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23/09/2008 | FRANCE | N°07/04849

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0109, 23 septembre 2008, 07/04849


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

3ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/04849

Décisions déférées à la Cour : Jugements du 25 Janvier 2007 - RG no 2006F00567

et du 29 Mars 2007 - RG no 2006F00800 - -Tribunal de Commerce d'EVRY

APPELANTE

S.A.S. IXSEA

prise en la personne de son Président

ayant son siège 55 Avenue Auguste Renoir

78160 MARL

Y LE ROI

représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Me Didier MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

(SCP JEAN...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

3ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/04849

Décisions déférées à la Cour : Jugements du 25 Janvier 2007 - RG no 2006F00567

et du 29 Mars 2007 - RG no 2006F00800 - -Tribunal de Commerce d'EVRY

APPELANTE

S.A.S. IXSEA

prise en la personne de son Président

ayant son siège 55 Avenue Auguste Renoir

78160 MARLY LE ROI

représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Me Didier MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

(SCP JEANTET)

INTIMÉE

S.A. SAFRAN

prise en la personne de ses représentants légaux.

ayant son siège ...

75724 PARIS CEDEX 15

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Antoine Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substituant Me Audrey A... ((ASSOCIATION GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI)

INTIMÉE et INTERVENANTE VOLONTAIRE

S.A.R.L. SAGEM NAVIGATION GMBH

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège Gottlieb-Daimler-Strasse 60 - D

71711 MURR (ALLEMAGNE)

représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Antoine Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substituant Me Audrey A... ((ASSOCIATION GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI)

S.A. EUROFOG

prise en la personne de son Président Directeur Général

ayant son siège 13 Avenue Marcel Ramolfo Garnier

91300 MASSY

représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour

assistée de Me Yves B..., avocat au barreau de PARIS, toque : B0203,

(SELARL Cabinet Yves B...)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bernadette CHAGNY, Président

Monsieur Henri LE DAUPHIN, Conseiller

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. LE DAUPHIN, conseiller le plus ancien ayant participé au délibéré, et par Mme HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par

le magistrat signataire.

Vu le jugement en date du 25 janvier 2007, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal de commerce d'Evry a :

- débouté la société par actions simplifiée Ixsea de l'intégralité de ses demandes,

- déclaré l'article 14 des statuts de la société Eurofog opposable aux actionnaires,

- complété de la manière suivante la mission de Me Florence C..., désignée en qualité de mandataire séquestre par le président du tribunal de commerce :

. exercer les droits de vote attachés aux 13.300 actions séquestrées de manière à garantir le maintien de l'équilibre des pouvoirs organisé par les statuts, notamment leur article 14, entre les actionnaires de catégorie A et les actionnaires de catégorie B,

.voter notamment toute résolution d'assemblée relative à la révocation, au renouvellement et au non renouvellement et/ou à la nomination des membres du conseil d'administration de la société anonyme Eurofog dans le strict respect des dispositions de l'article 14 des statuts de cette société, jusqu'à ce que le sort des 13.300 actions litigieuses de catégorie A soit définitivement réglé et que le cessionnaire légitime puisse valablement exercer ses droits statutaires,

- dit que la mission du mandataire-séquestre prendra fin dès que les 13.300 actions litigieuses seront acquises par un actionnaire agréé par le conseil d'administration et expirera à la date d'inscription dans le registre des mouvements de titres et des comptes d'actionnaires de la société Eurofog de la cession des 13.300 actions de catégorie A litigieuses, pour autant que cette cession intervienne conformément à une décision de justice ayant force de chose jugée ou à un accord transactionnel entre les parties concernées,

- condamné la société Ixsea à payer à chacune des sociétés Safran et Sagem Navigation GmbH la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu le jugement en date du 29 mars 2007, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal de commerce d'Evry a :

- débouté la société Ixsea de l'intégralité de ses demandes,

- reçu la société Safran en ses demandes,

- dit que le conseil d'administration de la société Eurofog devra se réunir à compter de la date à laquelle il sera recomposé, et statuer dans un délai de trois mois afin de faire racheter les 13.300 actions litigieuses,

- dit que le conseil d'administration appréciera souverainement les offres présentées par des actionnaires ou par des tiers et fera racheter les actions en conséquence,

- dit qu'à défaut pour le conseil d'administration d'Eurofog de faire racheter les actions en cause dans ce délai de trois mois, la société Safran sera, conformément à l'article L. 228-24 du code de commerce, réputée agréée en qualité d'actionnaire de la société Eurofog,

- condamné la société Ixsea à payer à la société Safran la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel du jugement du 25 janvier 2007 formé par la société Ixsea à l'encontre de la société Safran, de la société Sagem Navigation GmbH et de la société Eurofog ;

Vu l'appel du jugement du 29 mars 2007 formé par la société Ixsea à l'encontre de la société Safran et de la société Eurofog ;

Vu l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état en date du 15 mai 2007 ayant ordonné la jonction des instances nées de ces appels ;

Vu les conclusions en date du 13 mai 2008 par lesquelles la société Ixsea, appelante, demande à la cour :

- sur l'appel du jugement du 25 janvier 2007, d'infirmer ledit jugement et, en conséquence, de prononcer la nullité de la deuxième résolution et de la troisième résolution de l'assemblée générale d'Eurofog du 13 février 2007, désignant MM. D... et Rémilleux en qualité d'administrateurs, dès lors que ces résolutions ont été adoptées en exécution du jugement du 25 janvier 2007,

- sur l'appel du jugement du 29 mars 2007, d'infirmer ledit jugement et, en conséquence :

. de prononcer la nullité du conseil d'administration d'Eurofog du 9 mai 2007,

. de juger qu'Eurofog, par l'intermédiaire de son conseil d'administration, doit faire acquérir au prix de 309.471,50 euros les 13.300 actions Eurofog irrégulièrement détenues par Safran dans un délai de trois mois à compter du jugement à intervenir, conformément à l'article L. 228-24 du code de commerce, dans les termes et conditions prévues par l'article 11-II des statuts d'Eurofog,

. d'ordonner à Eurofog de convoquer un conseil d'administration à cet effet dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir,

.d'ordonner à Eurofog d'aviser les actionnaires, par lettre recommandée, de la cession projetée des 13.300 actions détenues par Safran, en invitant chaque actionnaire à lui indiquer le nombre d'actions qu'il veut acquérir, conformément à l'article 11-II des statuts d'Eurofog,

. d'ordonner à Eurofog de procéder à la répartition entre les actionnaires acheteurs des actions offertes, proportionnellement à leur participation dans le capital, et dans la limite de leurs demandes, conformément à l'article 11-II des statuts d'Eurofog,

- en tout état de cause,

. de débouter les sociétés Safran, Sagem Navigation GmbH et Eurofog de l'ensemble de leurs demandes,

. de condamner les sociétés Safran et Sagem Navigation GmbH à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 7 avril 2008 par lesquelles la société Eurofog, intimée, demande à la cour,

- sur l'appel du jugement du 25 janvier 2007, de confirmer ce jugement et de débouter la société Ixsea de toutes ses demandes,

- sur l'appel du jugement du 29 mars 2007,

. de confirmer ce jugement en ce qu'il a ordonné l'application du dispositif de l'article L. 228-4 du code de commerce et débouté la société Ixsea de toutes ses demandes,

. de rejeter, en conséquence, les demandes de la société Ixsea tendant à voir appliquer le mécanisme de préemption proportionnelle de la clause d'agrément statutaire figurant à l'article 11 des statuts de la société Eurofog,

. de dire que toutes les mesures provisoires ordonnées antérieurement prendront fin dès le prononcé du présent arrêt et que la cession des 13.300 actions Eurofog détenues par Safran pourra intervenir, conformément à la décision du conseil d'administration du 9 mai 2007, au profit de la société Sagem Navigation GmbH,

- de condamner la société Ixsea à lui payer la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 9 juin 2008 par lesquelles la société Safran, intimée, demande à la cour :

- de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 25 janvier 2007,

- de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 29 mars 2007 et, en conséquence, de constater qu'il est mis fin à l'incessibilité et au séquestre des 13.300 actions de catégorie A dont le transfert a été annulé et que ces actions peuvent être cédées par Safran à Sagem Navigation GmbH à un prix de 620.000 euros conformément à l'offre de Sagem Navigation GmbH et aux délibérations du conseil d'administration d'Eurofog du 9 mai 2007,

- à supposer que la cour infirme l'un des jugements déférés et juge qu'il y a lieu d'appliquer un dispositif différent de celui retenu par le premier juge et mis en oeuvre au sein des organes sociaux d'Eurofog, de juger que Safran disposera, en tout état de cause, avant mise en oeuvre d'une quelconque procédure de cession forcée des 13.300 actions de catégorie A dont le transfert a été annulé, d'un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir pour céder lesdites actions au cessionnaire de son choix, aux conditions que Safran aura négociées, sous la seule réserve que le cessionnaire soit actionnaire ou agréé en qualité d'actionnaire d'Eurofog,

- de débouter la société Ixsea de toutes ses demandes,

- de la condamner à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 9 juin 2008 par lesquelles la société Sagem Navigation GmbH, intimée et intervenante, demande à la cour :

- de la déclarer recevable en son intervention volontaire à l'instance d'appel du jugement du 29 mars 2007,

- de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 25 janvier 2007,

- de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 29 mars 2007, en conséquence, de constater qu'il est mis fin à l'incessibilité et au séquestre des 13.300 actions de catégorie A dont le transfert a été annulé et que ces actions peuvent lui être cédées à un prix de 620.000 euros conformément à son offre et aux délibérations du conseil d'administration d'Eurofog du 9 mai 2007,

- de débouter la société Ixsea de l'ensemble de ses demandes,

- de la condamner à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur ce :

Considérant qu'en exécution d'un protocole d'accord du 21 décembre 1995 conclu entre la société SFIM Industries, la société SFIM Navigation GmbH, filiale de la première, aujourd'hui dénommée Sagem Navigation GmbH, d'une part, et la société Photonetics, d'autre part, il a été constitué entre ces sociétés, le 17 avril 1997, une société anonyme dénommée Eurofog, ayant pour mission principale la commercialisation des activités de développement et de fabrication de ses actionnaires dans le domaine des gyroscopes à fibre optique destinés aux secteurs aéronautique, spatial et militaire ;

Considérant qu'en rémunération de leurs apports de droits de propriété industrielle (brevets et licences de brevets) nécessaires à cette activité, les sociétés SFIM Industries, SFIM Navigation GmbH et Photonetics se sont vu attribuer, respectivement, 13.300 actions soit 58,85% du capital, 1.600 actions, soit 7,07% du capital et 7.700 actions , soit 34,07% du capital ;

Considérant que conformément au protocole d'accord du 21 décembre 2005, les statuts (article 7) prévoient que les actions sont divisées en deux catégories : les actions "A", qui sont "celles détenues par le groupe SFIM ou ses représentants" et les actions "B", qui sont "celles détenues par le groupe Photonetics ou ses représentants" ; que le groupe SFIM détenait 14.900 actions, de catégorie A, et Photonetics 7.700 actions, de catégorie B ;

Considérant que l'article 11 des statuts soumet à l'agrément du conseil d'administration les cessions d'actions autres que celles consenties aux "filiales contrôlées majoritairement par l'un ou l'autre des actionnaires" ; qu'il précise que ces dispositions sont applicables en cas de fusion ou de scission ;

Considérant que l'article 12 énonce que "les droits et obligations attachés à l'action suivent le titre en quelque main qu'il passe" ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 "A tout moment, les administrateurs seront choisis à hauteur de soixante pour cent parmi les actionnaires de catégorie "A" et à hauteur de quarante pour cent parmi les actionnaires de catégorie "B"." ;

Considérant qu'à la suite de la prise de contrôle, en janvier 1999, de la société holding du groupe SFIM par la société Sagem, devenue la société Safran, sept sociétés appartenant au groupe SFIM, dont la société SFIM industries, ont fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Sagem conformément à une délibération de l'assemblée des actionnaires de cette dernière en date du 10 mai 2000 ;

Considérant que le 5 octobre 2000, la société Photonetics a cédé à sa filiale, la société Ixsea, sa participation dans la société Eurofog ;

Considérant qu'à la suite de ces opérations le capital de la société Eurofog était réparti entre cinq actionnaires de catégorie A, à savoir la société Sagem (13.300 actions), la société Sagem Navigation GmbH (1.598 actions), M. Jacques E... (une action) et M. F... Philippe (une action), ces deux derniers étant membres du conseil d'administration, et un actionnaire de catégorie B, la société Ixsea (7.700 actions) ;

Considérant que, saisi par la société Ixsea, le tribunal de commerce d'Evry a, par jugement du 8 janvier 2004, annulé, en application des dispositions de l'article L. 228-23 du code de commerce, le transfert par la société SFIM Industries à la société Sagem de ses actions Eurofog, en raison de l'inobservation de la clause d'agrément statutaire préalablement à l'opération d'absorption de celle-là par celle-ci, ordonné l'incessibilité des actions de la société Sagem dans le capital d'Eurofog et institué une mesure d'expertise aux fins de fixation du prix des actions en application de l'article 1843-4 du code civil ;

Considérant que le jugement du 8 janvier 2004 a été confirmé par arrêt de cette cour du 9 février 2006, devenu irrévocable à la suite du rejet, le 15 mai 2007, du pourvoi formé par les sociétés Eurofog et Safran à l'encontre de cette décision ;

Considérant que pour confirmer ledit jugement, y compris en sa disposition relative à l'expertise, l'arrêt du 9 février 2006 a retenu "qu'il y a lieu d'appliquer le dispositif de rachat prévu à l'article L. 228-24 du code de commerce en cas de refus d'agrément, étant observé que ce dispositif vise à tirer les conséquences d'un défaut d'agrément, ce qui correspond à la situation de la société Sagem, qui n'a pas reçu l'agrément du conseil d'administration" ;

Considérant qu'alors qu'une assemblée générale de la société Eurofog devait se tenir au plus tard le 30 juin 2006 et statuer sur le renouvellement du mandat de deux des trois membres du conseil d'administration, MM. E..., président du conseil d'administration, et Philippe, titulaires d'actions de catégorie A, par ailleurs respectivement membre du directoire et directeur financier de la société Safran, la société Ixsea, qui faisait valoir que la société Safran n'avait plus la qualité d'actionnaire de la société Eurofog et que la composition du conseil d'administration devait être reconsidérée afin de tenir compte de la nullité du transfert des actions Eurofog de SFIM Industries à Safran, a demandé par lettre du 11 avril 2006 que soient désignés en remplacement de MM. E... et Philippe deux nouveaux administrateurs de son choix ; que les sociétés Safran et Sagem Navigation GmbH ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry qui, par ordonnance du 31 mai 2006, a désigné Me Florence C... en qualité de mandataire séquestre avec pour mission de conserver les actions détenues par la société Safran, à titre de séquestre, et d'exercer les droits de vote attachés à ces actions de manière à garantir le maintien de l'équilibre des pouvoirs organisé par les statuts, notamment leur article 14, entre les actionnaires de catégorie A et ceux de catégorie B ;

Considérant que la société Ixsea ayant fait appel de cette ordonnance, le président du tribunal de commerce d'Evry a, par ordonnance rendue sur requête de la société du 19 juin 2006, ajourné l'assemblée qui devait se tenir avant le 30 juin 2006 ;

Considérant que cette cour ayant par un arrêt du 21 juin 2006, lequel a été cassé dans toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2007, infirmé l'ordonnance du 31 mai 2006 mais seulement en ce que celle-ci avait donné pour mission au mandataire séquestre d'exercer les droits de vote attachés aux actions litigieuses de manière à garantir le maintien de l'équilibre des pouvoirs organisé par les statuts, notamment leur article 14, entre les actionnaires de catégorie A et ceux de catégorie B, et ce au motif, ultérieurement tenu pour erroné par la Cour de cassation, que cette mission excédait les pouvoirs du juge des référés, les sociétés Safran et Sagem Navigation GmbH ont assigné les sociétés Eurofog et Ixsea devant le tribunal de commerce d'Evry afin de voir désigner un mandataire de justice ayant pour mission d'exercer les droits de vote attachés aux 13.300 actions séquestrées de manière à garantir le maintien de l'équilibre des pouvoirs organisé par les statuts, notamment leur article 14, entre les actionnaires de catégorie A et ceux de catégorie B ;

Considérant que c'est dans ces circonstances qu'est intervenu le jugement du 25 janvier 2007 dont le dispositif est ci-dessus reproduit ;

Considérant que l'assemblée générale d'approbation des comptes de l'exercice 2005 de la société Eurofog s'est tenue le 13 février 2007 après avoir été reportée ; que lors de cette assemblée ont été nommés en qualité de membres du conseil d'administration de la société Eurofog MM. D... (deuxième résolution) et Rémilleux (troisième résolution), ces administrateurs, titulaires chacun d'une action de catégorie A, remplaçant MM. E... et Philippe ; que ces résolutions ont été adoptées avec les votes attachés aux 13.300 actions séquestrées exercés par Me Florence C... conformément aux dispositions du jugement du 25 janvier 2007, exécutoire par provision ; qu'ont été, en outre, nommés en qualité de membres du conseil d'administration, la société Sagem Navigation GmbH, titulaire de 1.597 actions de catégorie A, ainsi que M. G..., titulaire d'une action de catégorie B, la société Ixsea, titulaire de 7.699 actions de catégorie B, conservant, de son côté, son mandat d'administrateur ;

Considérant que l'instance ayant donné lieu au jugement du 8 janvier 2004 tranchant une partie du principal et ordonnant une expertise, confirmé par l'arrêt du 9 février 2006, ayant été reprise après le prononcé de cet arrêt, le tribunal de commerce a été appelé à trancher entre les prétentions des sociétés Ixsea, d'une part, Eurofog et Safran, d'autre part, celles-ci concluant à l'application des seules dispositions de l'article L. 228-24 du code de commerce tandis que celle-là soutenait que ce dispositif devait être complété par les dispositions de l'article 11 § II des statuts d'Eurofog prévoyant, en cas de décision de refus d'acceptation d'une cession d'actions soumise à la clause d'agrément et lorsque le cédant ne renonce pas à son projet, un droit de préférence au profit des actionnaires, la répartition des actions offertes devant alors être effectuée entre les actionnaires acheteurs proportionnellement à leur participation dans le capital, dans la limite de leur demande ;

Considérant que le tribunal ayant, par le jugement du 29 mars 2007 fait droit aux demandes des sociétés Eurofog et Safran, le conseil d'administration d'Eurofog s'est réuni dans le délai fixé par ledit jugement, exécutoire par provision, et a, dans sa séance du 9 mai 2007, décidé de retenir l'offre d'achat des 13.300 actions Eurofog détenues par la société Safran faite par la société Sagem Navigation GmbH pour le prix de 620.000 euros, écartant ainsi l'offre d'achat des mêmes actions faite par la société Ixsea pour le prix de 309.471,50 euros, correspondant à l'évaluation retenue par l'expert désigné par le jugement du 8 janvier 2004 ;

Considérant qu'au soutien de l'appel visant le jugement du 25 janvier 2007, la société Ixsea fait valoir que les demandes de la société Safran sont irrecevables ; qu'elle expose à cette fin que le transfert à la société Safran des 13.300 actions litigieuses ayant été frappé de nullité, celle-ci n'a pas la qualité d'actionnaire, qu'elle ne saurait donc exercer le moindre droit attaché auxdites actions et qu'étant un tiers par rapport à Eurofog, elle ne peut prétendre formuler une demande tendant à l'application de l'article 14 des statuts d'une société à laquelle elle n'appartient pas ;

Mais considérant que s'il est exact qu'en raison de l'annulation du transfert d'actions opéré lors de l'absorption de la société SFIM Industries par la société Safran en violation de la clause d'agrément, cette dernière ne peut exercer les prérogatives attachées à la qualité d'actionnaire, il n'en reste pas moins vrai qu'ayant recueilli le patrimoine de la société absorbée, elle a reçu la propriété de 13.300 actions de catégorie A, qu'à ce titre elle a vocation à recevoir le produit de leur cession, à laquelle elle est tenue de procéder, et a intérêt à agir afin de faire respecter les droits spécifiquement attachés non à la personne de l'actionnaire mais aux actions de catégorie A, incluant ceux résultant de l'article 14 des statuts de la société Eurofog et qui constituent un élément de leur valorisation ;

Considérant que l'appelante expose, sur le fond, que la question est de savoir si le privilège attaché aux actions de catégorie A relativement à la nomination des membres du conseil d'administration peut être exercé individuellement par un unique actionnaire de catégorie A, en l'occurrence la société Sagem Navigation GmbH, ou si, à l'inverse, ce droit ne peut être exercé que collectivement par l'ensemble des actionnaires de catégorie A ; que selon l'appelante, il résulte du rapprochement des articles 7 et14 des statuts de la société Eurofog, lesquels procèdent de l'article 4 du pacte d'actionnaires du 12 décembre 1995 prévoyant la constitution "de deux groupes d'actionnaires" devant être représentés au conseil d'administration, le premier par trois administrateurs, le second par deux administrateurs, que le droit de désigner 60% des administrateurs de la société Eurofog, tel que prévu à l'article 14 des statuts, est réservé aux actionnaires de catégorie A représentant 66% du capital de la société ; qu'elle en déduit que la société Sagem Navigation GmbH étant titulaire d'actions de catégorie A ne représentant que 7% du capital de la société Eurofog, il y a lieu d'infirmer le jugement du 25 janvier 2007 et de prononcer la nullité des deuxième et troisième résolutions de l'assemblée générale d'Eurofog du 13 février 2007 désignant MM. D... et Rémilleux, actionnaires de catégorie A, en qualité d'administrateurs dès lors que ces résolutions ont été adoptées en exécution du jugement susvisé ;

Mais considérant que cette argumentation se heurte, ainsi que le relèvent les intimées, aux termes clairs et précis de l'article 14 des statuts de la société Eurofog selon lesquels "à tout moment, les administrateurs seront choisis à hauteur de soixante pour cent parmi les actionnaires de catégorie "A" et à hauteur de quarante pour cent parmi les actionnaires de la catégorie "B" ; qu'ainsi le premier juge n'a fait qu'assurer le respect de cette disposition en chargeant le mandataire séquestre des 13.300 actions de catégorie A en instance de cession de voter toute résolution d'assemblée relative à la révocation, au renouvellement ou au non renouvellement et/ou à la nomination des membres du conseil d'administration de la société anonyme Eurofog dans le strict respect des dispositions de l'article 14 des statuts de cette société, jusqu'à ce que le sort des 13.300 actions litigieuses de catégorie A soit définitivement réglé et que le cessionnaire légitime puisse valablement exercer ses droits statutaires ; qu'au demeurant, la mise en oeuvre de la thèse défendue par la société Ixsea, loin de correspondre à la volonté clairement exprimée par les parties à l'acte du 12 décembre 1995 comme par les signataires des statuts, laquelle trouve une autre traduction dans les termes ci-dessus reproduits de l'article 12 des statuts, conduirait, en méconnaissance de cette volonté, à remettre la composition du conseil d'administration à la discrétion de la seule société Ixsea, actionnaire de catégorie B et, par voie de conséquence, à imposer le transfert à cette dernière, actionnaire minoritaire, du contrôle de la société Eurofog ;

Considérant qu'à l'appui de son appel du jugement du 25 mars 2007, la société Ixsea fait valoir que la procédure de rachat des actions dont la cession n'a pas été agréée, prévue par les statuts de la société Eurofog (article 11 § II-2), laquelle confère un droit de préférence au profit des actionnaires qui doivent être invités par le conseil d'administration à lui indiquer le nombre d'actions qu'ils veulent acquérir, la répartition se faisant entre eux proportionnellement à leur participation dans le capital, aurait dû être observée par le conseil d'administration lors de sa séance du 9 mai 2007 ; qu'en effet, il n'existe aucune opposition entre le dispositif de rachat de l'article L. 228-24 du code de commerce et les statuts de la société Eurofog qui, tous deux, prévoient que le conseil d'administration est appelé à désigner un cessionnaire des actions (actionnaire ou tiers) au prix fixé par expert en l'absence d'accord, les statuts précisant les conditions dans lesquelles les dispositions légales s'appliquent dans Eurofog et ce, par l'octroi d'un droit de préférence au profit des actionnaires, avant la désignation d'un tiers extérieur à la société ; que la société Ixsea en déduit qu'il y a lieu d'annuler la décision du conseil d'administration du 9 mai 2007 pour violation de l'article 11 § II des statuts et de dire qu'Eurofog, par l'intermédiaire de son conseil d'administration, doit faire acquérir au prix de 309.471,50 euros les 13.300 actions irrégulièrement détenues par la société Safran dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir, conformément à l'article L. 228-24 du code de commerce, dans les termes et conditions prévus par l'article 11 § II des statuts d'Eurofog, la répartition entre les actionnaires acheteurs devant se faire proportionnellement à leur participation dans le capital ;

Mais considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 11 § II-2 des statuts de la société Eurofog que la procédure de rachat qu'il prévoit s'applique, ainsi que le relève la société Safran, dans le cas où un actionnaire, après s'être heurté à un refus d'agrément, décide librement de maintenir son projet de cession, en sachant que le jeu du droit de préférence bénéficiant aux autres actionnaires peut éventuellement conduire à une cession d'actions d'un groupe à l'autre et en conséquence au déclassement de tout ou partie des actions cédées qui, conformément à l'article 12 des statuts, entrent alors de plein droit dans la catégorie à laquelle appartient le titulaire des actions ; mais que le dispositif statutaire laisse en dehors de ses prévisions l'hypothèse, qui est celle de l'espèce, où, le transfert des titres ayant été annulé et le cédant ayant disparu par l'effet de l'opération de fusion-absorption, le droit de repentir ne peut être exercé de sorte qu'aucune option n'est ouverte au propriétaire des titres irrégulièrement acquis, qui ne peut que les céder sans pouvoir prétendre être réputé agréé dans les conditions prévues à l'article L. 228-24, al. 3, du code de commerce ;

Considérant, au surplus, que les dispositions de l'article L. 228-24 du code de commerce, justement qualifiées d'impératives par la société Ixsea, et dont aucune des parties ne discute l'applicabilité en l'espèce, ayant pour finalité de protéger les intérêts du cédant, ne sauraient être tenues en échec par une clause des statuts dont la mise en oeuvre, loin de se borner à préciser le dispositif légal, contredirait celui-ci en le retournant contre les intérêts patrimoniaux de la société Safran qui serait contrainte de céder à la société Ixsea non seulement la majorité des actions qui appartenaient à la société absorbée mais encore le contrôle de la société Eurofog et ce alors même que les statuts de la société Eurofog ont été manifestement conçus en vue de favoriser le maintien de l'équilibre initial entre le groupe majoritaire et le groupe minoritaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du 29 mars 2007 mérite également confirmation, sauf en ce qu'il a dit, à tort, qu'à défaut pour le conseil d'administration d'Eurofog de faire racheter les actions en cause, la société Safran serait réputée agréée en qualité d'actionnaire, observation étant par ailleurs faite qu'il y a eu depuis le prononcé dudit jugement accord sur le prix, soit la somme de 620.000 euros, supérieure à celle retenue par l'expert (309.471,50 euros), entre le cédant et la société Sagem Navigation GmbH, candidat acheteur retenu, le 9 mai 2007, par le conseil d'administration de la société Eurofog ;

Et considérant qu'il y a lieu, en outre, de dire qu'il est mis fin par le présent arrêt aux mesures d'incessibilité et de séquestre affectant les 13.300 actions détenues par la société Safran et que la délibération du conseil d'administration de la société Eurofog décidant de retenir l'offre de la société Sagem Navigation GmbH et, en conséquence, de faire racheter par celle-ci lesdites actions au prix de 620.000 euros peut produire effet ;

Considérant qu'il convient de rejeter les demandes réciproquement formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'instance ayant donné lieu au jugement du 25 mars 2007 et au titre de l'instance d'appel ;

Par ces motifs :

Déclare la société Sagem Navigation GmbH recevable en son intervention volontaire à l'instance née de l'appel du jugement du 25 mars 2007 ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 25 janvier 2007 ;

Confirme le jugement du 29 mars 2007, sauf en sa disposition énonçant qu'à défaut pour le conseil d'administration de la société Eurofog de faire racheter les actions en cause, la société Safran serait réputée agréée en qualité d'actionnaire et en sa disposition relative à l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme de ces chefs,

Y ajoutant et statuant à nouveau :

Dit qu'il est mis fin par le présent arrêt aux mesures d'incessibilité et de séquestre affectant les 13.300 actions détenues par la société Safran et que la délibération du conseil d'administration de la société Eurofog en date du 9 mai 2007 décidant de retenir l'offre de la société Sagem Navigation GmbH et, en conséquence, de faire racheter par celle-ci lesdites actions au prix de 620.000 euros peut produire effet ;

Condamne la société Ixsea aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

P/LE PRÉSIDENT,

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,

M.C HOUDIN H. LE DAUPHIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0109
Numéro d'arrêt : 07/04849
Date de la décision : 23/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce d'Evry, 25 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-09-23;07.04849 ?
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