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24/06/2022 | FRANCE | N°19/02602

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 24 juin 2022, 19/02602


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/02602 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJZS





[L] [T] épouse [Z]



C/



Société ISOR







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Avril 2019

RG : F16/03088

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 24 JUIN 2022





APPELANTE :



[L] [T] épouse [Z]

née le 02 Février 1975 à [Localité 4] (KOSOVO)>
[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Emmanuelle BONIN, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/012830 du 16/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)





INTIMÉE ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/02602 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MJZS

[L] [T] épouse [Z]

C/

Société ISOR

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Avril 2019

RG : F16/03088

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

APPELANTE :

[L] [T] épouse [Z]

née le 02 Février 1975 à [Localité 4] (KOSOVO)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Emmanuelle BONIN, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/012830 du 16/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMÉE :

Société ISOR

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne CHAURAND, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Avril 2022

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Sophie NOIR, conseiller

- Catherine CHANEZ, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Patricia GONZALEZ, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

La société ISOR (ci-après la société) exerce une activité d'hygiène et de nettoyage industriel.

Elle applique la convention collective des entreprises de propreté.

Suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel du 26 janvier 2009, elle a recruté Mme [Z] en qualité d'agent de propreté AS1A pour un volume hebdomadaire de 12,50 heures, du lundi au vendredi, de 6 heures à 8h60.

Mme [Z] a été placée en congé parental à compter du 10 janvier 2011. Ce congé a été renouvelé à plusieurs reprises et la salariée devait reprendre ses fonctions le 15 décembre 2015.

Cependant, par courrier recommandé non daté mais présenté à la société le 9 septembre 2015 intitulé " démission d'un poste en CDI ", elle lui a écrit : " Je vous informe par la présente de mon intention de quitter le poste de nettoyage que j'occupe dans l'entreprise ISOR depuis le 01/01/2009. Comme convenu dans mon contrat de travail (ou imposé par la loi ou la convention collective), je respecterai un préavis de 1 mois. La fin effective de mon contrat est donc à prévoir pour le 27/07/2015.

Bien que ma période de préavis normalement due me conduise à quitter l'entreprise en date 27/07/2015, je souhaiterais que la date effective de ma démission soit avancée à une date à discuter au préalable.

Je vous serai obligé de prévoir pour cette date la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi, et d'un reçu pour solde de tout compte' "

Dans un autre courrier recommandé non daté mais présenté à la société le 13 octobre 2015, Mme [Z] a écrit : " Etant présent dans votre entreprise en tant que salarié à temps partiel depuis 13/05/2007, en qualité de femme de ménage, je ne peux plus reprendre le travail car je n'ai personne pour s'occuper de mes enfants et sollicite par conséquent auprès de vous la mis en place d'une procédure de rupture conventionnelle de mon contrat conformément aux articles L 1237-11 et suivants du code du travail.

Souhaitant préparer de meilleure façon possible mon départ, pour la bonne organisation de l'entreprise comme pour la mienne je suis à votre disposition pour un entretien préalable'"

Par lettre du 10 novembre 2015, la société, faisant suite aux courriers sus-cités, a répondu : " ' Dans votre premier courrier vous nous faisiez part d'une volonté de démissionner. Votre second courrier lui nous sollicitait pour une rupture conventionnelle de votre contrat de travail.

Il semble que votre volonté de démissionner soit équivoque. Nous vous informons donc du fait que nous n'en tiendrons pas compte.

Concernant la rupture conventionnelle, nous vous informons que nous ne pouvons donner suite à votre proposition.

En effet, nous disposons actuellement d'un poste sur la plage horaire prévue par votre contrat de travail.

Dans ce cadre, à compter du 15 décembre prochain, date de votre reprise suite à votre congé parental d'éducation, nous vous informons que vous serez affectée selon les conditions suivantes :

site : ALMA CONSULTING

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Votre affectation se fera de 06H00 à 08H30 selon les dispositions de votre contrat de travail' "

L'employeur, relevant Mme [Z] ne s'était pas présentée sur le site depuis le 15 décembre, l'a mise en demeure de justifier de son absence sous 3 jours sous peine de sanction, par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 décembre.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 février 2016, la société a convoqué sa salariée à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave.

Elle lui a notifié son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 février suivant, en ces termes : " ' Par deux courriers des 9 septembre et 14 octobre dernier, à l'issue de votre congé parental d'éducation, vous nous avez fait part de votre volonté d'une part de démissionner, d'autre part de procéder à la rupture conventionnelle de votre contrat de travail.

Par courrier du 10 novembre 2014 nous écartions votre démission que nous considérions équivoque et nous vous informions que nous ne donnerions pas suite à votre demande de rupture conventionnelle.

Dans ce même courrier, nous vous transmettions votre nouvelle affectation pour votre retour prévu le 15 décembre 2015. En effet, le site sur lequel vous étiez affectée ayant été perdu pendant votre absence, nous étions contraints de vous communiquer une nouvelle affectation afin de poursuivre l'exécution de votre contrat de travail.

Le 15 décembre 2015, vous ne vous présentiez pas à votre poste de travail. N'ayant pas de nouvelle de votre part, nous vous adressions le 22 décembre 2015 un courrier par lequel nous vous demandions de justifier de votre absence.

Vous n'avez apporté aucune réponse à ce courrier et n'avez jamais pris votre poste sur le site ALMA CONSULTING.

Votre absence s'étant maintenu malgré nos démarches, nous étions contraints de vous convoquer à un entretien préalable en date du 2 février 2016.

Votre comportement est inacceptable. Non seulement vous ne nous avez pas avertis de votre absence, mais cette dernière s'est maintenue malgré notre courrier vous enjoignant de justifier votre absence. Vous avez donc clairement maintenu de manière délibérée votre absence injustifiée malgré notre mise en demeure.

Votre comportement constitue une faute grave rendant impossible votre maintien dans l'entreprise.

Aussi, face à cette situation et au regard de la gravité des griefs relevés à votre encontre et qui ont des conséquences graves sur l'exploitation de notre marché, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave' "

Par requête du 16 septembre 2016, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin de contester son licenciement et de solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 8 avril 2019, le conseil de prud'hommes a débouté Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes.

Par déclaration du 12 avril 2019, Mme [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées le 22 mai 2019, elle demande à la cour de :

-fixer son salaire moyen mensuel à 478,83 euros ;

- condamner la société à lui verser 478,83 euros à titre d'indemnité de licenciement, 10 175,14 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 957,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 95,77 euros au titre des congés payés afférents ;

-condamner la société à lui fournir les documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

-condamner la société à lui payer la somme de 2 800 euros au titre de l'article 700-2 du code de procédure civile, distraits au profit de son conseil ;

-assortir les demandes en paiement de sommes d'argent des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses conclusions déposées le 23 juillet 2019, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.

Subsidiairement, elle demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte, s'agissant du salaire moyen brut, du montant de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, de débouter Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse.

À titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 2 553,73 euros bruts et de débouter Mme [Z] de toute autre demande.

En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou de " dire " qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

Sur le licenciement

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse concerne une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

Aux termes de l'article L. 1232-6 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n'est pas nécessaire. L'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs.

Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Les motifs visés par la lettre de licenciement sont l'absence de la salariée sur son poste de travail le 15 décembre 2015 sans en avoir averti son employeur, le défaut de réponse à la demande de justification du 22 décembre et la persistance de son absence.

Mme [Z] soutient qu'elle s'est rendue dans les locaux de la société pour expliquer qu'elle ne pourrait pas rejoindre le site d'Alma Consulting pour y effectuer sa prestation de travail et qu'elle souhaitait une autre affectation à [Localité 5], plus compatible avec sa situation de mère de famille. Elle ne peut cependant en justifier. Elle ajoute ne parler qu'imparfaitement le français.

Elle soutient par ailleurs que son absence était légitime au vu de sa situation familiale, qu'une autre salariée l'a remplacée et qu'en tout état de cause, l'employeur l'a licenciée trop tard pour que la faute grave puisse être caractérisée.

La société explique n'avoir pu que constater le caractère équivoque de la position de sa salariée et l'avoir en conséquence affectée sur un nouveau site. Elle ajoute que Mme [Z] ne s'est pas présentée sur le site sans lui faire part d'aucune difficulté particulière et qu'elle a fait preuve de prévenance à son égard en la mettant en demeure de justifier de son absence dans un premier temps. Elle rappelle avoir respecté le délai de 2 mois qui lui était imparti pour faire usage de son pouvoir disciplinaire.

La société ajoute que sa salariée, qui prétend mal maîtriser le français, lui a pourtant envoyé des écrits.

Il est constant que Mme [Z] ne s'est pas présentée sur son lieu d'affectation le 15 décembre et que par courrier du 22 décembre, la société lui a enjoint de justifier des motifs à l'origine de son absence et de lui communiquer la date à laquelle elle envisageait de reprendre son travail.

Ce n'est que le 2 février suivant qu'elle l'a convoquée à un entretien préalable. Cependant, la période des fêtes et le flou créé par la salariée elle-même sur son départ éventuel de l'entreprise à l'issue de son congé parental ne permettent pas de retenir que le licenciement est trop tardif pour que la faute grave soit caractérisée.

Mme [Z] affirme s'être déplacée dans les locaux de l'entreprise pour faire part de ses difficultés et solliciter une affectation plus aisée à rejoindre pour elle, mais elle ne peut justifier de ses démarches, alors qu'elle a été parfaitement en mesure d'écrire à deux reprises à son employeur avant la fin de son congé parental. Il n'est pas non plus possible de considérer que son absence était légitime.

En adressant à son employeur deux courriers contradictoires, en ne se rendant pas sur son lieu de travail et en s'abstenant de toute réponse au courrier du 22 décembre, alors que la société ne savait même pas si elle avait l'intention de reprendre une activité professionnelle, elle a causé des perturbations dans le fonctionnement de la société, qui a dû organiser son remplacement, et elle a donc commis une faute d'une importance telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise.

Le jugement sera intégralement confirmé, y compris sur la fixation du salaire moyen.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chaque partie conservera la charge de ses dépens.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 8 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le GreffierLa Présidente

Malika CHINOUNEPatricia GONZALEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 19/02602
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.02602 ?
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