La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2011 | FRANCE | N°10/01001

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 14 mars 2011, 10/01001


RG N° 10/01001



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 14 MARS 2011







Appel d'une décis

ion (N° RG F09/00112)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 28 janvier 2010

suivant déclaration d'appel du 25 Février 2010





APPELANTE :



Madame [B] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Comparante et assistée par Me Isabelle ROUX (avocat au barreau de VALENCE)



INTIMEE :



Les TRANSPORTS [W] [J], prise en la personne de son représentant léga...

RG N° 10/01001

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 14 MARS 2011

Appel d'une décision (N° RG F09/00112)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 28 janvier 2010

suivant déclaration d'appel du 25 Février 2010

APPELANTE :

Madame [B] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparante et assistée par Me Isabelle ROUX (avocat au barreau de VALENCE)

INTIMEE :

Les TRANSPORTS [W] [J], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Madame [J] et assistée par Me Michel ESCALON (avocat au barreau de VALENCE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 07 Février 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2011.

L'arrêt a été rendu le 14 Mars 2011.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 10 1001 ES

[B] [T] a été engagée le 30 août 1996 en qualité d'employée de bureau par la société Transports [J]. Elle travaillait à temps plein. Elle a observé un arrêt maternité du 23 mai au 11 septembre 2008 puis un congé payé du 12 septembre au 12 octobre 2008.

Elle a obtenu un congé parental à temps partiel (26h hebdomadaires) à compter du 13 octobre 2008 pour une durée de 8 mois jusqu'en juin 2009.

Elle a été licenciée le 22 janvier 2009 en raison de la suppression de son poste pour motif économique. Elle a adhéré le 23 janvier 2009 à la convention de reclassement personnalisée.

Elle a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Montélimar, saisi le 24 avril 2009. Par jugement du 28 janvier 2010, elle a été déboutée de ses prétentions.

[B] [T] a relevé appel le 5 février 2010. Elle demande à la cour de réformer cette décision, de condamner son ancien employeur à lui verser 32.089 euros de dommages et intérêts (soit 18 mois de salaire) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste que la preuve de l'existence de difficultés économiques soit rapportée et fait valoir que l'effectif de l'entreprise avait augmenté de deux chauffeurs entre 2008 et 2009.

Elle conteste également l'effectivité de la suppression de son poste et soutient qu'il avait été attribué à sa collègue [N] [C] qui travaillait à temps partiel lorsque elle-même était à temps plein.

Elle reproche à son employeur de n'avoir pas consulté les délégués du personnel, d'avoir privilégié un critère illégal d'ordre des licenciements, à savoir l'âge et de n'avoir pas respecté les critères légaux. Elle estime qu'elle était mieux classée que l'employée [N] [C] du fait de ses plus grandes ancienneté et qualification.

La société Transports [W] [J] demande à la cour de confirmer le jugement, de rejeter les demandes adverses ou subsidiairement de les réduire à plus justes proportions et de condamner [B] [T] au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

Elle invoque une baisse d'activité à compter du 4ème trimestre 2008 dans l'entreprise comme dans la branche du transport, invoque des notes ou attestations des 2 septembre 2009, 17 novembre 2009 et 24 septembre 2010 de son expert-comptable et produit en cause d'appel ses bilans comptables ainsi que son registre du personnel pour soutenir qu'elle comptait toujours quarante et un salariés et que si deux chauffeurs avaient démissionné, un seul avait été remplacé.

Elle maintient que le poste de [B] [T] avait bien été supprimé et que ses taches en partie reprises par Mme [J] PDG et en partie réparties entre Mmes [M] et [C], cette dernière ayant effectué des heures complémentaires au delà de 22 heures par semaine puis était passée à temps plein pendant le congé maternité de [B] [T] puis étant repassée à temps partiel (25 heures par semaine).

Elle s'explique sur les conditions de rémunération de [N] [C].

Elle soutient que [B] [T] était moins bien classée que la comptable à temps plein [X] [M] et l'employée à temps partiel [N] [C] au regard du critère de capacité de réinsertion professionnelle qui avait été privilégié car [B] [T] était la plus jeune et la plus diplômée.

Elle prétend que [B] [T] ne justifiait pas de sa situation actuelle pour fonder sa demande de dommages et intérêts.

Sur quoi :

Attendu que le motif invoqué dans la lettre de licenciement est la suppression du poste de [B] [T] en raison d'une baisse d'activité ;

Attendu que les bilans comptables pour les trois exercices ayant précédé le licenciement du 22 janvier 2009 et l'exercice correspondant à l'année civile 2009 contiennent les éléments suivants :

2006

2007

2008

2009

chiffre d'affaires net

5.393 K€

6.027 K€

6.589 K€

5.884 K€

charges d'exploitation

5.399 K€

5.993 K€

6.653 K€

6.026 K€

dont charges sociales

364 K€

667 K€

627 K€

628 K€

bénéfices

134 K€

104 K€

46 K€

19 K€

résultat courant avant impôts

moins 10 K€

plus 50 K€

moins 37 K€

moins 114 K€

Attendu qu'à la date des faits, l'entreprise employait 46 salariés dont 42 chauffeurs;

Attendu ces éléments comptables confirme qu'en dépit d'une activité en progression en 2008 par rapport à l'exercice précédent (9%), le montant des charges avait augmenté dans des proportions plus importantes (11%) malgré un effort sur les charges sociales (qui s'est traduit sur le premier semestre 2008 par une diminution d'environ 4% des heures travaillées des chauffeurs et par une diminution d'environ 17% des heures supplémentaires des chauffeurs) ;

Que le décrochage s'est produit à partir de l'automne 2008 dans la mesure où la production au 31 août 2008 (lettre du comptable du 17 novembre 2009) était de 4.560 K€ soit en moyenne 570.000 euros par mois alors que les quatre derniers mois n'ont amené qu'une production de 2.029 K€ soit en moyenne 507.000 euros par mois ;

Que le résultat du compte d'exploitation n'avait cessé de se dégrader, que le résultat courant étant redevenu déficitaire en 2008 après une année 2007 bénéficiaire et l'entreprise n'ayant finalement enregistré un bénéfice en 2008 seulement grace à des cessions d'éléments d'actifs (74 K€), ce bénéfice étant lui-même en baisse de moitié par rapport à celui de l'exercice précédent ;

Que la situation s'est d'ailleurs aggravée au cours de l'exercice 2009, malgré d'importantes cessions de matériel de transport (412 K€) ;

Que par ces éléments, l'employeur justifie de difficultés économiques durables suffisamment caractérisées à la date de mise en oeuvre de la procédure de licenciement ;

Attendu qu'au moyen des attestations rédigées les 27 et 28 août 2009 par [N] [C] et [X] [M], la société justifie de l'effectivité de la suppression du poste de [B] [T] dont les attributions (facturation, saisie des factures achats, préparation totale des situations comptables mensuelles, quadrimestrielles et annuelle pour le bilan, tri et saisie des feuilles de route des chauffeurs, vérification des factures de gasoil) ont été reprises par ces deux salariées ;

Que le PDG a repris la facturation de la clientèle sous contrat (T.M.P., ALGECO, DB ACTIVITES) ;

Que l'examen de la copie du registre d'entrée et de sortie du personnel confirme l'absence d'embauche au moment du licenciement ;

Que l'examen des bulletins de salaire de [N] [C] démontre que son temps de travail, qui était en moyenne de 108 h par mois en mars, avril et mai 2008, est passé à 152 heures mensuelles, soit 43,75 heures de plus, pendant l'absence de [B] [T] puis qu'il était redescendu à 108,25 heures par mois en novembre 2008 lors de la reprise de [B] [T] et qu'il était resté inchangé au cours du premier semestre 2009 ;

Que les primes exceptionnelles de 500 euros en juin 2008, 890 euros en octobre 2008 et 1.000 en novembre 2008 versées à [N] [C] s'expliquent par les efforts qu'elle avait consentis pour remplacer [B] [T] durant son absence, l'employeur faisant observer qu'elle avait également dû remplacer [X] [M] absente pendant deux semaines en juin 2008 ;

Qu'en revanche les prime d'un montant nettement plus modeste versées en 2009 (50 euros en février et mars 2009, 60 euros en mai 2009, correspondant selon l'employeur à des primes en raison du remplacement de sa collègue et de travaux d'archivages) celle de 500 euros en juin 2009 versée comme à chaque salarié à pareille date (cf bulletin de salaire de [B] [T] de juin 2008 et livre de paye mensuelle de juin 2008 et juin 2009) ne sont pas révélatrices d'un surcroît d'activité ni d'une rémunération occulte d'un temps de travail susceptible de constituer une preuve d'une augmentation du temps de travail de [N] [C] pour compenser le licenciement litigieux ;

Attendu qu'en application de l'article L.1233-5 du code du travail, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie ;

Attendu que la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 est appliquée dans l'entreprise ; qu'elle ne contient pas sur ce point des dispositions différentes des dispositions légales ;

Attendu qu'il résulte des éléments aux débats que les situations comparatives de [B] [T] et de [N] [C], dont il n'est pas contesté qu'elles appartenaient à une même catégorie d'emploi, sont les suivantes :

âge à la date de l'engagement de la procédure de licenciement

situation familiale

ancienneté

qualifications

[B] [T]

37 ans

deux enfants 8 ans et 17 mois, vie maritale

12 ans et 6 mois (150 m)

BTS comptabilité-gestion des entreprises

[N] [C]

44 ans

deux enfants dont un de 20 ans,

vie maritale

11 ans et 8 mois

(140 m)

bac G2

Attendu que l'employeur expose, dans ses conclusions déposées et soutenues oralement et sans modification à l'audience, avoir privilégié le 3ème critère légal au motif qu'il lui était apparu que [B] [T] avait de meilleures facultés de réinsertion professionnelle compte tenu du fait qu'elle était plus jeune et plus diplômée ;

Que le compte rendu de l'entretien préalable établi par le conseil du salarié [D] [R] confirme que s'agissant des critères d'ordre, l'employeur avait pris en compte le fait que l'intéressée était la plus jeune et la plus diplômée ;

Que ce faisant, l'employeur n'a pas pris en considération l'ensemble des critères et notamment l'ancienneté alors que [B] [T] avait 10 mois d'ancienneté de plus que sa collègue, ni les qualités professionnelles appréciées par catégorie alors que [B] [T] avait une qualification plus importante et plus spécialisée que cette même collègue;

Attendu qu'en conséquence, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que le jugement sera confirmé de ce chef ; mais que l'inobservation par la société Transports [J] des règles relatives à l'ordre des licenciements a constitué pour [B] [T] une illégalité qui a entraîné un préjudice qui s'est lui-même manifesté par la perte injustifiée de son emploi ;

Qu'il lui sera alloué en réparation une indemnité de 18.000 euros au regard de son ancienneté, de la moyenne de ses salaires après son retour dans l'entreprise (1.606,72 euros) et du fait qu'elle n'a pas retrouvé de situation professionnelle stable, justifiant d'une indemnisation par Pôle Emploi jusqu'en octobre 2009 et d'une inscription à Pôle Emploi de janvier 2009 à janvier 2011 ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ses frais irrépétibles d'instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Confirme le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement était fondé sur un motif économique réel et sérieux ;

Infirme ses autres dispositions et, statuant à nouveau :

Juge que la société Transports [W] [J] n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements;

Condamne la société Transports [W] [J] à verser à [B] [T] les sommes de 18.000 euros de dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements et de 2.000 euros par application des dispositions prévues à l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres prétentions ;

Condamne la société Transports [W] [J] aux dépens d'instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01001
Date de la décision : 14/03/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/01001 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-14;10.01001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award