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31/03/2016 | FRANCE | N°15/01399

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 31 mars 2016, 15/01399


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 31/03/2016



***



N° de MINUTE : 200/2016

N° RG : 15/01399



Jugement (N° 13/03168)

rendu le 24 Novembre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : HM/VC



APPELANTE

Madame [C] [O]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] ([Localité 1])

Demeurant

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée pa

r Me Raphaël THERY, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Dominique GUERIN, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE

SELAS BERNARD & NICOLAS SOINNE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 31/03/2016

***

N° de MINUTE : 200/2016

N° RG : 15/01399

Jugement (N° 13/03168)

rendu le 24 Novembre 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : HM/VC

APPELANTE

Madame [C] [O]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] ([Localité 1])

Demeurant

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Raphaël THERY, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Dominique GUERIN, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

SELAS BERNARD & NICOLAS SOINNE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au dit siège et en qualité de mandataire liquidateur de la SCCV Amarante

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis LEQUAI, membre de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de LILLE

Assistée de Me Ludivine SAINT-YVES-RENOUARD, membre de la SCP MONTIGNY & DOYEN, avocat au barreau d'AMIENS

DÉBATS à l'audience publique du 04 Février 2016, tenue par Hélène MORNET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice ZAVARO, Président de chambre

Bruno POUPET, Conseiller

Hélène MORNET, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2016 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 décembre 2015

***

Par acte authentique du 21 septembre 1996, Mme [O] a fait l'acquisition, auprès de la SCCV Amarante, dans le cadre d'un programme immobilier Amarante II, d'un appartement sis [Adresse 3], au prix de 815 000francs.

La liquidation judiciaire de la société Amarante a été prononcée par jugement du 9 décembre 1998.

Par acte du 18 mars 2013, Mme [O] a assigné la SELAS [E] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Amarante, aux fins de voir prononcer :

- à titre principal, la résolution de la vente, pour défaut d'information sur l'existence de la précarité des permis de construire relatifs au programme immobilier Amarante II, en conséquence ordonner la restitution de l'immeuble contre déclaration au passif de la société en liquidation de la somme globale de 126 610 euros,

- à titre subsidiaire, la garantie d'éviction due par la société venderesse.

Le tribunal de grande instance de Lille, par jugement en date du 24 novembre 2014, a déclaré recevable l'action engagée par Mme [O] , débouté celle-ci de l'intégralité de ses demandes, débouté la SELAS [E] ès qualité de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [O] aux dépens.

Mme [O] a interjeté appel le 12 mars 2015.

Elle conclut à l'infirmation du jugement, tant sur le fondement de la résolution de la vente qu'au titre de la garantie d'éviction et demande que soit fixée, au passif de la société Amarante, la somme réglée pour l'acquisition, soit un montant global de 126 610 euros, outre la condamnation de la SELAS [E], ès qualités, aux entiers dépens ainsi qu'à une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SELAS [E], ès qualités, conclut à la confirmation du jugement, dès lors que :

- Mme [O] n'établit pas l'existence actuelle d'un risque permettant de remettre en cause son droit de propriété sur son appartement,

- conformément aux dispositions de l'article L 111-1 du code de l'urbanisme, les actions relatives à l'irrégularité et à la démolition d'une construction initiale sont désormais prescrites par 10 ans,

- Mme [O] n'est exposée à aucun risque véritable tant dans la jouissance de son bien que dans la possibilité de le céder, le seul jugement ayant annulé le permis de construire remontant à plus de 18 ans et aucune procédure n'est en cours tendant à la démolition de l'immeuble.

A titre infiniment subsidiaire, l'intimée demande que la créance n'excède pas la somme de 124 245,94 euros, montant déclaré à titre provisionnel et soit fixée à titre chirographaire.

Elle renouvelle sa demande d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

SUR CE,

Il convient, pour une meilleure compréhension de la présente procédure, de rappeler dans quel contexte s'intègre la demande de Mme [O].

Le programme immobilier Amarante II, conduit en 1995 par la SCCV Amarante, concernait deux bâtiments, implantés en bordure de plage à proximité du site inscrit de la Baie de Somme, vendus par lots en l'état de futur achèvement.

Il a donné lieu à un abondant contentieux devant les juridictions administratives :

- le tribunal administratif d'Amiens, par jugement en date du 6 juin 1996, a, sur le fondement de l'erreur manifeste d'appréciation, annulé l'arrêté municipal du 12 janvier 1996 ayant accordé le permis de construire à la société Amarante, après que le maire du Crotoy ait accordé, le 20 septembre 1995, un premier permis de construire, rapporté par décisions des 11 et 12 janvier 1996,sur requête en annulation déposée par des riverains,

- la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé cette décision par arrêt du 14 mai 1998,

Et devant les juridictions judiciaires :

- sur l'assignation délivrée par des riverains, les consorts [I], le tribunal de grande instance d'Abbeville, par jugement du 6 janvier 1998, condamnait la SCCV Amarante, gérée par la société Financière Picarde, à démolir, sous astreinte, la totalité des constructions érigées.

Dans le cadre de l'appel formé contre ce jugement (cour d'appel d'Amiens, arrêt du 25 juin 2009), les consorts [I] ont renoncé au bénéfice du jugement et se sont désistés de toutes demandes et actions dirigées contre le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 4] et les copropriétaires,

- le 25 mai 1997, le tribunal correctionnel de Lille condamnait M. [O] [S], es qualité de gérant des sociétés Amarante et Financière Picarde, pour délit d'escroquerie, par l'emploi de manoeuvres frauduleuses consistant à faire porter de fausses mentions sur les compromis de vente et actes de vente relativement au permis de construire et en omettant de mentionner que le permis de construire avait été annulé par le tribunal administratif d'Amiens le 6 juin 1996.

Mme [O] s'est constituée partie civile et a sollicité, à titre de dommages et intérêts, la somme de 147 239,81 euros. M. [S] a été condamné à lui payer la somme de 124 245,94 euros à titre de dommages et intérêts.

La cour d'appel de Douai, dans un arrêt du 9 janvier 2009, a réformé le jugement sur les intérêts civils, dès lors que les parties civiles n'avaient pas déclaré leurs créances délictuelles dans le délai de deux mois de la publication du jugement d'ouverture de la liquidation personnelle du prévenu,

- par acte du 18 juin 1998, Mme [O] a fait assigner la SCCV Amarante et la société gérante puis, le 6 août 1998, Maître [E], liquidateur, aux fins de résolution de la vente : le jugement rendu le 17 décembre 1999 par le tribunal de grande instance de Lille a sursis à statuer dans l'attente des suites données au jugement du tribunal de grande instance d'Abbeville.

Mme [O] indique n'avoir appris qu'en mai 2011 l'existence de la transaction menée avec les consorts [I] et avoir voulu à cette date réinscrire au rôle sa demande ; la péremption de l'instance lui a été opposée, nécessitant une nouvelle assignation délivrée le 18 mars 2013 et donnant lieu au jugement déféré.

Sur la déclaration de créance :

Il ressort des pièces produites par l'appelante qu'elle a régulièrement produit sa créance à l'égard de la société Amarante :

- pièce n°9 : par ordonnance du 21 mai 1999, le juge consulaire du tribunal de commerce d'Abbeville a relevé Mme [O] de la forclusion de sa créance sur la SCCV Amarante,

- pièce n°3 : le mandataire judiciaire, la SELARL [E], par courrier du 7 avril 2000, indique à Mme [O] proposer l'admission de sa créance sur la société Amarante, déclarée à hauteur de 815 000 francs, à titre chirographaire.

Il convient dès lors de confirmer le jugement qui l'a déclarée recevable en sa demande.

Sur la demande en résolution de la vente :

En application des dispositions de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

En l'espèce, il est constant que la société Amarante, en vendant des lots d'une résidence pour la construction de laquelle le permis avait été annulé par la juridiction administrative, a manqué, pour le moins, à son obligation d'information, ainsi qu'à son obligation de délivrer un bien conforme aux conditions du contrat et aux exigences administratives.

Toutefois, il convient d'apprécier si la gravité du manquement contractuel justifie la résolution de la vente avec restitution du bien et du prix de vente, ou s'il peut être suffisamment réparé par la condamnation à des dommages et intérêts.

Au soutien de sa demande de résolution de la vente et d'une somme de 126 610 euros à titre de dommages et intérêts, Mme [O] invoque le risque d'une démolition de l'immeuble, soit à la demande d'autres riverains que les consorts [I], soit à la demande de la direction départementale des territoires et de la mer, laquelle écrivait, en 2012, au syndic de copropriété, l'interrogeant sur 'le renforcement du brise-lames construit, sans autorisation, sur le domaine public maritime'.

Il résulte toutefois des dispositions de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme, modifié par l'ordonnance du 22 octobre 2015, que, lorsqu'un ouvrage a été réalisé en exécution d'un permis de construire, l'action en démolition doit être précédée d'une décision d'annulation du permis de construire et doit être engagée dans les deux ans de cette décision d'annulation.

En conséquence de ces dispositions et au regard des décisions des juridictions administratives précédemment rappelées, toute action en démolition est désormais prescrite.

Aucune action à cette fin n'étant en cours à ce jour, ce risque n'est plus réel.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande en résolution de la vente et de dommages et intérêts, l'appelante ne caractérisant ni la réalité ni la valeur du préjudice qu'elle invoque.

Sur la garantie d'éviction :

En application de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.

Aux termes des articles 1625 et 1626 du code civil, la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires.

Le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.

En l'espèce, il a été précédemment rappelé qu'aucune action en démolition de l'ouvrage n'est en cours et ne peut être valablement engagée.

A cette absence de risque d'éviction, Mme [O] ne démontre pas davantage l'existence d'un quelconque préjudice résultant d'une atteinte à son droit de propriété sur l'immeuble.

Les ventes d'appartements réalisées dans la même résidence au cours des dernières années n'attestent pas plus d'une dépréciation de la valeur des biens concernés, leur prix de négociation n'étant pas rapporté, mais témoignent de leur possibilité récente de commercialisation.

Il convient de confirmer le jugement sur ce point également.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Si les procédures engagées dans cette affaire ont été multiples, il ne saurait être opposé à Mme [O] le caractère abusif de son action en résolution de la vente, précédemment engagée en 1998 contre la société Amarante et pour laquelle un sursis à statuer avait été ordonné. L'intention de nuire de l'appelante n'étant pas démontrée, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Mme [O] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de l'appel.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

- CONFIRME le jugement,

- DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE Mme [C] [O] aux entiers dépens de l'appel, dont distraction au profit de la SCP Bignon Lebray, avocat aux offres de droit.

Le Greffier,Le Président,

D. VERHAEGHEM. ZAVARO


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 15/01399
Date de la décision : 31/03/2016

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°15/01399 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-31;15.01399 ?
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