La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2005 | FRANCE | N°02/04265

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale, 04 février 2005, 02/04265


AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR R.G : 02/04265 X... C/ S.A.R.L. HORIBA FRANCE APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes d'OYONNAX du 18 Avril 2002 RG : 01/192 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 04 FEVRIER 2005
APPELANT : Monsieur Daniel X... représenté par Maître DURUZ, avocat au barreau de THONON LES BAINS
INTIMEE : S.A.R.L. HORIBA FRANCE 75 rue L. et A. Lumière Technoparc 01630 ST GENIS POUILLY représentée par Maître GRANGIER avocat au barreau de PARIS, substituant Maître VALLUIS
PARTIES CONVOQUEES LE : 9 Juillet 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU :

17 Décembre 2004 Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président, magist...

AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR R.G : 02/04265 X... C/ S.A.R.L. HORIBA FRANCE APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes d'OYONNAX du 18 Avril 2002 RG : 01/192 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 04 FEVRIER 2005
APPELANT : Monsieur Daniel X... représenté par Maître DURUZ, avocat au barreau de THONON LES BAINS
INTIMEE : S.A.R.L. HORIBA FRANCE 75 rue L. et A. Lumière Technoparc 01630 ST GENIS POUILLY représentée par Maître GRANGIER avocat au barreau de PARIS, substituant Maître VALLUIS
PARTIES CONVOQUEES LE : 9 Juillet 2004 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Décembre 2004 Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président, magistrat chargé d'instruire l'affaire, assisté pendant les débats de Madame LE BRETON, greffier, a entendu les plaidoiries en présence de Madame DEVALETTE, Conseiller, les parties ou leur conseil ne s'y étant pas opposé. Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président Madame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Georges CATHELIN, Conseiller ARRET :
CONTRADICTOIRE Prononcé à l'audience publique du 04 Février 2005 par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président en présence de Madame LE BRETON, Greffier , qui ont signé la minute.
FAITS ET PROCEDURE
En mai 1977, Monsieur X... était engagé en qualité de manager de la succursale en formation en Suisse , du groupe HORIBA INTERNATIONAL CORPORATION, dont le siège est en Allemagne. En Octobre 1981, la direction d'HORIBA EUROPE demandait à Monsieur X... de créer la succursale française du groupe, qui fut enregistrée en Janvier 1982 , sous le nom de HORIBA FRANCE SARL, sise à FERNEY VOLTAIRE. Monsieur X... a été ensuite officiellement engagé par la SARL HORIBA France par contrat du 14 Décembre 1982 en qualité de Directeur Général avec effet au 1er Janvier 1983. Sur son initiative , la SARL HORIBA France s'installait sur un site plus grand à ST GENIS POUILLY, la succursale acquérant son autonomie juridique par la création , en Décembre 1996 de la SARL HORIBA FRANCE dont Monsieur X... était nommé gérant unique le 16 Décembre 1996.Au dernier état de la collaboration, la rémunération mensuelle brute de Monsieur X... était de 53 900F( 8217euros). Le 23 Février 1999, Monsieur Y..., Directeur d'HORIBA EUROPE, était nommé co-gérant de la SARL HORIBA FRANCE et devenait le supérieur hiérarchique de Monsieur X... . Le 18 Août 1998, Monsieur Y... convoquait Monsieur X... pour lui signifier oralement son congé pour fin 1998..Monsieur X... se retrouvait en arrêt- maladie durant 6 mois et reprenait son travail à mi-temps. Il n'était plus question de congé pendant 2 ans, mais les fonctions et responsabilités de Monsieur X... étaient constamment réduites et confiées à d'autres personnes. Le 20 Février 2001,
Monsieur X... recevait une lettre de ses employeurs lui faisant part de nombreux griefs à son encontre. Monsieur X... réclamait alors pour son départ une indemnité transactionnelle égale à 120 mois de salaires, indemnité qui fut refusée. Le 6 Août 2001, Monsieur X... était convoqué à un entretien préalable pour le 28 Août 2001, en vue de son licenciement . Le 30 Août 2001, Monsieur X... était licencié pour faute grave dans les termes suivants: " Constatant de graves déficiences dans la direction de l'unité dont vous avez la responsabilité, nous avons mené une enquête et c'est là que nous avons eu la stupéfaction d'apprendre que votre temps de passage au bureau était extrêmement réduit de telle sorte que vous êtes la plupart du temps en absences injustifiées alors même que vous percevez une rémunération pour un travail complet. De surcroît, votre comportement à l'égard du personnel est totalement inacceptable, pratiquant l'insulte et l'invective dans les rares moments où vous êtes de passage au bureau, multipliant les actes de déstabilisation et de dénigrement de l'entreprise , déployant des pratiques en tous points contraires aux intérêts de l'entreprise . En certaines circonstances, vous avez même été surpris en état d'ébriété sur le lieu de travail ." Le 29 Octobre 2001, Monsieur X... a saisi le Conseil des Prud'hommes d'OYONNAX qui, par jugement du 18 Avril 2002, a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et a débouté les parties de leurs demandes principales et reconventionnelles . Par pli recommandé du 16 Mai 2005, Monsieur X... a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 30 Avril 2002. 000 Monsieur X... demande la réformation du jugement , considérant que la procédure de licenciement est l'aboutissement d'une volonté , concrétisée par la mise en place de Monsieur Y..., d'évincer les dirigeants européens pour les remplacer par des dirigeants japonais, en utilisant un processus de mise à l'écart de toutes les fonctions, destiné à le pousser à la démission, après 21 ans d'ancienneté . Reprenant chacune des fautes qui lui sont reprochées dans la lettre de licenciement, Monsieur X... fait valoir que celles -ci, telles les absences répétées, étaient parfaitement connues de l'employeur depuis trois ans, ou qu'elles ne sont pas établies, tels le comportement vis à vis des collaborateurs , le dénigrement de la société , ou l'intempérance. Il demande la condamnation de la SARL HORIBA FRANCE à lui verser les sommes suivantes : - 24 651,01 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis , - 118 324,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement , - 246 510,10 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , correspondant à 30 mois de salaires, - 246 510,10 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, - 3048,98 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile . Monsieur X... demande que toutes les sommes portent intérêts au taux légal à compter du 3 Septembre 2001.
La SARL HORIBA FRANCE demande la confirmation du jugement , la volonté de Monsieur X... de se désengager de la société , tout en obtenant des avantages substantiels de départ, étant à l'origine du comportement gravement fautif de ce dernier, comportement qui est largement établi par les pièces du dossier et qui a rendu indispensable la rupture du contrat de travail , sans que cette rupture puisse être considérée comme tardive, eu égard aux pourparlers de séparation amiable et au caractère permanent des fautes reprochées. A titre reconventionnel, la SARL HORIBA FRANCE sollicite la condamnation de Monsieur X... à lui verser la somme de 1500euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile .
MOTIFS ET DECISION
Sur le licenciement
Il résulte des dispositions combinées des articles L122-6 , L122-14-2 (alinéa 1) et L122-14-3 du Code du Travail que devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave , d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis. En l'espèce les griefs d'attitude désagréable vis à vis du personnel, ou de dénigrement de la société , ou d'état d'ivresse sont tirés de trois témoignages très peu circonstanciés ou relatant des faits qui se seraient produits en Juillet 1999 , deux ans avant le licenciement , ou en Janvier ou Février 2001, pour les faits d'ivresse, mais le dimanche, en dehors des jours de travail. Quant aux absences de Monsieur X... de son travail , celles -ci, établies par tous les témoignages et non contestées par l'intéressé , ont perduré pendant près de trois ans , selon une régularité et une amplitude telles , puisque que Monsieur X... ne faisait acte de présence qu'une heure par jour environ, que l'employeur ne pouvait l'ignorer et a fait preuve d'une particulière tolérance ,en ne lui adressant aucune mise en demeure ou avertissement. Dans ce contexte, impliquant que la SARL HORIBA FRANCE ne souhaitait plus poursuivre sa collaboration avec Monsieur X... ,en conséquence dessaisi de ses fonctions, tout en laissant à celui-ci l'initiative de la rupture, il ne pouvait être brutalement mis fin au contrat de travail pour faute grave , sans préavis ni indemnité de rupture, ni même pour motif réel et sérieux, après plus de vingt ans d'ancienneté à ce niveau élevé de collaboration. Le jugement déféré qui a validé ce licenciement doit être réformé.
Sur les sommes réclamées par Monsieur X...
Celui-ci est en droit de réclamer une indemnité compensatrice de préavis équivalente à 3 mois de salaire, soit une somme non contestée de 24 651,01euros, les congés payés afférents n'étant pas réclamés. Compte tenu de son ancienneté , il doit lui être alloué la somme, non contestée dans son quantum, de 118 324,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement .Compte tenu de son ancienneté , il doit lui être alloué la somme, non contestée dans son quantum, de 118 324,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement . Toujours en prenant en compte l'ancienneté de Monsieur X... , son âge au moment du licenciement et les conséquences de sa perte d'emploi, en termes matériels et moraux , puisque Monsieur X... n'a pas retrouvé d'emploi depuis le licenciement , les dommages-intérêts réparant le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse , doivent être fixés à 197 208 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt et non, comme demandé , à compter du 3 Septembre 2001, les indemnités de rupture portant intérêts au taux légal à compter de la demande devant le Conseil des Prud'hommes. Faute de preuve d'un préjudice distinct de celui réparé par la présente condamnation , Monsieur X... doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts complémentaire pour préjudice moral. Par application de l'article L122-14-4 du Code du Travail , la SARL HORIBA FRANCE doit rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à Monsieur X... dans la limite de 6 mois d'allocations. la SARL HORIBA FRANCE doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et condamnée, sur le fondement de ce même article, à verser à Monsieur X... la somme de 2500euros .
PAR CES MOTIFS LA COUR,
infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement n'est fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ; Condamne en conséquence la SARL HORIBA FRANCE à verser à Monsieur X... les sommes suivantes :
- 24 651,01 euros (vingt quatre mille six cent cinquante et un euros un centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ,
- 118 324,83 euros (cent dix huit mille trois cent vingt quatre euros quatre vingt trois centimes) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ,
- 197 208 euros (cent quatre vingt dix sept mille deux cent huit euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
- 2500 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
Ordonne à la SARL HORIBA FRANCE de rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à Monsieur X... , dans la limite de 6 mois d'allocations;
Condamne la SARL HORIBA FRANCE aux dépens de la procédure de 1ére instance et d'appel.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
F. LE BRETON
E. PANTHOU-RENARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02/04265
Date de la décision : 04/02/2005
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Faute du salarié - Preuve

Aux termes des articles L.122-6, L.122-14-2 et L.122-14-3 du Code du travail, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave d'établir l'exactitude des faits qui lui sont imputés dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Il ne peut brutalement être mis fin à un contrat de travail pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de rupture, ni même pour motif réel et sérieux, après plus de vingt ans d'ancienneté, lorsque les griefs résultent, d'une part, d'une attitude désagréable vis a vis du personnel, de dénigrement de la société ou d'état d'ivresse, tirés de trois témoignages très peu circonstanciés, relatant des faits qui se seraient produits deux ans avant le licenciement ou le dimanche, en dehors des jours de travail, et, d'autre part, d'un absentéisme, établi et non contesté, mais qui a perduré pendant près de trois ans, selon une régularité et une amplitude telles, puisque le salarié ne faisait acte de présence qu'une heure environ par jour, que l'employeur ne pouvait l'ignorer et a fait preuve d'une particulière tolérance en ne lui adressant aucune mise en demeure ou avertissement


Références :

Code du travail, articles L.122-6, L.122-14-2 et L.122-14-3

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2005-02-04;02.04265 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award