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14/04/2014 | FRANCE | N°13/06014

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 14 avril 2014, 13/06014


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 14/04/2014



***



N° de MINUTE : 269/2014

N° RG : 13/06014



Jugement (N° 13/00210)

rendu le 30 Juillet 2013

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER



REF : PM/AMD





APPELANTE



Madame [Y], [D], [L] [E] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1

]



Représentée par Maître Julie RITAINE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER





INTIMÉE



Madame [R] [G]

née le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]



Représentée par ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 14/04/2014

***

N° de MINUTE : 269/2014

N° RG : 13/06014

Jugement (N° 13/00210)

rendu le 30 Juillet 2013

par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

REF : PM/AMD

APPELANTE

Madame [Y], [D], [L] [E] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître Julie RITAINE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉE

Madame [R] [G]

née le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Maître Tony PERARD, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

DÉBATS à l'audience publique du 06 Mars 2014 tenue par Pascale METTEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 février 2014

***

Par jugement rendu le 30 juillet 2013, le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer a :

reçu l'intervention volontaire de l'EURL LEFEBVRE,

débouté Mme [Y] [E] épouse [U] de ses demandes,

débouté l'EURL LEFEBVRE de ses demandes,

condamné Mme [Y] « [U] épouse [E] » et l'EURL LEFEBVRE à payer à Mme [R] [G] la somme de 1.200 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,

dit qu'il sera fait masse des dépens qui seront supportés par Mme [Y] [E] épouse [U] et l'EURL LEFEBVRE chacune pour moitié.

Mme [Y] [E] épouse [U] a interjeté appel de cette décision le 18 octobre 2013 à l'égard de Mme [R] [G].

RAPPEL DES DONNÉES UTILES DU LITIGE :

Selon acte sous seing privé du 15 juin 2011, Mme [Y] [E] épouse [U] s'est engagée à vendre à Mme [R] [G], laquelle s'est engagée à acheter, une maison semi mitoyenne à usage d'habitation située à [Adresse 3], moyennant un prix de 104.000 euros, sous condition suspensive d'obtention par l'acquéreur d'un prêt de 119.000 euros (soit 104.000 euros au titre du prix de vente, 8.000 euros au titre des frais d'acquisition et 7.000 euros représentant la commission d'agence immobilière).

La vente devait être régularisée par acte authentique par devant Me [Z], notaire au Portel, au plus tard le 31 août 2011.

Par lettre recommandée du 1er septembre 2011, le notaire a mis en demeure Mme [G] d'avoir à se présenter à son étude pour la signature de l'acte authentique au plus tard le 15 septembre 2011. Il a alors reçu une attestation de refus de prêt de la Société Générale, agence de [Localité 5], concernant un prêt d'un montant de 144.741,53 euros.

Par courrier du 20 septembre 2011, il a été rappelé par le notaire à l'acquéreur que la condition suspensive portait sur l'obtention d'un prêt d'un montant de 119.000 euros et qu'en outre, divers organismes prêteurs devaient être contactés (et non un seul). Il a été fait sommation à Mme [G] d'avoir à se présenter en l'étude du notaire le 14 octobre 2011 pour signature de l'acte authentique

Aucune offre de prêt n'a été transmise et M. [M], mandaté par Mme [G], a adressé par e-mail des 21 et 22 novembre 2011, deux attestations de refus de prêt de la Caisse d'Epargne et du Crédit Agricole.

Le 25 novembre 2011, Me [Z] a dressé un procès-verbal de carence.

Estimant que Mme [G] avait refusé de signer l'acte authentique de vente alors que la non réalisation de la condition suspensive lui était imputable, Mme [E] l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer le montant de la clause pénale contractuellement prévue, soit 10.400 euros.

Mme [U] s'est opposée à ces demandes et la décision déférée a été rendue dans ces conditions.

Dans ses conclusions, Mme [Y] [E] épouse [U] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

dire et juger que Mme [G] n'a pas respecté ses engagements contractuels en ne déposant pas plusieurs demandes d'un prêt pour la somme de 119.000 euros dans le délai imparti et en refusant de signer l'acte authentique de vente,

dire et juger que la clause pénale est acquise,

condamner, en conséquence, Mme [G] à lui payer la somme de 10.400 euros à titre de clause pénale, outre les intérêts au taux légal à compter du « jugement » à intervenir,

la condamner à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle affirme que la première demande de financement portait sur un prêt de 144.000 euros, soit 25.000 euros de plus que ce qui était stipulé par la promesse de vente, de sorte qu'il est évident que cette demande n'était pas conforme aux stipulations contractuelles et qu'elle ne peut décharger Mme [G] de ses obligations contractuelles.

S'agissant des deux autres demandes de financement d'un montant inférieur, l'acquéreur ne démontre pas, selon elle, que celles-ci ont été déposées dans les délais contractuellement fixés. Elle ajoute que le fait que Mme [G] se soit adressée à un mandataire ne permet pas à lui seul de considérer qu'elle a satisfait à l'exigence de respect des délais stipulés dans la promesse de vente.

Elle indique qu'elle a accepté de prolonger le délai fixé dans la promesse puisque dans un courriel du 14 novembre 2011, il lui avait été affirmé que le prêt était obtenu.

Elle demande donc la condamnation de Mme [G] au paiement du montant de la clause pénale et s'oppose à la diminution de ce montant, lequel n'a, selon elle, rien de manifestement excessif. Elle estime, en effet, qu'elle a subi un préjudice puisque que pendant le temps d'immobilisation du bien, elle n'a pas recherché d'autres acquéreurs tout en continuant à supporter les frais et dépenses relatives à l'immeuble.

Dans ses écritures, Mme [R] [G] sollicite la confirmation du jugement, de débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes, à titre subsidiaire de faire application des dispositions de l'article 1152 alinéa 2 du code civil, de ramener le montant de l'indemnité réclamée à de plus justes proportions et, en tout état de cause, de condamner Mme [U] au paiement de la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle explique qu'elle a sollicité un premier prêt pour financer son acquisition à hauteur de 144.741 euros dans le but de financer des travaux dans l'immeuble puis que, face aux difficultés rencontrées, elle a multiplié les démarches en présentant d'autres demandes avec son concubin pour un montant inférieur. Elle observe que la Caisse d'Epargne a refusé de lui accorder un prêt de 104.000 euros de même que le Crédit Agricole.

Elle affirme que la non réitération de la vente ne lui est pas imputable et ce d'autant que Mme [U] avait accepté de prolonger le délai mis à sa disposition pour obtenir le financement, dans pendant lequel elle a contacté plusieurs établissements bancaires. Elle ajoute que la première demande de prêt, si elle avait été effectuée pour un montant de 104.000 euros, aurait été refusée comme l'ont été les demandes ultérieures nonobstant la garantie supplémentaire constituée, à savoir l'intervention d'un co-emprunteur.

Elle précise qu'il n'existait pas d'empêchement à ce qu'elle puisse obtenir un concours bancaire. Elle ajoute que dès le 21 juin 2011, elle avait constitué et déposé un dossier de financement auprès de la société de courtage Prêt Immo, ce dossier ayant été transmis à la Société Générale dès le 24 juin 2011.

Elle fait valoir qu'elle n'a jamais affirmé que le prêt avait été accordé.

Dans le cas où la cour estimerait fautive la non réitération de la vente, elle sollicite la réduction de la clause pénale à de plus justes proportions, son montant étant manifestement excessif au regard du préjudice subi. Elle constate d'ailleurs que les frais et dépenses allégués pour l'entretien de l'immeuble ne sont pas prouvés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon 1176 du code civil, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. L'article 1178 précise que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement.

Par acte sous seing privé du 15 juin 2011, Mme [Y] [E] a vendu à Mme [R] [G] un immeuble à usage d'habitation situé à [Adresse 3], moyennant un prix de 104.000 euros.

Une condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt de 119.000 euros au bénéfice de l'acquéreur a été insérée à cet acte. Cette condition prévoit que l'acquéreur s'oblige à constituer son dossier et à le déposer notamment auprès de 'divers organismes prêteurs, au plus tard dans le délai de 31 jours à compter de ce jour' et que la vente sera caduque du fait de la non obtention d'offre de prêt dans le délai de 45 jours. L'acte authentique de vente devait être réitéré au plus tard le 31 août 2011.

Après mise en demeure de l'acquéreur d'avoir à signer l'acte authentique de vente, le notaire chargé de la rédaction de cet acte, Me [Z], a dressé un procès-verbal de carence le 25 novembre 2011.

Il appartient à Mme [R] [G] qui se prévaut du jeu de la condition suspensive de rapporter la preuve qu'elle a déposé des demandes de financement conformes aux stipulations contractuelles.

Il doit être relevé que la preuve que Mme [E] ait accepté une prolongation de la durée de validité de la condition suspensive n'est pas rapportée puisque la promesse de vente prévoit une telle prorogation devait impérativement être formulée par écrit et acceptée selon les mêmes modalités. Aucun écrit n'a été rédigé en ce sens. Par ailleurs, Me [Z] explique, dans un courrier du 4 octobre 2013, que si Mme [E] a donné son accord pour attendre quelques jours suite à l'affirmation du concubin de Mme [G] qu'un prêt était obtenu, cette attente avait uniquement pour but d'obtenir une attestation bancaire confirmant l'acceptation du prêt et ne constituait pas une prorogation du délai accordé à l'acquéreur pour l'obtention de ce financement.

Mme [G] justifie qu'elle a, dans le délai imparti, déposée un dossier en vue d'obtention du financement auprès d'un courtier, le 21 juin 2011, lequel devait solliciter un prêt auprès d'une «banque partenaire». La banque partenaire, à savoir la Société Générale, a été contactée le 24 juin 2011 et a refusé le financement sollicité le 6 septembre 2011. Il apparaît cependant que le prêt demandé était d'un montant principal de 104.000 outre 40.741,53 euros pour des travaux, soit un montant total de 144.741,53 euros, montant supérieur à celui contractuellement prévu qui était limité à 119.000 euros. Cette demande de financement ne peut donc justifier l'application de la condition suspensive.

Mme [G] justifie également avoir contacté un autre établissement bancaire (probablement le Crédit Agricole bien que l'attestation produite aux débats ne mentionne pas le nom de la banque mais uniquement que le refus émane du 'secrétariat des caisses locales'), à une date non précisée, lequel a, le 19 octobre 2011, refusé de donner suite à la demande de financement. Le montant du financement sollicité dans ce cadre n'est pas indiqué. Ce document ne peut pas plus rapporter la preuve de ce que Mme [G] a exécuté les obligations contractuellement mise à sa charge.

Elle rapporte la preuve qu'elle a contacté, à une date qui n'est pas non plus indiquée, la Caisse d'Epargne pour un prêt de 104.000 euros et que cette demande a été refusée selon une attestation du 15 novembre 2011.

Ces éléments sont donc insuffisants pour justifier que Mme [G] a, dans les délais contractuellement prévus et en tout état de cause avant la date à laquelle l'acte authentique devait être réitéré, contacté divers établissements bancaires pour solliciter un prêt dans les conditions fixées par la promesse de vente.

Cependant, Mme [G] a sollicité, certes hors délai, deux autres établissements bancaires (à savoir la Caisse d'Epargne et le Crédit Agricole), dont l'un pour solliciter un prêt d'un montant inférieur à celui contractuellement fixé dans la promesse (puisque le prêt demandé à la Caisse d'Epargne était de 104.000 euros au lieu de 119.000 euros prévus dans le compromis), en apportant une garantie supplémentaire puisque son concubin, M. [Q], se portait co-emprunteur dans le cadre de ces deux dernières demandes de financement. Il en résulte que même si Mme [G] avait formulé, dans les délais impartis c'est-à-dire trois mois plus tôt, des demandes de financement pour 119.000 euros, ces demandes auraient également été refusées.

Alors qu'aucun élément ne permet d'affirmer que Mme [G] a délibérément menti en affirmant que rien ne s'opposait à ce qu'elle souscrive un concours bancaire, il apparaît que la condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt n'a pas été réalisée sans qu'une faute de l'acquéreur ne soit à l'origine de cette défaillance. L'article 1178 du code civil ne peut donc recevoir application et la promesse de vente doit être considérée comme anéantie par le jeu de la condition suspensive relative à l'obtention d'un concours bancaire par Mme [G].

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande d'application de la clause pénale. En effet, cette clause n'est applicable que dans le cas où l'une des parties refuserait de signer l'acte authentique de vente alors que toutes les conditions suspensives sont réalisées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Mme [E] succombant, elle sera condamnée aux dépens d'appel et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à la moitié des dépens de première instance (l'autre moitié devant, selon le jugement être supportée par l'EURL LEFEBVRE).

Il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. La demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par Mme [G] sera rejetée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [E] à la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine :

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [Y] [E] épouse [U] de ses demandes et en ce qu'il a condamné Mme [Y] [E] à la moitié des dépens de première instance ;

L'INFIRME en ce qu'il a condamné Mme [Y] [E] épouse [U] à payer à Mme [R] [G] la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau du chef infirmé :

DÉBOUTE Mme [R] [G] de sa demande à l'encontre de Mme [Y] [E] épouse [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;

CONDAMNE Mme [Y] [E] épouse [U] aux dépens d'appel ;

DÉBOUTE Mme [R] [G] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

Delphine VERHAEGHE.Evelyne MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 13/06014
Date de la décision : 14/04/2014

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°13/06014 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-14;13.06014 ?
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