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17/05/2011 | FRANCE | N°09/08944

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 17 mai 2011, 09/08944


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 17/05/2011



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/08944



Jugement (N° 06/4197)

rendu le 29 Octobre 2009

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : VM/CL





APPELANTE



SAS FLUNCH

Ayant son siège social [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 2]



Représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, a

voués à la Cour

Assistée de Maître Philippe CHAILLET, avocat au barreau de LILLE



INTIMÉE



SA SAGENA

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par la SCP THERY - LAURENT, avoués à la Cour

Assistée ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 17/05/2011

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/08944

Jugement (N° 06/4197)

rendu le 29 Octobre 2009

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : VM/CL

APPELANTE

SAS FLUNCH

Ayant son siège social [Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour

Assistée de Maître Philippe CHAILLET, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SA SAGENA

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP THERY - LAURENT, avoués à la Cour

Assistée de Maître VERLEY de la SCP VERLEY - PILLE, avocats au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Gisèle GOSSELIN, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Véronique MULLER, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

DÉBATS à l'audience publique du 10 Janvier 2011 après rapport oral de l'affaire par Madame MULLER.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2011 après prorogation du délibéré du 12 avril 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Gisèle GOSSELIN, Président, et Claudine POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 DÉCEMBRE 2010

***

FAITS ET PROCÉDURE

Aux termes d'une convention générale du 1° mars 1999, la société SAGENA a convenu, avec le groupe AGAPES, d'un accord cadre définissant les conditions générales dans lesquelles ce dernier pourrait souscrire des contrats d'assurance dommages ouvrage pour les chantiers de construction des diverses sociétés de restauration de son groupe, parmi lesquelles la société FLUNCH.

Dans le courant des années 2000 et 2001, et en application de cette convention, la société AGAPES a souscrit auprès de la société SAGENA onze contrats d'assurance dommages ouvrage pour des chantiers de rénovation concernant principalement des travaux de réfection de sols devant être réalisés dans divers établissements de la société FLUNCH à travers la France ([Localité 4], [Localité 16], [Localité 12]...).

Quelques mois après l'achèvement des travaux, la société FLUNCH a constaté - dans ses onze établissements - les mêmes désordres de soulèvement et de cloquage des dalles de sol, ce qui a motivé l'envoi de déclarations de sinistre à son assureur SAGENA. Cette société refusant sa garantie pour différents motifs, la société FLUNCH l'a assigné en référé aux fins de désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance du 15 mai 2001, le Président du Tribunal de grande instance de LILLE a nommé M. [T] en qualité d'expert. Exerçant ses garanties contre les constructeurs, la société SAGENA a parallèlement sollicité que la mesure d'expertise initiale leur soit déclarée commune, ce qui a fait l'objet de deux ordonnances des 3 juillet 2001 et 29 janvier 2002.

Par actes des 24 juillet 2001 (relatif à neuf sites de la société FLUNCH) et 6 janvier 2004 (relatif aux sites de [Localité 9] et [Localité 13]), la société FLUNCH a fait assigner la société SAGENA afin de voir constater que les garanties de la police dommages ouvrage lui étaient acquises pour les désordres affectant les revêtements de sols, d'obtenir paiement d'une provision à valoir sur son préjudice et de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Le rapport d'expertise a été déposé en décembre 2005.

Par jugement du 29 octobre 2009, le Tribunal de grande instance de LILLE a pour l'essentiel :

- déclaré recevables les demandes de la société FLUNCH à l'exception de la demande en réparation des dommages matériels du restaurant d'[Localité 5],

- condamné la société SAGENA au paiement de diverses indemnités en réparation des dommages matériels (pour un total de 1.167.183 euros) avec intérêts au taux légal (ou au double de l'intérêt légal pour certains sites) à compter des 24 juillet 2001 ou 6 janvier 2004,

- condamné la société SAGENA au paiement de diverses indemnités en réparation des dommages immatériels (pour un total de 560.761 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2008,

- dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts à compter du 18 avril 2008, date de la demande en justice, en vertu des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- débouté la société FLUNCH de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné la société SAGENA au paiement de la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration reçue au greffe le 17 décembre 2009, la société FLUNCH a relevé appel de ce jugement.

Statuant sur des conclusions d'incident déposées par la société FLUNCH aux fins de voir ordonner l'exécution provisoire du jugement déféré, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande par ordonnance du 12 octobre 2010.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 avril 2010, la société FLUNCH demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré du seul chef des dispositions critiquées,

- condamner la société SAGENA à lui payer la somme de 96.946 euros au titre des dommages matériels au titre du restaurant d'[Localité 5], avec intérêts au double du taux légal à compter du 24 juillet 2001,

- fixer le point de départ des intérêts dûs au titre des dommages immatériels au 26 avril 2006 ( au lieu de 18 avril 2008 dans la décision déférée),

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 26 avril 2006,

- condamner la société SAGENA au paiement de la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société SAGENA au paiement de la somme de 200.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions signifiées le 25 octobre 2010, la société SAGENA forme appel incident et demande à la cour de :

- dire irrecevables les demandes de la société FLUNCH pour défaut d'intérêt et de qualité à agir,

- en conséquence, débouter la société FLUNCH de ses demandes,

- subsidiairement, dire que la société FLUNCH devra conserver à sa charge 40% du montant des travaux au titre de son rôle de maître d'oeuvre,

- dire qu'elle est en droit d'opposer son plafond de garantie (dommages immatériels) repris pour chaque site dans les conditions particulières, dont le montant s'élève à une somme totale de 720.458 euros,

- débouter la société FLUNCH de ses demandes annexes,

- condamner la société FLUNCH au paiement de la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles.

L'analyse des moyens et prétentions des parties sera effectuée à l'occasion de la réponse qui sera apportée aux écritures opérantes.

DISCUSSION

I - SUR LA RECEVABILITÉ DES DEMANDES FORMÉES PAR LA SOCIÉTÉ FLUNCH

1-1- sur la recevabilité des demandes formées pour l'ensemble des sites à l'exception de celui d'[Localité 5]

La société SAGENA critique le premier juge en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formées par la société FLUNCH pour l'ensemble des sites - à l'exception de celui d'[Localité 5] - invoquant au contraire l'irrecevabilité des demandes au motif d'une part que les contrats d'assurance n'ont pas été souscrits par la société FLUNCH mais par la société AGAPES qui en est le bénéficiaire présumé, d'autre part que la société FLUNCH n'est pas en mesure d'apporter la preuve de sa qualité de propriétaire des ouvrages, de sorte qu'elle n'a pas qualité à agir.

* le souscripteur des contrats d'assurance

S'agissant de l'identité du souscripteur, la cour observe que les dix contrats d'assurance ne sont pas libellés de manière identique. Six d'entre eux (sites de [Localité 14], [Localité 10], [Localité 6], [Localité 12], [Localité 13], [Localité 9]) mentionnent au paragraphe 'souscripteur' tant la société AGAPES en qualité de 'prestataire de service', que la société FLUNCH en qualité de 'maître d'ouvrage', ce qui conduit à reconnaître cette qualité de souscripteur tant à la société AGAPES qu'à la société FLUNCH.

S'agissant des autres contrats ([Localité 11], [Localité 4], [Localité 15] et [Localité 16]), il résulte des documents pré-contractuels que la société AGAPES a toujours manifesté la volonté d'agir en qualité de 'souscripteur pour le compte de la société FLUNCH' (courriers adressés par la société AGAPES au courtier de la société SAGENA pour l'établissement des contrats : pièces numéros 12, 28,29,39,57 de la société FLUNCH).

La société AGAPES écrivait ainsi le 14 mars 2000 à la société VERSPIEREN, courtier de la société SAGENA (pièce numéro 12) : 'concerne : projet de contrat dommages ouvrage. Souscripteur : société AGAPES SERVICES pour le compte de la SAS FLUNCH....nous vous prions de bien vouloir établir une police d'assurance dommages ouvrages pour garantir les travaux de rénovation réalisés dans le restaurant Flunch à [Localité 11].' Les échanges de courrier postérieurs n'ont jamais remis en cause le fait que la société AGAPES agisse en cette qualité de 'souscripteur pour le compte de la société FLUNCH'. Il en est de même pour les trois autres sites.

S'il est exact que le contrat concernant le site de [Localité 11] (mentions identiques pour les trois autres sites) ne mentionne finalement que la société AGAPES dans la clause ' souscripteur', la société SAGENA a cependant fait figurer la société FLUNCH aux côtés de la société AGAPES en première page du contrat. Quelle que soit la maladresse de rédaction de cette clause 'souscripteur', il résulte de l'ensemble des éléments exposés plus avant que la commune intention des parties était d'attribuer également cette qualité de souscripteur à la société FLUNCH..

* la qualité de propriétaire de l'ouvrage

L'assurance dommages ouvrage est une assurance de choses qui bénéficie aux acquéreurs successifs de l'ouvrage, de sorte que seul le propriétaire au moment du sinistre peut normalement en revendiquer le bénéfice.

En l'espèce, la société FLUNCH admet qu'elle n'est que locataire des différents locaux qui sont la propriété des trois sociétés suivantes :

- société IMMOCHAN : propriétaire des locaux situés à [Localité 14], [Localité 17], [Localité 13], [Localité 4], [Localité 12], [Localité 10], [Localité 7] et [Localité 9].

- société SEGECE : propriétaire des locaux situés à [Localité 16],

- société FONCIFLU : propriétaire des locaux situés à [Localité 11]

La société FLUNCH justifie toutefois avoir pris en charge l'intégralité des réparations des désordres sur les différents sites, ainsi que cela ressort des factures communiquées et du rapport d'expertise ( pages 62 à 91).

La société FLUNCH produit enfin aux débats une attestation de chacun des propriétaires des locaux concernés (pièces numéro 81 à 83) l'autorisant d'une part à percevoir les indemnisations de l'assureur dommages ouvrage suite aux désordres, renonçant d'autre part à réclamer toute indemnisation à la société SAGENA.

Aux termes de ces développements, il apparaît que la société FLUNCH est souscripteur des polices d'assurances, qu'elle a intégralement pris en charge les réparations des désordres et qu'il n'existe aucun conflit avec les propriétaires des lieux quant au sort des indemnités, ces derniers l'autorisant expressément à les percevoir.

Au regard de ces éléments, la cour considère que la société FLUNCH a bien intérêt à agir à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage et à solliciter réparation des dommages causés aux ouvrages assurés, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré ces demandes recevables.

1-2- sur la recevabilité des demandes formées pour le site d'[Localité 5]

S'agissant du site d'[Localité 5], le jugement déféré a déclaré les demandes de la société FLUNCH irrecevables au motif que cette dernière ne produisait pas d'attestation du propriétaire pour ce site.

En cause d'appel, la société FLUNCH produit une attestation de son propriétaire, la société OCC, rappelant les conditions du bail commercial aux termes duquel le locataire a : ' l'obligation de faire assurer, pendant toute la durée du bail, les aménagements, installations, ...' qu'il fait réaliser et dont il demeure propriétaire jusqu'à la fin du bail.

Il ressort en outre du contrat de location que : 'le preneur prend les lieux loués dans leur état actuel, et ne pourra exiger du bailleur aucun aménagement ni aucune réparation autres que celles définies par l'article 606 du code civil.'

Il est également précisé aux conditions générales du contrat que les travaux d'aménagement sont exécutés par le preneur à ses frais.

Il est constant que les réparations pour lesquelles la garantie de la société SAGENA est sollicitée ne font pas partie de celles définies à l'article 606 du code civil (gros murs, voûtes, couvertures), de sorte que la société FLUNCH se trouve privée de tout recours contre son propriétaire pour ces réparations.

La société FLUNCH doit être considérée comme souscripteur de la police d'assurance dommages ouvrage aux côtés de la société AGAPES qui a sollicité l'établissement de cette police 'pour le compte de la société FLUNCH' dans les mêmes conditions que celles décrites pour le site de [Localité 11] déjà examinées. Elle justifie en outre avoir pris en charge l'intégralité des réparations, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise aux pages 62 à 91.

La société FLUNCH justifie d'un intérêt évident à se prévaloir du contrat d'assurances qu'elle a souscrit, dès lors qu'elle ne peut exercer aucun recours contre son bailleur et qu'elle a elle-même financé les travaux de réfection.

La décision déféré sera donc réformée, l'action de la société FLUNCH étant déclarée recevable à l'encontre de la société SAGENA, y compris pour le site d'[Localité 5].

II - Sur les garanties dues par la société SAGENA au titre de la police dommages-ouvrage

Le jugement déféré retient que la garantie de la société SAGENA est acquise en vertu des différents contrats d'assurances dommages ouvrages, ce que cette dernière ne discute plus en cause d'appel, se contentant d'opposer deux limites à cette garantie, en raison d'une part du non-respect par la société FLUNCH des clauses prévoyant l'intervention d'un maître d'oeuvre distinct du maître de l'ouvrage, d'autre part des plafonds de garantie applicables aux dommages immatériels.

2-1- sur la demande de limitation de la garantie du fait du non-respect, par la société FLUNCH, des clauses contractuelles

La société SAGENA fait valoir que la convention cadre conclue en 1999 imposait à la société FLUNCH l'intervention d'un maître d'oeuvre distinct du maître de l'ouvrage, sous peine d'application d'une surprime en cas de non-respect de cette exigence. Se fondant sur certaines mentions du rapport d'expertise arguant du rôle de maître d'oeuvre de la société FLUNCH en plus de sa qualité de maître de l'ouvrage, elle sollicite que soit laissée à la charge de celle-ci une part de 40% du montant des dommages.

La convention cadre du 1° mars 1999 prévoit : 'les travaux sont exécutés avec présence d'un maître d'oeuvre distinct du maître de l'ouvrage. La maîtrise d'oeuvre complète (s'analysant à priori comme assumée par le maître de l'ouvrage), la mission partielle limitée à la conception ou à la réalisation générera une surprime de 0,23%.'

Il est toutefois précisé : ' s'il s'avère au cours de l'instruction du dossier relatif à un chantier déterminé que le risque ne correspond plus aux conditions du présent engagement, SAGENA se réserve le droit de revoir le tarif avant l'émission du contrat'.

L'exécution des travaux en présence d'un maître d'oeuvre distinct du maître de l'ouvrage est ainsi la règle habituelle, la convention n'écartant pas toutefois la possibilité de déroger à cette règle pour un chantier déterminé, sous réserve de l'application d'une surprime.

L'examen des différents contrats souscrits par la société FLUNCH permet de constater qu'à l'exception des sites d'[Localité 5] et de [Localité 16], tous les autres contrats prévoient expressément la présence d'un maître d'oeuvre distinct de la société FLUNCH, ce qui tend à démontrer que les dispositions de la convention cadre ont bien été respectées, du moins pour ces sites.

Les quelques mentions du rapport d'expertise citées par la société SAGENA ne permettent pas d'établir que la société FLUNCH, maître de l'ouvrage, aurait également assumé une mission de maîtrise d'oeuvre. Contrairement à ce qui est soutenu, le choix des prestations et notamment du revêtement de sol (sol souple plutôt que carrelage) ne relève qu'accessoirement de la mission du maître d'oeuvre, ce dernier se contentant d'assister et de conseiller le maître de l'ouvrage auquel ce choix incombe en priorité. De même, le fait que la société FLUNCH ait, soit directement acquis des matières premières, soit diffusé aux entreprises le cahier des charges, ne relève pas d'une mission de maîtrise d'oeuvre.

S'agissant de ces différents sites, il est ainsi établi que - conformément aux clauses contractuelles - la société FLUNCH a confié la mission de maîtrise d'oeuvre à un tiers, aucun élément ne permettant d'affirmer qu'elle aurait finalement assumé, ou même empiété, cette mission de maîtrise d'oeuvre.

S'agissant des sites d'[Localité 5] et [Localité 16], et conformément à la possibilité de dérogation expressément prévue par la convention cadre, il est précisé au contrat d'assurances que le maître d'oeuvre de conception est la société FLUNCH, ce qui a expressément été accepté par la société SAGENA, de sorte qu'elle n'est pas fondée à invoquer le non-respect des clauses contractuelles, étant en outre observé qu'il n'est justifié sur ces deux sites d'aucun acte de la société FLUNCH pouvant ressortir d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution.

La société SAGENA ne justifiant d'aucun non-respect, par la société FLUNCH, de ses obligations contractuelles, sa demande tendant à voir limiter la garantie ne peut aboutir.

2-2- sur le montant des indemnités sollicitées par la société FLUNCH et l'application des plafonds de garantie

* les indemnités sollicitées au titre du dommage matériel

La société SAGENA ne discute pas du quantum des indemnités allouées par le premier juge au titre du dommage matériel pour les dix premiers sites de la société FLUNCH de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point.

S'agissant du site d'[Localité 5], pour lequel la cour infirme le jugement déféré et constate la recevabilité de la demande de la société FLUNCH, cette dernière sollicite paiement d'une somme de 96.946 euros au titre du dommage matériel. La société SAGENA ne discute pas le quantum de cette demande.

L'expert a pour sa part fixé le coût des travaux de reprise à une somme légèrement plus élevée, de 106.548,40 euros. La cour fera droit à la demande de la société FLUNCH inférieure à l'évaluation de l'expert, condamnant ainsi la société SAGENA au paiement de la somme de 96.946 euros au titre du dommage matériel avec intérêts au taux légal (voir plus avant) à compter du 24 juillet 2001, date de l'assignation.

* les indemnités sollicitées au titre du dommage immatériel (perte d'exploitation)

S'agissant des pertes d'exploitation, la société SAGENA fait valoir que ses garanties sont contractuellement limitées à certains plafonds, invitant la cour à respecter ces derniers et à limiter l'indemnisation en conséquence, sans toutefois invoquer un quelconque dépassement de ces plafonds par la décision déférée.

Après comparaison des plafonds de garantie invoqués pour chaque site par la société SAGENA, il apparaît que les indemnités alloués par le premier juge sont soit inférieures soit égales au plafond de garantie, de sorte que le jugement déféré sera confirmé quant aux sommes allouées au titre de la perte d'exploitation, étant observé que le premier juge a déjà fait droit à la demande de la société FLUNCH pour le site d'[Localité 5].

La société FLUNCH critique le premier juge en ce qu'il a retenu comme point de départ des intérêts sur les indemnités au titre du dommage immatériel la date du 18 avril 2008, alors que sa demande en paiement avait été formulée dès le 26 avril 2006 dans des conclusions d'incident déposées devant le juge de la mise en état, cette dernière date devant être retenue comme point de départ des intérêts.

La société SAGENA s'oppose à cette demande, au motif que l'incident tendant au paiement d'une provision a fait l'objet d'un rejet par ordonnance du juge de la mise en état du 19 décembre 2007, la société FLUNCH s'étant ensuite désistée du recours qu'elle avait formé contre cette ordonnance.

L'ordonnance du juge de la mise en état n'ayant pas, au principal, autorité de chose jugée, le fait que la demande ait été rejetée par ce dernier est indifférent, l'essentiel étant de constater que la demande en paiement d'indemnités au titre du dommage immatériel a bien été formée pour la première fois par conclusions du 26 avril 2006, de sorte que le jugement déféré sera réformé sur ce point, les intérêts commençant à courir à compter de cette date.

III - Sur les demandes annexes

3-1- sur la sanction de doublement du montant des intérêts

Il résulte de l'article L. 242-1 du code des assurances que l'indemnité versée par l'assureur est majorée de plein droit d'un intérêt égal au double de l'intérêt légal lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus ou qu'il offre une indemnité manifestement insuffisante.

En l'espèce, la société SAGENA critique le premier juge en ce qu'il a fait application de cette sanction pour certains sites ( [Localité 10], [Localité 14] et [Localité 4]), estimant que 'son refus de garantie ne pouvait être qualifié d'abusif'.

La société FLUNCH sollicite au contraire que la sanction du doublement de l'intérêt légal soit appliquée à l'ensemble des sites, arguant d'un 'refus de garantie injustifié' ou d'offres d'indemnisation manifestement insuffisantes, par exemple pour le site d'[Localité 5].

Les sociétés SAGENA et FLUNCH, de même que le premier juge, opèrent une confusion entre les différentes sanctions applicables à l'assureur. Le refus de garantie non motivé ( et non pas injustifié), de même que la notification simultanée du rapport d'expertise et de la position sur la garantie, ne sont pas sanctionnés par un doublement du taux de l'intérêt légal mais par la perte de la possibilité de refuser la garantie, ce qui n'est pas débattu en l'espèce.

La société FLUNCH n'invoque aucun dépassement de délais par la société SAGENA, arguant uniquement d'une offre insuffisante pour le site d'[Localité 5]. Elle ne justifie cependant d'aucune offre d'indemnité pour ce site de sorte qu'il n'est pas possible d'en apprécier l'éventuelle insuffisance.

Faute pour la société FLUNCH de justifier du non respect des délais ou d'offres manifestement insuffisantes, sa demande de doublement de l'intérêt sera rejetée, la cour réformant sur ce point le jugement déféré.

3-2- sur la demande de capitalisation des intérêts

La société FLUNCH critique le premier juge en ce qu'il a retenu comme point de départ de la capitalisation des intérêts la date du 18 avril 2008, soutenant que sa demande en paiement a été formulée dès le 26 avril 2006, de sorte qu'il convient de retenir cette date.

Les conclusions d'incident du 26 avril 2006 ne comportent aucune demande de capitalisation des intérêts, et il n'est justifié d'aucune demande de capitalisation antérieure au 18 avril 2008, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé la capitalisation à compter de cette dernière date, dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

3-3 - sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La société FLUNCH fait valoir que la société SAGENA a fait preuve de résistance abusive en refusant d'accorder sa garantie au motif d'une cause étrangère (défaut d'entretien du revêtement de sol) qui a été écartée par l'expert dès le 15 juillet 2002 ( pré-rapport).

Il sera cependant observé que la détermination de la cause du désordre a donné lieu à de nombreux débats retracés de manière détaillée aux pages 48 à 61 du rapport d'expertise qui n'a été déposé qu'en décembre 2005, de sorte qu'en refusant sa garantie au motif d'une cause étrangère (défaut d'entretien ou usage anormal) expressément mentionnée au contrat et très longuement débattue, la société SAGENA n'a fait preuve d'aucune résistance abusive, étant au surplus observé que la société FLUNCH n'invoque aucun préjudice résultant de cette prétendue résistance abusive.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à la société FLUNCH une somme de 15.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance. Il sera alloué à la société FLUNCH une somme complémentaire de 15.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu'il :

- a déclaré la société FLUNCH irrecevable en sa demande d'indemnisation du dommage matériel subi sur le site d'[Localité 5],

- a fixé le montant des intérêts, pour certains sites, au double de l'intérêt légal,

- a fixé le point de départ des intérêts applicables aux dommages immatériels à la date du 18 avril 2008,

En conséquence,

Déclare recevable la demande de la société FLUNCH pour le site d'[Localité 5], et condamne la société SAGENA à payer à la société FLUNCH la somme de 96.946 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2001,

Dit que le taux d'intérêt applicable aux différentes indemnités accordées est toujours celui de l'intérêt légal,

Fixe le point de départ des intérêts applicables aux dommages immatériels à la date du 26 avril 2006,

Confirme pour le surplus le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne la société SAGENA à payer à la société FLUNCH la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la société SAGENA aux dépens de la présente instance, avec distraction au profit de la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Claudine POPEKGisèle GOSSELIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 09/08944
Date de la décision : 17/05/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°09/08944 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-17;09.08944 ?
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