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09/10/2013 | FRANCE | N°12/05330

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 09 octobre 2013, 12/05330


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 12/05330





SAS CSIF GROUPE CARREFOUR



C/

[P]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Juin 2012

RG : F 10/00580











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2013













APPELANTE :



SAS CSIF GROUPE CARREFOUR

[Adresse 2]

[A

dresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Jean-jacques FOURNIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[Y] [P]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]



comparante en personne, assistée de Me Cécile RITOUET...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 12/05330

SAS CSIF GROUPE CARREFOUR

C/

[P]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 14 Juin 2012

RG : F 10/00580

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2013

APPELANTE :

SAS CSIF GROUPE CARREFOUR

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-jacques FOURNIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[Y] [P]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET-SOULA, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 31 Janvier 2013

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Juillet 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre

Hervé GUILBERT, Conseiller

Christian RISS, Conseiller

Assistés pendant les débats de Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Octobre 2013, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Jean-Charles GOUILHERS, Président de chambre, et par Evelyne DOUSSOT-FERRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Madame [Y] [P] a été embauchée le 16 décembre 1982 par la société SODICE en qualité d'employée de bureau. Elle a ensuite occupé un poste d'assistante achats puis celui de correspondant administratif, avant de devenir, à compter du 11 juin 2001, chef de service support au sein de la société PRODIM qui a succédé à la précédente. A la suite d'une fusion de sociétés, elle a intégré les effectifs de la société CARREFOUR SYSTÈMES D'INFORMATION FRANCE (CSIF) en juin 2001 et a été affectée sur le site de cette société situé à [Localité 4].

Elle a été élue déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise de la société CSIF en 2004. Elle a démissionné en 2005 de son mandat d'élue du comité d'entreprise, mais a conservé son mandat de déléguée du personnel du site de [Localité 4].

A la fin de l'année 2005, la société CSIF a décidé de fermer le site de [Localité 4] et de transférer son personnel vers les établissements existants de [Localité 3] et de [Localité 5]. Par lettre du 22 septembre 2005, elle a ainsi proposé à Madame [P] le transfert de son lieu de travail à [Localité 3], que celle-ci a expressément accepté par lettre du 19 octobre 2005.

Les relations contractuelles entre les parties se sont toutefois dégradées au mois de mars 2006, après que la direction de la société CSIF ait informé Madame [P] que sa rémunération mensuelle brute ne serait pas augmentée pour l'année 2006 et que sa prime de performance pour l'exercice 2005 s'élevait à 1.733 € brut. La salariée a pour sa part considéré que l'évolution de sa carrière avait été nettement ralentie en raison de l'exercice de ses mandats, et qu'elle n'avait pas bénéficié des augmentations de salaires et primes d'objectifs conformes à son investissement professionnel et comparables aux autres salariés. En outre elle a prétendu n'avoir suivi aucune formation, hormis celles indispensables à l'exercice de ses fonctions.

Madame [P] a une nouvelle fois été élue déléguée du personnel aux élections de juin 2006.

Au cours de l'année 2006, la société CSIF a décidé de procéder à une restructuration pour améliorer sa performance, celle-ci impliquant notamment l'externalisation de son activité d'assistance téléphonique à laquelle était affectée Madame [P]. Les salariés concernés par le projet de réorganisation se sont vus proposer alors de rejoindre volontairement la société BULL finalement retenue pour gérer l'assistance téléphonique. Madame [P] a accepté d'être ainsi transférée au sein de cette société et a conclu le 20 novembre 2006 un contrat de travail avec cette société pour rendre son transfert effectif au 1er janvier 2007. Elle a également convenu avec la société CSIF un protocole de rupture d'un commun accord de son contrat de travail, sous conditions d'obtention de l'autorisation de l'Inspection du Travail.

Par décision en date du 29 janvier 2007, l'Inspection du Travail d'EVRY a refusé son autorisation en considérant notamment que la salariée n'avait pas réellement accepté le principe d'une rupture d'un commun accord de son contrat de travail et que son employeur ne l'avait pas convoquée un entretien préalable.

Suite à une nouvelle demande d'autorisation de licenciement formulée par son employeur, Madame [P] a pris ses fonctions en délégation au sein de la société BULL le 1er janvier 2007.

L'Inspection du Travail d'EVRY a cependant refusé une nouvelle fois, par décision en date du 19 mars 2007, d'autoriser la société CSIF à rompre le contrat de travail de Madame [P], amenant cette dernière société à exercer un recours devant le tribunal administratif de Versailles.

Pendant la durée de cette procédure, la direction de la société CSIF a proposé à Madame [P] un poste de gestionnaire de projet qu'elle a accepté, après avoir toutefois demandé des précisions par lettre du 5 octobre 2007.

Par jugement en date du 30 avril 2009, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le recours formé par la société CSIF à l'encontre de la décision de l'Inspecteur du Travail, après que le commissaire du gouvernement, confirmant en cela la position de l'Inspecteur du Travail, ait soutenu qu'il existait un lien entre le mandat de la salariée et la procédure de rupture de son contrat de travail.

Le 28 mai 2009, à l'occasion d'un nouveau projet de réorganisation de l'entreprise, Madame [P], qui souhaitait pouvoir poursuivre sa carrière professionnelle plus sereinement, a conclu un contrat de travail avec la société IBM dans le cadre d'un reclassement externe et a quitté la société CSIF le 3 juillet 2009, après que l'Inspection du Travail d'Évry ait cette fois autorisé la rupture de son contrat de travail par décision du 26 juin 2009, et qu'un protocole constatant la rupture d'un commun accord du contrat de travail soit intervenu entre les parties le 30 juin 2009.

Madame [P] a perçu de la société CSIF un solde de tout compte comprenant les sommes de 32.474,55 € à titre d'indemnité de licenciement et de 25.284,32 € à titre d'indemnité supplémentaire.

Prétendant avoir fait l'objet de discrimination syndicale de la part de la société CSIF, Madame [P] a ensuite saisi le 22 mars 2010 le conseil de prud'hommes de Lyon qui, par jugement rendu le 14 juin 2012, a reconnu qu'elle avait effectivement été victime d'une discrimination syndicale de la part de son employeur et a condamné la société CSIF à lui payer des sommes de :

' 18.574,34 € à titre de rappel de salaire dus de 2005 à juillet 2009;

' 1.857,43 € au titre des congés payés afférents;

' 11.830,28 € à titre de rappel de salaire sur primes d'objectifs;

' 1.183,02 € au titre des congés payés afférents;

' 1.703,42 € à titre de rappel des sommes dues au titre de la participation aux bénéfices;

' 30.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale;

' 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a également déclaré recevable et bien-fondé l'intervention du syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône et a condamné la société CSIF à lui payer la somme de 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession et celle de 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CSIF a relevé appel le 11 juillet 2012 de ce jugement dont elle demande l'infirmation par la cour en reprenant oralement à l'audience du 3 juillet 2013 par l'intermédiaire de son conseil les conclusions qu'elle a fait déposer le 27 juin 2013 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses arguments et moyens, et tendant à :

- constater l'absence de discrimination syndicale à l'encontre de Madame [P];

- débouter Madame [P] de l'ensemble de ses demandes;

- débouter le syndicat CFDT de sa demande de dommages et intérêts;

- condamner Madame [P] à lui verser la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a débouté Madame [P] de sa demande de perte de salaire auprès de la société IBM;

- réduire le montant des dommages et intérêts éventuellement alloués à Madame [P] à 1 € symbolique;

- réduire le montant des rappels de salaire éventuellement alloués à Madame [P] à la somme de 5.378,00 € brut;

- réduire en conséquence le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappels de salaires et éventuellement alloués à Madame [P] à la somme de 537,80 € ;

- réduire le montant des rappels de primes d'objectifs éventuellement allouées à Madame [P] à la somme de 2.727,00 € brut;

- réduire en conséquence le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappels de primes d'objectifs éventuellement allouée à Madame [P] à la somme de 272,70 € brut;

- débouter Madame [P] de sa demande de rappel de prime de participation;

- débouter Madame [P] de sa demande visant à obtenir des bulletins de paie rectifiés;

- débouter Madame [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouter le syndicat CFDT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile considérant qu'il n'a eu aucun frais irrépétible distinct de ceux de Madame [P] .

Madame [Y] [P] et le syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône ont pour leur part repris à cette audience par l'intermédiaire de leur conseil leurs conclusions auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de leurs arguments et moyens, aux fins de voir :

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que Madame [P] a été victime d'une discrimination syndicale;

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CSIF à verser à Madame [P] les sommes suivantes :

- 18.574,34 € à titre de rappel de salaire dû de 2005 à juillet 2009;

- 1.857,43 € au titre des congés payés afférents;

- 11.830,28 € à titre de rappel de salaire sur primes d'objectifs;

- 1.183,02 € au titre des congés payés afférents;

- 1.703,42 € à titre de rappel des sommes dues au titre de la participation aux bénéfices;

- 1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la rectification des bulletins de salaire conformes à la décision rendue;

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le bien-fondé de l'intervention du syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession ;

' réformer le jugement entrepris s'agissant du montant des dommages et intérêts alloués à Madame [P] pour discrimination syndicale et au syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession;

Statuant à nouveau,

' condamner la société CSIF à verser à Madame [P] la somme de 105.000,00 € à titre de dommages et intérêts;

' condamner la société CSIF à verser au syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession;

Y ajoutant,

' condamner la société CSIF à verser à Madame [P] la somme de 3.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

' condamner la société CSIF à verser au syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône la somme de 2.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

' condamner la société CSIF aux entiers dépens de l'instance et des éventuels frais d'exécution forcée de l'arrêt à intervenir.

SUR CE,

La Cour,

Attendu que l'article L. 2141- 5 du code du travail prohibe la discrimination fondée sur l'activité syndicale du salarié en énonçant :

« Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail» ;

que l'article L. 2148 - 8 du même code précise que ces dispositions sont d'ordre public et que « toute mesure prise par l'employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à des dommages et intérêts » ;

Attendu que pour soutenir avoir été victime de discrimination syndicale de la part de la société CSIF qui l'employait, Madame [P] prétend tout d'abord avoir fait l'objet d'un traitement différencié dans la mesure où son salaire aurait été inférieur à celui perçu en moyenne par les femmes cadres au sein de la société et qu'en outre il n'aurait pas subi d'augmentation pendant trois ans de 2005 à 2007, traduisant ainsi de manière symptomatique la discrimination syndicale qu'elle a dû subir; qu'elle en veut pour preuve le tableau récapitulatif de l'évolution de son salaire de 1982 à 2009 qu'elle verse aux débats, en comparant sa rémunération avec le salaire moyen versé aux femmes occupant le même poste, alors qu'aucune raison objective n'explique cette différence de traitement si ce n'est les relations très difficiles qu'elle entretenait avec son supérieur hiérarchique du fait de son activité syndicale ;

Attendu cependant que Madame [P], dont la rémunération comportait une partie variable et qui ne pouvait de ce fait prétendre aux augmentations générales décidées par son employeur dans le cadre des négociations annuelles, ne peut toutefois valablement comparer le montant de son salaire avec le salaire moyen de tous les cadres de sexe féminin de l'entreprise dans la mesure où nombre d'entre eux occupent des fonctions bien supérieures au niveau VII qui est le sien, nécessitant des diplômes qu'elle ne possède pas, ou travaillent en région parisienne où les salaires sont plus élevés que dans le reste de la France, ou enfin ont été intégrés dans la société CSIF avec les salaires plus élevés dont ils disposaient antérieurement dans leur société d'origine ;

que son salaire de base était en 2005 et 2006 de 2.475 € brut correspondant au salaire moyen des femmes responsables de services; qu'après avoir travaillé au sein de la société BULL, elle a été réintégrée dans l'entreprise suite au refus opposé par l'Inspection du Travail à son transfert, et elle a été affectée avec son accord à un poste de gestionnaire de projet où elle a disposé en 2008 d'un salaire de base de 2.508 € brut correspondant au salaire moyen des salariés exerçant les mêmes fonctions; que celui-ci était l'année suivante de 2.554 € ;

que, dans ces conditions, l'employeur justifie que Madame [P] disposait d'un salaire comparable à celui des personnes exerçant les mêmes fonctions, et parfois même supérieur à celui de salariés plus diplômés dont l'ancienneté était équivalente ;

qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, Madame [P] apparaît mal fondée à se prétendre victime d'un traitement différencié tenant à son appartenance syndicale ;

Attendu que Madame [P] soutien ensuite qu'aucune de ses demandes de changement de poste pour évoluer au sein de la société n'a été accueillie favorablement par son employeur, de sorte qu'elle a dû subir un véritable « blocage professionnel », l'Inspecteur du Travail ayant même rappelé la société CSIF à ses obligations par lettre du 23 juillet 2007 pour lui confirmer que le poste pérenne d'assistante de projet qui lui avait été attribué à la suite de la décision de refus d'autorisation de son licenciement du 19 mars 2007 ne correspondait pas à un poste de cadre mais à celui d'un agent de maîtrise, et qu'ainsi sa réintégration ne pouvait être considérée comme effective, alors même qu'elle avait postulé sur un poste de gestionnaire de centre de service correspondant à son statut cadre;

Mais attendu que la salarié, qui avait été embauché en qualité d'employée de bureau et qui ne disposait d'aucune formation en matière informatique, occupait au dernier état de la collaboration des fonctions de « Gestionnaire de Projets Informatiques » avec un statut cadre niveau VII, démontrant à l'évidence l'existence d'un parcours professionnel remarquable ;

qu'elle n'a postulé entre 2004 et 2005 que sur le seul poste d'analyste d'exploitation au mois de novembre 2005, et que celui-ci n'a pu être pourvu en raison de la fermeture du site de [Localité 4]; qu'elle a ensuite demandé d'autres postes, notamment de « gestionnaire de flux », au sein d'entreprises extérieures pour lesquels la société CSIF n'a pu lui fournir de renseignements ;

que son repositionnement à l'intérieur de la société CSIF à la suite de l'opposition de l'Inspection du Travail d'Évry à la rupture de son contrat de travail d'un commun accord et à son transfert au sein de la société BULL a donné lieu à des échanges de correspondance, dans la mesure où le poste qu'elle occupait précédemment n'existait plus et que Madame [P] n'acceptait pas l'éventualité d'une mutation sur un poste éloigné dans l'hexagone en faisant valoir qu'elle avait précédemment accepté son déplacement de [Localité 4] à [Localité 3] alors que de nombreux autres cadres obtenaient leur mutation sur place ;

qu'en outre elle ne disposait pas des compétences nécessaires pour obtenir le poste de gestionnaire de centre de services sur lequel elle avait postulé ;

que la proposition d'affectation au poste de gestionnaire de projet qui lui a été faite n'était destinée qu'à assurer la poursuite de la relation contractuelle dans de bonnes conditions dans l'attente de l'issue de la procédure engagée devant le tribunal administratif, dans la mesure où la fonction correspondait à sa qualification et que sa rémunération était conservée;

que la salarié ne peut dès lors encore prétendre avoir été de ce fait victime d'un traitement différencié, alors même que son employeur a attiré son attention par lettre du 8 novembre 2007 sur la forme irrévérencieuse de ses observations, en lui faisant observer qu'elle ne pouvait être considérée comme une salariée de seconde zone car ces dernier n'existent pas dans l'entreprise, chacun apportant « une prestation de travail pour laquelle il est rémunéré et contribue à l'activité . . . du groupe CARREFOUR» ;

qu'en outre, le jugement rendu par le tribunal administratif de Versailles n'a pas repris l'argumentation développée par le commissaire du gouvernement, confirmative de la position de l'Inspection du Travail sur l'existence d'un lien entre les mandats de la salariée et le projet de son licenciement , pour uniquement reprocher à l'employeur de ne pas avoir procédé à un examen particulier des possibilités de reclassement interne de Madame [P], alors que cette dernière n'avait accepté de contrat de travail avec la société BULL qu'à défaut de toute proposition de reclassement interne ;

qu'elle ne saurait dès lors également arguer d'un quelconque «blocage professionnel» pour soutenir qu'elle aurait été victime de discrimination syndicale ;

Attendu Madame [P] se prévaut encore d'un prétendu blocage de ses primes d'objectifs pour justifier de l'existence d'un traitement discriminant ;

que celles-ci, qui correspondent à un mois de salaire, sont versées au personnel d'encadrement en cas d'atteinte des objectifs fixés ;

que si les primes d'objectifs versées à la salariée ont diminué en 2005 et 2006 pour être respectivement de 1.2034 € et 1.733 € par rapport à ce qu'elles étaient antérieurement, elles ont ensuite constamment progressé pour atteindre 1.980 € en 2007, 2.259,58 € en 2008 et 3.286,40 € en 2009 ;

que la société CSIF justifie de la baisse du montant des primes accordées à Madame [P] en 2005 et 2006 par son manque d'implication remarquée par son supérieur hiérarchique lors du transfert des activités du site de [Localité 4] vers [Localité 3]; qu'elle a précisé à la salariée au cours d'un entretien les raisons ayant conduit à la fixation de sa prime d'objectifs 2005 versée en mars 2006 ;

que Madame [P] ne peut encore valablement effectuer de comparaison avec la valeur moyenne de la prime versée aux cadres de sexe féminin, dans la mesure où certains sont ingénieurs et relèvent de niveaux de classification bien supérieurs selon la convention collective, ou encore n'exercent pas les mêmes fonctions ni les mêmes responsabilités ;

qu'en outre la société CSIF justifie qu'en 2006 Madame [P] a perçu une prime d'un montant de 2.733 € alors que la prime moyenne des cadres du niveau VII qui est le sien n'a été que de 2.661 €; qu'enfin, la prime qui lui a été versée au titre de l'année 2007 tient compte du fait qu'elle n'a été présente au sein de la société CSIF que pendant la moitié de l'année pour avoir travaillé le premier semestre 2007 au service de la société BULL ;

que dans ces conditions, elle ne peut pas davantage invoquer l'existence d'un traitement discriminant dans le versement de ses primes d'objectifs tenant à son appartenance syndicale ;

Attendu que Madame [P] fait enfin état d'une prétendue absence de formation au cours des six dernières années ayant précédé son transfert auprès de la société I.B.M., qui serait caractéristique de la discrimination syndicale dont elle aurait fait l'objet, dans la mesure où elle n'aurait bénéficié que des formations obligatoires imposées à l'ensemble du personnel de la société CSIF ;

Mais attendu que la société CSIF justifie au contraire des très nombreuses formations suivies par Madame [P], dont certaines, coûteuses pour l'employeur, n'étaient manifestement pas ouvertes à l'ensemble des salariés, telles le bilan de compétences ou les formations à la certification ITIL dont elle a pu bénéficier avec un nombre particulièrement restreint de participants ;

qu'elle ne fait en outre valoir aucun refus qui lui aurait été opposé par son employeur à une action de formation qu'elle aurait demandée ;

que dans ces conditions, elle est encore mal fondée à prétendre que son employeur n'aurait non seulement pas respecté son obligation de formation, mais encore qu'il lui aurait imposé un traitement discriminant en considération de ses activités et mandats syndicaux ;

Attendu en conséquence que Madame [P] ne rapporte pas la preuve des faits de discrimination syndicale dont elle prétend avoir fait l'objet de la part de la société CSIF ;

qu'il apparaît en revanche que les relations entre la salariée et son employeur se sont dégradées au début de l'année 2006 alors qu'elle n'exerçait aucun mandat de représentant du personnel pour n'avoir ensuite été élue qu'en juin 2006 ;

que si elle avait fait état «d'un relationnel extrêmement dégradé vis-à-vis de [I] [X], qui est son N + 1» lors de son bilan de compétences et connaissances du 25 juillet 2007, il apparaît du compte rendu de cet entretien que la raison en tenait à de nombreuses compétences insuffisamment développées, et principalement à son manque d'implication, de sorte que les reproches qui lui ont été formulés ont été justifiés par son employeur , et ne sauraient être analysés, ainsi qu'elle le prétend aujourd'hui, comme liés à l'exercice de son activité syndicale et à ses mandats ;

que les difficultés se sont ensuite accentuées avec le souhait émis par Madame [P] au mois d'octobre 2006 de rejoindre la société BULL, et la nécessité dans laquelle s'est trouvée son employeur de devoir la ré-affecter au sein de la société CSIF à la suite du refus opposé à son transfert à deux reprises par l'Inspection du Travail, jusqu'à ce qu'un poste de gestionnaire de projet, qu'elle a accepté, ait pu lui être proposé ;

que ces difficultés sont dès lors sans relation avec son activité de représentante du personnel ;

Attendu qu'en l'absence de toute discrimination syndicale qu'elle aurait eu à subir du fait de la société CSIF , il importe d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la conseil de prud'hommes et de débouter tant Madame [P] que le syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône de l'ensemble de leurs demandes ;

Attendu que pour faire valoir ses droits devant la cour, la société appelante a été contrainte d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de l'intimée ;

qu'il convient dès lors de condamner Madame [P] à lui payer à la société CSIF une indemnité de 1.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu enfin que Madame [P] et le syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône, qui ne voient pas aboutir leurs prétentions devant la cour, ne peuvent obtenir les indemnités qu'ils sollicitent sur le fondement du même article ;

que Madame [P] supporte enfin la charge des entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 juin 2012 par le conseil de prud'hommes de Lyon ;

CONSTATE l'absence de discrimination syndicale à l'encontre de Madame [Y] [P] ;

DÉBOUTE Madame [Y] [P] de l'ensemble de ses demandes;

DÉBOUTE le syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE Madame [Y] [P] à payer à la société CARREFOUR SYSTÈMES D'INFORMATION FRANCE (CSIF) la somme de 1.000,00 (MILLE EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Madame [Y] [P] et le syndicat CFDT Commerce et Services du Rhône de leur demande présentée sur le fondement du même article ;

CONDAMNE enfin Madame [Y] [P] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,

Evelyne FERRIER Jean-Charles GOUILHERS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 12/05330
Date de la décision : 09/10/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°12/05330 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-09;12.05330 ?
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