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19/05/2011 | FRANCE | N°08/06275

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 19 mai 2011, 08/06275


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 19/05/2011



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/06275



Jugement (N° 2002/660)

rendu le 18 Mars 2004

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : EM/CL





APPELANTE



Madame [F] [H] [P] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 14]

[Localité 11]



Représent

ée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour

Assistée de Maître VAUVILLE substituant la SELARL VIVALDI, avocats au barreau de LILLE



INTIMÉS



S.A. DEXIA BANQUE BELGIQUE anciennement dénommée Crédit Communal de...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 19/05/2011

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/06275

Jugement (N° 2002/660)

rendu le 18 Mars 2004

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : EM/CL

APPELANTE

Madame [F] [H] [P] épouse [O]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 19]

demeurant [Adresse 14]

[Localité 11]

Représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour

Assistée de Maître VAUVILLE substituant la SELARL VIVALDI, avocats au barreau de LILLE

INTIMÉS

S.A. DEXIA BANQUE BELGIQUE anciennement dénommée Crédit Communal de Belgique,

Ayant son siège social[Adresse 7]

[Localité 2] - Belgique

SELARL [Z] [Z],

es qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV SYNERGIE CALS

Ayant son siège social [Adresse 12]

[Localité 10]

Représentées par la SELARL LAFORCE Eric, avoués à la Cour

Assistées de Maître Pierre SOULIER, avocat au barreau de LILLE

Monsieur [K] [I] [O]

né le [Date naissance 6] 1956 à [Localité 16]

demeurant [Adresse 14]

[Localité 11]

Assigné et réassigné en mairie et en l'étude de l'huissier-n'ayant pas constitué avoué

ASSIGNES EN INTERVENTION FORCÉE

Monsieur [T] [Z]

en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [K] [O]

demeurant [Adresse 12]

[Localité 10]

Assigné à domicile, n'ayant pas constitué avoué

Maître [C] [U]

es qualités de mandataire ad'hoc de Mr [K] [O]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 9]

Assigné et réassigné à domicile - n'ayant pas constitué avoué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Jean-Marc PARICHET, Conseiller

Pascale METTEAU, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

DÉBATS à l'audience publique du 21 Mars 2011 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2011 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Nicole HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 MARS 2011

***

M. [K] [O] et Mme [F] [P] se sont mariés le [Date mariage 3] 1983 sous le régime de la communauté des biens réduite aux acquêts. Trois enfants sont nés de leur union en 1988, 1990 et 1994.

Par acte d'huissier du 24 mai 2000 Mme [P] a fait assigner son mari devant le Tribunal de grande instance de LILLE, pour, sur le fondement des articles 1443 et suivants du code civil, voir prononcer la séparation judiciaire des biens et ordonner la liquidation de leur communauté, exposant que M. [O], directeur général salarié de la clinique Ambroise Paré à LILLE, a été licencié en 1995, qu'il a alors développé une activité de promotion immobilière en constituant deux sociétés dont il est le gérant, la SCI [O] et la Société SCCV Synergie Cals (Centre Affaire Lille Sud), que sa gestion désastreuse l'a conduit à une mise en examen avec détention provisoire ainsi qu'à multiplier des dettes personnelles en utilisant les ressources du ménage à son insu et qu'il était nécessaire de préserver les produits de son activité de pédiatre libéral en mettant fin au régime de communauté.

Par jugement du 14 septembre 2000 le Tribunal, constatant que par une mauvaise administration des sociétés civiles, Monsieur [O], objet de poursuites judiciaires, mettait en péril les intérêts de son conjoint et de ses enfants, a :

prononcé la séparation des biens entre les époux [K] [O] et [F] [P] ;

dit que chacun reprendra la libre administration et disposition de ses biens présents et à venir ;

ordonné la liquidation de la communauté et désigné le Président de la Chambre des notaires du Nord ou son délégataire pour y procéder ;

dit que le jugement prend effet au 15 juin 2000 ;

ordonné les mesures de publicité fixées par l'article 1294 du code de procédure civile ;

condamné M. [O] aux dépens.

Le 6 décembre 2001, Me [D], notaire associé à LILLE, a établi un acte de liquidation de communauté qui a été signé par les deux époux.

Par exploit du 22 janvier 2002 Me [T] [Z], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCCV Synergie Cals et la SA DEXIA BANQUE BELGIQUE, anciennement dénommée CRÉDIT COMMUNAL DE BELGIQUE, ont formé tierce opposition au jugement de séparation de biens en application de l'article 1447 du code civil, soutenant qu'il a été rendu en fraude de leurs droits de créanciers de M. [O] puisque le partage de communauté attribue la quasi-totalité des biens des époux [O] à Mme [P], permettant ainsi de soustraire les biens de son époux et ceux de la communauté aux poursuites des créanciers.

Par jugement du 18 mars 2004, le Tribunal de grande instance de LILLE a :

déclaré Me [Z], es qualités de liquidateur judiciaire de la SCCV Synergie Cals et la SA DEXIA BANQUE BELGIQUE recevables et fondés en leur tierce opposition ;

ordonné la rétractation du jugement du 14 septembre 2000 ;

déclaré inopposable à Me [Z], es-qualités et à la SA DEXIA BANQUE BELGIQUE l'acte de liquidation de communauté reçu par Me [D] le 6 décembre 2001 ;

débouté Mme [P] et M. [O] de leurs demandes ;

condamné solidairement Mme [P] et M. [O] aux dépens et à verser à Me [Z], es-qualités, et à la SA DEXIA BANQUE BELGIQUE la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les premiers juges ont retenu la fraude aux droits des créanciers en constatant que l'attribution de la quasi-totalité des biens patrimoniaux des époux [O] à Mme [P] intervient au moment où la société gérée par M. [O] connaît d'importantes difficultés, que sauf à arguer d'une négligence coupable, cette situation ne pouvait être ignorée par Mme [P], qui ne peut prétendre au regard des montants importants des mouvements de fonds effectués sur le compte commun, que des engagements auraient été pris en son nom à son insu, tout comme l'auraient été des prélèvements, transferts et/ou détournements dont certains remonteraient à 1991.

Mme [P] a relevé appel de ce jugement le 11 mai 2004.

Elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de déclarer la tierce opposition irrecevable au motif que ni Me [Z], ni la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE n'ont qualité pour agir, subsidiairement de la déclarer mal fondée puisqu'il n'est pas justifié de la fraude, que la séparation de biens a été rendue nécessaire par le péril que présentait le désordre des affaires de M. [O] pour la famille et que la liquidation de la communauté qui s'en est suivie a été menée dans le respect objectif des droits de chacun.

M. [K] [O], assigné et réassigné à mairie par Mme [P] les 6 avril et 18 mai 2005, n'a pas constitué avoué. Il a été réassigné par Me [Z], es qualités et la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE le 9 mars 2007 en l'étude de l'huissier

Par jugement du 7 mai 2004 le tribunal de grande instance de LILLE a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. [O] et désigné Me [Z], en qualité de liquidateur judiciaire, lequel assigné le 5 octobre 2004 en intervention forcée, es qualités, par Mme [P] par acte remis à une personne présente à son domicile professionnel, n'a pas constitué avoué.

Par ordonnance rendue le 17 novembre 2004 sur requête de Me [Z], liquidateur judiciaire de la SCCV Synergie Cals, le Premier Président de la Cour d'appel de DOUAI a désigné Me [C] [U] en qualité d'administrateur ad'hoc pour représenter M. [O] dans la présente instance en raison du conflit d'intérêts existant avec Me [Z].

Me [U], assigné et réassigné en intervention forcée les 13 avril et 19 mai 2005 par Mme [P], par acte remis à une personne présente à son domicile professionnel, n'a pas constitué avoué.

Par conclusions du 18 janvier 2010 la SELARL [Z] et [Z] a repris l'instance en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCCV Synergie Cals aux lieu et place de Maître [Z] qui exerçait auparavant en son nom propre.

Par arrêt du 22 mars 2010 la Cour a :

confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les tierces oppositions de Maître [Z], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCCV Synergie Cals et de la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE

avant dire au fond, invité Madame [F] [P] :

* à justifier de l'encaissement de ses deniers propres ayant donc lieu à récompense dans l'acte de partage sur un compte ouvert au nom des deux époux

* à produire l'acte d'acquisition de l'immeuble de [Localité 13].

Vu les conclusions déposées le 31 décembre 2010 par Madame [P] qui demande à la Cour de réformer le jugement, de déclarer la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE irrecevable en ses demandes, en tout état de cause de constater que la séparation de biens des époux [O] [P] et la liquidation de communauté qui s'en est suivie sont intervenues sans fraude aux droits des créanciers et en particulier que les récompenses retenues par le notaire liquidateur étaient fondées, débouter en conséquence la société DEXIA BANQUE BELGIQUE et Maître [Z], es qualités de liquidateur de la SCCV Synergie Cals, de l'ensemble de leurs demandes et les condamner solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les conclusions déposées le 1er février 2011 par la SA DEXIA BANQUE BELGIQUE et la SELARL [Z] en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCCV Synergie Cals qui demandent à la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter Madame [P] de ses demandes, condamner solidairement Madame [P] et Monsieur [O] à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1500 euros à la SELARL [Z], es qualités et la somme de 1500 euros à la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE, les condamner en outre solidairement aux dépens

SUR CE

Attendu que par arrêt du 22 mars 2010 la Cour a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré Maître [Z], en sa qualité de liquidateur de la SCCV Synergie Cals et la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE recevables en leur tierce opposition ;

que dans ses conclusions déposées après cet arrêt Madame [P] renouvelle sa demande tendant à voir déclarer la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE irrecevable en ses demandes sans invoquer de fins de non recevoir autres que celles sur laquelle la Cour a déjà statué ; que la demande de Madame [P] se heurte donc à l'autorité de la chose jugée ;

***

Attendu que l'article 1443 du code civil dispose que si, par le désordre des affaires d'un époux, sa mauvaise administration ou son inconduite il apparaît que le maintien de la communauté met en péril les intérêts de l'autre conjoint, celui-ci peut poursuivre la séparation de biens en justice ;

Que les conditions d'ouverture d'une procédure de séparation de biens étaient remplies lorsque, le 24 mai 2000, Madame [P] a engagé son action puisqu'en mars 2000 Monsieur [O] avait été mis en examen avec placement en détention provisoire pour faux, usage de faux, abus de biens sociaux, escroquerie et abus de confiance ;

que le fait pour un époux de vouloir préserver ses intérêts par rapport à ceux des créanciers de son conjoint n'est pas, en soi, illégitime ;

que s'il peut y avoir atteinte frauduleuse aux droits des créanciers de la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE et de la SCCV Synergie Cals c'est à l'occasion de la mise en oeuvre de la séparation par les opérations de liquidation partage qui ont attribué tous les biens communs à Madame [P],

que même si la fraude ne s'est matérialisée que dans l'acte des partage, les créanciers de l'un des époux peuvent former tierce opposition contre le jugement de séparation de biens puisque le changement de régime avait pour but de préparer un tel partage ;

Attendu que le Tribunal a considéré que la fraude dans l'acte de partage était caractérisée par le fait que l'attribution de la quasi totalité des biens patrimoniaux des époux [O] à Madame [P] était intervenue au moment où la société gérée par Monsieur [O] connaissait d'importantes difficultés et que cette situation de fait ne pouvait être ignorée par l'épouse d'autant moins qu'à cette époque, les époux vivaient encore ensemble,

que cette motivation est insuffisante à caractériser la fraude; qu'il est des cas où, par application des règles du droit des régimes matrimoniaux et notamment de celles relatives aux récompenses, la totalité des biens communs peut revenir à l'un des époux sans que pour autant il y ait fraude ;

Attendu que l'acte de partage établi par Maître [D] le 6 décembre 2001 attribue à Madame [P] l'intégralité de l'actif commun (maison de [Localité 13]  300 000 Francs, mobilier 23 300 Francs, véhicule automobile 147 000 Francs, contrat d'assurance-vie 150 000 Francs, comptes bancaires à la Société Générale

159 438,88 Francs, clientèle du cabinet de pédiatrie 87 000 Francs) soit au total de

3 566 768,88 Francs en exécution d'une créance de récompense sur la communauté d'un montant de 4 414 149,99 Francs et a constaté que l'émolument dans la limite duquel Madame [P] pouvait être poursuivie par les créanciers de son mari en vertu de l'article 1483 alinéa 2 du code civil, était négatif ;

Attendu qu'il convient de vérifier la réalité de la créance de récompense de Madame [P] sur la communauté ; que selon l'acte de partage cette créance s'établit comme suit :

- au titre de l'encaissement de deniers propres

Attendu que les époux [O] ont indiqué dans l'acte de partage que la communauté a encaissé, au sens de l'article 1433 alinéa 2 du code civil, une partie des prix de vente de biens et droits immobiliers, de valeurs mobilières et d'un compte épargne logement appartenant personnellement à Madame [O] [P], que les deniers correspondant, eux mêmes propres, n'ont pas été investis dans des biens durables ayant pu être identifiés et que conformément aux alinéas 1 et 2 dudit article 1433, la communauté est redevable de ce chef d'une récompense envers Madame [P], égale au montant nominal des deniers encaissés, à savoir :

* [Adresse 15] (lots n° 161,162 et 71)10 990,94 F

* [Adresse 18] (lots n°3,55,16 et 68) 1 162 828,80 F

* [Adresse 18] (lots n° 27 et 77) 225 000,00 F

* [Adresse 18] (lot n°22 et 74) 250 000,00 F

* [Adresse 18] (lots n° 2 et 54) 239 250,00 F

* actions [P] 1 687 094,00F

* partie du compte épargne logement 14 093,95F

apporté en mariage ------------------

3 589 257,69F

- au titre de l'acquisition de l'immeuble de [Adresse 14]

Attendu que les époux [O] [P] ont acquis, au cours de leur mariage, le 18 décembre 1987, un immeuble situé à [Adresse 14] ;

Qu4ils ont indiqué dans l'acte de partage que cette acquisition a nécessité un investissement total de 1 750 000 francs réglé à concurrence de 711 913,43 Francs au moyen de deniers appartenant en propre à Madame [P], que l'immeuble ainsi acquis se retrouve en nature et est compris dans la masse active de communauté pour sa valeur de 3 000 000 Francs et que conformément à l'article 1433 du code civil la communauté est redevable d'une récompense envers Madame [P] ;

que par application de l'article 1469 du code civil le notaire a calculé la récompense sur le profit subsistant comme suit :

711 913,43 F X 3 000 000 F = 1 220 423,02 F

---------------------

1 750 000 F

a) Sur la récompense au titre de l'encaissement par la communauté de deniers propres :

Attendu que l'article 1433 du code civil dispose que 'la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres. Il en est ainsi notamment quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un bien propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi ;

Attendu que Madame [P] s'étant prévalue du revirement jurisprudentiel intervenu par arrêt de la Cour de Cassation du 8 février 2005 selon lequel, s'il incombe à celui qui demande récompense à la communauté d'établir que les deniers provenant de son patrimoine propre ont profité à celle-ci, sauf preuve contraire, le profit résulte notamment de l'encaissement de deniers propres par la communauté à défaut de remploi, la Cour, par arrêt du 22 mars 2010, l'a invitée à justifier de l'encaissement de ses deniers propres ayant donné lieu à récompense dans l'acte de partage, sur un compte ouvert au nom des deux époux ;

Attendu que Madame [P] n'a pu apporter la preuve de l'encaissement sur un compte au nom des deux époux que pour la somme de 239 250 F provenant de la vente des lots n° 2 et 54 de l'immeuble situé [Adresse 4] ;

Attendu que les prix de vente des autres lots de l'immeuble de la [Adresse 18] pour 1 162 828,80 Francs, 225 000 Francs et 250 000 Francs ont été encaissés les 21 février, 21 mars et 10 juillet 1989 sur un compte personnel de Madame [P] ;

que celle-ci fait valoir que si elle ne peut, pour ces sommes, bénéficier de la présomption de profit par la communauté, il lui est possible d'apporter la preuve de ce profit ; qu'à cette fin elle verse aux débats un rapport d'expertise établi à sa demande le 28 avril 2005 par Monsieur [B], son expert comptable, qui a analysé les mouvement d'entrées et de sorties du compte personnel de Madame [P] à la Société Générale, du 21 février 1989 au 6 janvier 1993 ; qu'elle fait valoir qu'il résulte du tableau récapitulatif qui figure à la page 14 de ce rapport qu'en aucun cas il ne peut être soutenu qu'elle a profité personnellement de la vente de ces immeubles et que les sommes en question ont servi, pour l'essentiel, à rembourser des prêts, à acquérir des biens et à alimenter des comptes épargne.

Que s'agissant de l'acquisition de biens son affirmation est contraire à celle qu'elle avait faite dans l'acte de partage où elle déclarait avec son époux que les deniers correspondant n'ont pas été investis dans des biens durables ayant pu être identifiés ;

Attendu que d'une façon plus générale il doit être observé à l'examen des opérations de crédit et de débit du compte de Madame [P], que si Madame [P] a, de son compte personnel, remboursé une partie de l'emprunt pour l'acquisition de la maison de [Localité 13] et a réglé des dépenses du ménage, elle a également encaissé sur ce compte personnel, le montant de ses salaires s'élevant à 9700 Francs puis 8200 Francs par mois, qui sont des biens communs ;

Qu'il doit également être relevé les 23 février 1989, 30 mars 1989 et

5 septembre 1989 des achats en bourse pour respectivement 916 330,85 Francs,

230 313,67 Francs et 538 037,50 euros soit un total de 1 684 682,02 euros alors que durant la même période les ventes en bourses ne se sont élevées qu'à 469 531,58 euros ; que le produit des trois ventes peut donc avoir été utilisé pour acquérir des actions ou pour réaliser des travaux dans l'appartement du Vésinet, bien propre de Madame [P],

que Madame [P] n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'un profit de la communauté pour ces trois sommes de 1 162 828,80 Francs,

225 000 Francs et 250 000 Francs.

Attendu que se référant à la page 42 du rapport d'expertise Madame [P] déclare que le produit de la vente des actions [P] pour

1 687 094 Francs a été utilisé pour :

- 664 759 Francs au titre des dépenses liées aux sociétés

- 138 608 Francs au titre de frais d'avocat

- 305 874 Francs au titre des impôts

- 100 000 Francs en règlement de la caution pénale

Attendu que le produit de la vente des actions [P] a été versé le 6 mars 2000 sur un compte personnel de Madame [P] ; qu'elle ne peut donc bénéficier de la présomption de profit de la communauté ;

Que si l'on doit se référé au relevé établi par l'expert comptable de Madame [P] il apparaît sur ce compte, à la même date du 6 mars 2000, un débit de 337 401,33 Francs en paiement de trois factures établies au nom de la Société Synergie Cals (Nord Travaux Publics-Cadéon Crépel et Vigilance) ; que l'on peut donc admettre, que ce paiement a profité à la communauté ;

Qu'en revanche aucune précision ni justificatif n'est apporté pour les autres postes du compte 'dépenses payées pour le compte des sociétés'et Madame [P] n'apporte donc pas la preuve qui lui incombe de versements qui auraient profité à la communauté, d'autant le relevé de l'expert comptable est limité à une seule période de trois mois, du 6 mars au 15 juin 2000, ce qui ne permet pas, ainsi que les intimées le font observer, d'avoir connaissance des mouvements antérieurs et postérieurs qui peuvent retracer des opérations d'encaissement en provenance de biens communs ;

Attendu que l'expert comptable n'indique pas la nature des impôts qui auraient été réglés le 12 mai 2000 par Madame [P] pour une somme de

305 874 Francs ; qu'il n'est donc pas justifié que ces impôts ont été réglés pour le compte de la communauté ;

que la Cour observe d'ailleurs que dans la masse passive de la communauté le notaire a inclus une somme de 305 958 Francs correspondant à l'impôt sur les plus values et les contributions sociales générales afférentes à la vente des actions de la société [P] ; que ces actions étant revendiquées par Madame [P] comme étant des biens propres il n'est pas expliqué pourquoi l'impôt qui en résulte serait une dette commune ;

Attendu que même si l'on admet que Madame [P] a réglé pour le compte de la communauté des frais d'avocat pour 138 608 Francs et la caution pénale pour 100 000 Francs, il apparaît que sur le produit des actions [P] pour 1 687 094 Francs seule une somme de 576 009,33 Francs (337 401,33 F + 138 608 F + 100 000 F) pourrait avoir profité à la communauté ;

Attendu que Madame [P] explique que la somme de

10 990, 94 F correspond au solde du prix de vente de l'immeuble de Brest pour

180 000  F après déduction de la somme de 157 000 Francs qui a servi à acquitter une partie du prix d'acquisition de l'immeuble de [Localité 13] .

qu'elle justifie effectivement d'une part de la vente de l'immeuble de Brest lui appartenant en propre le 11 septembre 1987 pour le prix de 180 000 Francs, d'autre part de l'encaissement des chèques de 160 000 Francs, 7 223,03 F et 767,91 F

qui lui ont été remis par le notaire, les 7 octobre 1987, 20 janvier 1988, et 25 mai 1988 sur le compte joint et du retrait de ce compte de la somme de 157 000 Francs

le 7 octobre 1987, d'où un solde de 10 990,94 Francs qui a profité à la communauté ; que cette créance peut donc être admise ;

Attendu qu'enfin, dans le décompte des encaissements de deniers propres, Madame [P] a comptabilisé une somme de 14 093,95 F sous la dénomination 'partie du compte épargne logement apporté en mariage' ; qu'elle explique que cette somme correspond à la différence existant entre le montant de son compte épargne logement à la date du mariage en 1983 et le solde de ce C.E.L. au moment de la liquidation ;

que cependant ces explications ne suffisent pas à démontrer que cette différence de 14 093,95 Francs a profité à la communauté ;

Attendu qu'en définitive sur la somme de 3 589 257,69 Francs retenue pour les encaissements de deniers propres par la communauté, il n'est pas justifié d'une récompense qu' à hauteur de 826 250,27 Francs (239 250 F + 576 009,33 F +

10 990,94 F);

b) Sur la récompense au titre de l'acquisition de l'immeuble de [Adresse 14]

Attendu que par arrêt du 22 mars 2010, la Cour a invité Madame [P] a produire l'acte d'acquisition de l'immeuble de [Localité 13] ;

que cet acte ne contient aucune stipulation de remploi, ce qui n'est pas un obstacle à la reconnaissance d'un droit à récompense au profit de l'époux ayant investi une somme provenant de biens propres dans l'acquisition d'un immeuble commun, mais oblige l'époux demandeur à apporter la preuve de la réalité de cet investissement ;

Attendu que l'immeuble de [Adresse 14] a été acheté le 18 décembre 1987 pour une somme de 1 570 000 Francs, soit 1 750 000 Francs avec les frais ;

que dans l'acte de partage les époux ont indiqué que cet investissement a été réglé à concurrence de 711 913,43 Francs au moyen de deniers appartenant en propre à Madame [P] ;

que l'acte de partage ne comporte aucun décompte de cette somme de 711 913,93 F ; que si l'on se reporte aux mentions portées en page 19 de l'acte de partage et à la reconstitution faite par le notaire de la situation patrimoniale originaire des époux, il apparaît que cette somme est composée de :

- la somme de 41 800 F, montant du plan épargne logement de Madame [P] avant son mariage

- la somme de 120 000 F, solde du prix de vente le 22 avril 1983 d'un immeuble situé [Adresse 5], somme réglée le 5 octobre 1983

- la somme de 88 350 F provenant de la vente le 10 octobre 1983 de biens et droits immobiliers situés à [Adresse 17] appartenant à Madame [P] pour un quart

- la somme de 92 625 F provenant de la vente le 25 juin 194 de biens et droits immobiliers situés à [Adresse 17] appartenant à Madame [P] pour un quart

- la somme de 157 000 F provenant de la vente de l'immeuble de Brest le 11 septembre 1987

- la somme de 212 138,48 F provenant de la vente de titres détenus par Madame [P] avant son mariage

Attendu qu'il résulte des motifs qui précédent que Madame [P] a effectivement justifié que le prix de 157 000 F provenant de la vente de l'immeuble de Brest le 11 septembre 1987 a été versé sur un compte joint le 7 octobre 1987 et a servi à financer l'acquisition de l'immeuble de [Localité 13] le 18 décembre 1987 ;

Qu'en revanche les autres sommes de 120 000 Francs, 88 350 Francs et 92 625 F ont été encaissées en 1983 et 1984 sur le compte personnel de Madame [P] et il n'est pas démontré qu'elles ont servi à l'acquisition de l'immeuble de [Localité 13] trois ans plus tard ;

Qu'un chèque de 643 000 F a certes été tiré du compte personnel de Madame [P] et remis au notaire le 16 décembre 1987 mais que rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit de fonds provenant des trois ventes de 1983 et 1984 puisqu'il a été précédemment relevé que Madame [P] faisait virer ses salaires (biens communs) sur son compte personnel et qu'en outre il apparaît au crédit de ce compte des versements provenant de l'octroi de prêts ;

Attendu que si le versement de la somme de 92 625 F le 2 juillet 1984 sur le compte personnel de Madame [P] a été immédiatement suivi de l'émission d'un chèque de 100 000 Francs il n'est aucunement démontré que ce chèque de 100 000 F a été transféré sur le compte CIC de Monsieur [O] puis sur le compte commun ainsi que l'appelante le prétend ;

Attendu que Madame [P] indique dans ses conclusions que le 25 janvier 1988 elle a remis au notaire un chèque d'un montant de 610 000 F tiré sur son compte personnel et que cette somme a pu être réglée notamment grace à la vente d'un portefeuille de valeurs mobilières dont elle disposait à la date de son mariage pour 212 138,48 F ;

Que cependant parmi les ventes de titres alléguées par Madame [P] seules les ventes antérieures à la remise du chèque du 25 janvier 1988 peuvent être retenues, soit au vu des justificatifs produits de septembre 1987 au 19 janvier 1988, les sommes de 17 069,04 F , 19 695,47 F , 7575,21 F , 34 440,71 F,

2 606,89  F, 25 030,10 F, 65 065,26 F, 33 222,56 F pour un total de 204 705,24 F ;

Attendu que le montant du plan épargne logement de Madame [P] (d'un montant de 41 800 F à la date du mariage) a été versé le 16 décembre 1987 pour un total de 99 000 F sur son compte personnel et a constitué une partie de la somme ayant servi à l'établissement du chèque de 643 000 F remis le même jour au notaire pour le financement de l'acquisition de l'immeuble de [Localité 13] ; que la récompense pour cette somme de 41 800 F est donc justifiée ;

Attendu qu'en définitive Madame [P] justifie avoir financé cette acquisition par des biens propres à hauteur de 403 505,24 F (157 000 F +

204 705,24 F + 41 800 F) au lieu de la somme de 711 913,43 F, ce qui amène le montant de la récompense à 691 723,26 F (403 505,24 F /1 750 000 F x 3 000 000 F) au lieu de 1 220 423,02 F ;

***

Attendu que la communauté est redevable envers Madame [P] des sommes de 826 250,27 F et 691 723,26 F soit 1 517 973,53 F, somme de laquelle il y a lieu de déduire la récompense de 395 530,72 F due par Madame [P] à la communauté, d'où un excédent de récompense en faveur de Madame [P] de seulement 1 122 442,81 F au lieu de la somme de

4 414 149,99 F retenue dans l'acte de partage ;

qu'il apparaît donc que le compte de récompense de Madame [P] a été considérablement surévalué, dans le but de permettre de lui attribuer la quasi totalité de l'actif commun et d'aboutir à un émolument négatif en application de l'article 1483 alinéa 2 du code civil, ce qui constitue une fraude au droit des créanciers que sont la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE et la SELARL [Z], liquidateur judiciaire de la SCCV Synergie Cals ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rétracté le jugement du 14 septembre 2000 et déclaré l'acte de liquidation partage du 6 décembre 2001 inopposable à la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE et au liquidateur judiciaire de la SCCV Synergie Cals ;

Attendu que le jugement sera également confirmé en ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

que Madame [P] sera en outre condamnée à verser, pour leurs frais irrépétibles d'appel, la somme de 700 euros à la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE et la somme de 700 euros à la SELARL [Z] es qualités ;  

Que ces sociétés doivent être déboutées de leur demande d'indemnité procédurale devant la Cour à l'égard de Monsieur [O] qui n'est pas appelant ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par défaut

Vu l'arrêt du 22 mars 2010 ayant confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré les tierces oppositions recevables,

Confirme également le jugement en ses autres dispositions,

Condamne Madame [F] [P] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL Eric LAFORCE, avoué,

La condamne en outre à verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, la somme de 700 euros à la Société DEXIA BANQUE BELGIQUE et la somme de 700 euros à la SELARL [Z], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCCV Synergie Cals,

Dit n'y avoir lieu à indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile à charge de Monsieur [K] [O].

Le GreffierLe Président

Nicole HERMANTEvelyne MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/06275
Date de la décision : 19/05/2011

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/06275 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-19;08.06275 ?
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