.
S'il résulte de l'article L 212-1-1 du Code du Travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Pour étayer celle-ci, Monsieur X...soutient qu'outre ses fonctions de chef de rang, il assurait le nettoyage et le rangement des salles, le nettoyage des tapis, la préparation des vins, le comptage des serviettes....
Outre qu'il ne justifie pas de l'accomplissement de ses diverses tâches, que la SARL LE COSTA justifie du contraire au moyen des attestations, conformes aux prescriptions de l'article 202 du Nouveau Code de Procédure Civile, rédigées par tous les salariés, cuisiniers, serveurs, apprentis, qui l'ont cotoyé au restaurant dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, lesquels ont attesté, d'une part et respectivement, pour certains d'entres eux, que c'est eux mêmes qui effectuaient ces tâches et, d'autre part, que Monsieur X...le chef de rang ne contribuait lui-même pas à leur exécution.
Ces mêmes témoins, ainsi qu'un certain nombre de clients ayant leurs habitudes au restaurant, ont encore régulièrement attesté, non seulement de ce que les horaires d'ouverture et de fermeture de celui-ci étaient conformes à ce que soutient dans ses écritures (cf supra) la SARL LE COSTA mais, à tout le moins un certain nombre des employés avec lesquels travaillait Monsieur X..., que celui-ci, profitant des relations privilégiées qu'il entretenait avec Madame Y..., responsable du restaurant, prenait régulièrement son service en retard.
Ce dernier ne produit lui-même aucun témoignage, de collègues ou de clients, attestant de son temps effectif de présence sur son lieu de travail et sous le lien de subordination de son employeur étant précisé à cet égard, d'une part, qu'il ne peut être tiré aucune conclusion utile du constat fait par une cliente selon lequel il terminait son service après le départ des derniers clients si l'heure de ce départ n'y est par ailleurs pas précisée et, d'autre part, que lors de sa présence tardive dans l'établissement, constatée en certaines occasions, il n'était manifestement plus sous le lien de subordination de son employeur, les quelques témoins relatant sa présence en ces occasions décrivant ce qui doit être analysé comme des soirées privées où il avait la place de convive et non pas d'employé.
Le décompte de ses heures de travail que Monsieur X...verse aux débats se présente en la forme de feuilles dactylographiées, établies à raison d'une par année, sur lesquelles, hormis les années 2000 et 2004 où il n'a pas travaillé l'année entière, sont portées les 52 semaines et, au regard de chacune d'elles, le chiffre invariable de 62 correspondant à la durée de travail qu'il prétend avoir accomplie au cours de celle-ci.
A contrario, il ne produit aucun registre, aucun agenda, qu'il aurait pu remplir jour après jour ou, à tout le moins, chaque semaine, sur lequel auraient été portées ses heures quotidiennes de prise et de fin de service, indications à partir desquelles il aurait été aisé de calculer sa durée, quotidienne et hebdomadaire, de travail.
Au moyen de ce seul document, dont, en considération de sa forme, il n'est ni contestable, ni contesté qu'il a été établi a posteriori, Monsieur X...n'étaye pas sa demande au titre des heures supplémentaires dont il doit donc être débouté, ainsi qu'il doit l'être de celle, simplement subséquente à celle-ci, au titre des repos compensateurs.
La réalité de ce second grief qu'il invoque au soutien de sa demande de requalification de sa démission n'apparaissant pas davantage établie que le premier, celle-ci, exprimée par écrit à deux reprises doit produire son plein et entier effet et Monsieur X...doit en conséquence être entièrement débouté de sa demande tendant à sa requalification et de celles, indemnitaires, subséquentes.
-Sur les demandes indemnitaires de la SARL LE COSTA
Il ne peut être déduit du seul mal fondé des demandes le caractère abusif de l'action judiciaire engagée.
Quant au caractère injustifié, synonyme de infondé, de celle-ci, il ne saurait ouvrir droit à allocation de dommages et intérêts au profit du défendeur.
La SARL LE COSTA n'explicite pas en quoi l'action judiciaire engagée à son encontre par Monsieur X...présenterait un caractère abusif et il y a lieu de la débouter de sa demande indemnitaire de ce chef.
En considération des faits de l'espèce tels qu'ils ressortent des écritures des parties et des débats, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la SARL LE COSTA qui triomphe entièrement la charge des frais de procédure irrépétibles que l'action judiciaire infondée de Monsieur X...l'a contrainte à exposer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 27 mars 2006 par le Conseil de prud'hommes de CAEN en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à requalification de la démission de Monsieur Kamel X...en rupture de son contrat aux torts de son employeur et en ce qu'il a débouté celui-ci de ses demandes indemnitaires fondées sur la rupture de son contrat ;

Le réforme pour le surplus ;
Déboute Monsieur Kamel X...de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et d'indemnité de repos compensateur ;
Déboute la SARL LE COSTA de ses demandes indemnitaires ;
Condamne Monsieur Kamel X...aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARD B. DEROYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/01208
Date de la décision : 09/02/2007
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Caen, 27 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2007-02-09;06.01208 ?
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