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25/01/2010 | FRANCE | N°09/00738

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 25 janvier 2010, 09/00738


RG N° 09/00738



N° Minute :

























































































































Notifié le :

Grosse délivrée le :





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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 25 JANVIER 2010







Appel d'une décision (N° RG 07/00149)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de MONTELIMAR

en date du 19 janvier 2009

suivant déclaration d'appel du 16 Février 2009







APPELANTS :



L'AGS - CGEA D'[Localité 6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Danielle CHAZALET (avocat au barreau de VALENCE)



Maître [...

RG N° 09/00738

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 25 JANVIER 2010

Appel d'une décision (N° RG 07/00149)

rendue par le Conseil de Prud'hommes de MONTELIMAR

en date du 19 janvier 2009

suivant déclaration d'appel du 16 Février 2009

APPELANTS :

L'AGS - CGEA D'[Localité 6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Danielle CHAZALET (avocat au barreau de VALENCE)

Maître [X] [H] ès-qualités de mandataire judiciaire de la S.A.S. DOMAEL DISTRIBUTION

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représenté par Me Roland DARNOUX (avocat au barreau de VALENCE)

INTIMEE :

Madame [R] [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Comparante et assistée de Monsieur [I] [E] (délégué syndical)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chantal FERBUS, Adjoint administratif.

DEBATS :

A l'audience publique du 07 Décembre 2009,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 Janvier 2010.

L'arrêt a été rendu le 25 Janvier 2010.

RG 09 738 DJ

EXPOSE DU LITIGE

[R] [V] a été embauchée le 1er septembre 2005 en qualité de secrétaire de direction comptable, sans contrat de travail écrit, par la SAS DOMAEL Distribution qui exploite un supermarché ATAC à [Localité 8]. À compter du mois de juillet 2006 ses bulletins de salaire portent la mention 'assistante de direction'.

Elle a été en arrêt maladie du 4 novembre au 18 décembre 2006. Le 19 décembre elle a repris le travail dans des conditions qui font débat, et a été de nouveau en arrêt de travail du 19 décembre 2006 au 21 janvier 2007.

Elle a été déclarée 'inapte à tous postes dans l'entreprise', à l'issue de deux visites médicales des 22 janvier et 6 février 2007, et licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 1er mars 2007.

Le 30 mai 2007, [R] [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Montélimar de diverses demandes salariales et indemnitaires.

La SAS DOMAEL Distribution a été déclarée en redressement judiciaire le 14 novembre 2007 puis placée en liquidation judiciaire le 11 avril 2008 et Me [H] désigné en qualité de liquidateur.

Par jugement du 19 janvier 2009, le Conseil de Prud'hommes a dit que [R] [V] avait été licenciée pour inaptitude physique en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte par suite d'un accident du travail. Constatant que l'employeur l'avait laissé travailler dans le froid au détriment de sa santé, il a fixé la créance de la salariée à la liquidation judiciaire de la SAS DOMAEL Distribution aux sommes suivantes:

- 29.900,04 euros (12 mois) d'indemnité au titre de l'article L 1226-15 du code du travail,

- 14.950,02 euros (6 mois) au titre de l'irrespect des articles L 4121-1 à 4121-5 du code du travail,

- 4.983,34 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 309,58 euros au titre du maintien du salaire,

- 1.150 euros de solde de treizième mois,

- 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a déclaré le jugement opposable à Maître [H] et à l'AGS-CGEA d'[Localité 6].

Me [H], a régulièrement interjeté appel. Il sollicite le rejet de l'ensemble des demandes de [R] [V] et la condamnation de celle-ci à lui verser 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le reclassement, Me [H] fait valoir qu'il n'existait aucun poste en dehors de la société susceptible de lui être proposé puisque la SAS DOMAEL Distribution est totalement indépendante des différentes enseignes ATAC.

Sur l'obligation de sécurité, il conteste l'existence de toute pression et de harcèlement moral, faisant remarquer que la plainte déposée tant auprès de la Police que de l'Inspecteur du Travail n'a eu aucune suite.

Il explique que :

- [R] [V] a occupé le poste de secrétaire comptable jusqu'à ce que l'employeur se rende compte de difficultés financières qu'elle n'avait jamais signalées ;

- elle n'arrivait plus à gérer son travail de sorte qu'une comptable a été embauchée à temps partiel pour la seconder ;

- elle s'est alors détachée de plus en plus de la comptabilité pour se rapprocher d'un poste d'assistante de direction ;

- compte tenu des difficultés économiques de l'entreprise, un licenciement économique a été envisagé ;

- une rencontre est intervenue à ce sujet le 3 novembre 2006 à l'issue de laquelle [R] [V] a indiqué qu'elle voulait réfléchir ;

- le lendemain, elle a été en arrêt maladie pour deux mois ;

- le 19 décembre, elle a repris le travail alors qu'il n'était pas prévu qu'elle vienne travailler;

- elle ne voulait plus s'occuper de comptabilité où des erreurs avaient été relevées, et a donc été affectée au rangement des rayons, tâche qu'elle avait déjà exercée ;

- le froid n'est nullement à l'origine de sa chute, ce dont elle a fait état tardivement puisqu'elle ne lui a adressé sa déclaration d'accident du travail que le 23 décembre par courrier reçu le 28 décembre.

Il indique que le salaire de janvier 2007 a été payé, ainsi que les congés payés et le préavis, et que la salariée reconnaît, dans ses écritures, avoir reçu le treizième mois sous forme de prime exceptionnelle.

L'AGS-CGEA d'[Localité 6] a également interjeté appel le 15 février 2009. Elle conclut au rejet des demandes de dommages et intérêts formées tant au titre du reclassement que de l'obligation de sécurité et fait valoir, en tout état de cause, que les dommages et intérêts alloués en réparation du comportement de l'employeur qui porte atteinte à l'intégrité physique et morale du salarié n'entrent pas dans le champ de garantie de l'AGS.

Elle sollicite la condamnation de [R] [V] à lui rembourser la somme de 29.900,04 euros qu'elle a été versée.

[R] [V], intimée, demande à la cour de confirmer le jugement, sauf à porter le montant des dommages et intérêts alloués aux sommes de :

- 40.000 euros au titre de l'article L 1226-15 du code du travail,

- 40.000 euros au titre de l'irrespect des articles L 4121-1 à 4121-5 du code du travail.

Elle réclame en outre une indemnité de congés payés sur le préavis, soit 498,33 euros, et 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait remarquer que l'employeur n'a fait aucune recherche de reclassement alors que le groupe ATAC comprend 247 supermarchés dans 64 départements.

Elle estime qu'il a failli à l'obligation de résultat qui pèse sur lui d'assurer la santé physique et mentale de ses salariés en exerçant des pressions sur elle pour la faire démissionner et en la laissant travailler dans le froid puis en annonçant au personnel réuni que son malaise était de la comédie.

Elle soutient que les dommages et intérêts dus par l'employeur pour l'irrespect de cette obligation résultant du contrat de travail sont garantis par l'AGS par application des dispositions des articles L 3253-6 et 3253-8 du code du travail.

Elle expose que :

- contrairement à ce qu'affirme l'employeur, elle n'avait aucune compétence pour effectuer la comptabilité de l'entreprise qui était suivie par un cabinet d'experts comptables à [Localité 9];

- ce n'est que lorsque l'entreprise s'est trouvée en cessation de paiement qu'un comptable a été embauché ;

- le climat de travail s'est dégradé à partir de l'automne 2006, l'employeur ne cessant de la harceler pour qu'elle quitte l'entreprise ;

- à l'issue de son arrêt maladie, le 18 décembre, il l'a informée de son intention de la licencier pour faute grave et lui a demandé de ne pas venir travailler le lendemain ;

- elle s'est néanmoins présenté au travail et l'employeur lui a signifié que son poste était supprimé, lui confiant des tâches au froid sans lui fournir aucun vêtement chaud (au rayon boucherie, puis à l'extérieur du magasin pour inventorier les bouteilles de gaz et enfin dans les réserves) ;

- elle a fait un malaise et une chute ;

- elle a dénoncé ces faits dès le lendemain, 20 décembre, par lettre recommandée à l'employeur avec copie à l'Inspecteur du Travail, et a déposé plainte ;

- l'employeur a tardé à déclarer à la CPAM l'accident du travail dont il a ensuite contesté la prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

- il a tardé à lui remettre l'attestation de salaire nécessaire au versement des indemnités journalières et à lui régler le complément de salaire prévu par la convention collective ;

- il a refusé de lui remettre, le 9 mars 2007, les documents de rupture et bulletin de salaire du mois de février 2007, qu'elle n'a reçus que le 29 mars 2007 ;

- le préavis ne lui a pas été payé (deux mois pour les cadres) ;

- le treizième mois ne lui a pas été intégralement payé puisqu'elle n'en a reçu que la moitié en juin 2006 ;

- la prime exceptionnelle attribuée en décembre 2005 est la contrepartie des nombreuses heures supplémentaires faites entre juin et décembre 2005.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience.

Sur le licenciement :

Le licenciement d'un salarié déclaré inapte par suite d'un accident du travail ne peut intervenir qu'à l'issue d'une procédure spéciale prévue par les articles L 1226-10 et suivants du code du travail.

Ainsi l'employeur doit proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités, tenant compte des préconisations du médecin du travail, après avis des délégués du personnel. A défaut de possibilité de reclassement, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie, soit de l'impossibilité de proposer un emploi adapté, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé.

En l'occurrence, [R] [V] a fait l'objet, à l'issue de deux visites de reprise, d'un avis du médecin du travail en date 6 février 2007 concluant à une inaptitude à tous les postes dans l'entreprise.

L'inaptitude médicalement constatée étant consécutive à l'accident du 19 décembre 2006, dont le caractère professionnel a été reconnu par la CPAM le 21 mars 2007, l'employeur devait rechercher un reclassement, étant rappelé que l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel il appartient.

Or la SAS DOMAEL Distribution a procédé au licenciement de la salariée en faisant valoir qu'il ne pouvait procéder au reclassement puisqu'il n'avait 'aucun poste en dehors de la société'.

S'il n'est pas contesté que la salariée ne pouvait occuper aucun poste, même aménagé, dans le magasin exploité par la société à [Localité 8], l'employeur ne justifie toutefois pas avoir interrogé les autres enseignes du groupe ATAC pour connaître les postes éventuellement disponibles et compatibles avec la qualification de [R] [V].

Le fait qu'il exploite son activité dans le cadre d'un contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l'absence de possibilités de permutation de personnel avec d'autres entreprises franchisées exerçant sous la même enseigne commerciale, l'employeur n'apportant sur ce point aucun élément probant.

Le licenciement intervenu au mépris de l'obligation de reclassement est donc injustifié et, dès lors que la réintégration n'est pas sollicitée, il ouvre droit pour la salariée aux indemnisations prévues à l'article L 1226-15 du code du travail.

Il est ainsi dû une indemnité compensatrice égale à l'indemnité compensatrice de préavis. Contrairement à ce qu'affirme l'appelant, le bulletin de salaire du mois de mars 2007 ne porte pas mention de cette indemnité mais seulement de l'indemnité compensatrice de congés payés 2006 et 2007. La somme de 4.983,34 euros correspondant à deux mois de salaire est donc due.

L'indemnité compensatrice due en cas de licenciement pour inaptitude a un caractère indemnitaire et n'ouvre pas droit à congés payés. La demande nouvelle formée en cause d'appel, de ce chef, sera donc rejetée.

Il est également dû une indemnité que les premiers juges ont justement fixé au minimum légal de 12 mois de salaire.

Conformément aux dispositions de l'article L 1226-17 du code du travail ces indemnités bénéficient de la garantie des salaires de l'AGS.

Sur les dommages et intérêts pour non respect par l'employeur de l'obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs :

L'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer, de manière effective, la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de ne pas respecter cette obligation.

En retenant que la SAS DOMAEL Distribution avait laissé [R] [V] travailler dans le froid jusqu'à ce qu'elle soit prise d'un malaise entraînant sa chute et un accident du travail reconnu, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des documents versés aux débats, notamment de l'attestation particulièrement circonstanciée établie par [T] [S], responsable du rayon boucherie.

La somme allouée par les premiers juges en réparation du préjudice subi tient compte des éléments de la cause et doit être confirmée.

Sur la garantie de l'AGS :

En application des dispositions des articles L 3253-8 et suivants du code du travail, l'assurance contre le risque de non-paiement des sommes dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, couvre les sommes dues à la date du jugement d'ouverture.

Il en est ainsi des créances indemnitaires réparant le préjudice occasionné par le licenciement notifié avant le jugement d'ouverture.

Les dommages et intérêts ci-dessus alloués à [R] [V] en raison du comportement de l'employeur à son égard sont bien en relation avec l'exécution du contrat de travail et doivent donc être garantis par l'AGS.

Sur le maintien du salaire :

Il ressort des bulletins de salaire versés aux débats que, comme l'a exactement jugé le Conseil de Prud'hommes, [R] [V] est fondée en sa demande de 309,58 euros au titre du maintien du salaire pendant son arrêt maladie.

Sur le treizième mois :

L'analyse des bulletins de salaire de [R] [V] montre qu'en 2006 elle a perçu une prime de 13ème mois de 1.150 euros en juin 2006 sans qu'il soit justifié du règlement du solde de cette prime, aucun élément ne permettant de considérer comme le fait l'employeur que la 'prime exceptionnelle' de 1.000 euros versée en décembre 2005 aurait été un acompte sur le treizième mois, étant observé qu'en septembre 2005 il avait également versé 1.500 euros de prime exceptionnelle.

Le jugement qui a fait droit au paiement du solde de la prime doit donc être confirmé.

Sur les frais de défense :

L'équité commande d'allouer à [R] [V] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Dit que les condamnations prononcées par application des dispositions des articles L 1226-15 et L 4121-1 à 4121-5 du code du travail sont garanties par l'AGS-CGEA,

-Déboute [R] [V] de sa demande en paiement des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

- Condamne Maître [H], en sa qualité de liquidateur, à payer à [R] [V] la somme de1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne Maître [H], en sa qualité de liquidateur, aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SEGUY, conseiller pour le président empêché, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/00738
Date de la décision : 25/01/2010

Références :

Cour d'appel de Grenoble, arrêt n°09/00738


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-25;09.00738 ?
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